L’Encyclopédie/1re édition/NATURALITÉ

NATURE  ►

NATURALITÉ, s. f. (Jurisprudence.) est l’état de celui qui est naturel d’un pays ; les droits de naturalité ou de regnicolat sont la même chose. Les lettres de naturalité sont des lettres de chancellerie, par lesquelles le prince déclare que quelqu’un sera repute naturel du pays, & jouira des mêmes avantages que ses sujets naturels.

Ceux qui ne sont pas naturels d’un pays, ou qui n’y ont pas été naturalités, y sont étrangers ou aubains, quasi alibi nati.

La distinction des naturels du pays d’avec les étrangers, & l’usage de naturaliser ces derniers, ont été connus dans les anciennes républiques.

A Athènes, suivant la premiere institution, un étranger ne pouvoit être fait citoyen que par les suffrages de six mille personnes, & pour de grands & signalés services.

Ceux de Corinthe, après les grandes conquêtes d’Alexandre, lui envoyerent offrir le titre de citoyen de Corinthe qu’il méprisa d’abord ; mais les ambassadeurs lui ayant remontré qu’ils n’avoient jamais accordé cet honneur qu’à lui & à Hercule, il l’accepta.

On distinguoit aussi à Rome les citoyens ou ceux qui en avoient la qualité de ceux qui ne l’avoient pas.

Les vrais & parfaits citoyens, qui optimâ lege cives à Romanis dicebantur, étoient les Ingemes, habitans de Rome & du territoire circonvoisin ; ceux-ci participoient à tous les privileges indistinctement.

Il y avoit des citoyens de droit seulement, c’étoient ceux qui demeuroient hors le territoire particulier de la ville de Rome, & qui avoient néanmoins le nom & les droits des citoyens romains, soit que ce privilege leur eût été accordé à eux personnellement, ou qu’ils demeurassent dans une colonie ou ville municipale qui eût ce privilege : ces citoyens de droit ne jouissoient pas de certains privileges qui n’étoient propres qu’aux vrais & parfaits citoyens.

Il y avoit enfin des citoyens honoraires, c’étoient ceux des villes libres qui restoient volontairement adjointes à l’état de Rome quant à la souveraineté, mais non quant aux droits de cité, ayant voulu avoir leur cité, leurs lois, & leurs officiers à part ; les privileges de ceux-ci avoient encore moins d’étendue que ceux des citoyens de droit.

Ceux qui n’étoient point citoyens de fait ni de droit, ni même honoraires, étoient appellés étrangers, ils avoient un juge particulier pour eux appellé prætor peregrinus.

En France, tous ceux qui sont nés dans le royaume & sujets du roi sont naturels François ou régnicoles ; ceux qui sont nés hors le royaume, sujets d’un prince étranger, & chez une nation à laquelle le roi n’a point accordé le privilege de jouir en France des mêmes privileges que les régnicoles, sont réputés aubains ou étrangers, quoiqu’ils demeurent dans le royaume, & ne peuvent effacer ce vice de perégrinité qu’en obtenant des lettres de naturalité.

Anciennement ces lettres se nommoient lettres de bourgeoisie, comme s’il suffisoit d’être bourgeois d’une ville pour être réputé comme les naturels du pays. Il y a au trésor des chartes un grand nombre de ces lettres de bourgeoisie, qui ne sont autre chose que des lettres de naturalité accordées à des étrangers du tems de Charles VI. on se faisoit encore recevoir bourgeois du roi pour participer aux privilege des regnicoles.

Dans la suite ces lettres ont été appellés lettres de naturalité.

Il n’appartient qu’au roi seul de naturaliser les étrangers ; aucun seigneur, juge, ni cour souveraine n’a ce droit.

Néanmoins la naturalisation se fait sans lettres pour les habitans de Tournay, suivant les lettres patentes de François I. & Henri II. de 1521 & 1552 une simple déclaration de naturalité suffit, elle s’accorde quelquefois par les juges royaux. Voyez l’Inst. au Droit belgique, pag. 34.

Il y a des lettres de naturalité accordées à des nations entieres qui sont alliées de la France, de maniere que ceux de ces pays qui viennent s’établir en France y jouissent de tous les privileges des régnicoles sans avoir besoin d’obtenir des lettres particulieres pour eux.

Les lettres de naturalité s’accordent en la grande chancellerie, elles doivent être registrées en la chambre du domaine & en la chambre des comptes. Voyez Bacquet, du droit d’aubaine, & Aubain, Étranger, Lettres de naturalité, Naturalisation. (A)