L’Encyclopédie/1re édition/ETRANGER

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ETRANGER, s. m. (Droit polit.) celui qui est né sous une autre domination & dans un autre pays que le pays dans lequel il se trouve.

Les anciens Scythes immoloient & mangeoient ensuite les étrangers qui avoient le malheur d’aborder en Scythie. Les Romains, dit Cicéron, ont autrefois confondu le mot d’ennemi avec celui d’étranger : peregrinus antea dictus hostis. Quoique les Grecs fussent redevables à Cadmus, étranger chez eux, des sciences qu’il leur apporta de Phénicie, ils ne purent jamais sympathiser avec les étrangers les plus estimables, & ne rendirent point à ceux de cet ordre qui s’établirent en Grece, les honneurs qu’ils méritoient. Ils reprocherent à Antisthene que sa mere n’étoit pas d’Athenes ; & à Iphicrate, que la sienne étoit de Thrace : mais les deux philosophes leur répondirent que la mere des dieux étoit venue de Phrygie & des solitudes du mont Ida, & qu’elle ne laissoit pas d’être respectée de toute la terre. Aussi la rigueur tenue contre les étrangers par les républiques de Sparte & d’Athenes, fut une des principales causes de leur peu de durée.

Alexandre au contraire ne se montra jamais plus digne du nom de grand, que quand il fit déclarer par un édit, que tous les gens de bien étoient parens les uns des autres, & qu’il n’y avoit que les méchans seuls que l’on devoit réputer étrangers.

Aujourd’hui que le commerce a lié tout l’univers, que la politique est éclairée sur ses intérêts, que l’humanité s’étend à tous les peuples, il n’est point de souverain en Europe qui ne pense comme Alexandre. On n’agite plus la question, si l’on doit permettre aux étrangers laborieux & industrieux, de s’établir dans notre pays, en se soûmettant aux lois. Personne n’ignore que rien ne contribue davantage à la grandeur, la puissance & la prospérité d’un état, que l’accès libre qu’il accorde aux étrangers de venir s’y habituer, le soin qu’il prend de les attirer, & de les fixer par tous les moyens les plus propres à y réussir. Les Provinces-unies ont fait l’heureuse expérience de cette sage conduite.

D’ailleurs on citeroit peu d’endroits qui ne soient assez fertiles pour nourrir un plus grand nombre d’habitans que ceux qu’il contient, & assez spacieux pour les loger. Enfin s’il est encore des états policés où les lois ne permettent pas à tous les étrangers d’acquérir des biens-fonds dans le pays, de tester & de disposer de leurs effets, même en faveur des régnicoles ; de telles lois doivent passer pour des restes de ces siecles barbares, où les étrangers étoient presque regardés comme des ennemis. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Etranger, (Jurispr.) autrement aubain. Voyez Aubain & Régnicole.

Etranger se dit aussi de celui qui n’est pas de la famille. Le retrait lignager a lieu contre un acquéreur étranger, pour ne pas laisser sortir les biens de la famille.

Etranger, (droit) voyez ci-dev. au mot Droit, à l’article Droit étranger, & aux differens articles du droit de chaque pays. (A)