L’Encyclopédie/1re édition/RAPPEL

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RAPPEL, s. m. (Jurisprud.) ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes, & il y a diverses sortes de rappels.

Rappel de ban, c’est lorsque quelqu’un qui a été banni d’un lieu y est rappellé, & qu’il a permission d’y revenir ; ce rappel se fait par lettres du prince, qui ne peuvent être scellées qu’en la grand-chancellerie ; l’arrêt ou jugement de condamnation doit être attaché sous le contre-scel des lettres, faute de quoi les juges ne doivent y avoir aucun égard ; ces lettres doivent être enthérinées sans examiner si elles sont conformes aux charges & informations, sauf aux cours à représenter ce qu’elles jugeront à propos : si c’est un gentilhomme qui obtient de telles lettres, sa qualité de gentilhomme doit y être exprimée nommément afin que les lettres soient adressées à qui il convient. Voyez le titre 16. de l’ordonnance criminelle & le mot Bannissement.

Rappel par bourse, en Normandie, c’est le retrait lignager qui se fait d’un héritage en remboursant le prix à l’acquéreur ; cette dénomination vient sans doute de ce que pour parvenir au retrait il faut faire offre de bourse, deniers, &c. c’est pourquoi l’on dit, rappeller par bourse l’héritage. Anc. cout. de Normandie, ch. cxvj.

Rappel de cause, ou plutôt réappel, est un second appel que le juge fait faire d’une cause à l’audience, soit que les parties ou leurs défenseurs ne se soient pas trouvés à l’audience lorsque la cause y a été appellée la premiere fois, ou que la cause ne fût pas en état ; quand une cause est appellée sur le rôle, & qu’elle n’est pas en état, on ordonne qu’elle sera réappellée sur le rôle dans le tems qui est indiqué. Voyez Rôle.

Rappel de galeres, est lorsqu’un homme condamné aux galeres a permission de quitter & de revenir. Cette grace s’accorde par des lettres de grand-chancellerie, de même que le rappel de ban, & ces lettres sont sujettes aux mêmes formalités. Voyez rappel de ban, & le mot Galeres.

Rappel extra terminos, on sous-entend juris, est un rappel à succession qui est fait hors les termes de droit, c’est-à-dire qui rappelle à une succession quelqu’un qui est hors les termes de la représentation. Voyez ci-après, rappel à succession.

Rappel intra terminos, ou intra terminos juris, est un rappel à succession qui est fait dans les termes de droit, c’est-à-dire qui n’excede point les termes de la représentation. Voyez ci-après rappel à succession.

Rappel ou réappel sur le rôle. Voyez ci-devant rappel de cause.

Rappel à succession, est une disposition entre-vifs ou testamentaire, par laquelle on rappelle à sa succession quelqu’un qui n’y viendroit pas sans cette disposition.

On distingue quatre sortes de rappels en fait de succession ; savoir celui qui se fait dans le cas de l’exclusion coutumiere des filles dotées ; celui qui se fait dans le cas de la renonciation expresse des filles dotées ; celui qui répare le défaut de représentation ; enfin celui qui releve les enfans de leur exhérédation.

Le rappel qui se fait dans le cas de l’exclusion coutumiere des filles dotées est d’autant plus favorable que cette exclusion n’étant fondée que sur une présomption de la volonté de celui qui a doté, dès qu’il y a preuve qu’il a ordonné le contraire, sa volonté fait cesser la présomption de la loi.

Ce rappel doit être fait par les pere, mere, ayeul, ou ayeule, étant les seuls qui soient obligés de doter, & qui excluent les filles des successions en les dotant, ce qui a été ainsi établi en faveur des mâles ; il y a cependant des coutumes qui permettent aux freres de rappeller leur sœur qu’ils ont dotée, telle que la coutume d’Auvergne. Quelques-unes, comme celle du Maine, ne permettent pas le rappel à la mere, parce qu’elles ne lui donnent pas le pouvoir d’exclure sa fille en la dotant.

Quand le pere & la mere ont doté, soit conjointement ou séparément, & qu’il n’y a que l’un des deux qui fait le rappel, en ce cas ce rappel n’a d’effet que pour la succession de celui qui l’a ordonné.

Dans quelques coutumes telles que Auvergne, Bourbon, Maine & la Marche, ce rappel ne peut être fait que par le premier contrat de mariage de la fille ; si c’est par quelqu’autre acte, il ne peut être fait que du consentement des mâles ; dans les autres coutumes on peut faire le rappel par tel acte que l’on juge à propos, & sans le consentement des autres héritiers.

Le rappel de la fille vaut une institution contractuelle, de maniere qu’en cas de prédécès de cette fille, il se transmet à ses enfans, quoiqu’ils ne soient pas aussi rappellés nommément.

Dans ces coutumes où la seule dotation de la fille opere son exclusion des successions paternelles & maternelles, si le pere mariant sa fille, lui donne en avancement d’hoirie, il est censé la réserver à succession, & lorsqu’en la dotant, il la fait renoncer aux successions directes, sans parler des successions collatérales, la fille n’est point exclue de celles-ci, parce que l’exclusion générale prononcée par la loi n’a plus lieu, dès que le pere a parlé autrement.

L’effet du rappel des filles est différent dans ces mêmes coutumes d’exclusion, selon l’acte par lequel il est fait : si la réserve de la fille est faite par son premier contrat de mariage, la fille vient per modum successionis ; mais la réserve faite par tout autre acte, n’opere pas plus qu’un simple legs, à moins que les freres n’ayent consenti au rappel.

Le rappel est irrévocable dans les coutumes où il doit être fait par contrat de mariage, comme dans celles d’Auvergne & de Bourbonnois ; au lieu que dans les coutumes où les filles mariées ne sont pas excluses de plein droit, le rappel est toujours révocable par quelque acte que ce soit.

Il y a dans les coutumes d’exclusion, une autre sorte de rappel qu’on peut appeller légal, qui a lieu en faveur des filles qui étoient excluses, par le prédécès des mâles, ou lorsque les mâles ayant survêcu, ont renoncé à la succession ; il en est parlé dans l’article 309 de la coutume de Bourbonnois.

Pour ce qui est du rappel qui se fait dans le cas de la rénonciation expresse des filles dotées, rien n’est plus favorable, puisque c’est un retour au droit commun, & que le rappel rétablit l’égalité entre tous les enfans.

Quelque autorité que le pere ait dans sa famille, & que le mari ait sur sa femme, il ne peut pas faire pour elle le rappel : ce seroit faire pour elle un testament.

Par quelque acte que la mere rappelle ses filles à sa succession, elle n’a pas besoin de l’autorisation de son mari, parce que c’est une disposition qui touche sa succession. Il faut seulement excepter les coutumes qui requierent expressément cette formalité, comme celles du duché de Bourgogne, de Nivernois & de Normandie.

Le consentement des freres n’est pas nécessaire, si ce n’est dans les coutumes d’exclusion qui requierent ce consentement dans le cas d’une renonciation tacite, telles que Bourbonnois, Auvergne & la Marche ; à plus forte raison est-il nécessaire dans ces coutumes, lorsque la renonciation est expresse.

Le rappel de la fille qui n’est excluse qu’en conséquence d’une renonciation expresse, peut être fait par acte entrevifs ou par testament ; & dans ces coutumes, la fille ainsi rappellée vient en qualité d’héritiere.

Le pere peut toujours révoquer ce rappel par quelque acte qu’il soit fait, à moins qu’il n’eût été fait par le second mariage de la fille.

Les freres peuvent eux-mêmes faire le rappel ; & quand ils y ont donné leur consentement, ils ne peuvent plus le révoquer, si ce n’est dans le cas où le pere révoqueroit le rappel par lui fait.

Quant au rappel qui a pour objet de réparer le défaut de représentation, pour savoir dans quelles coutumes il a lieu, il faut distinguer.

Dans les coutumes telles que Paris & autres qui admettent la représentation à l’infini en directe & dans la collatérale, au profit des enfans des freres succédans avec leurs oncles freres du défunt, le rappel est inutile, n’ayant pas plus d’effet qu’un simple legs.

Le rappel est pareillement inutile dans les coutumes telles que celle de Valois, qui admettent la représentation entre les cousins germains ; car si on veut étendre la représentation au-delà, le rappel ne vaut que per modum legati.

Il seroit encore plus inutile de faire un rappel dans les coutumes qui admettent la représentation à l’infini, tant en directe que collatérale, puisque la loi même a pourvu à ce que l’on ordonneroit par le rappel.

Mais le rappel peut être utile dans les coutumes qui ne font aucune mention de la représentation en collatérale, comme celle de Meaux, & il est surtout usité dans celles qui rejettent formellement la représentation en collatérale, comme Senlis, Clermont, Blois, Montargis.

Enfin celles où il est le plus nécessaire, ce sont les coutumes où la représentation n’a lieu ni en directe, ni en collatérale, comme dans les coutumes de Ponthieu, Boulenois, Artois, Hainault, Lille.

Ce rappel peut être fait par toutes sortes d’actes, lorsqu’il est intra terminos juris, c’est-à-dire, lorsqu’il est dans les termes ordinaires de la représentation ; mais quand il est extra terminos, il ne peut être fait que par testament.

Le consentement des héritiers n’y est pas nécessaire, si ce n’est dans les coutumes qui le requierent expressément ; mais il faut toujours le consentement de celui de cujus ; les héritiers ne pourroient pas autrement rappeller l’un d’entr’eux à la succession.

Le rappel n’est pas sujet à acceptation, lors même qu’il est conçu en forme de donation entrevifs ; car c’est toujours une disposition à cause de mort.

Quand le rappel est fait par contrat de mariage d’un des enfans au profit des enfans qui naîtront du mariage, il profite aux enfans d’un autre fils, & de même celui d’un des petits-fils profite à tous les autres, parce que l’égalité est tellement favorable en directe, que l’on présume que le pere ou aïeul qui l’a ordonné pour l’un, a eu aussi intention qu’elle auroit lieu pour tous, pourvu qu’il n’ait rien ordonné de contraire, lors du rappel qu’il a fait, ou depuis.

Mais cette communication de rappel n’a pas lieu en collatérale, à moins qu’il n’y ait quelque chose dans l’acte qui dénote que telle a été l’intention de celui qui disposoit.

Le rappel intrà terminos donne la qualité d’héritier ; celui qui est extrà terminos ne fait qu’un legs, quand même il seroit fait par donation entrevifs.

Reste maintenant à parler du rappel qui a pour objet de relever les enfans de l’exhérédation.

L’effet de celui-ci est toujours de rétablir les enfans dans la qualité d’héritier.

Ce rappel est exprès ou tacite.

Le rappel exprès se fait par testament.

Le rappel tacite se fait par tout acte où le pere déclare qu’il pardonne à son enfant qui étoit exhérédé.

La réconciliation de l’enfant avec le pere suffit même pour opérer un rappel tacite, sans qu’il y ait aucun acte écrit.

Mais le pere, en rappellant son fils, peut mettre quelques limitations à ce rappel. Voyez Exhérédation.

Sur la matiere des rappels, voyez le tr. des successions de le Brun, tit. des rappels ; le traité de la représentation de Guiné, & les mots Donation, Héritiers, Legs, Représentation, Testament. (A)