L’Encyclopédie/1re édition/PULVERISATION

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PULVERISATION, s. f. (Chimie & Pharm.) c’est une opération de l’ordre de celles que nous avons appellées méchaniques, préparatoires & auxiliaires ; & qui opere la disgregation des sujets chimiques solides, en les réduisant en une multitude de molécules plus ou moins subtiles, si superficiellement adhérentes, qu’elles cedent au moindre effort, presque à la maniere des fluides, ou dont l’assemblage constitue cette espece de fluide imparfait, que tout le monde connoît sous le nom de poudre.

Les instrumens directs & ordinaires de la pulvérisation proprement dite, sont le mortier & le porphyre, auquel se rapporte la machine de Langelot. Voyez Mortier & Porphyre & Machine de Langelot. Celle qui s’exécute au moyen du premier instrument, retient le nom de pulvérisation, & s’appelle encore trituration. La derniere s’appelle encore lévigation, porphyrisation & alcoholisation.

Les poudres préparées par la pulvérisation proprement dite, c’est-à-dire au mortier, se passent ensuite au tamis, voyez Tamis ; & la partie la plus grossiere qui est restée sur le tamis se pulvérise de nouveau pour être tamisée encore ; par ces deux manœuvres alternatives, dont la suite entiere est comprise sous le nom général de pulvérisation, on réduit tout un corps solide en une poudre assez subtile ; mais jamais on ne la porte au degré de subtilité auquel on parvient par le moyen de la porphyrisation.

Ce ne sont cependant que les corps très-durs, les substances pierreuses, terreuses, & les chaux métalliques qui sont susceptibles de la porphyrisation ; car tous les autres corps solides végétaux & animaux, comme cornes, bois, gommes, résines, &c. se reduiroient plutôt en pâte qu’en poudre très-subtile sur le porphyre, parce que la chaleur qu’on exciteroit nécessairement par le frottement continu est capable de procurer une certaine mollesse à ces substances ; & la liqueur qu’on est obligé d’employer principalement pour prévenir l’excès de cette chaleur, pourroit en extraire aussi certains principes, avec lesquels elle formeroit une espece de colle absolument contraire au succès de l’opération ; en un mot, on ne porphyrise que les sujets très-secs & très-durs, & on a soin d’y employer une liqueur qui n’a aucune action menstruelle sur eux, ordinairement de l’eau.

Outre ce moyen, qu’on peut appeller simple & vulgaire, on emploie encore en chimie la pulvérisation à l’eau, ou par le moyen de l’eau, qui s’exécute dans le mortier presque plein d’eau, & sur une petite quantité de matiere qui doit encore avoir nécessairement, & pour les mêmes raisons, les qualités que nous venons d’exiger dans les sujets de la porphyrisation. Le manuel de la pulvérisation à l’eau consiste à broyer & à agiter pendant un certain tems la matiere à pulvériser ; ensorte que l’eau employée en soit troublée ; à laisser reposer un instant cette eau trouble, afin que les molécules les plus grossieres tombent au fond, & à décanter ensuite doucement l’eau, qui n’est plus chargée que des parties les plus subtiles, qu’on en sépare ensuite, soit par la résidence, soit par la filtration. Voyez Résidence & Filtration. Cette maniere de pulvériser, que quelques-uns appellent philosophique, fournit des poudres très-subtiles, & d’autant plus subtiles, qu’on a laissé reposer davantage l’eau dans le mortier avant de la décanter.

Les Chimistes connoissent, outre ces moyens de pulvérisation, celui qui constitue la vraie pulvérisation philosophique qui est la dissolution chimique, suivie de la précipitation. Les précipités & les magisteres, qui sont les produits de cette opération, lorsqu’ils sont faits à grande eau, sont des poudres très-subtiles. Voyez Précipitation, Chimie & Magistere. On voit assez qu’il n’y a que les corps susceptibles d’une dissolution absolue, comme les métaux, les terres, les résines, &c. qui soient susceptibles de cette pulvérisation.

La calcination, soit par le feu seul, soit par le secours du nitre & la sublimation en fleurs, sont encore, quant à leurs effets, des especes de pulvérisations. Elles different seulement de la pulvérisation proprement dite, aussi-bien que notre pulvérisation philosophique, par le moyen d’action, qui, dans ces trois opérations est chimique, au lieu que dans la pulvérisation vulgaire & proprement dite, il est méchanique. Voyez Opérations chimiques.

Les regles particulieres de manuel sur la pulvérisation pharmaceutique peuvent se reduire à ces principales ; 1°. quand on veut mettre en poudre des corps très-durs, & cependant fragiles, comme les pierres vitrifiables, & quelques crystaux très-durs, quoique calcaires, &c. il est bon de rougir ces matieres au feu, & de les éteindre plusieurs fois dans l’eau froide ; cette manœuvre commence à les ouvrir, les fait éclater, &c. Lemery dit, dans sa pharmacopée universelle, que quand on veut pulvériser le talc de Venise, il faut l’exposer environ un quart-d’heure à un feu de flamme, &c. Les naturalistes savent assez aujourd’hui que la plûpart des substances connues dans les boutiques sous le nom de talc, sont des especes de pierres spéculaires, & de la classe des pierres gypseuses. Or, un demi-quart d’heure de grand feu de flamme reduit une pierre gypseuse en plâtre, & par conséquent en matiere très-discontinue, très disposée à être réduite en poudre ; ainsi, par le moyen indiqué par Lemery, on obtient plus que l’auteur ne promet. Au reste, c’est une chose assez inutile en pharmacie que du talc de Venise en poudre. 2°. Il faut par la limation ou par la raspastion disposer à la pulvérisation les matieres qui ont une certaine flexibilité, comme cornes, ongles, bois, &c. Voyez Limature, (Chimie). 3°. Pour reduire en poudre les matieres végétales moins compactes, comme feuilles, petales de fleur, étamines, &c. comme ces matieres, quand même elles ont été très-bien séchées, sont sujettes à reprendre une certaine humidité qui les ramollit, & qui les rend par conséquent moins cassantes, il faut, avant de les jetter dans le mortier, les avoir fait sécher doucement au soleil ou au feu, soit à découvert, soit entre deux papiers, pour les matieres qui ont des couleurs tendres. Voyez Dessication. 4°. Pour mettre en poudre les gommes, résines & les camphre, il faut oindre légérement le mortier & le pilon avec de l’huile d’amandes douces ; ou, ce qui revient au même, piler quelques amandes dans le mortier qu’on destine à cette pulvérisation. Sans cette précaution, ces matieres s’attachent au mortier, & on a de la peine à les pulvériser ; & quand ce sont des résines qui ne sont pas très-friables, comme le mastic, par exemple, il faut, au lieu d’huile, employer un peu d’eau. 5°. Quant aux gommes proprement dites, telles que la gomme adragant, la gomme du Sénégal, la gomme arabique, &c. il suffit d’avoir chauffé le mortier, afin que ces matieres se dessechent de plus en plus pendant la pulvérisation ; car la moindre humidité l’empêcheroit. 6°. Plusieurs matieres qu’il est très-difficile de mettre en poudre séparément, telles que l’opium, le suc d’acacia, celui de réglisse, l’hypocistes, le galbanum, l’opopanax, le sagapenum, les semences froides, les amandes, les pignons, &c. se pulvérisent pourtant très bien, lorsqu’elles sont mélées à d’autres drogues très-seches, qui dominent considérablement dans le mélange. Aussi les compositions pharmaceutiques bien entendues & exécutables, dans lesquelles on demande qu’on réduise en poudre ces substances très-difficiles à pulvériser, contiennent-elles toujours une plus grande quantité de matieres éminentes pulvérisables ; & c’est l’a, b, c, de l’art du pharmacien que de savoir introduire à-propos dans le mortier des proportions convenables des unes & des autres de ces matieres. Ce n’est pas pourtant une des opérations de pharmacie des moins difficiles que la préparation d’une poudre très-composée dans laquelle entrent ces ingrédiens rébelles. 7°. Pour prévenir la dissipation des parties les plus subtiles d’une poudre, soit lorsque ces parties sont précieuses, soit lorsqu’elles pourroient incommoder l’artiste ou le manœuvre, & même les assistans, & principalement dans ce dernier cas, on doit avoir un grand morceau de peau taillée en rond, & portant dans son milieu une ouverture munie d’une espece de cou ou de tuyau fait de la même peau, & à travers laquelle puisse passer le pilon ; on doit lier fortement cette maniere de tuyau au pilon, au moyen de plusieurs tours de ficelle bien serrés, & lier la peau par sa circonférence à la bouche du mortier au moyen de plusieurs tours de ficelles ; or comme cette peau est supposée assez grande pour qu’elle se tienne d’une maniere très-lâche entre le pilon & les bords du mortier, cet appareil n’empêche point le jeu du pilon, ni par conséquent la pulvérisation. Cette manœuvre est plus sûre que l’emploi de quelques gouttes d’huile, de vinaigre, d’eau distilée, &c. qui est recomandé dans la plûpart des livres de pharmacie, pour la pulvérisation de l’euphorbe, des cantharides, de la coloquinte, &c.

8°. Enfin, on doit choisir pour chaque pulvérisation des instrumens d’une matiere convenable ; le mortier de fer pour les matieres très-difficiles à pulvériser, celui du marbre pour les matieres moins dures ; & toujours une matiere telle que la substance qu’on y traite ne puisse agir sur elle chimiquement ; loi qui s’étend à tous les instrumens à tous les vaisseaux chimiques. Voyez Instrument & Vaisseau (Chimie) ; mais il est spécial à l’opération dont il s’agit d’éviter aussi, autant qu’il est possible, que les sujets auxquels on la fait subir, n’attaquent point méchaniquement les instrumens qu’on y emploie, comme on l’a observé plus au long à l’article Mortier, instrument de Chimie, & à l’article Porphyre, instrument de Chimie. Voyez ces articles. (b)