L’Encyclopédie/1re édition/PLANTER

PLANTER un arbre, verb. act. (Jardin.) c’est après avoir rafraichi les racines d’un arbre, le mettre dans un trou proportionné à sa grosseur, en garnir ensuite les racines avec de la terre nouvelle, & combler le trou au niveau du terrein.

Planter en motte ou en mannequin ; c’est après avoir levé d’une pepiniere un arbre en motte, c’est-à-dire avec la terre qui est au-tour de ses racines, les mettre dans un mannequin d’osier, pour pouvoir le transporter plus facilement où l’on veut, avec le mannequin même, afin que les racines puissent s’étendre mieux.

Planter un parterre ; c’est former des compartimens & rinceaux de broderie avec du buis nain, sur un terrein bien dressé, en suivant exactement la trace du dessein. (D. J.)

Avant que de planter vos arbres sauvages, habillez-les, voyez Habiller ; examinez ensuite la qualité de la terre qui se trouve dans vos trous : c’est suivant cet examen que vous devez choisir les plantes. Nec verò terræ ferre omnes omnia possunt, dit Virgile, Géorg. lib. II. v. 109.

Si la terre ne vous présente qu’un tuf, faites creuser de quatre à cinq piés de bas : vuidez ensuite toute cette terre, & mettez au fond du trou un lit de feuilles d’arbres, de grande litiere ou de gason retourné, couvert d’un demi-pié de bonne terre ; ensuite rachevez de remplir le trou de la meilleure terre du pays.

Cet amandement procurera à l’arbre une plus sûre reprise, & le conservera jusqu’à ce qu’il soit assez fort pour gagner le fond naturel de la terre.

Si elle est bonne, on ne fera le trou qu’à deux ou trois piés de bas ; on jettera au fond les terres de dessus comme les meilleures, & on remplira le trou de celles qui étoient dans le fond.

Choisissez un tems sec, afin que la terre se glisse mieux autour des racines, sans y laisser aucun vuide appellé caves, & qu’il ne s’y fasse point de mortier qui en se durcissant, nuiroit aux nouvelles racines ; prenez un levier pour faire entrer la terre sous les racines, secouez un peu les arbres pour qu’elle descende, & marchez dessus pour la plomber.

Dans les terres seches il faut planter avant l’hiver, au lieu qu’on attend le mois de Mars dans les terreins humides, crainte que la trop grande humidité ou les pluies fréquentes en hiver, ne pourrissent les racines.

La profondeur où l’on doit mettre les arbres dans les trous, sera reglée suivant leur nature : un pié ordinairement leur suffit ; s’ils tracent sur la superficie de la terre, il faudra les planter peu avant. A l’égard de leur distance, elle se donne suivant leur force & la qualité de la terre ; les arbres isolés auront deux toises de distance dans les jardins, & trois à quatre dans la campagne.

Les arbres sauvages se plantent à toute exposition, suivant l’alignement de deux ou trois jalons posés sur la même ligne.

Les portiques & décorations champêtres se plantent avec beaucoup plus de mesures, & demandent des arbres choisis dans les pépinieres. Les arcades veulent des charmilles un peu fortes, & des ormes dans les trumeaux pour former plutôt la corniche & les vases d’enhaut : on soutient le tout avec des treillages grossiers, sur lesquels on palisse les jeunes branches.

Quant à ce qui regarde les arbres fruitiers, le midi est l’exposition la plus favorable, ainsi que celle du levant pour les pêchers ; dans les terres légeres, l’exposition du couchant est bonne pour les pruniers & les poiriers : le chasselas & le muscat demandent le midi ; le nord est la plus mauvaise de toutes les expositions, cependant on y plante des pruniers.

Les arbres de demi-tige se plantent en espalier à douze piés l’un de l’autre, avec un nain entre deux, en observant de ne point tourner les bonnes racines du côté du mur : quand ces arbres sont de haute tige, ils seront espacés à quatre toises l’un de l’autre, ainsi que dans un verger. Pour les buissons, neuf piés de distance suffisent ; ces derniers ont l’avantage de n’être point sujets aux tignes, & de fructifier plus que les espaliers ; on tiendra leur tête un peu panchée, afin que leurs racines ne pivotent point, & ne courent que dans la bonne terre.

Les orangers, les mirthes & les arbres de fleurs qu’on éleve dans des caisses & des pots, se peuvent mettre à toute exposition ; on les plante en motte dans le milieu de la caisse, & on a soin de plomber les terres ; la plus grande attention est de les planter bien d’aplomb, & dans des terres préparées.

Les parterres après avoir été dressés & maillés, suivant ce qui a été dit ci-dessus, seront plantés en buis nain bien habillé & coupé court par en haut : on se servira pour la broderie, d’un plantoir serré, en l’enfonçant d’un demi-pié, de maniere qu’une des berges du trou suive toujours la trace sur laquelle on accotera le buis de la main gauche, & on le garnira de terre avec la droite, en sorte qu’on ne voie sortir que ses feuilles.

Les buis, les plates-bandes & plusieurs plantes potageres se plantent encore en rigoles couvertes à la bêche, suivant la trace, & quelques-unes au plantoir.

La charmille, l’érable, & toutes les palissades se plantent dans des rigoles ouvertes, suivant un cordeau tendu sur la trace, en les soutenant d’une main, & les couvrant de terre avec l’autre. Ne choisissez point ces plants si forts, sur-tout dans les terres légeres.

Les bois & les pepinieres se plantent aussi en rigoles de deux piés en deux piés, en piquant des fruits de six piés en six piés ou en repandant des graines dans une terre bien préparée : ne craignez point de les planter un peu dru, afin qu’en grossissant, ils s’élevent plus droits & se conduisent l’un l’autre.

Si on avoit coupé des bois de haute-futaie qu’on voulût rétablir promptement en taillis ; pour les faire pousser sur souche, il faudroit garantir les troncs des arbres de la pluie qui en pénetre la moëlle & les pourrit, en les couvrant de bouse de vache mêlée de gazon, ou de poix préparée, alors ces troncs repousseront vigoureusement par le bas.

Les allées des bosquets se plantent en alignement avec des arbres un peu forts, & de la charmille au pié : on peut encore faire des allées dont les arbres soient isolés, & à six ou neuf piés de distance, tondre les taillis & brossailles, ce qui est fort agréable, & forme deux especes de contr’allées : ces sortes de palissades se conservent plus long-tems que les charmilles qui s’offusquent à la longue, & périssent sous une futaie.

Ne mettez jamais de fumier dans les trous de vos arbres ; les vers qu’il attire les font sûrement mourir : jettez seulement sur la superficie de la terre, de la litiere peu consommée pour les garantir des grandes chaleurs de l’été ; ce fumier étant rempli de sels & d’esprits végétaux fondra par le moyen des arrosemens sur les racines des arbres.

Planter un bâtiment, v. act. (Archit.) c’est disposer les premiere assises des pierres dures d’un bâtiment sur la maçonnerie des fondemens dressée de niveau suivant les cotes & mesures.

Planter des pieux (Archit. hydraul.) c’est enfoncer des pieux avec la sonnette ou l’engin, jusqu’au refus du mouton ou de la hie.

Planter les formes, en terme de Rafineur, est l’action de les arranger dans l’emploi sur trois files & de les appuyer les unes contre les autres, & de soutenir le dernier rang par de mauvaises formes de deux en deux, pour les empêcher de tomber : elles sont plantées la pointe en-embas, & d’aplomb.

Planter le sucre, en terme de Rafinerie, c’est l’action de dresser les formes sur les pots dans les greniers, toutes à même hauteur, & le plus d’aplomb qu’il est possible, afin que l’eau de la terre dont on couvre ces formes, filtre également à travers tout le pain. Il semble que les formes & les pots étant faits dans le même moule propre à chacun, cette grande attention de planter à la même hauteur sur-tout, seroit inutile, puisque les uns & les autres devroient être également grands. On répond à cela que malgré la justesse des moules, & les soins de l’ouvrier qui les fait, la terre se cuit & travaille plus ou moins, selon le degré de chaleur qu’elle trouve dans le four qu’il est impossible de chauffer également dans tous ses coins. On ne peut donc remédier à cette inégalité de hauteur & de grandeur qui se trouve dans les pots & dans les formes, qu’en plantant les plus grandes sur des petits, & les moindres sur de plus grands, afin de donner à l’un ce que l’autre a de trop, le seul moyen de les rendre égaux. On évite par là les malheurs qui pourroient s’ensuivre de la maladresse des ouvriers qui sont obligés de travailler sans cesse au-dessus de ces formes, & même souvent de pousser en avant sur elles des sceaux pleins de terre, quand il est question de couvrir. Voyez Terre & Couvrir.