L’Encyclopédie/1re édition/PINCER
PINCER, v. act. (Gramm.) en général c’est serrer avec le bout des doigts. Les oiseaux pincent avec leurs becs ; les écrevisses avec leurs pattes ; les ouvriers avec des tenailles. On pince les cordes d’un luth, &c. Il se prend aussi au figuré, & l’on dit d’un homme qui raille finement, qu’il pince sans qu’on s’en apperçoive.
Pincer le vent, (Marine.) c’est aller au plus près du vent, cingler à six quarts de vent près du rhumb d’où il vient. Voyez Ranger.
Pincer, Pincement, (Jardinage.) pincement, en terme de Jardinage, est l’action d’arrêter par les bouts tous les bourgeons de la pousse d’une année, lorsqu’ils sont parvenus à une certaine longueur. On appelle pincement cette opération, parce qu’on se sert des deux ongles du pouce & de l’index pour rogner le bout des branches qui s’échappent trop.
On n’est pas bien d’accord sur la nature des bourgeons pour le pincement, ni même sur les effets, ni sur les raisons de pincer le bout des branches. Les uns prétendent par son moyen empêcher les bourgeons de s’étroler, c’est-à-dire de s’alonger trop en restant toujours fort menus ; & on prétend faire fortifier par-là les bourgeons. D’autres pratiquent le pincement à dessein d’arrêter la seve, & de l’empêcher de s’emporter vers le haut. Il en est d’autres encore qui s’en servent dans la vue de faire ouvrir les yeux d’en bas à dessein de les faire drageonner.
Le pincement est en usage universellement dans le jardinage pendant les mois d’Avril, Mai & Juin. Il ne doit se faire que sur les grosses branches d’en-haut, & jamais sur les foibles, ni sur celles d’en-bas, qu’il est essentiel de conserver afin qu’elles en produisent d’autres pour remplacer les endroits sujets à se dégarnir. S’il en vient de chiffonnes & de gourmandes, on les retranchera entierement.
Présentement on regarde le pincement comme la cause la plus meurtriere des arbres, & la source de leur infécondité ; on l’avoit pratiqué sans aucun examen & par la force du préjugé. On est convaincu par les expériences que l’on ne peut élever en pinçant de beaux arbres qui donnent long-tems des fruits. Cette opération détruit le méchanisme de la végétation par la suppression de la cîme du bourgeon, laquelle est un des organes ou une partie organique la plus nécessaire de l’arbre pour l’action de la seve. Il ne faut pincer les arbres que dans un seul cas, c’est quand on veut faire drageonner un arbre, c’est-à-dire, le faire pousser par le pié : alors cette opération devient d’une nécessité indispensable. On pincera avec l’ongle les orangers & les autres arbres de fleurs dans les deux pousses, pour ôter les jets foibles ; & on ne laissera point emporter les branches qui poussent trop ; on les coupera d’une longueur convenable à la forme & à la rondeur de l’arbre, qui est la principale chose que l’on doive observer en taillant les orangers.
Ne pincez point la premiere année les orangers étêtés, parce qu’ils ont besoin de toute la longueur des branches pour former promptement une nouvelle tête.
L’ébourgonnement qu’on a trouvé à son article, tient lieu de pincement, & est infiniment meilleur. Voyez Ebourgeonnement.
Pincer, (Maréchal.) c’est approcher délicatement l’éperon du flanc du cheval sans donner de coup ni appuyer. Le pincer est un aide, & appuyer un châtiment. Pincer du droit, pincer du gauche, pincer des deux. Lorsqu’on a pincé un cheval, il ne faut pas laisser l’éperon dans le poil, mais le retirer d’abord.
Pincer, en terme de Planeur, c’est proprement l’action de former l’angle qui va tout-au-tour d’une piece de vaisselle au-dessus du bouge, sous la marlie. Voyez Arrete.
Pincer un livre, (terme de Relieur.) c’est approcher avec de petites pinces de fer de chaque côté des nerfs qui sont au dos d’un livre, les ficelles qui n’en sont pas assez proche quand on l’a fouetté.