L’Encyclopédie/1re édition/PATE

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PATE, s. f. (Boulanger.) farine pétrie & préparée pour faire du pain. La farine pétrie dont on fait le pain est ordinairement levée ou avec du levain de pâte, si c’est du gros pain, ou quelquefois avec de la mousse ou écume de biere, si c’est du pain léger & mollet.

Avant de pétrir la pâte, on prépare le levain, c’est-à-dire, qu’on met un morceau de pâte aigrie & réservée à cet usage, ou une partie de levûre de biere dans une petite partie de la farine qu’on veut pétrir ; & qu’après avoir pétris ensemble avec de l’eau chaude, on laisse fermenter.

Cette premiere pâte suffisamment levée, se mêle avec le reste de la farine en la délayant de même avec de l’eau chaude, qu’on met en moindre ou plus grande quantité, suivant la température de l’air, moins si le tems est doux, plus s’il est froid.

La pâte réduite à une certaine consistance qui se regle suivant que le pain doit être ferme ou léger, on la coupe avec le coupe-pâte ; on la pese à la balance ; si ce sont des boulangers qui petrissent, on la tourne sur le tour, & on la dresse sur la table à coucher ; ou on la laisse jusqu’à ce qu’elle soit assez levée, & propre à mettre au four.

On pétrit ordinairement la farine, & on la réduit en pâte avec les mains, en la repliant plusieurs fois, & en la foulant avec les points fermés ; ce qui se fait dans des pétrins, ou des bacquets.

Quelquefois pour certaines sortes de pain, lorsqu’elle est en consistence de bonne pâte, on la pétrit encore avec les piés dans un sac. Dans cette maniere de pétrir, au lieu de replier la pâte, on la coupe avec le coupe-pâte, & l’on en met les morceaux les uns sur les autres. Dictionnaire du Minage. Voyez l’article Pain. (D. J.)

Pate batarde ou ferme, (chez les Boulangers.) est une pâte que l’on a bassinée avec ou lait ou de l’eau, pour faire le gros pain. On l’appelle ferme, parce qu’on l’a pétri plus dure, & avec moins d’eau que la pâte molle. On fait du pain de pâte ferme d’une, de deux, de trois, de quatre, de six, de huit, & de douze livres. Il est défendu aux Boulangers d’en faire & d’en exposer dans leur boutique, de cinq, de sept, de neuf, de dix, & de onze livres.

Pate molle, c’est en Boulangerie, une pâte légere & délicate, dont on fait le pain mollet. Pour la rendre telle, quand on a acquis une certaine consistance, on la coupe avec les mains, c’est-à-dire, on la sépare en lambeaux que l’on jette les uns sur les autres, & que l’on bat ensuite à force de bras ; ce que l’on continue de faire jusqu’à ce qu’elle soit seche à un certain point.

Pate, (Commerce de lingots.) dans l’Amérique espagnole, on nomme pâte, les barres d’argent qui n’ont point été quintées, c’est-à-dire, qui n’ayant point été portées aux bureaux du roi pour y payer le droit de quint, n’ont point la marque qui en doit justifier le payement.

Les pâtes ou barres non quintées, sont du nombre des contrebandes ; il s’en fait cependant un grand commerce, à cause du gain certain qu’on y trouve ; mais elles sont sujettes à beaucoup de friponneries, les essayeurs en Espagne n’ayant pas toute la bonne foi possible, & d’ailleurs étant très-mal-habiles : ce qui doit obliger les étrangers de s’en charger avec beaucoup de précaution. Savary. (D. J.)

Pate, en Confiserie, c’est un terme dont on se sert pour exprimer une préparation de quelque fruit, faite en en broyant la chair avec quelque fluide, ou autre mixtion, jusqu’à ce qu’elle ait quelque consistance, l’étendant ensuite sur un plat, & la séchant avec du sucre en poudre, jusqu’à ce qu’elle soit aussi maniable que de la pâte ordinaire. Voyez Confiture. Ainsi l’on fait des pâtes d’amandes, des pâtes de pommes, d’abricots, de cerises, de raisins, de prunes, de pêches, de poires, &c.

Pate, terme de Cordonnier, ils appellent pâte, la colle de farine de seigle dont ils se servent pour coller les cuirs des patons avec l’empeigne de leurs souliers & autres ouvrages de cordonnerie.

Pate de verre, (Gravure en pierres fines.) les Artistes emploient le mot de pâte, qui est le terme dont se servent les Italiens, pour exprimer ces empreintes de verre, nommées par les anciens obsidianum vitrum. La langue françoise ne fournit pas d’autre terme propre ; & celui de pâte est déja consacré. Quelques-uns néanmoins les appellent des compositions de pierres gravées factices.

Les pâtes de verre, à la matiere près, ont de quoi satisfaire les curieux autant que les originaux ; puisqu’étant moulées dessus, elles en sont des copies très-fideles. Ceux qui ont crû que c’étoit une invention moderne, sont dans l’erreur : les anciens ont eu le secret de teindre le verre, & de lui faire imiter les différentes couleurs des pierres précieuses. L’on montre tous les jours de ces verres antiques coloriés, sur lesquels il y a des gravûres en creux ; & l’on en voit aussi qui rendent parfaitement l’effet des plus singulieres camées. Je ne mets point en doute que quelques-uns de ces verres n’ayent été travaillés à l’outil, comme les pierres fines ; ce qui me le persuade, c’est ce que dit Pline, que l’on gravoit le verre en le faisant passer sur le tour ; mais je n’en suis pas moins convaincu, que les anciens ayant su mettre le verre en fusion, ils ont dû mouler des pierres gravées avec le verre, à-peu-près comme on le fait aujourd’hui ; & que c’est ainsi qu’ont été formées cette grande quantité de pâtes antiques qui se conservent dans les cabinets.

Cette pratique qui peut-être avoit été interrompue, fut remise en vogue sur la fin du quinzieme siecle. On trouva pour lors à Milan un peintre en miniature, nommé François Vicecomité, qui possédoit le secret des plus beaux émaux, & qui contrefaisoit à s’y tromper, les pierres gravées par le moyen des pâtes de verre. Il s’en est toujours fait depuis en Italie ; mais on est redevable à S. A. R. monsieur le duc d’Orléans régent, de la découverte d’une maniere d’y procéder, & plus expéditive, & plus parfaite. Ces pâtes ont le transparent & l’éclat des pierres fines ; elles en imitent jusqu’aux couleurs ; & quand elles ont été bien moulées, & que la superficie est d’un beau poli, elles sont quelquefois capables d’en imposer au premier aspect, & de faire prendre ces pierres factices pour de véritables pierres gravées. Entrons dans les détails d’après Me Mariette.

Comme l’extrème rareté des pierres précieuses, & le vif empressement avec lequel on les recherchoit dans l’antiquité, ne permettoient qu’aux personnes riches d’en avoir & de s’en parer, il fallut emprunter les secours de l’art, pour satisfaire ceux qui manquant de facultés, n’en étoient pas moins possédés du désir de paroître. Le verre, matiere utile & belle, mais qui étant commune, n’est pas autant considérée qu’elle le devroit être, offrit un moyen tout-à-fait propre à remplir ces vûes. On n’eut pas beaucoup de peine à lui faire imiter la blancheur & le diaphane du crystal, & bien-tôt en lui alliant divers métaux, en le travaillant, & en le faisant passer par différens degrés de feu, il n’y eût presque aucune pierre précieuse, dont on ne lui fit prendre la couleur & la forme. L’artifice sut même quelquefois se déguiser avec tant d’adresse, que ce n’étoit qu’après un sérieux examen, que d’habiles jouailliers parvenoient à discerner le faux d’avec le vrai. L’appât du gain rendoit les faussaires encore plus attentifs, & accéléroit leurs progrès ; aucune profession n’étoit aussi lucrative que la leur.

Pour en imposer avec plus de hardiesse, & plus sûrement, ils avoient trouvé le secret de métamorphoser des matieres précieuses, en des matieres encore plus précieuses. Ils teignoient le crystal dans toutes les couleurs, & sur-tout dans un très-beau verd d’émeraude : jusques dans les Indes on imitoit le béril avec le crystal. D’autres fois on produisoit de fausses améthystes, dont le velouté pouvoit en imposer, même à des connoisseurs : ce n’étoit cependant que de l’ambre teint en violet.

Le verre ainsi colorié ne pouvoit manquer d’être employé dans la gravûre ; il y tint en plus d’une occasion la place des pierres fines, & il multiplia considérablement l’usage des cachets. J’ai déja dit que les anciens avoient non-seulement gravé sur le verre, mais qu’ils avoient aussi contrefait les pierres gravées en les moulant, & en imprimant ensuite sur ces moules du verre mis en fusion. J’ai remarqué que dès le quinzieme siecle, les Italiens étoient rentrés en possession de faire de ces pâtes ou pierres factices ; j’ajoute ici que les ouvriers qui y furent employés dans les derniers tems, n’ayant pas eu apparemment assez d’occasions de s’exercer, ne nous avoient rien donné de bien parfait. Peut-être ne connoissoient-ils pas assez la valeur des matieres qu’ils employoient. Le verre qui doit être moulé, la terre qui doit servir à faire le moule, sont des matieres analogues, toujours prêtes à se confondre, & à s’unir inséparablement, lorsqu’on les expose à un grand feu. Cette opération peu considérable en apparence, pouvoit donc devenir l’objet des recherches d’un excellent chimiste, & M. Homberg ayant été chargé par S. A. R. monsieur le duc d’Orléans, de travailler à la perfectionner, il ne crut pas qu’il fût au-dessous de lui de s’y appliquer.

Après différens essais, après avoir répété plusieurs expériences, auxquelles le prince voulut bien assister, il parvint enfin à faire de ces pâtes avec tant d’élégance, que les connoisseurs mêmes pouvoient y être trompés, & prendre quelquefois les copies pour les originaux. En exposant ici la façon de procéder de M. Homberg, je ne fais presque que transcrire le mémoire de cet habile physicien, qui est inséré parmi ceux de l’académie royale des Sciences de l’année 1712.

Le point essentiel étoit de trouver une terre fine qui ne contînt aucun sel, ou du-moins fort peu, & avec laquelle il fût possible de faire un moule qui pût aller au feu sans se vitrifier, ni sans se confondre avec le morceau de verre amolli au feu, ou à demi-fondu, qui devoit être appliqué sur ce moule, & recevoir l’empreinte du relief qui y avoit été formée. La chose devenoit d’autant moins aisée, que le verre ne differe des simples terres, qu’en ce que l’un est une matiere terreuse qui a été fondue au feu, & que l’autre est la même matiere terreuse qui n’a pas encore été fondue, mais qui se fond aisément, & qui s’unit avec le verre, si on les met l’une & l’autre ensemble dans un grand feu. Si donc on n’use pas de précautions dans le choix & l’emploi de la terre, le moule & le verre moulé se collent si étroitement dans le feu, qu’on ne peut plus les disjoindre ; & la figure qu’on avoit eu intention d’exprimer sur le verre, se trouve alors détruite.

Une matiere terreuse à laquelle on auroit fait perdre ses sels par art, soit en y procédant par le feu, soit en y employant l’eau, comme sont par exemple la chaux vive, & les cendres lessivées, seroit encore sujette aux mêmes inconvéniens ; car ces terres conservent en entier les locules qui étoient occupés par les sels qu’elles ont perdus ; & ces locules sont tous prêts à recevoir les mêmes matieres qui les remplissoient, quand elles se présenteront. Or comme le verre n’a été fondu ou vitrifié qu’au moyen d’une grande quantité de sel fondant que l’art y a joint, pour peu qu’on l’approche dans le feu d’une terre d’où l’on a emporté les sels, il s’insinuera promptement dans ses pores, & l’une & l’autre matiere ne feront qu’un seul corps.

Il n’en est pas ainsi des matieres terreuses qui naturellement ne contiennent rien ou très-peu de salin ; elles n’ont pas les pores figurés de maniere à recevoir facilement des sels étrangers, sur-tout quand ces sels sont déja enchâssés dans une autre matiere terreuse, comme est le verre, & qu’on ne les tient pas trop long-tems ensemble dans un grand feu ; car il est vrai qu’autrement la quantité de sel qui est dans le verre, serviroit immanquablement de fondant à cette derniere sorte de terre, & ils se fondroient & se vitrifieroient à la fin l’un par l’autre.

Persuadé de la vérité de ces principes, M. Homberg examina avec attention toutes les especes de terres ; & après en avoir fait l’analyse, il s’arrêta à une certaine sorte de craie qu’il trouva très-peu chargée de sel, & qui par cette raison lui parut plus propre qu’aucune autre matiere pour l’accomplissement de son dessein. Cette craie qu’on nomme communément du tripoli, sert à polir les glaces des miroirs, & la plûpart des pierres précieuses. On en connoît de deux especes : celle qui se tire de France est blanchâtre, mêlée de rouge & de jaune, & quelquefois tout-à-fait rouge ; elle est ordinairement feuilletée & tendre. Le tripoli du Levant, plus connu sous le nom de tripoli de Venise, est au contraire rarement feuilleté : sa couleur tire sur le jaune ; on n’en voit point de rouge, & il est quelquefois fort dur.

Qu’on se serve de l’un ou de l’autre, il faut choisir celui qui est tendre & doux au toucher comme du velours, & rejetter celui qui pourroit être mêlé d’autre terre, ou de grains de sable. Mais on doit sans difficulté donner la préférence au tripoli de Venise ; il est plus fin, & par conséquent, il moule plus parfaitement que le tripoli de France : outre cela le verre ne s’y attache jamais au feu, ce qui arrive quelquefois au nôtre. Cependant comme il est rare & cher à Paris, on peut pour épargner la dépense, employer à-la-fois dans la même opération, les deux sortes de tripoli, en observant ce qui suit.

Chacune des deux especes de craies exige une préparation particuliere : on pile le tripoli de France dans un grand mortier de fer ; on le passe par un tamis, & on le garde ainsi pulvérisé pour s’en servir, comme on le dira bien-tôt : au lieu que le tripoll de Venise demande à être gratté légerement, & fort peu à-la-fois, avec un couteau ou avec des éclats de verre à vitre. Il ne suffit pas de l’avoir ensuite passé par un tamis de soie très-délié & très-fin, il faut encore le broyer dans un mortier de verre, avec un pilon de verre. Ce dernier tripoli étant particulierement destiné à recevoir les empreintes, plus il sera fin, mieux il les prendra.

Les deux tripoli ayant été ainsi réduits en poudre, on prend une certaine quantité de celui de France, qu’on humecte avec de l’eau, jusqu’à ce qu’il se forme en un petit gâteau, quand on en presse un peu avec les doigts ; à-peu-près comme il arrive à la mie de pain frais, lorsqu’on la pétrit de même entre les doigts. On remplit de ce tripoli humecté un petit creuset plat, de la profondeur de sept à huit lignes, & du diametre qui convient à la grandeur de la pierre qu’on a dessein de mouler. On presse légerement le tripoli dans le creuset, puis on met par-dessus une couche de tripoli de Venise en poudre seche assez épaisse pour pouvoir suffire au relief qui y doit être exprimé.

La pierre qu’on veut mouler étant posée sur cette premiere couche, de maniere que sa superficie gravée touche immédiatement la superficie du tripoli, on appuie dessus, en pressant fortement avec les deux pouces ; & l’on ne doit point douter que l’impression ne se fasse avec toute la netteté possible ; car elle se fait sur le tripoli de Venise, & ce tripoli a cela de propre, qu’il est naturellement doué d’une légere onctuosité, & que lorsqu’on le presse, ses petites parties qui, comme autant de petits grains, étoient divisées, se réunissent, & se tenant collées ensemble, forment une masse dont la superficie est aussi lisse que celle du corps le mieux poli. On applatit, ou bien l’on enleve avec le doigt, ou avec un couteau d’ivoire, l’excédent du tripoli qui déborde la pierre. En cet état, on laisse reposer le moule jusqu’à ce qu’on juge que l’humidité du tripoli de France a pénétré celui de Venise, qui comme on a vû, a été répandu en poudre seche, & qu’elle en a lié toutes les parties. Avec un peu d’habitude, on saura au juste le tems que cela demande. Il convient pour lors de séparer la pierre d’avec le tripoli ; pour cela on l’enleve un peu avec la pointe d’une aiguille enchâssée dans un petit manche de bois, & l’ayant ébranlée, on renverse le creuset ; la pierre tombe d’elle-même, & le sujet qui y est gravé reste imprimé dans le creuset. On réparera, s’il en est nécessaire, les bords du tripoli que la pierre auroit pû déchirer en les quittant, & on laissera sécher le creuset dans un lieu fermé, où l’on sera assuré que la poussiere n’entrera point, & ne pourra point gâter l’impression qu’on vient d’achever.

Il est sur-tout d’une grande importance, qu’il ne soit absolument resté aucune portion de tripoli dans le creux de la pierre qu’on a moulé, & que le dépouillement de cette pierre se soit fait dans tout son entier, quand elle s’est séparée du tripoli : autrement l’impression du verre se feroit imparfaitement ; tout ce qui seroit demeuré dans la pierre, formeroit autant de vuides dans la copie. Il faut donc y regarder de près ; & si l’on remarque quelque partie emportée, quelque déchirure, on recommencera une nouvelle empreinte sur le même tripoli, qui pourra servir, supposé qu’il soit encore moite.

Si le moule est en bon état, & lorsqu’on sera assuré que le tripoli dont le creuset est rempli est parfaitement sec, on prendra un morceau de verre de quelque couleur qu’on voudra, il n’importe ; mais il est pourtant à propos qu’il imite autant qu’il est possible, la couleur des agates, des jaspes, des cornalines, des améthystes, ou de quelques-unes des pierres fines qu’on choisit ordinairement pour graver. On le taillera de la grandeur convenable, on le posera sur le moule, en sorte que le verre ne touche en aucun endroit la figure imprimée, car il l’écraseroit par son poids. On approchera du fourneau le creuset ainsi couvert de son morceau de verre, & on l’échauffera peu-à-peu jusqu’à ce qu’on ne puisse pas le toucher des doigts sans se brûler. Il est tems pour lors de le mettre dans le fourneau, qui doit être un petit four à vent, garni au milieu d’une mouffle, au tour de laquelle il y aura un grand feu de charbon, ainsi que dessus & dessous.

On pourra mettre un ou plusieurs creusets sous la mouffle, selon sa grandeur ; on bouchera l’ouverture de la mouffle avec un gros charbon rouge, & on observera le morceau de verre. Quand il commencera à devenir luisant, c’est la marque qu’il est assez amolli pour souffrir l’impression : il ne faut pas tarder à retirer le creuset du fourneau, & sans perdre de tems, on pressera le verre avec un morceau de fer plat, pour y imprimer la figure moulée dans le creuset. L’impression finie, on aura attention de remettre le creuset auprès du fourneau, dans un endroit un peu chaud, & où le verre à l’abri du vent, puisse refroidir peu-à-peu ; car le passage trop subit du chaud au froid, le feroit surement peter, & y occasionneroit des fentes ; & même afin de prévenir cet accident, qui arrive souvent peu de tems après l’opération, particulierement quand le verre est un peu revêche, on ne doit pas manquer d’en égruger les bords avec des pincettes, aussitôt que tout-à-fait refroidi, le verre aura été ôté de dessus le creuset.

Tous les verres ne sont pas cependant sujets à cet inconvénient ; il n’y a pas d’autres regles pour les connoître, que d’en imprimer deux ou trois morceaux, qui enseigneront assez la maniere dont il faudra les traiter : ceux qui sont les plus durs à fondre, doivent être préférés ; ils portent un plus beau poli, & ne se rayent pas si facilement que les tendres.

Si l’on est curieux de copier en creux une pierre qui est travaillée en relief, ou de mettre en relief une pierre qui est gravée en creux, on pourra s’y prendre de la façon suivante. On imprimera en cire d’Espagne ou en soufre, le plus exactement qu’il sera possible, la pierre qu’on veut transformer. Si elle est gravée en creux, elle produira un relief ; & si c’est un relief, il viendra un creux : mais comme en faisant ces empreintes, on ne peut empêcher que la cire ou le soufre ne débordent, il faudra avant que d’aller plus loin, abattre ces balevres, & ne laisser subsister que la place de la pierre, dont on unira le tour avec la lime, ou avec un canif. Le cachet ou empreinte étant formé, on le moulera dans un creuset rempli de tripoli, de la même maniere que si on vouloit mouler une pierre, & l’on imprimera de même au grand feu dans ce moule, un morceau de verre, en observant tout ce qui a été prescrit ci-dessus. On enseignera dans la suite la maniere de faire les empreintes en soufre.

Quant à celles qui seront faites en cire d’Espagne, on les appliquera sur de petits morceaux de bois, ou sur du carton fort épais, pour empêcher qu’elles ne se tourmentent ; car s’il arrivoit que la carte ou le papier sur lesquels elles auroient été mises, pliassent dans le tems qu’on les imprime sur le tripoli, la cire d’Espagne se fondroit, & le tripoli venant à s’insinuer dans ces fentes, on ne pourroit éviter que l’impression en verre ne fût traversée de raies, qui la défigureroient horriblement, ou qui feroient penser que la pierre qui a fourni le modele, auroit été cassée.

Enfin pour que la pierre contrefaite imite plus parfaitement son original, il est nécessaire de lui faire avoir une forme bien réguliere, & qu’elle soit exactement ronde, ovale, &c. Pour cet effet on la fera passer sur la meule, l’usant sur son contour aux endroits qui ne seroient pas unis. La pâte de verre ainsi perfectionnée, on la monte en bague, ou on la conserve dans des layettes, comme les véritables pierres gravées ; & l’on peut assurer que, pour ce qui concerne le travail du graveur, elle fait à peu-près le même plaisir, & sert aussi utilement pour l’instruction que ces dernieres. Je dois avertir qu’au lieu de creuset, il y a des gens qui emploient un anneau de fer, ce qui revient au même ; cet anneau dure plus long-tems, & c’est l’unique avantage qu’il peut avoir sur le creuset.

Soit que le verre représente un relief, soit qu’il se charge du travail de la gravure en creux, on ne peut, en suivant le procédé dont on vient de rendre compte, qu’imiter une pierre d’une seule couleur, & jamais on n’exprimera les variétés & les différens accidens de couleurs d’un camée. Voilà cependant ce que les anciens ont sû faire dans la plus grande perfection ; & l’on doit regretter la perte d’un secret si propre à multiplier des ouvrages aussi excellens que singuliers.

On voit des pierres factices antiques, qui semblent être de véritables agates-onyx. Je ne parle point de ces sardoines-onyx, où pour contrefaire cette espece de pierre fine, qui quand elle étoit régulierement belle, n’avoit point de prix, un ouvrier patient & adroit, colloit ensemble trois petites tranches d’agates fort minces, & parfaitement bien dressées, l’une noire, la seconde blanche, & la troisieme rouge, & le faisoit si habilement, que les joints ne paroissant absolument point, & les agates ayant été bien assorties pour les nuances, il n’étoit presque pas possible d’appercevoir la fraude, & de s’en garantir. Eh ! qui sait si dans les sardoines-onix que nous admirons, il ne s’en trouve pas quelqu’une d’artificielle, & où l’on a usé anciennement de la supercherie que je viens de faire observer ? Mais ce n’est pas ce qu’il s’agit d’examiner présentement ; il n’est question que des pâtes qui ont été jettées dans des moules, & avec lesquelles les anciens ont si heureusement imité les camées.

Il n’étoit guere possible de pousser plus loin que le firent les Romains, l’art de contrefaire les camées, & je pense que si l’on veut les égaler, il faut de toute nécessité pénétrer leur manœuvre, & la suivre de point en point. Qu’on cherche tant qu’on voudra, qu’on fasse diverses tentatives, qu’on multiplie les expériences, il n’y aura jamais que la matiere seule de la porcelaine qui soit convenable pour rendre avec une apparence de vérité, les figures en bas-relief, qui dans les agates naturelles, se détachent en blanc sur un fond de couleur ; & il ne faut pas desespérer, si l’on s’y applique sérieusement, qu’on n’y réussisse à la fin. Quelques essais assez heureux, semblent l’annoncer & le promettre.

Nous avons vû cependant quelques personnes tenir une autre route, & en soudant ensemble des tranches de verre diversement colorié, à peu-près comme les anciens en avoient usé avec l’agate, entreprendre de faire des camées factices presque semblables aux véritables. Ils ont cru que l’imitation se feroit avec d’autant plus de succès, que les morceaux de verre qu’ils employoient étant mis dans un creuset avec de la chaux, du plâtre ou de la craie, appellée blanc d’Espagne ou tripoli (en observant de poser alternativement un lit de chaux ou de plâtre, & un lit de verre), & étant poussés à un feu très-violent, perdent leur transparence, & deviennent même à la fin tout-à-fait opaques, & bons à être travaillés sur le touret comme l’agate. Ces morceaux de verre ainsi calcinés, on en prend deux, l’un blanc & l’autre de couleur, on les applique l’un contre l’autre, & les mettant ensemble en fusion sous la moufle, les deux tranches s’unissent en se parfondant, & n’en font plus qu’une, conservant cependant chacune leur propre couleur. Si l’on veut s’épargner cette peine, on peut prendre quelque morceau de ces verres peints, que la peinture n’a pas pénétré entierement, & dont elle n’a même teint que la moitié de la substance : on le calcinera, en le présentant encore au feu sous la moufle, & il en sortira devenu un corps opaque, moitié blanc & moitié colorié dans son épaisseur, & qui fera le même effet que les deux verres unis ensemble. Mais avant que de se servir des uns ou des autres, il faut faire passer ces verres sur la roue du lapidaire, & manger de la surface qui est blanche, & qui est destinée à exprimer les figures de relief du camée, jusqu’à ce qu’elle soit réduite à une épaisseur aussi mince qu’une feuille de papier.

La matiere étant préparée, le fourneau bien allumé, & la pierre qu’on a dessein d’imiter ayant été précédemment moulée dans un creuset & sur du tripoli, de la maniere qu’il a été enseigné ci-devant, prenant garde que l’empreinte ne doit pas offrir un relief, mais un creux, on pose sur ce moule le verre du côté qu’il montre une superficie blanche ; on l’enfourne sous la moufle, & au moment que la fusion commence à se faire, on l’imprime sans rien changer dans le procédé dont on a déja rendu compte. Pour derniere opération, on découpe sur le touret, & avec les mêmes outils dont on se sert pour la gravure en pierres fines, tout le blanc qui déborde le relief, & qui l’environne, & qui étant fort mince, part sans beaucoup de difficulté ; en découvrant ainsi tout-autour le second lit du verre, on forme un champ aux figures, qui paroissent alors isolées, & de demi-relief sur un fond de couleur, comme dans les véritables camées.

S’il n’étoit question que d’une simple tête, qui ne fût pas trop difficile à chantourner, on pourroit commencer par mouler cette tête, & l’imprimer ensuite en relief sur un morceau de verre teint en blanc ; puis faisant passer ce verre imprimé sur la roue du lapidaire, on l’useroit par-derriere avec de l’émeril & de l’eau, jusqu’à ce que toute la partie qui fait un champ à la tête se trouvât abattue, & qu’il ne restât absolument que le relief ; & si après cette opération, il y avoit encore quelque petite partie du champ qui fût demeurée, on l’enleveroit avec la lime, ou avec la pointe des ciseaux.

Cette tête ainsi découpée avec soin, on l’applique sur un morceau de verre teint en noir, ou autre couleur ; on l’y colle avec de la gomme liquéfiée, & quand elle y est bien adhérente, on pose le verre sur du tripoli, & on l’y presse comme s’y on l’y vouloit mouler ; mais au lieu de l’en retirer, comme on fait quand on prend une empreinte, on laisse sécher le moule, toujours couvert de son morceau de verre, & en cet état, on l’enfourne sous la moufle, on presse le verre avec la spatule de fer, lorsqu’il est en fusion, & le reste se fait ainsi qu’il a été expliqué ci-devant. La gomme qui attachoit la tête sur son fond se brûle pendant ce tems-là, & s’évapore ; & les deux morceaux de verre, celui qui forme le relief & celui qui doit lui servir de champ, n’étant plus séparés par aucun corps étranger, ils s’unissent étroitement, en se fondant sans qu’on puisse craindre que dans cette action le relief souffre la moindre altération, puisque le tripoli dans lequel il est enfoncé, & qui l’enveloppe de toutes parts, lui sert comme d’une chappe, & ne lui permet pas de s’écarter.

Cette derniere pratique paroît plus simple que la précédente ; on n’y est pas obligé d’emprunter le secours d’instrumens, qui ne peuvent être bien maniés que par un graveur ; mais elle ne laisse pas d’avoir ses difficultés ; & l’une & l’autre deviennent d’une exécution qui demande beaucoup de patience & d’adresse. Il faut encore avouer que le blanc, quelque soin & quelques précautions qu’on ait prises, n’est jamais bien pur & bien opaque ; il est presque toujours bleuâtre, & laisse entrevoir la nuance du verre qui est en-dessous. (D. J.)

Pate, voyez Biscuit.

Pate, en terme de pain d’épicier, est un appareil ou composition de miel ou de farine, dont on fait le pain-d’épice. Voyez Pain d’épice. Il y a de plusieurs sortes de pâtes qui peuvent néanmoins se réduire a trois principales ; pâte d’assortiment, pâte dure & pâte en gros. Voyez chacun de ces mots à son article. Cette pâte a cela de particulier, qu’elle ne se leve point comme les autres especes de pâte, & peut se garder un tems considérable sans se gâter. Les ouvrages qu’on en fait quand elle est nouvellement faite, ne valent pas à beaucoup près, ceux qu’on fait de vieille pâte.

Pâte d’assortiment, est une pâte qui tient le milieu entre la pâte dure & la pâte à gros, pour la fermeté & la consistance. On en fait des ouvrages assez considérables, des pains de deux, de trois, de quatre sols, &c.

La pâte dure est une sorte de pâte très-ferme, dont on se sert à faire les mêmes ouvrages, tels que ces figures d’hommes & de femmes que l’on voit fort communément, &c.

Pâte à gros ; c’est une pâte molle, fine, & fort légere, dont on fait les gros pains d’épice, Voyez Gros.

Pate, (Papeterie.) espece de bouillie dont se fabrique le papier. Elle est faite de vieux chiffons, ou morceaux de toile de chanvre & de lin, que l’on appelle drapeaux, beilles, chiffes, drilles, & pâtes.

Pâte venante, on appelle pâte venante, la pâte de moyenne qualité faite des vieux drapeaux & chiffons de toile de lin ou de chanvre, qui ne sont pas les plus fins ; c’est avec la pâte venante que se font les papiers de la seconde sorte.

Pate, en terme de Patisserie ; c’est une composition molle, de farine pétrie avec de l’eau, du lait, du beurre, & autre chose semblable, dont on fait une espece d’enveloppe à la viande & aux fruits, qu’on veut faire cuire au four. La pâte est la base & le fondement des gâteaux, tourtes, & autres ouvrages de pâtisserie. Voyez Patisserie.