L’Encyclopédie/1re édition/PARDON

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PARDON, EXCUSE, (Synon.) on fait excuse d’une faute apparente ; on demande pardon d’une faute réelle ; l’un est pour se justifier & part d’un fond de politesse ; l’autre est pour arrêter la vengeance, ou pour empêcher la punition, & désigne un mouvement de repentir ; le bon esprit fait excuse facilement ; le bon cœur fait pardonner promptement. Girard.

Pardon, en terme de Droit canon & de Théologie ; est une indulgence que le pape accorde pour la rémission des peines temporelles dûes au péché, & qui doivent être expiées en cette vie par la pénitence, ou en l’autre par les peines du purgatoire. Voyez Indulgence & Purgatoire.

Le tems célébre pour les pardons est celui du jubilé. Voyez Jubilé.

Pardon se disoit aussi autrefois de la priere que nous nommons l’angelus, & qu’on récite au son de la cloche, le matin, à midi & le soir, en l’honneur de la sainte Vierge, pour obtenir les indulgences attachées à la récitation de cette priere ; c’est pourquoi on lit dans quelques auteurs sonner le pardon pour l’angelus. Voyez Angelus.

Pardon, venia, dans les anciens auteurs anglois signifie la maniere de demander pardon à Dieu en se mettant à genoux, ou plutôt une prosternation qui étoit en usage parmi les pénitens. Voyez Genuflexion.

C’est ainsi qu’on lit dans Wahingham, pag. 196. rege interim prostrato in longâ veniâ ; & ailleurs ce vers du tems.

Per venias centum verrunt barbis pavimentum.

Pardon, (Théolog.) Les Juifs ont une fête qu’ils appellent jomhacchipout, c’est-à-dire le jour de pardon, qui se célebre le dixieme du mois Tisri, qui répond à notre mois de Septembre : elle est ordonnée au Lévit. ch. xxiij. vers. 27. où il est dit, au dixieme de ce septieme mois, vous affligerez vos ames, &c. Pendant ce jour-là toute œuvre cesse, comme au jour du sabbat, & l’on jeûne sans manger quoique ce soit.

Léon de Modene remarque, que les Juifs pratiquoient autrefois une certaine cérémonie la veille de cette fête, qui consistoit à frapper trois fois la tête d’un coq en vie, & de dire à chaque fois, qu’il soit immolé au lieu de moi, laquelle cérémonie se nommoit chappara, expiation ; mais elle ne s’observe plus en Italie & au Levant, parce qu’on a reconnu que c’étoit une superstition. Ils mangent beaucoup cette même veille, à cause qu’il est jeûne le lendemain. Plusieurs se baignent & se font donner les trente-neuf coups de fouet nommés malcuth : ceux qui retiennent le bien d’autrui, quand ils ont quelque conscience, le restituent alors. Ils demandent pardon à ceux qu’ils ont offensés ; ils font des aumônes, & généralement tout ce qui doit accompagner une véritable pénitence. Après souper plusieurs se vêtent de blanc, & en cet état sans souliers, ils vont à la synagogue qui est fort éclairée ce soir-là de lampes & de bougies. Là, chaque nation, selon sa coutume, fait plusieurs prieres & confessions pour marquer sa pénitence, ce qui dure au-moins trois heures ; après quoi on va se coucher. Il y en a quelques-uns qui passent toute la nuit dans la synagogue, priant Dieu & récitant des pseaumes. Le lendemain dès le point du jour, ils retournent tous à la synagogue, habillés comme le jour précédent, & y demeurent jusqu’à la nuit, disant sans interruption des prieres, des pseaumes, des confessions, & demandant à Dieu qu’il leur pardonne les péchés qu’ils ont commis. Lorsque la nuit est venue, & que l’on découvre les étoiles, on sonne d’un cor pour marquer que le jeûne est fini : après quoi ils sortent de la synagogue, & se saluant les uns les autres, ils se souhaitent une longue vie. Ils bénissent la nouvelle lune, & étant de retour chez eux, ils rompent le jeûne & mangent. Voyez Leon de Modene, traité des cérémonies des Juifs, part. III. ch. vj. Voyez aussi Trompetes.

Pardon, s. m. (Discipl. ecclés.) ce mot signifie l’indulgence que le pape accorde aux Chrétiens pour leurs péchés, moyennant qu’ils aillent à une telle église, à une telle station, &c. Voyez Indulgence.

Pasquier se récrie fortement contre le droit que le pape s’attribue, de distribuer des indulgences & des pardons pour les péchés : voici ses propres termes qui regardent les tems de Léon X, & le passage est singulier.

« Ceux, dit-il, qui commandoient aux opinions de Léon X, pape, facile & débonnaire, mettant l’honneur de Dieu sous piés, lui firent exercer libéralité de ses deniers, tirés des pardons, envers une sienne sœur qui en eut le plus grand chanteau, comme nous apprenons de Guichardin, puis envers un, & autres princes....

» Alors se tourna le grand pardon en parti, se trouvant quelques prélats, principaux entrepreneurs qui faisoient la maille bonne, sous lesquels y avoit quelques partisans qui savoient ce qu’ils leur devoient rendre pour les provinces qui leur étoient départies.

» La procédure que ces messieurs observoient allant faire leurs quêtes, étoit de commencer en chaque paroisse par une procession sous la conduite du curé, ou de son vicaire, suivie d’une célébration de grand’messe du S. Esprit, qui se fermoit par le sermon d’un charlatan, lequel étaloit aux paroissiens de quel fruit étoit le mérite de ce grand pardon, tant aux vivans qu’aux morts, selon le plus ou le moins qu’on contribueroit de deniers ; & lors le pauvre peuple ouvroit sa bourse à qui mieux, pour participer à un si riche butin. Ce fut un or pire que celui de Toulouse, qui causoit seulement la mort à ceux qui le manioient....

» Quelques prêcheurs d’Allemagne n’oublierent de se déborder contre cet abus, & sur-tout Martin Luther, religieux de l’ordre de S. Augustin, s’en acquitta dedans la ville de Wittemberg, pays de Saxe, soutenant qu’il n’étoit en la puissance du pape de distribuer des indulgences & pardons. Quelques écoliers sous la qualité de théologiens, soutinrent la querelle du pape, donnant sujet à un moineau de se faire aigle aux dépens de la réputation du S. Siege, & entr’autres un frere Prierias de l’ordre de S. Dominique, demeurant à Rome, se mit sur les rangs ; tellement que deux moines, l’un augustin, l’autre jacobin, entrent en lice, s’attachant aux extrémités ; celui-là voulant terrasser la grandeur du pape, & la réduire au pié des autres évêques & au-dedans de leurs limites ; & celui-ci, au contraire, lui donnant toute puissance & autorité, non-seulement sur les patriarches, archevêques & évêques, mais aussi sur le concile général & œcuménique. Qu’il lui suffisoit de dire, s’il me ploist, il me loist ; c’est-à-dire s’il me plaît, il m’est loisible ; & qu’il falloit considerer, non ce que les papes font, mais ce qu’ils sont ».

Après cela, passant aux désordres de la discipline ecclésiastique & bénéficiale ; Pasquier conclut ainsi cette longue & notable épître : « & nous, au milieu de cette générale débauche, nous pensons exterminer l’hérésie, par nos écrits & nos cris...... c’est faire gerbe de fouarre à Dieu, que de le croire ». (D. J.)

Pardon, (Jurisprud.) est la grace que le prince accorde à celui qui est accusé d’un crime pour lequel il n’échet pas peine de mort, & qui néanmoins ne peut être excusé, comme quand quelqu’un s’est trouvé dans une voie où il est arrivé mort d’homme. Voyez l’ord. de 1670. tit. 26. art. iij. & Voyez Lettres de Pardon. (A)