L’Encyclopédie/1re édition/GENUFLEXION

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GENUFLEXION, s. f. (Hist. eccl.) fléchissement de genoux.

Rosweid, dans son onomasticon, prétend que la génuflexion dans la priere est un usage très-ancien dans l’Église, & même dans l’ancien Testament ; que cet usage s’observoit toute l’année, excepté le dimanche, & que pendant le tems qui est depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte, elle étoit défendue par le concile de Nicée.

D’autres ont prétendu que cette différence venoit des apôtres, comme cela paroît par S. Irénée & Tertullien. L’église d’Ethiopie qui est scrupuleusement attachée aux anciennes coûtumes, a retenu celle de ne point réciter le service divin à genoux.

Les Russes regardent comme une chose indécente de prier Dieu à genoux. Les Juifs prient toûjours debout. Rosweid tire les raisons de la défense de ne point faire de génuflexion le dimanche, de S. Basile, de S. Athanase & de S. Justin.

Baronius prétend que la génuflexion n’étoit point établie l’an 58 de Jesus-Christ, à cause de ce qu’on lit de S. Paul dans les Actes xx. 36 : mais d’autres ont crû qu’on n’en pouvoit rien conclure.

Le même auteur remarque que les Saints avoient porté si loin l’exercice de la génuflexion, que quelques uns en avoient usé le plancher à l’endroit où ils se mettoient ; & S. Jérôme dit que S. Jacques avoit par-là contracté une dureté aux genoux égale à celle des chameaux. Eusebe l’assûre de S. Jacques de Jérusalem. Dict. de Trévoux & Chambers.

Bingham, dans ses antiquités ecclésiastiques, prouve fort bien ce que prétend Rosweid, qu’à l’exception des dimanches & du tems depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte, les fideles prioient toûjours à genoux, & principalement les jours de station, c’est-à-dire les jours de jeûne. Il cite sur ce sujet plusieurs peres & conciles ; entr’autres le troisieme concile de Tours, qui s’exprime de la sorte : Sciendum est quod exceptis diebus dominicis & illis solemnitatibus quibus universalis ecclesia ob recordationem dominicæ resurrectionis solet stando orare, fixis in terrâ genibus, suppliciter clementiam Dei nobis profuturam nostrorumque criminum indulgentiam deposcendum est. Bingham, orig. ecclesiastiq. tom. V. lib. XIII. ch. viij. §. 4. (G)

Génuflexion, (Hist. mod.) marque extérieure de respect, de soûmission, de dépendance d’un homme à un autre homme.

L’usage de la génuflexion passa de l’Orient dans l’Occident, introduit par Constantin, & précédemment par Dioclétien ; il arriva de-là que plusieurs rois, à l’exemple de l’empereur d’Occident, exigerent qu’on fléchît les genoux en leur parlant, ou en les servant. Les députés des communes prirent la coûtume de parler à genoux au roi de France, & les vestiges en subsistent toûjours. Les ducs de Bourgogne tâcherent aussi dans leurs états de conserver l’étiquete des chefs de leur maison. Les autres souverains suivirent le même exemple. En un mot, un vassal se vit obligé de faire son hommage à son seigneur les deux genoux en terre. Tout cela, comme dit très-bien M. de Voltaire, n’est autre chose que l’histoire de la vanité humaine ; & cette histoire ne mérite pas que nous nous y arrêtions plus long-tems. (D. J.)