L’Encyclopédie/1re édition/PÊCHER

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PÊCHER, s. m. persica, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Ce pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit charnu presque rond, & sillonné dans sa longueur. Ce fruit renferme un noyau qui a sur sa surface de petites fosses assez profondes, & qui renferme une amande oblongue. Ajoutez aux caracteres de ce genre le port de chacune des especes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Pêcher, persica, (Jardinage.) petit arbre qui est venu très-anciennement de Perse, & que l’on cultive dans tous les climats tempérés de l’Europe, pour l’excellence de son fruit. Il ne s’éleve guere qu’à douze ou quinze piés ; il se garnit de beaucoup de rameaux, qui s’élançant toujours plus d’un côté que de l’autre, dérangent bien-tôt la forme de l’arbre. Son écorce est roussâtre, il fait peu de racines ; ses feuilles sont longues, étroites, & lisses, dentelées, pointues, & placées alternativement sur la branche. Ses fleurs, tantôt grandes, tantôt petites, selon l’espece de pêche, sont aussi d’un rouge plus ou moins foncé. Le fruit qui les remplace est communément rond, assez gros, charnu, & ordinairement couvert de duvet ; mais il est diversement coloré, soit en-dehors, soit en-dedans, suivant les différentes variétés. La diversité s’étend aussi sur le goût des pêches qui sont excellentes pour la plûpart. Elles renferment un noyau très-dur, sillonné en-dehors, & lisse en-dedans, qui couvre une amande d’un goût amer.

La pêche est le premier, le plus beau, & le meilleur des fruits que l’on cultive dans ce royaume, où depuis un siecle, on a fait la découverte de la plûpart des bonnes especes de cet arbre. C’est par la semence qu’on a obtenu ces excellentes variétés dans les pepinieres des environs de Paris ; & si on s’appliquoit également à semer dans les différentes provinces les noyaux des bonnes especes de pêches qui sont connues, la diversité des terreins procureroit bien d’autres nouveautés dans ce genre.

Le pêcher est très-aisé à multiplier & à élever ; mais sa culture est ce qu’il y a de plus difficile dans le jardinage. Il faut tout l’art du jardinier, & tous ses soins pour conserver cet arbre dans sa force, & le soutenir dans sa beauté. On n’est pas même encore parfaitement d’accord sur la meilleure façon de le conduire : nulle comparaison à faire à cet égard, du pêcher avec les autres arbres fruitiers, que l’on releve, & qu’on répare assez aisément ; au lieu que si l’on a négligé le pêcher, il est presque impossible de le rétablir. Il est d’ailleurs sujet à quantité de maladies auxquelles il est très-difficile de remédier ; en sorte que le plus court moyen est souvent de remplacer par un nouvel arbre celui qui a été négligé, ou qui est languissant.

Il est très-aisé, comme je l’ai dit, de multiplier le pêcher ; ce n’est pourtant pas en semant les noyaux de pêches, qui ne produiroient pour la plûpart que des plans bâtards, dont les fruits seroient dégénérés ; & ce ne seroit que par un pur hasard que l’on obtiendroit par ce moyen quelques bonnes especes de pêches. Mais il est d’usage dans les pepinieres, d’élever cet arbre en le greffant sur le prunier de damas, qui est propre pour les terreins humides, ou sur l’amandier qui convient aux terres légeres. On le greffe aussi quelquefois sur l’abricotier, qui donne de beaux fruits, mais qui n’est pas de durée, & très-rarement sur le sauvageon de pêcher ; parce que, malgré qu’il fasse un bel arbre bien vigoureux, il est trop sujet à la gomme.

Tous les terreins qui sont propres à la vigne, conviennent au pêcher : on peut juger par-là du sol qu’il lui faut. On voit assez communément cet arbre réussir par-tout, au moyen des préparations de terre, par lesquelles on supplée à la sécheresse des lieux élevés, & en exhaussant des parties de terrein dans les endroits bas & humides.

Si le terrein est de bonne qualité, il faudra le faire défoncer de deux à trois piés de profondeur, sur six de largeur ; mais il faudra s’arrêter aussi-tôt que l’on trouvera la glaise ou le tuf ; car il n’y a rien à gagner en les perçant pour y substituer de bonnes terres : en évitant un inconvénient, on se jetteroit dans un plus grand. On ne doit pas même se rebuter à la rencontre du tuf ou de la glaise, s’il y a par-dessous un pié & demi environ d’épaisseur de bonne terre. Dans le cas où le terrein de la surface se trouveroit trop léger, trop sec, trop sablonneux, trop usé, en un mot, de mauvaise qualité, on y fera rapporter des terres neuves de pâturage.

Le succès du pêcher dépend principalement de l’exposition : il faut le midi aux pêches tardives, & le levant suffira pour celles qui sont précoces ; ensuite pour la situation, le milieu des côteaux, ce qu’on appelle mi-côte, est ce qu’il y a de plus avantageux ; après cela, tout le reste de la pente des montagnes ; puis les vallons & tout le plat pays en général ; enfin, les sommets des montagnes sont ce qu’il y a de plus défavorable, par rapport à ce qu’une telle situation est plus exposée qu’aucune autre, aux intempéries de toutes sortes.

Les pêches de la meilleure qualité réussissent si rarement en plein vent, qu’on a généralement pris le parti de les mettre en espallier contre des murs garnis de treillage. Si ces murs n’ont que neuf à dix piés de hauteur, ils ne sont propres à recevoir que des pêchers de basse tige, qu’il faudra espacer de quinze à vingt piés, selon la qualité du terrein. Mais si les murs étoient élevés de douze piés & plus, on pourra mettre des demi-tiges de cinq piés entre les premiers pêchers, sans augmenter leur intervalle.

L’automne est la vraie saison de planter les pêchers ; on ne sauroit s’y prendre trop tôt, dans quelque terrein que ce soit. Ainsi dès que la séve sera arrêtée, aux environs du vingt Octobre, il sera aussi avantageux de faire cette plantation, qu’il résultera d’inconvéniens en la suspendant, & encore plus en la différant jusqu’au printems. On se dispensera d’en rapporter ici toutes les raisons qui sont sans nombre, & qui engagent fortement à conseiller, & même à recommander cette diligence.

Pour être sûr d’avoir les bonnes especes de pêches que l’on desire, il faudroit avoir pû les faire élever chez soi ; mais comme chacun ne se trouve pas arrangé pour cela, & qu’on n’est pas toujours en disposition d’attendre la venue de ces arbres, on est forcé le plus souvent de s’en rapporter à autrui. On trouve toutes les bonnes especes aux environs de Paris ; la plûpart à Orléans, & on a commencé à en élever dans presque toutes les provinces du royaume. Il y a souvent de l’inconvénient à tirer ces arbres de loin, faute de prendre quelques précautions, qui ne consisteroient qu’à bien garnir de mousse tout le vuide qui se trouve entre les racines après que les arbres ont été liés en paquets : minutie qu’on trouvera peu digne d’être relevée dans un grand ouvrage comme celui-ci ; mais qui est le seul moyen de conserver la fraîcheur des arbres dans une longue route. Dès qu’ils seront arrivés à leur destination, il ne faudra différer de les planter, qu’au cas qu’il fît un tems de neige ou de gelée, ou bien que les terres fussent trop humides. Il vaudra mieux déposer alors les arbres dans un lieu sain & abrité, après en avoir mouillé modérément les racines. Mais dès que la saison sera convenable, on déballera les arbres ; on rafraîchira les racines en coupant leur extrémité jusqu’au vif. Cette coupe se fera de biais, & en-dessous, de maniere qu’elle puisse porter sur la terre en plaçant l’arbre dans le trou. On ôtera tout le chevelu, & on retranchera toutes les racines qui seront écorcées, rompues, ou viciées ; puis pour former la tête, on coupera toutes les branches latérales de la tige principale, que l’on rabattra en biais à sept ou huit pouces au-dessous de la greffe. On fera ensuite aux places marquées dans le terrein, que l’on suppose préparé d’avance, des trous suffisans pour l’étendue des racines. On y placera les arbres de façon qu’ils soient un peu inclinés vers le mur ; qu’ils en soient éloignés de quatre à cinq pouces ; que la coupe le regarde, & que la greffe puisse excéder de deux ou trois pouces le niveau du sol. On fera jetter autour de l’arbre la terre la plus meuble, la plus légere, & la meilleure que l’on fera entrer avec les doigts entre les racines ; & après que le trou sera rempli & qu’on aura assuré le terrein en appuyant médiocrement le pié autour de l’arbre, on y fera jetter une charge d’eau pour lier la terre aux racines. Mais si la plantation n’a été faite qu’au printems, il faudra envelopper la tige des arbres de grande paille, en couvrir la terre au pié, & arroser le tout modérément chaque semaine dans les tems de hâle & de sécheresse. Quand on verra que les pêchers commencent à pousser, on découvrira leur tige, & on les laissera aller cette premiere année à leur gré en prenant soin pourtant d’attacher au treillage les nouveaux rejettons, à mesure qu’ils prendront une force & une longueur suffisante.

La culture du pêcher, qui consiste principalement à le tailler, à l’ebourgeonner & à le palisser, fait le point le plus important, & en même tems le plus difficile du jardinage. C’est ici la pierre d’achoppement des jardiniers, c’est le premier trait qui manifeste leur talent, c’est la plus grande perfection de leur art, & la seule sur laquelle il faille les examiner, les suivre, les diriger principalement. La taille des autres arbres fruitiers n’est rien en comparaison de celle du pêcher. Ce n’est pas qu’il ne faille aussi les entendre & les conduire ; mais la grande différence vient de ce qu’on peut réparer les autres fruitiers, quoiqu’ils aient été depuis long-tems négligés ou traites par une main ignorante ; au lieu que si on a néglige ou mal conduit un pêcher seulement pendant une année ou deux, il est presque impossible de le rétablir. Pour discuter suffisamment cet article, il faudroit un examen & un détail qu’on ne peut se promettre dans un ouvrage de cette nature : on se contentera des principaux faits.

Le pêcher veut être soigné & suivi pendant la plus grande partie de l’année ; c’est-à-dire, depuis la chûte des feuilles jusqu’après la récolte du fruit ; il faut à cet arbre des attentions habituelles pour le préserver des intempéries, le conserver dans sa beauté, l’entretenir dans sa force, & pour le faire durer & prospérer. Je suivrai l’ordre des saisons pour indiquer les différens soins de culture qu’on doit employer, & présenter d’un coup d’œil les diverses opérations qui sont nécessaires pour remplir cet objet.

La taille est le premier soin de culture qu’il faille donner au pêcher. Cette culture est même indispensable à son égard, & il faut de plus qu’elle soit exactement ; car si on néglige de tailler cet arbre pendant un an seulement, il se trouve élancé, dégarni, & détérioré au point qu’il n’est souvent pas possible de le rétablir en trois années ; & si on l’a abandonné deux ou trois ans, il n’y a presque plus moyen d’y remédier, ni, à plus forte raison, d’en former un bel arbre. On peut tailler le pêcher depuis la chûte des feuilles jusqu’au premier mouvement de la seve ; mais d’attendre que les arbres soient en fleur, ou que le fruit soit noué pour les tailler, c’est le plus grand abus qui puisse résulter de la négligence du jardinier. On doit commencer par les arbres les plus foibles, & finir par les plus vigoureux. C’est encore une autre abus de croire que les arbres taillés sont plus sujets à être endommagés par les intempéries qui arrivent si ordinairement au retour du printems. On est assez généralement d’accord qu’il n’y a plus d’inconvénient pour les arbres taillés que pour ceux qui ne le sont pas. Avant de faire agir la serpette, on doit dépalisser l’arbre & le nettoyer de toute saleté & des insectes. Il faut ensuite distinguer les jeunes arbres jusqu’à l’âge de six ans, de ceux qui sont dans leur force ou qui sont sur le déclin. On doit en général se régler sur la force de l’arbre pour le retranchement & l’accroissement des branches. Si l’arbre n’a qu’un an, & qu’il n’ait poussé que foiblement, on le réduira à deux branches ou à quatre, également partagées sur les côtés, & on les taillera à cinq ou six pouces. Mais si l’arbre a poussé vigoureusement, on pourra leur laisser jusqu’à huit à dix pouces de longueur. Dans les années suivantes la grande attention doit se porter à tenir la balance de façon que l’un des côtés de l’arbre ne soit pas plus chargé que l’autre. Si l’arbre est foible, il faut le rabatre du milieu ; si la seve se porte trop abondamment sur l’un des côtés, il faut accourcir ce côté pour donner de la force à l’autre. En général toute la force de l’arbre doit se porter sur deux ou quatre maîtresses branches distributrices de toute la garniture. On peut donner tous les ans à ces fortes branches douze ou quinze pouces de taille, quelquefois deux piés, & jusqu’à deux piés & demi, à la maniere des jardiniers de Montreuil, du reste on doit réduire les autres depuis six jusqu’à huit pouces. On croit communement que le pêcher n’a que douze ou quinze ans de vie ; mais quand il a été bien conduit, ce n’est encore là que le tiers de sa durée & le commencement de ses grandes forces, qui peuvent se soutenir pendant autant de tems, après quoi on peut regarder le reste de sa durée comme un état de retour dont le soutien dépend entierement de l’art & des soins du jardinier. C’est la taille bien entendue qui contribue le plus à la durée du pêcher. Elle consiste, pour les pêchers qui sont dans leur force, à ne pas trop charger l’arbre de branches, & cependant à le tenir bien garni. Après avoir examiné l’état de l’arbre, on commence à retrancher les branches séches, altérées & usées ; puis celles qui sont trop grosses ou trop petites, à l’exception des petits bouquets ou brindilles qui sont propres à donner les plus beaux fruits ; mais on doit conserver tout ce qui est nécessaire à entretenir la garniture de l’arbre. Enfin de toutes les branches qui ont poussé sur celle qui a été taillée l’année précédente, on ne laisse que la plus basse. Après cela on vient à la taille : si l’arbre se trouve fatigué pour avoir trop donné de fruit, on le ménage en accourcissant, si c’est le contraire, on alonge la taille jusqu’à huit pouces. C’est encore sur l’espece du pêcher qu’il faut se regler à cet égard. Quant aux pêchers qui sont sur le déclin, on ne sauroit trop les ménager, les tailler court, & ne conserver que les meilleures branches, mais en travaillant à la conservation de l’arbre & à sa fructification, on doit chercher en même tems à lui donner de la beauté, & à le rendre agréable, en faisant ensorte qu’il soit suffisamment garni de branches jusqu’au pié, qu’il fasse régulierement l’éventail, & qu’il n’occupe que la place qui lui a été destinée.

La beauté du pêcher consiste principalement à ce qu’il soit palissé proprement & avec ordre ; aucune branche n’en doit croiser d’autres, à moins qu’on n’y soit nécessité pour garnir un vuide. On se sert d’osier pour le premier palissage au printems, & du petit jonc de marais pendant l’été.

Mais le grand point pour avoir du fruit, c’est de veiller à la conservation du pêcher ; sans quoi, il arrive souvent que les frimats détruisent toutes les belles espérances qu’avoit donné la fleur. Le meilleur secret que l’on ait trouvé pour garantir ces arbres, est de former tout le long des murs au-dessous du chaperon, une espece d’avant-toit, composé de paillassons d’environ deux piés de largeur, supportés par des potences que l’on attache contre le mur pour un tems, depuis le mois de Février jusqu’au mois de Mai, cette couverture défend le haut des arbres, & l’on supplée dans les tems menaçans d’autres paillassons pour garantir le bas.

Dès la fin d’Avril on doit commencer une autre opération à laquelle il faut encore revenir à la fin de Mai, après que le fruit est noué ; c’est l’ébourgeonnement qui, quoique des plus importans, est souvent négligé. Il consiste à retrancher par la seule action du pouce, les jeunes pousses qui paroissent déplacées, foibles ou surabondantes. On regarde comme déplacées celles qui viennent en-devant, ou qui poussent par derriere. On juge que les nouvelles pousses surabondent, lorsqu’il y en a sur chaque branche plus de deux ou trois que l’on conserve dans les places avantageuses, & on supprime le reste. L’ébourgeonnement doit être fait par un jardinier intelligent, parce qu’on y peut faire de grandes fautes, qui ne pourront se réparer que très-difficilement. Néanmoins c’est principalement de cette opération bien entendue que dépendent la vigueur, la durée & la fertilité du pêcher.

Il est encore d’autres soins de culture qu’on pourroit prendre après l’ébourgeonnement, comme de pincer certaines branches nouvelles, & d’en arrêter d’autres. Mais comme les sentimens & la pratique sont très-opposés sur ce point, les uns soutenant que ces seconds soins sont absolument nécessaires, & les autres prétendant qu’il faut laisser agir la nature ; on se dispensera d’entrer ici dans aucun détail à ce sujet.

Il en sera de même de la culture des pêchers relativement au remuement de la terre ; je n’en parlerai que pour en représenter l’inutilité. Quand on cultive les plattes-bandes qui sont au pié de ces arbres, c’est moins pour les favoriser que pour y mettre des légumes. Mais on ne voit pas que les herbes, bonnes ou mauvaises, sont tout ce qu’il y a de plus pernicieux aux arbres. Elles interceptent au-dehors les petites pluies, les rosées, les vapeurs, &c. & elles pompent avidement du dedans les sucs, les sels & l’humidité de la terre ; ensorte qu’on doit regarder les légumes & toutes les herbes, comme le fléau des arbres. Je me suis bien convaincu que rien n’est plus avantageux aux pêchers que de faire regner une allée sablée jusque contre sa palissade & le mur, sans autre soin que d’en ratisser l’herbe exactement. Je vois dans plusieurs endroits des pêchers ainsi traités depuis vingt ans, qui ont fait des progrès étonnans, & qui sont d’une beauté admirable.

La taille que l’on a fait en hiver au pêcher & l’ébourgeonnement au printems, obligeant sa seve à se porter vigoureusement dans les branches qui ont été conservées, exigent de fréquens palissages. Le premier se fait au mois de Juin, sans autre choix, retranchement ni sujettion, lorsque l’ébourgeonnement a été bien fait, que de bien espacer, étendre & tourner les branches, de façon qu’elles garnissent l’arbre agréablement, & que le fruit soit couvert de feuilles autant qu’il se pourra ; un mois ou six semaines après il faudra un second palissage fort facile, & qui ne consistera qu’en un lien de plus à toutes les branches qui se seront alongées, & à rabattre tout ce qui contrariera la beauté de la forme. Il y a quelquefois des arbres vigoureux qui demandent une troisieme revue au mois de Septembre.

Il est des terreins légers qui exigent que l’on arrose les pêchers dans le tems de hâle & de sécheresse. Dans ce cas, il faut faire donner à chaque arbre une charge d’eau tous les quinze jours, faire mettre de la grande paille à leur pié, & même en garnir les tiges des pêchers.

Les fruits demandent aussi des attentions. Après avoir ôté, quand ils sont noués & débourés, tous ceux qui sont venus de trop (car on prétend qu’un pêcher de bonne stature n’en doit porter que soixante), on aura soin, dès qu’on s’appercevra que les pêches commencent à changer & à prendre de la blancheur, de les découvrir peu-à-peu à trois fois, de quatre jours en quatre jours, en ôtant quelques feuilles, afin que recevant la plus forte impression du soleil, elles puissent se colorer, se mûrir & se perfectionner. La parfaite maturité des pêches se reconnoît lorsqu’en les touchant légerement elles restent dans la main.

Les pêches sont souvent endommagées par quantité d’insectes. Dès le printems le bouton à fleur est attaqué par une chenille verte que l’on trouve derriere les branches, & qu’il faut détruire. Lorsque les murs sont mal crépis, les loirs, les mulots, les rats, les souris & les musaraignes s’y réfugient & entament tous les fruits à mesure qu’ils commencent à mûrir. On peut détruire ces animaux nuisibles à force de tendre aux approches des souricieres & des quatre de chifre. La défectuosité des murs occasionne aussi le dégât des fourmis, qui ne s’attachent & ne font de mal qu’autant que l’arbre est infecté de pucerons, dont l’excrément mielleux les attire. Il faut commencer par détruire les pucerons en coupant le bout des branches, & en ôtant toutes les feuilles qui en sont couvertes. A l’égard des fourmis, on en détruit une grande quantité en mettant au pié de l’arbre un pié de bœuf frais dont on égraille la peau sans l’ôter. Bientôt il est couvert de fourmis que l’on fait périr en trempant le pié de bœuf dans l’eau. Les perce-oreilles endommagent souvent les grosses & petites mignones ; on peut prendre ces insectes avec des onglets de mouton, où ils aiment à se réfugier. Enfin pour se débarrasser des mouches-guêpes & autres insectes de ce genre, on n’a pas trouvé d’autre moyen, que de leur suppléer d’autres fruits plus communs, qui puissent les attirer par leur douceur & leur mollesse.

Les végétaux comme les animaux sont sujet à des maladies. Le pêcher en a sur-tout une qui lui est particuliere. Il est souvent endommagé par les vents roux, qui occasionnent une nielle, un brouis, que l’on nomme la cloque. Les feuilles s’épaississent & se recoquillent en devenant rougeâtres & galeuses. Cet état désagréable est encore plus nuisible à l’arbre & au fruit. On détruit ce mal en coupant tous les bouts des branches, & toutes les feuilles qui en sont infectées. La gomme est une autre maladie qu’il faut bien se garder de négliger. Dès qu’on s’en apperçoit, nul autre remede que de couper la branche au-dessous de l’écoulement. Mais si le mal empire & s’étend jusqu’à un certain point, le plus court est d’arracher l’arbre. Il en est de même lorsqu’il vient à être atteint d’une espece de glu noirâtre qui couvre tout le pêcher : ce mal est occasionné par une seve corrompue qui s’extravase & qui est si contagieuse, qu’il faut faire enlever promptement l’arbre qui en est infecté. Enfin, il arrive quelquefois que dans les mois de Juin & de Juillet il tombe sur les pêchers une nielle blanche & contagieuse qui endommage l’arbre & le fruit ; le remede est de raccourcir les branches à mesure qu’elles en sont atteintes.

Le pêcher, à plusieurs égards, est de quelque usage en médecine. Ses feuilles, & ses fleurs sur-tout, sont purgatives ; on s’en sert en infusion : on en fait encore un syrop fort usité, qui est aussi vermifuge, ainsi que l’huile tirée par expression des amandes du fruit. Voyez le mot Pêche.

On distingue le fruit du pêcher en pêches, pavies, & brugnons. Les pêches sont les plus estimées, parce qu’elles ont la chair tendre, molle, succulente, d’un goût relevé, & qui quitte le noyau. Les pavies au contraire, ayant la chair dure & séche, qui tient au noyau, & ne meurissant que rarement dans ce climat ; on n’en fait cas que dans les pays chauds, où elles réussissent beaucoup mieux que les pêches. Il en est de même des brugnons. Les curieux ne font cas que de quinze ou vingt sortes de pêches, qu’on peut rassembler jusqu’au nombre de quarante, en donnant dans la médiocrité, pour avoir une plus grande variété. On connoît de quarante sortes de pavies pour le moins, dont il n’y en a qu’une ou deux qui réussissent dans ce climat. Il y a aussi de huit ou dix sortes de brugnons ; ce fruit est lisse, & la chair tient au noyau, mais il n’y en a qu’une espece dont on fasse quelque cas aux environs de Paris. La nature de cet ouvrage ne permet pas d’entrer dans le détail de toutes les especes de pêches que l’on cultive ; on se contentera de rapprocher ici quelques variétés du pêcher qui se font remarquer par leur agrément ou leur singularité.

1°. Le pêcher blanc est ainsi nommé à cause de ses fleurs qui sont blanches, ainsi que la peau & la chair du fruit.

2°. Le pêcher à fleurs doubles mérite d’être cultivé pour l’agrément, ses fleurs étant grandes, très-doubles, & d’une vive couleur de rose, sont de la plus belle apparance ; mais son fruit est tardif & d’une bien médiocre qualité.

3°. La pêche-amande. Le fruit de cet arbre tient de la pêche & de l’amande, mais beaucoup plus de cette derniere que de la premiere. Sa feuille est lisse, la fleur précoce, le noyau sans sillons par-dessus, & l’amande est douce : toute l’analogie que ce fruit peut avoir avec la pêche ne consiste qu’en ce que la pulpe ayant plus d’épaisseur que celle des amandes ordinaires, devient succulente en murissant ; mais elle conserve une amertume qui est désagréable.

4°. La pêche-noix. Ce fruit n’a d’autre mérite que la singularité. L’arbre qui le produit s’éleve moins que le pêcher ; sa feuille est plus grande ; sa fleur est d’un rouge vif & foncé ; son fruit, qui est lisse, conserve toujours la couleur verte de la noix, même dans sa maturité, qui n’arrive qu’à la fin d’Octobre ; mais il est d’assez mauvaise qualité.

5°. Le pêcher nain. C’est en effet un très-petit arbrisseau, qui ne s’éleve guere qu’à un pié & demi ; ensorte qu’on peut très-bien le tenir dans un pot moyen : c’est ce qui en fait tout le mérite. Son fruit ne prend point de couleur, il murit tard, il est petit & d’un goût très-médiocre.

6°. Le pêcher nain à fleur double. Comme cet arbre est stérile, les Botanistes ne sont nullement d’accord sur le genre d’arbre auquel on doit le réunir. Les uns le rangent avec les pêchers, d’autres avec les amandiers, d’autres enfin avec les pruniers. Quoi qu’il en soit, cet arbrisseau s’éleve à trois ou quatre piés ; il se charge au mois d’Avril d’une grande quantité de fleurs assez larges & très-doubles ; elles sont d’un rouge pâle en-dessus, & blanches en-dessous. Le grand soleil les décolore & les fait passer trop vîte : cela doit engager à mettre cet arbrisseau à l’exposition du nord, où les fleurs auront plus de vivacité, & se soutiendront pendant un mois. Il est robuste ; on peut le tailler en palissade, & le multiplier par la greffe sur les mêmes sujets que le pêcher ordinaire, il vient difficilement de branches couchées.

On pourra consulter sur les bonnes especes de pêches le catalogue des RR. PP. Chartreux de Paris, & l’essai sur l’agriculture de M. l’abbé Nolin ; & pour la culture du pêcher, le traité de M. de Combe, & un mémoire de M. l’abbé Roger, qui a été inseré dans le journal économique du mois de Février 1755. Article de M. d’Aubenton le Subdélégué.

Pêcher, (Diete & Mat. médic.) le fruit & les fleurs sont les seules parties de cet arbre dont nous ayons à faire mention.

Le fruit que tout le monde connoît sous le nom de pêche, est un des plus salutaires, comme des plus délicieux de tous ceux que mangent les hommes. Il se trouve cependant parmi les anciens médecins, des auteurs d’un grand nom, tels que Galien & Paul d’Egine, qui en ont condamné l’usage ; mais leur autorité est rendue à peu-près nulle par les autorités contraires ; par celle de Dioscoride & de Pline par exemple ; & l’observation constante décide en faveur du sentiment que nous avons embrassé. Les pêches les plus fondantes, ou pêches proprement dites, & celles qui portent le nom de brugnons, qui sont les unes & les autres de l’espece dont la chair n’adhere point au noyau, & qui sont les plus parfumées, sont encore plus salutaires, se digerent plus aisément, plaisent davantage à l’estomac que celles qu’on appelle communément pavies, dont le parenchyme est toujours plus serré, & qui sont ordinairement moins parfumées & d’un goût moins relevé. La meilleure façon de manger la pêche, c’est de la manger crue, soit avec du sucre, soit sans sucre ; viennent ensuite la compote & la marmelade. La pêche confite à l’eau-de-vie ou à l’esprit-de-vin, ne vaut absolument rien ; elle est toujours échauffante & indigeste, parce qu’elle devient coriasse par cette préparation, qui exige d’ailleurs qu’on la prenne avant sa maturité. Cette observation doit porter à croire qu’il vaut mieux boire sur la pêche de l’eau que du vin, contre l’opinion & la coutume.

On a long-tems & très-anciennement pensé que la pêche étoit un poison en Perse, que l’on croit être le sol natal du pêcher. Columelle rapporte cette opinion, & Pline la réfute. Il est très-vraissemblable qu’une pêche sauvage est un très-violent purgatif. L’analogie déduite de la vertu des feuilles & des fleurs du pêcher, qui peuvent être regardées comme à peine altérées par la culture & par le climat, tandis que le fruit est absolument dénaturé par ces deux causes ; cette analogie, dis-je, fournit une violente présomption, si l’on se rappelle sur-tout les observations qui ne manquent pas sur une foule de faits semblables, sur beaucoup de substances végétales naturellement vénéneuses, adoucies par la culture & par le changement de climat.

Les fleurs du pêcher fournissent à la médecine un de ses purgatifs les plus usités, sur-tout pour les enfans. C’est leur infusion, & plus souvent encore un sirop simple préparé avec cette infusion, qu’on emploie ordinairement. On les donne aussi, mais fort rarement en substance, mangées fraiches sous forme de salade, ou préparées avec le sucre sous la forme de conserve. Tous ces remedes rangés dans la classe des purgatifs doux, ne laissent pas que d’avoir une certaine activité, de causer des tranchées dans différens sujets, & de produire même l’effet hydragogue. Les fleurs s’ordonnent par pincées dans les infusions purgatives ; & la dose du syrop est depuis demi-once jusqu’à trois & quatre onces.

Les fleurs de pêcher passent encore pour un bon vermifuge, qu’on peut donner utilement aux enfans dans la double vue de tuer & de chasser les vers.

Il faut remarquer que les fleurs de pêcher ne doivent pas être soumises à la décoction ; elles sont du nombre des substances dont la vertu purgative réside, au moins en partie, dans les principes volatils. Voyez Décoction, Infusion, & Purgatif. (b)

Pécher, v. act. Voyez l’article Péché.

Pêcher, Pêcheur, (Marine.) pêcher une ancre ; c’est rapporter une ancre du fond de l’eau avec celle du vaisseau, lorsqu’on l’a relevé ; ce qui arrive quelquefois lorsqu’on mouille dans des rades fort fréquentées. Pêcher un bris de naufrage.

Pecher, (Géogr. moderne.) ou Pakir, selon M. de l’Isle, ville de l’Arabie heureuse, située au bord de la mer, dans le royaume de Fartague selon les uns, & selon d’autres au royaume de Caresen.