L’Encyclopédie/1re édition/ODIN, OTHEN, ou VODEN

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ODIN, OTHEN, ou VODEN, s. m. (Mythol.) c’est ainsi que les anciens Celtes qui habitoient les pays du nord, appelloient le plus grand de leurs dieux, avant que la lumiere de l’évangile eût été portée dans leur pays. On croit que dans les commencemens les peuples du septentrion n’adoroient qu’un seul Dieu, suprème auteur & conservateur de l’univers. Il étoit défendu de le représenter sous une forme corporelle, on ne l’adoroit que dans les bois ; de ce Dieu souverain de tout, étoient émanés une infinité de génies ou de divinités subalternes, qui résidoient dans les élémens, & dans chaque partie du monde visible qu’ils gouvernoient sous l’autorité du Dieu suprème. Ils faisoient à lui seul des sacrifices, & croyoient lui plaire, en ne faisant aucun tort aux autres, & en s’appliquant à être braves & intrepides. Ces peuples croyoient à une vie à venir ; là des supplices cruels attendoient les méchans, & des plaisirs ineffables étoient réservés pour les homme justes, religieux & vaillans. On croit que ces dogmes avoient été apportés dans le nord par les Scythes. Ils s’y maintinrent pendant plusieurs siecles : mais enfin ils se lasserent de la simplicité de cette religion. Environ soixante-dix ans avant l’ere chrétienne, un prince scythe, appellé Odin, étant venu faire la conquête de leur pays, leur fit prendre des idées nouvelles de la divinité, & changea leurs lois, leurs mœurs & leur religion. Il paroît même que ce prince asiatique fut dans la suite confondu avec le Dieu suprême qu’ils adoroient auparavant, & à qui ils donnoient aussi le nom d’Odin. En effet ils semblent avoir confondu les attributs d’un guerrier terrible & sanguinaire & d’un magicien, avec ceux d’un Dieu tout puissant, créateur & conservateur de l’univers. On prétend que le véritable nom de ce scythe étoit Sigge, fils de Tridulphe, & qu’il prit le nom d’Odin, qui étoit le nom du Dieu suprême des Scythes, dont il étoit peut être le pontife. Par-là il voulut peut-être se rendre plus respectable aux yeux des peuples qu’il avoit envie de soumettre à sa puissance. On conjecture que Sigge ou Odin quitta la Scythie ou les Palus méotides au tems où Mithridate fut vaincu par Pompée, à cause de la crainte que cette victoire inspira à tous les alliés du roi de Pont. Ce prêtre conquérant quitta sa patrie ; il soumit une partie des peuples de la Russie ; & voulant se faire un établissement au septentrion de l’Europe, il se rendit maître de la Saxe, de la Westphalie & de la Franconie, & par conséquent d’une grande portion de l’Allemagne, où l’on prétend que plusieurs maisons souveraines descendent encore de lui. Après avoir affermi ses conquêtes, Odin marcha vers la Scandinavie par la Cimbrie, le pays de Holstein. Il bâtit dans l’île de Fionie la ville d’Odensée, qui porte encore son nom : de-là il étendit ses conquêtes dans tout le nord. Il donna le royaume de Danemark à un de ses fils. Le roi de Suede Gulfe se soumit volontairement à lui, le regardant comme un dieu. Odin profita de sa simplicité, & s’étant emparé de son royaume, il y exerça un pouvoir absolu, & comme souverain, & comme pontife. Non content de toutes ces conquêtes, il alla encore soumettre la Norwege. Il partagea tous ses royaumes à ses fils, qui étoient, dit-on, au nombre de vingt-huit, & de trente-deux, selon d’autres. Enfin, après avoir terminé ces exploits, il sentit approcher sa fin : alors ayant fait assembler ses amis, il se fit neuf grandes blessures avec une lance, & dit qu’il alloit en Scythie prendre place avec les dieux à un festin éternel, où il recevroit honorablement tous ceux qui mourroient les armes à la main. Telle fut la fin de ce législateur étonnant, qui, par sa valeur, son éloquence & son enthousiasme, parvint à soumettre tant de nations, & à se faire adorer comme un dieu.

Dans la mythologie qui nous a été conservée par les Islandois, Odin est appellé le dieu terrible & sévere, le pere du carnage, le dépopulateur, l’incendiaire, l’agile, le bruyant, celui qui donne la victoire, qui ranime le courage dans les combats, qui nomme ceux qui doivent être tués, &c. tantôt il est dit de lui, qu’il vit & gouverne pendant les siecles ; qu’il dirige tout ce qui est haut & tout ce qui est bas, ce qui est grand & ce qui est petit : il a fait le ciel & l’air & l’homme, qui doit toujours vivre ; & avant que le ciel & la terre fussent, ce dieu étoit déja avec les géans, &c.

Tel étoit le mélange monstrueux de qualités que ces peuples guerriers attribuoient à Odin. Ils prétendoient que ce dieu avoit une femme appellée Frigga ou Fréa, que l’on croit être la même que la déesse Hertus ou Hertha, adorée par des Germains, & qui étoit la terre. Il ne faut point la confondre avec Frey ou Freya, déesse de l’amour. V. Frigga. De cette femme Odin avoit eu le dieu Thor. Voyez Thor.

Selon ces mêmes peuples, Odin habitoit un palais céleste appellé Valhalla, où il admettoit à sa table ceux qui étoient morts courageusement dans les combats. Voyez Valhalla. Malgré cela, Odin venoit dans les batailles se joindre à la mélée, & exciter à la gloire les guerriers qui combattoient. Ceux qui alloient à la guerre, faisoient vœu de lui envoyer un certain nombre de victimes.

Odin étoit représenté une épée à la main ; le dieu Thor étoit à sa gauche, & Frigga étoit à la gauche de ce dernier. On lui offroit en sacrifice des chevaux, des chiens & des faucons ; & par la suite des tems, on lui offrit même des victimes humaines. Le temple le plus fameux du nord étoit celui d’Upsal en Suede ; les peuples de la Scandinavie s’y assembloient pour faire faire des sacrifices solemnels tous les neuf ans.

On voit encore des traces du culte rendu à Odin par les peuples du nord, le quatriéme jour de la semaine, ou le mercredi, appellé encore onsdag, vonsdog, vodensdag, le jour d’Odin. Les Anglois l’appellent wednes-day. Voyez l’introduction à l’histoire de Danemark par M. Mallet, & l’art. des Islandois.