L’Encyclopédie/1re édition/OBSERVATOIRE

OBSERVATOIRE, s. m. (Astron.) lieu destiné pour observer les mouvement des corps célestes ; c’est un bâtiment qui est ordinairement fait en forme de tour, élevé sur une hauteur, & couvert d’une terrasse, pour y faire des observations astronomiques.

Les observatoires les plus célebres sont, 1°. l’observatoire de Greenwich, que Chambers, comme écrivain anglois, cite le premier, quoiqu’il ne soit pas le plus ancien. Cet observatoire fut bâti en 1676 par ordre du roi Charles II. à la priere de MM. Jonas Moor & Christophe Wren, & pourvu par ce roi de toutes sortes d’instrumens très-exacts, principalement d’un beau sextant de 7 piés de rayon, & de télescopes.

Le premier qui fut chargé d’observer à Greenwich, fut M. Flamsteed, astronome, qui, selon l’expression de M. Halley, sembloit né pour un pareil travail. En effet, il y observa pendant plusieurs années, avec une assiduité infatigable, tous les mouvemens des planetes, principalement ceux de la Lune, qu’on l’avoit principalement chargé de suivre ; afin que par le moyen d’une nouvelle théorie de cette planete, qui feroit connoître toutes ses irrégularités, on pût déterminer la longitude.

En l’année 1690, ayant fait dresser lui-même un arc mural de 7 piés de diametre, exactement situé dans le plan méridien, il commença à vérifier son catalogue des étoiles fixes, que jusqu’alors il n’avoit dressé que sur les distances des étoiles mesurées avec le sextant : il se proposoit de déterminer de nouveau la position de ces étoiles par une méthode nouvelle & fort différente ; cette méthode consistoit à prendre la hauteur méridienne de chaque étoile, & le moment de sa culmination, ou son ascension droite & sa déclinaison. Voyez Etoile.

Flamsteed prit tant de goût pour son nouvel instrument, qu’il abandonna presqu’entierement l’usage du sextant. Telle fut l’occupation de cet astronome durant 30 ans ; pendant tout ce tems il ne fit rien paroître qui répondît à tant de dépenses & d’apprêts ; de sorte que ses observations paroissent avoir été plutôt faites pour lui & pour quelques amis, que pour le public : cependant il étoit certain que les observations qu’il avoit faites étoient en très-grand nombre, & qu’il avoit laissé une prodigieuse quantité de papiers.

C’est ce qui engagea le prince George de Danemark, époux de la reine Anne, à nommer en 1704, un certain nombre de membres de la société royale, savoir MM. Wran, Newton, Gregory, Arbuthnot, pour examiner les papiers de Flamsteed, & en extraire tout ce qu’ils jugeroient digne d’être imprimé, se proposant de le faire paroître à ses dépens ; mais le protecteur de cet ouvrage étant mort avant que l’impression fût à moitié, elle fut interrompue pendant quelque tems, jusqu’à ce qu’enfin elle fut reprise par l’ordre de la reine Anne, qui chargea le docteur Arbuthnot de veiller à l’impression, & le docteur Halley de corriger & de fournir la copie.

Ainsi parut enfin l’histoire céleste, dont la principale partie contient un catalogue des fixes, autrement appellé le catalogue de Greenwich. Voyez Etoile & Astronomie.

La latitude de l’observatoire de Greenwich a été déterminée par des observations très-exactes, de 51d. 28′. 30″. nord.

Après la mort de Flamsteed, sa place fut donnée au célebre M. Halley : elle fut demandée pour lui au feu roi George par les comtes de Maclesfield, chancelier d’Angleterre, & de Sunderland, secrétaire d’état, qui l’obtinrent sur le champ. C’est là que M. Halley a observé le ciel jusqu’en 1740 ; & qu’il a rassemblé entr’autres une très-grande suite d’observations sur les lieux de la Lune, pour les comparer avec ses calculs, & pour réduire enfin à quelque loi le cours bizarre de cet astre. Voyez Lune.

M. Halley étant mort en 1742, on lui a donné pour successeur le celebre M. Bradley son ami, si connu par sa belle découverte de l’aberration des fixes, & par celle de la nutation de l’axe de la Terre. Voyez Aberration & Nutation. L’astronome de Greenwich, qui a le titre d’astronome de sa majesté britannique, est presque le seul savant en Angleterre qui soit pensionné par le gouvernement ; cependant cette nation n’en cultive pas moins les sciences : ce qui prouve, à l’honneur des lettres, que ce ne sont pas toujours les récompenses qui en hâtent le succès.

2°. Le deuxieme observatoire célebre, & qui a même la primauté d’existence sur celui de Greenwich, est celui de Paris, bâti par ordre de Louis XIV. au bout du fauxbourg S. Jacques. Il fut commencé en 1664, & achevé en 1672. C’est un fort beau bâtiment, mais d’une architecture singuliere : les desseins en ont été donnés par Cl. Perrault ; mais les mémoires de Ch. Perrault son frere, imprimés en 1759, nous apprennent que ces desseins n’ont pas été suivis en tout, & on n’en a pas mieux fait. L’observatoire de Paris a 80 piés de haut, & une terrasse au-dessus. C’est là qu’ont travaillé M. de la Hire, M. Cassini, &c. Sa différence en longitude d’avec l’observatoire de Greenwich est de 20. 2′. vers l’ouest.

Dans l’observatoire de Paris il y a une cave à 170 piés de profondeur, destinée aux expériences qui doivent être faites loin du Soleil, & principalement à celles qui ont rapport aux congélations, réfrigérations, &c.

Il y a dans cette même cave un ancien thermometre de M. de la Hire, qui se soutient toujours dans la même hauteur ; ce qui prouve que la temperature y est toujours la même. Elle est taillée dans le roc, & l’on y voit les pierres couvertes d’une eau qui à la longue se pétrifie : sur quoi voyez Stalactite & Labyrinthe de Candie. Depuis le haut de la plate-forme jusqu’en bas de la cave, il y a une espece de puits dont on s’est servi autrefois pour les expériences de la chûte des corps. Ce puits est une espece de long tuyau de lunette, par lequel on voit les étoiles en plein midi. L’observatoire est garni d’une prodigieuse quantité d’instrumens pour servir aux observations astronomiques. On y a tracé aussi avec beaucoup de soin une méridienne, sur laquelle sont tracés les signes du zodiaque avec leurs divisions. Par malheur ce bâtiment tombe en ruine dans le tems où nous écrivons, & la plûpart de nos astronomes ne l’habitent plus. Il seroit à souhaiter néanmoins qu’on ne laissât pas dépérir un pareil monument.

3°. Le troisieme observatoire célebre, est celui de Tycho-brahé, qui étoit dans la petite île de Ween, ou l’île Scarlet, entre les côtes de Schonen & de Zelande, dans la mer Baltique. Cet astronome avoit fait élever ce bâtiment, & l’avoit fourni d’instrumens à ses dépens, il lui donna le nom d’Uranibourg, & il y passa 20 ans à observer : ses observations produisirent son catalogue & plusieurs autres découvertes utiles à l’Astronomie. Voyez Etoile.

M. Gordon remarque dans les Transactions philosophiques, que l’endroit où étoit l’observatoire de Tycho, n’étoit pas des plus commodes pour certaines observations, principalement pour celles des levers & des couchers, attendu qu’il étoit trop bas, & n’avoit de vue que par trois côtés, & que l’horison n’en étoit pas uni. On trouvera à l’article Uranibourg un plus grand détail sur cet observatoire.

Enfin le quatrieme observatoire est celui de Pekin. Le pere le Comte nous fait la description d’un grand & magnifique édifice qu’un des derniers empereurs de la Chine a fait élever dans cette capitale, à la priere de quelques jésuites astronomes, principalement du pere Verbiest, que l’empereur fit le premier astronome de cet observatoire.

Les instrumens en sont prodigieusement grands, mais ils sont moins exacts par leurs divisions, & moins commodes que ceux des Européens. Les principaux sont une sphere zodiacale armillaire, c’est à-dire, dont les poles sont ceux du zodiaque, de 6 piés de diametre ; une sphere équinoxiale, c’est-à-dire, dont les poles sont ceux de l’équateur, de 6 piés de diametre ; un horison azimutal, de 6 piés de diametre ; un grand quart-de-cercle, de 6 piés de rayon ; un sextant, de 8 piés de rayon, & un globe céleste, de 6 piés de diametre. Chambers. (O)

Observatoire de Greenwich, (Hist. Astr. mod.) c’est une rodomontade d’un étranger établi à Londres, qui a occasionné la belle fondation de l’observatoire de Greenwich. En voici l’histoire qui est fort plaisante.

Le sieur de Saint-Pierre, françois de nation, qui avoit quelque légere connoissance de l’Astronomie, & qui s’étoit acquis la faveur de la duchesse de Portsmouth, ne proposa pas moins que la découverte des longitudes. Il obtint du roi Charles II. une espece de commission à milord Brouneker, aux docteurs Setward, évêque de Salisbury, Christophle Wren, aux chevaliers Charles Scarborough, Jonas Moore, au colonel Titus, au docteur Pell, au chevalier Robert Murray, à M. Hooke, & à quelques autres savans de la ville & de la cour, d’écouter ses propositions ; avec le pouvoir de recevoir parmi eux les autres habiles gens qu’ils jugeroient à propos, & ordre de donner leur avis là-dessus au roi. Le chevalier Jonas Moore mena M. Flamsteed dans leurs assemblées, où il fut choisi pour être de leur compagnie.

On lut ensuite les propositions du françois, qui étoient les suivantes : I. Avoir l’année & le jour des observations ; II. la hauteur de deux étoiles, & savoir de quel côté du méridien elles paroissent, III. la hauteur des deux limbes de la Lune ; IV. la hauteur du pole, le tout en degrés & minutes.

Il étoit aisé de voir, par ces demandes, que le sieur de S. Pierre ignoroit que les meilleures tables lunaires different du ciel ; & par conséquent, que ce qu’il demandoit, ne suffisoit pas pour déterminer la longitude du lieu où ces observations auroient été faites ou se feroient, par rapport à celui pour lequel les tables lunaires étoient faites. C’est ce que M. Flamsteed représenta sur le champ à la compagnie. Mais ces messieurs faisant réfléxion sur le crédit que la protectrice du sieur de Saint-Pierre avoit à la cour, souhaiterent qu’on lui fournît ce qu’il demandoit. M. Flamsteed s’en chargea, & ayant trouvé le véritable lieu de la Lune par des observations faites à Derby le 23 Février 1673 ; & le 12 Novembre de la même année il donna au sieur de Saint Pierre des observations telles qu’il les demandoit. Comme il avoit cru qu’on ne pourroit pas les lui fournir, il dit qu’elles étoient supposées.

M. Flamsteed les délivra au docteur Pell le 19 Février  ; & celui-ci lui ayant rendu réponse quelque tems après, M. Flamsteed écrivit une lettre aux commissaires en anglois, & une autre en latin au sieur de Saint Pierre, pour l’assurer que les observations n’étoient point supposées, & pour lui prouver, que, quand même elles le seroient, si nous avions seulement des tables astronomiques qui pussent nous donner le véritable lieu des étoiles fixes, tant en longitude qu’en latitude, à moins d’une demi-minute près, nous pourrions espérer de trouver la longitude des lieux, par des observations lunaires, quoique différentes de celles qu’il demandoit ; mais que tant s’en falloit que nous eussions le véritable lieu des étoiles fixes, que les catalogues de Tycho Brahé erroient souvent de dix minutes & plus ; qu’ils étoient incertains jusqu’à trois ou quatre minutes, parce que Ticho supposoit une fausse obliquité de l’écliptique ; &c. que les meilleures tables lunaires différoient d’un , sinon d’un d’un degré du ciel ; & enfin qu’il auroit pu apprendre de meilleures méthodes de Morin son compatriote, qu’il auroit dû consulter avant que de s’avancer à faire des demandes de cette nature.

M. Flamsteed n’entendit plus parler du sieur de Saint-Pierre après cela ; mais il apprit que ses lettres ayant été montrées au roi Charles II, ce prince avoit été surpris de ce qu’il assuroit que les lieux des étoiles fixés étoient marqués faussement dans les catalogues, & avoit dit avec quelque vivacité « qu’il vouloit qu’on les observât de nouveau, qu’on les examinât, & qu’on les corrigeât pour l’usage de ses mariniers. »

On lui représenta qu’on auroit besoin d’un bon corps d’observations pour corriger les mouvemens de la Lune & des planetes, il répondit avec le même feu, qu’il vouloit que cela se fît ; & comme on lui demanda qui feroit, ou pourroit faire ces observations, il répliqua, « le même homme qui vous en fait connoître la nécessité. » Ce fut alors que M. Flamsteed fut nommé astronome du roi, avec 100 liv. sterlings d’appointement, & il reçut en même tems des assurances qu’on lui fourniroit de plus tout ce qui pourroit être nécessaire pour avancer l’ouvrage.

On pensa donc sans délai au lieu où l’on feroit l’observatoire. On en proposa plusieurs, comme Hyde-Park, & le college de Chelsey. M. Flamsteed vint visiter les ruines de ce dernier ; & jugea qu’on pourroit s’y établir, d’autant plus qu’il seroit proche de la cour. Le chevalier Moore penchoit pour Hyde-Park ; mais le docteur Christophle Wren ayant parlé de Greenwich, on se détermina pour ce dernier endroit. Le roi accorda 500 liv. sterlings en argent, avec des briques de Tilbury Fort, où il y en avoit un magasin ; il donna aussi du bois, du fer, & du plomb ; & il promit de fournir tout ce qui seroit nécessaire d’ailleurs. Enfin, le 10 Août 1675 on posa les fondemens de l’observatoire royal de Greenwich, & il fut achevé très-promptement.

La différence du méridien de l’observatoire de Greenwich à celui de l’observatoire de Paris (qui fut bâti en 1665), est de 2. 1. 15. occid. La latitude de l’observatoire de Greenwich est 51. 28. 30. (D. J.)