L’Encyclopédie/1re édition/MILLEPERTUIS

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MILLEPERTUIS, s. m. hypericum, (Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposées en rond. Le pistil sort du calice, composé aussi de plusieurs feuilles, & devient dans la suite un fruit qui a ordinairement trois angles ; il est aussi terminé par trois pointes, & divisé en trois capsules remplies de semences, qui sont pour l’ordinaire petites. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les feuilles naissent par paires à l’endroit des nœuds de la tige. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Ce genre de plante est très-étendu ; car M. de Tournefort en compte 22 especes, sans parler de celle qu’il trouva en voyageant de Sinope à Trébizonde, & qui servit à adoucir ses chagrins, dans un pays où l’on ne voyoit ni gens, ni bêtes. Il a décrit cette belle espece, sous le nom de millepertuis oriental à feuilles de l’herbe à éternuer, ptarmicæ foliis ; mais nous ne pouvons parler ici que du millepertuis commun de nos contrées ; son nom latin est hypericum vulgare, dans C. B. P. 279, & dans les I. R. H. 254 ; en anglois the common yellow-flowend S. John’s-wort.

La racine de cette espece de millepertuis, est fibreuse & jaunâtre. Ses tiges sont nombreuses, roides, ligneuses, cylindriques, rougeâtres, branchues, hautes au moins d’une coudée. Ses feuilles naissent deux à deux, opposées, sans queue, longues d’un demi-pouce & plus, larges de trois lignes, lisses, veinées dans toute leur longueur. Exposées au soleil, elles paroissent percées d’un grand nombre de trous ; mais ces points transparens, ne sont autre chose que des vésicules remplies d’un suc huileux, d’une saveur astringente, un peu amere, & qui laisse de la sécheresse sur la langue.

Ses fleurs poussent en grand nombre à l’extrémité des rameaux ; elles sont en rose, composées de cinq pétales, jaunes, pointues des deux côtés, & dont le milieu est occupé par quantité d’étamines, garnies de sommets jaunâtres. Le calice est à cinq feuilles : il en sort un pistil à trois cornes, lequel occupe le centre de la fleur. Quand la fleur est tombée, le pistil se change en une capsule, partagée en trois loges, pleines de graines menues, luisantes, oblongues, d’un brun noirâtre, d’une saveur amere, résineuse, d’une odeur de poix. Les fleurs & les sommets étant pilés, répandent un suc rouge comme du sang.

Cette plante vient en abondance dans les champs, & les bois. Elle est d’un grand usage dans plusieurs maladies, & tient le premier rang à l’extérieur parmi les plantes vulnéraires. On tire du millepertuis, deux sortes d’huiles, l’une simple, & l’autre composée, & toutes les deux se font différemment chez les artistes. A Montpellier, on macere les fleurs de cette plante dans une liqueur résineuse, tirée des vésicules d’orme ; on s’en sert pour mondifier & consolider les plaies, & les ulcérations, soit internes, soit externes. (D. J.)

Millepertuis, (Chim. Pharm. Mat. méd.) cette plante contient beaucoup d’huile essentielle ; car les points transparens de ses feuilles que l’on prend mal-à-propos pour des trous, les poils noirs que l’on découvre sur les bords de ses pétales, les tubercules que l’on découvre sur la surface de ses fruits sont autant de vésicules remplies de cette huile essentielle.

Le millepertuis ordinaire est d’un grand usage dans plusieurs maladies. Il tient le premier rang parmi les plantes vulnéraires. C’est pourquoi son principal usage est pour mondifier & consolider les plaies & les ulceres, soit internes, soit externes. Il guérit le crachement & le pissement de sang ; il résout le sang grumelé ; il excite les regles & les urines ; il tue les vers. On dit qu’il délivre les possédés ; c’est pourquoi on l’appelle fuga dæmonum ; non pas parce que les démons s’enfuient à la vûe de cette plante, mais parce qu’elle est utile à ceux qui sont parvenus à un tel point de mélancholie & de manie, qu’ils passent pour possédés.

On emploie souvent les sommités fleuries, infusées ou bouillies dans de l’eau, ou dans du vin, à la dose d’une poignée. On en prescrit quelquefois les feuilles & les graines en substance, à la dose d’un gros, seules ou mêlées avec d’autres vulnéraires. Geoffroi, matiere médicale.

On se sert encore plus communément des feuilles de millepertuis infusées dans du lait bouillant, ou de leur infusion mêlée avec pareille quantité de lait. C’est sous cette forme qu’on emploie le plus communément ce remede dans les phthisies pulmonaires commençantes, & dans tous les cas d’ulceres internes. Sur quoi il faut observer que l’huile essentielle, & la partie balsamique, si l’hypéricum en contient en effet une autre que son huile, ne passent ni dans l’eau, ni dans le lait, & fort peu dans le vin ; ensorte que si le principe huileux ou balsamique quelconque possédoit en effet une vertu vulnéraire & cicatrisante éprouvée, la meilleure forme sous laquelle on pourroit donner le millepertuis, seroit celle de conserve. La teinture qu’on en tire par l’esprit-de-vin, qui est véritablement empreinte du principe dont nous venons de parler, ne sauroit être employée dans les cas où le millepertuis est indiqué comme vulnéraire. Cette teinture ne peut s’employer que comme vermifuge, anti-hystérique, diurétique, &c.

On prépare dans les boutiques une huile par infusion des sommités fleuries, ou chargées de graines de millepertuis. Cette préparation est du petit nombre de celles qui sont selon les bons principes de l’art, puisque le millepertuis, en cela différent de la plûpart des plantes avec lesquelles on prépare des huiles par infusion ou par coction, contient un principe vraiment médicamenteux soluble par les menstrues huileux, & qu’il contient même ce principe à une proportion très-considérable. Aussi l’huile par infusion de millepertuis, qui est un mélange d’huile essentielle & d’huile par expression, est-elle un remede externe puissamment résolutif.

Les feuilles & les sommités de cette plante entrent dans l’eau vulnéraire ; ses feuilles dans l’eau générale, & dans la poudre contre la rage ; ses sommités fleuries, dans l’huile de scorpion composée ; l’herbe, dans le syrop d’armoise, & l’onguent martiatum ; les fleurs dans la thériaque, le mithridate, le baume tranquille, & le baume du commandeur ; ses sommités, dans le baume vulnéraire, & l’huile de petits chiens. Son huile par infusion dans l’emplâtre oppodeltoch. (b)