L’Encyclopédie/1re édition/LYCANTHROPIE

LYCANTHROPIE, s. f. (Medecine.) λυκανθρωπία, nom entierement grec formé de λύκος, loup, & ἄνθρωπος, homme : suivant son étymologie, il signifie un loup qui est homme. Il est employé en Medecine, pour designer cette espece de mélancholie dans laquelle les hommes se croyent transformés en loups ; & en conséquence, ils en imitent toutes les actions ; ils sortent à leur exemple de leurs maisons la nuit ; ils vont roder autour des tombeaux ; ils s’y enferment, se mêlent & se battent avec les bêtes féroces, & risquent souvent leur vie, leur santé dans ces sortes de combats. Actuarius remarque qu’après qu’ils ont passé la nuit dans cet état, ils retournent au point du jour chez eux, & reprennent leur bon sens ; ce qui n’est pas constant : mais alors même ils sont rêveurs, tristes, misantropes ; ils ont le visage pâle, les yeux enfoncés, la vûe égarée, la langue & la bouche seches, une soif immodérée, quelquefois aussi les jambes meurtries, déchirées, fruits de leurs débats nocturnes. Cette maladie, si l’on en croit quelques voyageurs, est assez commune dans la Livonie & l’Irlande. Donatus Ab alto mari dit en avoir vû lui-même deux exemples ; & Forestus raconte qu’un lycanthrope qu’il a observé, étoit sur-tout dans le printems toûjours à rouler dans les cimetieres, lib. X. observ. 25. Le démoniaque dont il est parlé dans l’Ecriture-sainte (S. Marc, chap. v.), qui se plaisoit à habiter les tombeaux, qui couroit tout nud, poussoit sans cesse des cris effrayans, &c. & le Lycaon, célebre dans la fable, ne paroissent être que des mélancholiques de cette espece, c’est-à-dire des lycantropes. Nous passons sous silence les causes, la curation, &c. de cette maladie, parce qu’elles sont absolument les mêmes que dans la mélancholie, dont nous traiterons plus bas. Voyez Mélancholie. Nous remarquerons seulement quant à la curation, qu’il faut sur-tout donner à ces malades des alimens de bon suc analyptiques, pendant l’accès les saigner abondamment. Oribaze recommande comme un spécifique, lorsque l’accès est sur le point de se décider, de leur arroser la tête avec de l’eau bien froide ou des décoctions somniferes ; & lorsqu’ils sont endormis, de leur frotter les oreilles & les narines avec l’opium (synops, lib. IX. c. x.) Il faut aussi avoir attention de les enchaîner pour les empêcher de sortir la nuit, & d’aller risquer leur vie parmi les animaux les plus féroces, si l’on n’a pas d’autre moyen de les contenir.