L’Encyclopédie/1re édition/LIME

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LIME, s. f. (Gramm. & Arts méchaniq.) morceau de fer ou d’acier trempé, dont on a rendu la surface raboteuse ou hérissée d’inégalités, à l’aide desquelles on réduit en poussiere les corps les plus durs.

Ainsi, eu égard à la qualité des inégalités, il y a des limes douces & des limes rudes ; eu égard au volume, il y en a de grosses & de petites ; eu égard à la forme, il y en a de plates, de rondes, de quarrées, &c.

Elles sont à l’usage de presque tous les ouvriers en métaux & en bois.

Limes, outils d’Arquebusier. Les Arquebusiers se servent de limes d’Allemagne, d’Angleterre, limes carlettes, demi-rondes, queue de rat, limes douces, &c. de toutes sortes de grandeurs, depuis la plus grande jusqu’à la plus petite. Voyez les Pl. d’Arqueb.

Limes en tiers-point, ces limes sont à trois côtés fort petites & fort menues ; les Arquebusiers s’en servent pour vuider des trous en bois & des ornemens.

Lime, en terme de Bijoutier, est un outil d’acier taillé de traits en sens contraire, qui forment autant de petites pointes qui mangent les métaux. La lime est d’un usage presque universel dans tous les Arts. On en fait en Angleterre, en Allemagne, à Genève, en Forès & à Paris : celles d’Angleterre passent pour les meilleures ; elles different de celles d’Allemagne, qui tiennent le second rang. Les limes d’Angleterre, pour l’Horlogerie, peuvent n’être taillées que d’un côté ; mais celles dont se servent les Bijoutiers, venant aussi d’Angleterre, sont taillées des deux côtés ; elles sont faites à la main, au lieu que les autres se font au moulin. Celles de Genève les suivent pour la bonté ; celles qu’on fait à Paris & en Forès imitent celles d’Angleterre & d’Allemagne par la forme, mais elles n’approchent point de leur bonté.

Il y a des limes de toutes grosseurs & de toutes sortes de formes ; & comme elles varient selon le goût & les besoins, nous ne parlerons que de celles qui sont connues par un usage courant & ordinaire, savoir des limes rudes, des bâtardes, des demi-bâtardes, des douces, des rondes, demi-rondes, triangulaires, &c. des limes feuille de sauge, à aiguilles, coutelles, à ouvrir, à refendre, limes tranchantes, coutelles arrondies, &c. Voyez tous ces mots à leur article.

Lime tranchante est une lime aiguë des deux côtés & plus épaisse du milieu, formant un losange allongé de toute grandeur & grosseur. Voyez Lime a couteau & Pl. d’Horlogerie.

Limes d’aiguille ou à aiguille dont se servent les Bijoutiers & plus souvent les Metteurs en œuvre pour les enjolivemens des corps de bagues & le réparer de tous leurs ouvrages à jour ; ainsi nommées, parce qu’elles ont toujours un trou à la tête comme les aiguilles, & que les petites paroissent être faites du même fil dont ont fait les aiguilles ; il y en a de toutes formes & grosseurs.

Lime à arrondir ou demi-ronde, en terme de Bijoutier, est une lime qui a deux angles tranchans, une face plate & l’autre ronde & obtuse : on s’en sert pour former des cercles ou demi-cercles, soit convexes ou concaves, dans une piece quelconque ; il y en a de toute grosseur & grandeur.

Lime coutelle, en terme de Bijoutier, se dit d’une lime dont la feuille ressemble à une lame de couteau, aiguë par un côté & un peu large par l’autre, comme le dos d’un couteau : elles sont taillées des trois côtés. Voyez lime à efflanquer, Pl. d’Horlogerie.

Lime coutelle arrondie, en terme de Bijoutier, est une lime dont le dos un peu large est arrondi & forme une portion de cercle d’un angle à l’autre.

Limes douces, (Bijoutier.) En général sont celles dont les dents sont très-fines. Les limes rudes ayant fait par leurs dents aiguës des traits profonds, presque des cavités, on se sert de celles-ci en les passant en sens contraire sur ces mêmes traits, pour atteindre ces cavités, préparer les pieces au poli, & empêcher par-là le trop grand déchet que feroit ce même poli, s’il falloit atteindre à la ponce ou à la pierre des traits aussi profonds. Il y en a de toutes formes & grosseurs.

Lime feuille de sauge, (Bijoutier.) se dit d’une espece de lime dont la feuille n’a que deux angles, & vont toujours en grossissant en rond en forme d’amande jusqu’au milieu de la feuille. Il y en a de toutes grandeurs & de toutes grosseurs. Voy. Pl. d’Horl.

Limes rudes, (Bijoutier.) en général sont celles dont les dents sont très-aiguës ; elles servent à ébaucher les ouvrages, à leur donner la premiere figure, & à fixer les formes & les angles, étant plus propres que les autres à former la vivacité des contours ; les bâtardes & les douces ne font que conserver les formes & adoucir les traits profonds qu’ont faites ces premieres limes. Il y en a de toutes formes, grosseur & grandeur.

Limes, terme & outils de Chaînetier ; ils s’en servent pour polir, dégrossir leurs ouvrages ; ils ont des limes douces, bâtardes, queues de rat ou rondes, &c.

Limes en carrelet, outil de Charron, c’est une lime à trois côtés, de la longueur environ de huit ou dix pouces, emmanchée avec un morceau de bois d’environ deux pouces. Elle sert aux charrons pour rendre les dents de leurs scies plus aiguës.

Lime, (Coutelier) les Couteliers emploient toutes sortes de limes. Voyez cet article.

Lime, en terme de Doreur. Voyez à l’article Orfévre.

Lime, en terme de Cloutier faiseur d’aiguilles courbes, est un instrument d’acier à quatre faces plus ou moins douces, dont les carnes servent à évuider. Voyez différentes sortes de limes, Pl. d’Horlogerie, & la fig. du Cloutier d’épingles, qu’on appelle degrossoir.

Lime ou Couperet, (Emailleur.) Les Emailleurs nomment ainsi un outil d’acier plat & tranchant, dont ils se servent pour couper l’émail qu’ils ont réduit en canon ou tiré en filets. Il leur sert à peu-près comme le diamant aux Vitriers pour couper leur verre. Ils appellent cet outil une lime, parce qu’il est ordinairement fait de quelque vieille lime. Voyez Email. Voyez les fig. de l’Emailleur.

Lime, outil de Ferblantier. Ce sont des limes ordinaires, rondes, demi-rondes & plates, & servent aux Ferblantiers pour rabattre la soudure qui fait une élévation trop forte.

Lime, outil des Fourbisseurs. Les Fourbisseurs se servent de limes rondes, demi-rondes, plates & étroites pour différens usages de leur métier & principalement pour diminuer de grosseur les soies des lames d’épées, & pour agrandir dans la garde le trou dans lequel la soie doit passer.

Limes, outils de Gaînier. Les Gaîniers ont des limes plates, rondes & demi-rondes, qui leur servent à polir en-dedans leurs ouvrages.

Lime, (Horlogerie.) outil dont la plupart des ouvriers qui travaillent les métaux, se servent pour donner aux pieces qu’ils travaillent, la figure requise. C’est presque toujours un long morceau d’acier trempé le plus dur qu’il est possible, dont la surface incisée & taillée en divers sens, présente un grand nombre de petites dents à peu-près semblables à celles d’un rochet de l’horlogerie, qui seroient appliquées par leur base au plan de la lime. Chacune de ces dents, lorsqu’on lime, produit un effet semblable à celui du ciseau, d’un rabot de menuisier, lorsqu’on le pousse sur un morceau de bois.

Les limes, selon l’usage pour lequel on les destine, different par leur grandeur, grosseur & figure. Elles se divisent d’abord en trois classes ; savoir, les limes rudes, les batardes dont le grain est beaucoup moins gros, & les douces dont la taille est encore plus fine.

Les Horlogers sont ceux qui font usage d’un plus grand nombre de limes. Celles qui sont particulierement propres à ces sortes d’artistes sont,

1°. Les limes à couteaux (Pl. & explic. des Pl. d’Horlogerie.) dont on se sert pour différens usages, en particulier pour former & enfoncer les pas de la vis sans fin.

2°. Celles que l’on nomme limes à feuille de sauge, sont pointues & en demi-rond des deux côtés. Elles sont particulierement utiles pour croiser les roues, les balanciers, &c.

3°. Les limes à charniere propres à différens usages.

4°. Celles dont on voit la forme à la suite des précédentes, servent à limer dans des endroits où une lime droite ne pourroit atteindre comme dans une boîte, un timbre, &c. on les nomme lime à timbre, ou limes à creusure.

5°. Celles dont on se sert pour arrondir différentes pieces, & particulierement les dents des roues ou les aîles d’un pignon, & que pour cet effet on nomme limes à arrondir.

6°. Celles qu’on emploie pour efflanquer les aîles d’un pignon, & qu’on appelle limes à efflanquer.

7°. Les limes à pivot qui sont fort douces, & servent à rouler les pivots sur le tour.

8°. Les limes à égaler ou égalir, qui sont de très petites limes à charniere fort douces, dont on se sert pour égaler toutes les fentes d’une denture, & pour en rendre le pié ou fond plus quarré.

9°. Les limes à lardon, avec lesquelles on fait dans la potence les rainures dans lesquelles doivent entrer les lardons, & celles où doivent être ajustées des pieces en queue d’aronde.

10°. Celles à dossier, qui sont des limes à égaler, ajustées par le moyen de deux ou trois vis entre deux plaques fort droites & d’égale largeur, en telle sorte qu’on peut faire déborder plus ou moins les côtés de ces plaques. On se sert de cette espece de lime pour enfoncer également toutes les dents d’une roue, ce qu’on fait en limant le fond des fentes avec la lime jusqu’à ce que toutes les dents portent sur les côtés du dossier.

11°. Les limes à rouler les pivôts de roue de rencontre ; elles sont faites en crochet, comme on le voit dans la figure, parce que le pivot qui roule dans la potence, se trouvant dans la creusure de la roue de rencontre, il seroit impossible de le rouler, lorsque cette roue est montée, avec une lime à pivot droite.

12°. Les limes à roue de rencontre qui servent pour limer les faces des dents de cette roue.

Enfin, les limes pour limer & adoucir intérieurement le champ de roues qui en ont au moyen de la partie demi-ronde.

Ils donnent encore le nom de lime à des morceaux de métal qui ont la même figure, & avec lesquels ils polissent, lesquels peuvent être d’étain, de cuivre ou d’acier.

Toutes les limes sont emmanchées, comme les figures les représentent, d’un manche de bois garni d’une virole de cuivre.

Lime de cuivre a main, (Marqueterie.) à l’usage de ceux qui travaillent en pierres de rapport. Voyez Pl. de Marqueterie & Pierres de rapport.

Lime a découvrir, (Metteur en œuvre.) cet outil est une lime ordinaire détrempée, c’est-à-dire passée au feu pour lui faire perdre sa dureté, avec lequel on enleve le superflu des sertissures, en limant de bas en haut, & appuyant en même sens avec une certaine force jusqu’à ce que la matiere étendue par ce mouvement, s’amincisse & se coupe sur le feuilleti de la pierre. Si on se servoit d’une lime trempée, elle mordroit trop sur l’argent, & ne le presseroit pas assez sur la pierre, ce qui est un des principaux buts de cette opération.

Limes, en terme d’Orfevre en grosserie, c’est l’outil dont l’usage soit le plus universel avec le marteau parmi les Orfevres. Le grossiers se servent comme les Bijoutiers, Metteurs en œuvre, &c. des limes rondes, demi-rondes, plates, bâtardes, &c. Voyez toutes sortes de limes au bijoutier, Planche d’Orfév. & explic.

Lime plate à coulisse, en terme d’Orfevres en tabatiere, est une espece de lame de couteau taillée en lime sur le dos, dont on se sert pour ébaucher les coulisses. Voyez Coulisses. Voyez les Planches.

Il n’y a que les Orfevres grossiers, & ceux qui fabriquent les tabatieres d’argent, qui s’en servent ; les Bijoutiers en or ébauchent leurs coulisses avec une échope ronde, quelques-uns même la font toute entiere à l’échope, & s’ils se servent d’une lime, c’est de la cylindrique, pour la finir & la dresser parfaitement.

Lime ronde à coulisse, en terme d’Orfevres en tabatiere, est une petite lime exactement ronde & cylindrique qu’on insinue dans la coulisse pour la finir. Voyez Coulisse, & fig.

Cet outil demande bien des qualités pour être bon ; il doit être bien rond, exactement droit, d’une taille ni trop rude ni trop fine, & d’une trempe séche sans être cassante ; quoique celles d’Angleterre soient bonnes, souvent elles ne réunissent pas toutes ces qualités : nous avons un ouvrier à Paris & de Paris (le sieur Rollin) qui y réussit parfaitement, & il est à souhaiter qu’il ait des successeurs ; son ouvrage est desiré chez tous les étrangers, même par les Anglois.

Lime a palette, (Tailland.) c’est ainsi qu’on désigne entre les limes celle qui a une palette au bout de sa queue.

Lime ou Rape, (Pharmacie) instrument dont on se sert en Pharmacie pour réduire en poudre ou en particules déliées les substances qu’on ne peut pulvériser à cause de leur dureté ; telles sont la corne de cerf, le sassafras, les santaux, le gaïac, & autres substances semblables.

Lime, s. f. instrument de Chirurgie, dont se servent les dentistes pour séparer les dents trop pressées, diminuer celles qui sont trop longues, ôter des pointes ou inégalités contre lesquelles la langue ou les gencives peuvent porter, ce qui occasionne des ulcères, &c.

Les limes doivent être d’un bon acier & bien trempées ; on ne les fait pas faire chez les couteliers ; on les achete des quinquailliers qui en font venir en gros. La figure & la grandeur des limes sont différentes. Les plus grandes ont environ trois pouces de long, d’autres n’ont que deux pouces, & d’autres moins. Il faut en avoir de grandes, de petites, de larges, de grosses, de fines, & même plusieurs de chaque espece pour s’en servir au besoin. M. Fauchart, dans son traité intitulé le Chirurgien-Dentiste, en décrit de huit especes ; 1°. une mince & plate qui ne sert qu’à séparer les dents ; 2°. une un peu plus grande & plus épaisse, pour rendre les dents égales en longueur ; 3°. une appellée à couteau, dont l’usage est de tracer le chemin à une autre lime ; 4°. une plate & un peu pointue, pour élargir les endroits séparés, lorsqu’ils sont atteints de carie ; 5°. une nommée feuille de sauge, qui a deux surfaces convexes, pour faire des échancrures un peu arrondies sur les endroits cariés ; 6°. une demi-ronde pour augmenter les échancrures faites avec la précédente ; 7°. une ronde & pointue, nommée queue de rat, pour échancrer & augmenter la séparation proche de la gencive ; 8°. enfin une lime recourbée, propre à séparer avec facilité les dents du fond de la bouche. Nous avons fait graver quelques limes droites, Planche XXV. fig. 8.

Il seroit trop long de décrire toutes les circonstances qu’il faut observer dans l’usage des limes. En général il faut les appuyer médiocrement lorsque les dents font de la douleur, & les conduire toûjours le plus droit qu’il est possible de dehors en dedans, & de dedans en dehors. Pour éviter que les limes ne soient trop froides contre les dents, & que la limaille ne s’y attache, on doit, lorsqu’on s’en sert, les tremper de tems en tems dans l’eau chaude, & les nettoyer avec une petite brosse. Quand on lime les dents chancelantes, il faut les attacher à leurs voisines par un fil ciré en plusieurs doubles, auquel on fait faire autant de tours croisés qu’il en faut pour affermir ces dents contre les autres. S’il y avoit un intervalle assez large entre la dent solide & la dent chancelante, on remplit cet espace avec un petit coin de bois ou de plomb en forme de coulisse.

L’attitude des malades & celle de l’opérateur sont différentes, suivant la situation de la dent, à droite ou à gauche, sur le devant ou dans le fond de la bouche, en haut ou en bas. Ce sont des détails de pratique qui s’apprennent par l’usage. M. de Garangeot dans son Traité des instrumens, après avoir parlé succintement des limes pour les dents & de leurs propriétés, assure avoir vû plusieurs personnes qui se sont fait égaliser les dents, & qui trois ou quatre ans après auroient souhaité qu’on n’y eût jamais touché, parce qu’elles s’étoient cariées. L’inconvénient de l’usage indiscret de la lime ne détruit pas les avantages que procure cet instrument lorsqu’il est conduit avec prudence, méthode & connoissance de cause. (Y)

Lime, machine à tailler les limes, les rapes, &c. Il y en a de plusieurs sortes, les unes pour tailler les grandes limes, d’autres pour tailler les petites ; mais la construction des unes & des autres a pour objet de remplir ces trois indications. Que la lime avance à la rencontre du ciseau qui doit la tailler d’une quantité uniforme à chaque levée du marteau ; que le marteau leve également à chaque passage des levées fixées sur l’arbre tournant, afin que les entailles que forme le ciseau soient d’égale profondeur, & que le ciseau, relevé par un ressort, se dégage de lui-même des tailles de la lime.

La machine représentée Pl. de Tailland. est supposée mue par une roue à aubes ou à pots, dont l’arbre porte un hérisson A, dont les aluchons conduisent les fuseaux d’une lanterne B, portée par un arbre horisontal 1 ; cet arbre est garni de plusieurs levées 2, 2, qui venant appuyer sur les queues 3, 3 des marteaux 5, 5, les élevent à chaque révolution de l’arbre autant de fois qu’il y a de levées dans sa circonférence.

Au devant de l’arbre sont élevés quatre poteaux espacés en trois intervalles égaux ; ces poteaux sont assemblés par leur partie inférieure dans une semelle du patin, & par leur partie supérieure avec une des poutres du plancher de l’attelier ; c’est entre ces poteaux que sont placés les axes des marteaux, comme on voit en F dans le plan ; les queues de ces marteaux traversent les arbres où elles sont arrêtées par des coins ; ces axes terminés en pivots par leurs extrémités, sont frettés de différentes bandes de fer, pour les empêcher de fendre.

Au dessous des axes des marteaux & parallelement sont placés les axes des mains ou porte-ciseaux visibles en G, dans le plan & aussi dans le profil. Le bras 6, 7 est assemblé perpendiculairement sur l’axe où il est affermi à angles droits par deux écharpes, qui avec l’axe forment un triangle isocelle, ce qui maintient le bras dans la même situation, & l’empêche d’avoir d’autre mouvement que le vertical ; l’autre extrémité 6 du bras, terminée par un bossage servant de main, est percé d’un trou vertical circulaire, dans lequel entre la poignée arrondie du ciseau 8, affuté à deux biseaux inégaux. Le bras est relevé par le ressort 9, 10, saisi en 9 par un étrier mobile sur une cheville qui traverse le bras de l’arbre, ou par une ficelle qui embrasse à-la-fois le bras & l’extrémité terminée en crochet du ressort ; ce ressort est fixé par son autre extrémité 10 dans deux pitons affermis sur l’entre-toise qui relie ensemble deux des six poteaux, qui avec quelques-autres pieces forment les trois cages ou établis de cette machine.

La cage est composée de deux jumelles horisontales, supportées chacune par deux poteaux, & évuidées intérieurement pour servir de coulisse au chariot qui porte les limes ; ce chariot représenté en plan en H, & aussi dans le profil, est une forte table de fer recouverte d’une table de plomb, & quelquefois d’étain, sur laquelle on pose les limes que l’on veut tailler, & où elles sont fixées par deux brides qui en recouvrent les extrémités ; ces brides sont elles-mêmes affermies par des vis sur le chariot.

Au dessous du chariot & directement vis-à-vis de la main qui tient le ciseau, est placé une enclume montée sur son billot, & d’un volume suffisant pour opposer aux coups réitérés du marteau une résistance convenable ; c’est sur la surface de cette enclume que porte le chariot qui est mu dans ses coulisses par le moyen d’un cric représenté dans le profil.

Ce cric est composé d’une roue dentée en rochet, l’arbre de cette roue porte un pignon, & ce pignon engrene dans une cramailliere assemblée par une de ses extrémités au chariot qu’elle tire en avant. Lorsque l’arbre de la lanterne B en tournant rencontre par les dents dont il est armé celles du rochet du cric, ce rochet, qui tourne d’une dent à chaque levée du marteau, est fixé par un valet ou cliquet poussé par un ressort à mesure qu’une dent échappe, le chariot devant être immobile pendant la descente du marteau.

Après que la lime a été taillée dans toute sa longueur, si l’on veut arrêter le mouvement du cric, on le peut, soit en éloignant l’axe de celui-ci, soit en relevant la cramailliere de dessus le pignon qui la conduit ; ce qui permet de ramener le chariot d’où il étoit parti. On suspend aussi le marteau par le talon 5 à un crochet fixe au-dessus, à une des pieces de comble de l’attelier, ce qui met sa queue hors de prise aux levées de l’arbre tournant, sans cependant suspendre son effet sur les autres parties de la machine.

Il résulte de cette construction, que pendant que les levées de l’arbre tournant relevent les marteaux, une des dents fixes sur l’arbre fait tourner une de celles du rochet du cric, celui-ci amene le chariot qui porte la lime du côté de l’arbre ; la queue du marteau venant à échapper la levée, celui-ci retombe sur l’extrémité de la tête du ciseau 8, ce qui en porte le tranchant sur la surface lisse de la lime, où la force du coup le fait entrer, ce qui forme une taille. Après le coup, le ressort 9 & 10 releve assez & le bras & le marteau pour dégager le tranchant du ciseau de dedans la taille de la lime, ce qui laisse au chariot la liberté de se mouvoir en long pendant que l’arbre tournant ayant présenté à la queue du marteau une nouvelle levée, releve celui-ci pour recommencer la même manœuvre, jusqu’à ce que la lime soit taillée dans toute sa longueur.

La poignée du ciseau de forme ronde qui entre dans la main du bras où elle est fixée par une vis, est formée ainsi pour pouvoir orienter le tranchant du ciseau à la longueur de la lime sous un angle convenable, cette premiere taille devant être recoupée par une seconde autant ou plus ou moins inclinée à la longueur que l’exigent les différentes sortes de limes dont divers artisans font usage. Les tailles plus ou moins serrées des lignes, dépendent du moins ou du plus de vîtesse du chariot, que l’on peut regler par le nombre des dents du cric, & par le nombre des aîles du pignon qui conduit la cramailliere du chariot ; y ayant des limes qui dans l’intervalle d’un pouce n’ont que 12 tailles, & d’autres qui en ont jusqu’à 180 ou 200 dans le même intervalle, il faut donc changer de rochets pour chaque sorte de nombre, ou se servir d’une autre machine, comme nous dirons plus bas.

La pesanteur du marteau fait les tailles plus ou moins profondes, & on conçoit bien que les limes dont les tailles sont fort près l’une de l’autre, doivent être frappées moins profondément & les autres à proportion. On commence à tailler les limes par le côté de la queue, c’est la partie qui doit entrer dans le manche de cet outil, afin que la rebarbe en vive-arrête d’une taille ne soit point rabattue par le biseau du ciseau. La seconde taille qui recoupe la premiere commence aussi du côté de la queue, sur laquelle est imprimée la marque de l’ouvrier ; ces deux tailles divisent la surface de la lime en autant de pyramides quadrangulaires qu’il y a de carreaux dans les intersections des différentes tailles.

Les limes dont la forme est extrémement variée, tant pour la grandeur que pour le profil, & encore par le plus ou moins de proximité des tailles, prennent des noms ou de leur usage ou de leur ressemblance avec quelques productions connues, soit naturelles, soit artificielles. Ainsi la lime dont le profil ou section perpendiculaire à la longueur est un cercle, & dont la grosseur va en diminuant, est nommée queue de rat ; on en fabrique de toutes sortes de longueurs, depuis dix-huit pouces jusqu’à un demi-pouce, & de chaque longueur en toutes sortes de tailles : ainsi de toutes les autres sortes de limes ; celles dont la coupe est un triangle se nomment carrelette, & servent entr’autres usages à affuter les scies des menuisiers, ébénistes & autres ; celles dont la coupe est une ellipse, servent pour les scieurs de long ; celles dont la coupe est un parallélogramme rectangle, & qu’on appelle limes à dresser, ont quelquefois une des faces unie & sans être taillée ; celles dont la coupe est composée de deux arcs ou segmens de cercle adossés en cette sorte (), se nomment feuilles de sauge, à cause de leur ressemblance avec la feuille de cette plante. Enfin rien de plus varié que les especes de limes, y en ayant de différentes grandeurs, de toutes les formes, & de chacunes d’elles de différente finesse de taille, &c.

Mais une distinction plus générale, mais trop vague des limes, quelle que puisse être d’ailleurs leur forme & leur grandeur, est celle qui les divise en rudes, bâtardes & douces. On entend par limes rudes celles dont les aspérités formées par les tailles sont plus éminentes & plus éloignées les unes des autres ; celles dont le grain est plus serré, sont appellées bâtardes ; enfin celles dont le grain est presqu’insensible, sont appellées douces. Au lieu de ces dénominations trop incertaines, on auroit dû distinguer les limes les unes des autres par numéros déduits du nombre des tailles renfermées dans la longueur d’un pouce, comme on a distingué les différens fils métalliques les uns des autres par des numéros dont l’augmentation fait connoître la diminution de diametre des mêmes fils. Voyez Cordes de Clavecin.

Les limes se divisent encore en deux sortes, limes simplement dites, & limes à main : ces dernieres sont toutes celles qui, moins longues que quatre ou cinq pouces, peuvent être conduites sur les ouvrages avec une seule main, au lieu que les limes de huit pouces & au-dessus qu’on pourroit appeller limes à bras, exigent, pour être conduites sur l’ouvrage, le secours des deux mains, dont l’une tient le manche de la lime, & l’autre appuie sur son extrémité.

Au lieu de la machine que nous venons d’expliquer, & dans laquelle le chariot qui porte les limes est mobile, on pourroit en construire une où il seroit sédentaire ; en ce cas ce seroient les marteaux, le guide ciseau qui marcheroient au-devant de la lime que l’on commence toujours à tailler du côté de la queue, & le rappel de l’équipage des marteaux pourroit être une vis dont la tête garnie d’un rochet denté d’un nombre convenable pour la sorte de taille qu’on voudroit faire, seroit de même conduit par l’arbre tournant qui leve les marteaux ; & au lieu de marteaux on peut substituer un mouton dont les chûtes réitérées sur la tête du ciseau produiroient le même effet : enfin on pourroit changer la direction du mouvement du chariot ou de l’équipage du marteau par les mêmes moyens employés pour changer le mouvement des rouleaux du laminoir. Voyez Laminoir, Sonnete, &c.

Après que les limes ont été taillées, on les trempe en paquet, voyez , & elles sont entierement achevées. Il faut observer que les pieces d’acier dont on fait les limes, ont été elle-mêmes limées avant d’être portées sous le ciseau, & même pour les petites limes des Horlogers, qu’elles ont été émoulues avant d’être taillées. Il n’est pas inutile d’observer que le tranchant du ciseau doit être bien dressé & adouci sur la pierre à l’huile, puisque cette condition est essentielle pour que la lime soit bien taillée : on pose les limes sur du plomb ou de l’étain, pour que le côté taillé ne se meurtrisse point lorsqu’on taille le côté opposé.

Les rapes se taillent aussi à la machine, voyez Rape ; la seule différence est qu’on se sert d’un poinçon au lieu du ciseau. La rape est une lime dont les cavités faites les unes après les autres ne communiquent point ensemble comme celles des limes ; on s’en sert principalement pour travailler les bois.

La planche suivante représente en plan & en profil une petite machine à tailler les limes des Horlogers ; elle est composée d’un chassis de métal établi sur une barre de même matiere, qui avec deux piliers forme la cage de cette machine ; les longs côtés du chassis servent de coulisse à un chariot, fig. 3, comme on peut voir par le plan, fig. premiere. Ce chariot, dont la face inférieure repose aussi sur un petit tas tenant lieu d’enclume, a une oreille taraudée en écrou, dans lequel passe la vis qui sert de rappel.

La tige de cette vis, après avoir traversé le pilier de devant, porte une roue garnie d’un nombre convenable de chevilles, & après la roue cette même tige porte une manivelle par le moyen de laquelle on communique le mouvement aux marteaux, dont l’un sert pour tailler la lime lorsque le chariot est amené du côté de la manivelle, & l’autre pour la retailler une seconde fois lorsque tournant la manivelle dans le sens opposé on fait rétrograder le chariot : pour cela on lâche le ressort qui pousse la tige d’un des marteaux, forée en canon & mobile sur la tige de l’autre, ce qui éloigne la palette de celui-ci des chevilles de la roue, & permet à la palette de l’autre marteau de s’y présenter. La main qui porte le ciseau susceptible d’être orienté, comme dans la machine precédente pour former les tailles & les contre-tailles, fig. 5, est, comme on voit fig. 2, relevée par un ressort fixé à la piece sur laquelle cette main est mobile. La partie supérieure de cette piece porte une vis qui venant appuyer contre un coude du porte-ciseau, sert à limiter l’action du ressort, & fait que le tranchant du ciseau ne s’éloigne de la lime qu’autant qu’il faut pour qu’il soit dégagé des tailles qu’il y a imprimées. Voyez les figures & leur explication. (D)