L’Encyclopédie/1re édition/LEONIN

LEONIN, en Poésie, sorte de vers qui rime à chaque hémistiche ; le milieu du vers s’accordant toujours pour le son avec la fin. Voyez Rime & Vers.

Nous avons en vers de cette espece plusieurs hymnes, épigrammes & autres pieces de poésies anciennes ; par exemple, Muret a dit des poesies de Lorenzo Gambaca de Brene :

Brixia vestrates quæ condunt carmina vates
Non sunt nostrates tergere digna nates.

Ceux qui suivent sont de l’école de Salerne, dont on a rédigé tous les axiomes sous la même forme.

Mensibus erratis ad solem ne sedeatis.
Ut vites pœnam de potibus incipe cœnam.
Mingere cum bombis res est saluberrima lumbis, &c.

On n’est pas d’accord sur l’origine du nom léonin donné à cette sorte de vers. Pasquier le fait venir d’un certain Léonius ou Léoninus, chanoine d’abord de S. Benoît & ensuite de S. Victor, qui fut un des plus déterminés rimeurs en latin qui eût été jusqu’alors, & dédia plusieurs de ses ouvrages au pape Alexandre III. D’autres veulent qu’on les ait ainsi appellés du pape Léon II. qu’ils regardent comme l’inventeur de la rime. D’autres enfin prétendent que nos bons ayeux dans leur simplicité les nommerent léonins du mot leo, lion, s’imaginant que comme cet animal passe les autres en courage & en force, les vers hérissés de rime avoient aussi je ne sais quoi de plus mâle & de plus nerveux que les autres. La premiere opinion est la plus probable, non que Léonius ait été l’inventeur de ces vers rimés, mais parce qu’il les mit extrêmement en vogue.

Fauchet prétend que la rime léonine est la même chose que ce que nous appellons rime riche, c’est-à-dire, qu’il ne donne ce nom qu’à la rime comprise dans deux syllabes de même orthographe, accentuation, ponctuation, que deux autres. Les vers léonins étoient fort admirés dans les siecles de barbarie, Bernard de Cluni fit un poëme de trois mille vers latins ainsi rimés, sur le mépris du monde ; mais à mesure que le bon goût a repris le dessus, on les a bannis de la poésie latine, où on les regarde comme un défaut.