L’Encyclopédie/1re édition/RIME

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RIME, s. f. (Poësie franç.) la rime, ainsi que les fiefs & les duels, doit son origine à la barbarie de nos ancêtres. Les peuples dont descendent les nations modernes & qui envahirent l’empire romain, avoient déja leurs poëtes, quoique barbares, lorsqu’ils s’établirent dans les Gaules & dans d’autres provinces de l’empire. Comme les langues dans lesquelles ces poëtes sans étude composoient n’étoient point assez cultivées pour être maniées suivant les regles du mètre, comme elles ne donnoient pas lieu à tenter de le faire, ils trouverent qu’il y auroit de la grace à terminer par le même son deux parties du discours qui fussent consécutives ou relatives & d’une égale étendue. Ce même son final, répété au bout d’un certain nombre de syllabes, faisoit une espece d’agrément, & il marquoit quelque cadence dans les vers. C’est apparemment de cette maniere que la rime s’est établie.

Dans les contrées envahies par les barbares, il s’est formé un nouveau peuple composé du mélange de ces nouveaux venus & des anciens habitans. Les usages de la nation dominante ont prévalu en plusieurs choses, & principalement dans la langue commune qui s’est formée de celle que parloient les nouveaux venus. Par exemple, la langue qui se forma dans les Gaules, où les anciens habitans parloient communément latin quand les Francs s’y vinrent établir, ne conserva que des mots dérivés du latin. La syntaxe de cette langue se forma très-différente de la syntaxe de la langue latine. En un mot, la langue naissante se vit asservie à rimer ses vers, & la rime passa même dans la langue latine, dont l’usage s’étoit conservé parmi un certain monde. De-là vient qu’au viij. siecle les vers léonins, qui sont des vers rimés comme nos vers françois, prirent faveur, & ne s’éclipserent qu’avec la barbarie au lever de cette lumiere, dont le crépuscule parut dans le xv. siecle.

On a trouvé la rime établie dans l’Asie & dans l’Amérique. Il y a dans Montagne une chanson en rimes américaines traduite en françois. On lit dans le spectateur la traduction angloise d’une ode laponne qui étoit rimée, mais la plûpart de ces peuples rimeurs sont barbares ; & les peuples rimeurs qui ne le sont plus, italiens, françois, anglois, espagnols & qui sont des nations polies, étoient des barbares & presque sans lettres lorsque leur poésie s’est formée. Les langues qu’ils parloient n’étoient pas susceptibles d’une poësie plus parfaite, lorsque ces peuples ont posé, pour ainsi dire, les premiers fondemens de leur poétique. Il est vrai que les nations européennes, dont je parle, sont devenues dans la suite savantes & lettrées ; mais comme leurs langues avoient déja ses usages établis & fortifiés par le tems, quand ces nations ont cultivé l’étude judicieuse de la langue greque & de la latine, elles ont bien poli & rectifié ces usages, mais elles n’ont pu les changer entierement.

Les Grecs & les Latins, quibus dedit ore rotundo musa loqui, formerent une langue, dont toutes les syllabes pouvoient, par leur longueur ou leur briéveté, exprimer les sentimens lents ou impétueux de l’ame. De cette variété de syllabes & d’intonations résultoit dans leurs vers, & même aussi dans leur prose, une harmonie qu’aucune nation n’a pu saisir après eux. Du mélange de leurs syllabes longues & brèves, suivant la proportion prescrite par l’art, résulte toujours une cadence, telle que l’espece dont sont leurs vers la demande.

L’agrément de la rime n’est pas à comparer avec l’agrément du nombre & de l’harmonie. Une syllabe terminée par un certain son n’est point une beauté par elle-même ; la beauté de la rime n’est qu’une beauté de rapport, qui consiste dans une conformité de désinances entre le dernier mot d’un vers & le dernier mot du vers réciproque. On n’entrevoit donc cette beauté qui passe si vîte qu’au bout de deux vers, & après avoir entendu le dernier mot du second vers qui rime au premier. On ne sent même l’agrément de la rime qu’au bout de trois & de quatre vers, lorsque les rimes masculines & féminines sont entrelacées, de maniere que la premiere & la quatrieme soient masculines, & la seconde & la troisieme féminines ; mélange fort en usage dans plusieurs especes de poésie.

Le rhithme & l’harmonie sont une lumiere qui luit toujours, & la rime n’est qu’un éclair qui disparoît après avoir jetté quelque lueur ; aussi la rime la plus riche ne fait-elle qu’un effet bien passager : c’est la regle de la poësie dont l’observation coute le plus, & qui jette le moins de beauté dans les vers ; pour une pensée heureuse que l’ardeur de rimer richement peut faire rencontrer par hasard, elle en fait certainement employer tous les jours cent autres dont on auroit dédaigné de se servir, sans la richesse ou la nouveauté de la rime que ces pensées amenent. A n’estimer le mérite des vers que par les difficultés qu’il faut surmonter pour les faire, il est moins difficile sans comparaison de rimer richement, que de composer des vers nombreux & remplis d’harmonie. Rien n’aide un poëte françois à vaincre cette derniere difficulté que son génie, son oreille & sa perséverance. Aucune méthode réduite en art ne vient à son secours. Les difficultés ne se présentent pas si souvent quand on ne veut que rimer richement ; & l’on s’aide encore pour les surmonter d’un dictionnaire de rimes, le livre favori des rimeurs séveres, & qu’ils ont tous, quoi qu’ils en disent, dans leur arriere-cabinet.

Mais enfin tel est l’état des choses, que la rime est absolument nécessaire à la poésie françoise ; il n’a pas été possible de changer sa premiere conformation, qui avoit son fondement dans la nature & le génie de notre langue. Toutes les tentatives que quelques poëtes savans ont faites pour la bannir, & pour introduire l’usage des vers mesurés à la maniere des Grecs & des Romains, n’ont pas eu le moindre succès. Corneille & Racine ont employé la rime ; & je crains que si nous voulions ouvrir une autre carriere, ce seroit plutôt dans l’impuissance de marcher dans la route de ces beaux génies, que par le desir raisonnable de la nouveauté. Les Italiens & les Anglois pourroient mieux que nous se passer de rimer, parce que leurs langues ont des inversions, & leur poésie mille libertés qui nous manquent. Chaque langue a son génie particulier ; celui de la nôtre est la clarté, la précision & la délicatesse. Nous ne permettons nulle licence à notre poésie, qui doit marcher comme notre prose dans l’ordre timide de nos idées. Nous avons donc un besoin essentiel du retour des mêmes sons, pour que notre poésie ne soit pas confondue avec la prose. Tout le monde connoît ces beaux vers de Racine :

Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale !
Mais, que dis-je ? Mon pere y tient l’urne fatale :
Le sort, dit-on, l’a mise en ses severes mains ;
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.

Mettez à leur place,

Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale !
Mais, que dis-je ? Mon pere y tient l’urne funeste :
Le sort, dit-on, l’a mise en ses séveres mains ;
Minos juge aux enfers tous les pâles mortels.

Quelque poétique que soit ce morceau, dit M. de Voltaire, fera-t-il le même plaisir dépouillé de l’agrément de la rime ? Les Anglois & les Italiens diroient également comme les Grecs & les Romains, les pâles humains, Minos aux enfers juge, & enjamberoient avec grace sur l’autre vers ; la maniere même de réciter en italien & en anglois fait sentir des syllabes longues & brèves, qui soutiennent encore l’harmonie sans besoin de rimes. Nous qui n’avons aucun de ces avantages, pourquoi voudrions-nous abandonner les seuls que la nature de notre langue nous laisse ?

Je sai bien que la rime seule ne fait ni le mérite du poëte, ni le plaisir du lecteur. Ce ne sont point seulement les dactyles & les spondées qui plaisent dans Virgile & dans Homere. Ce qui enchante toute la terre, c’est l’harmonie qui naît de cette mesure difficile. Quiconque se borne à vaincre une difficulté pour le mérite seul de la vaincre, est un fou ; mais celui qui tire du fond de ces obstacles mêmes des beautés qui plaisent à tout le monde, est un homme fort sage & presque unique. Il est très-difficile de faire de beaux tableaux, de belles statues, de bonne musique, de bons vers, &c. Aussi les noms des hommes supérieurs qui ont vaincu ces obstacles dureront-ils peut-être beaucoup plus que les royaumes où ils sont nés ? M. de la Mothe nioit la nécessité de la rime dans notre langue & l’harmonie des vers ; M. de la Faye lui envoyant pour réponse des vers harmonieux, prit un bon parti ; il se conduisit comme le philosophe qui, pour répondre à un sophiste qui nioit le mouvement, se contenta de marcher en sa présence.

Il ne me reste plus que deux choses ; 1° à donner des principes généraux sur la rime ; 2° à indiquer les noms des rimes barbares imaginées par nos ayeux.

On n’admet point pour la rime une seule lettre, quoiqu’elle fasse une syllabe ; ainsi les mots joués & liés ne riment point ensemble. Il y a des mots qui finissant par différentes lettres, peuvent faire une bonne rime, lorsque ces lettres rendent le même son, comme dans les mots sang & flanc, nous & doux.

On a proscrit la rime du simple avec son composé, lorsque l’un & l’autre sont employés dans leur signification naturelle ; ainsi ordre & desordre ne riment pas ensemble, mais front & affront riment bien. Un mot peut rimer avec lui-même lorsqu’il y a deux sens différens ; ainsi pas passus rime avec pas, qui est une particule négative. Dans les pieces régulieres, on ne doit pas mettre de suite plus de deux rimes féminines. Les livres les plus communs vous apprendront le reste. Ainsi je passe à l’explication des noms de rimes inventées par nos anciens poëtes, la rime annexée, batelée, brisée, couronnée, empériere, enchaînée, équivoque, fraternisée, kirielle, retrograde, sénée, &c. & tout sera dit.

Rime annexée, cette rime dont on voit des exemples dans les premiers poëtes françois, consistoit à commencer un vers par la derniere syllabe du vers précédent ; exemple :

Dieu gard’ma maîtresse & régente,

Gente de corps & de façon ;
Son cœur tient le mien en sa tente,
Tant & plus d’un ardent frisson.

Rime bâtelée, c’est le nom qu’on donnoit autrefois au vers dont la fin rimoit avec le repos du vers suivant ; exemple :

Quand Neptune puissant dieu de la mer
Cessa d’armer Caraques & Galées.

Rime brisée, cette rime pratiquée autrefois, consistoit à construire des vers de façon que les repos des vers rimassent entr’eux, & qu’en les brisant ils fissent d’autres vers ; exemple :

De cœur parfait, chassez toute douleur ;
Soyez soigneux ; n’usez de nulle feinte ;
Sans vilain fait entretenez douceur ;
Vaillant & preux, abandonnez la feinte.

en brisant ces vers on lit :

De cœur parfait
Soyez soigneux ;
Sans vilain fait
Vaillant & preux ;
Chassez toute douleur,
N’usez de nulle feinte ;
Entretenez douceur,
Abandonnez la feinte.

Rime couronnée, la rime étoit couronnée, lorsqu’elle se présentoit deux fois à la fin de chaque vers ; exemple :

Ma blanche Colombelle, belle,
Souvent je vais priant, criant ;
Mais dessous la cordelle, d’elle,
Me jette un œil friand, riant.

Rime emperiere, c’étoit le nom de celle qui au bout du vers frappoit l’oreille jusqu’à trois fois :

Benins lecteurs, très-diligens, gens, gens,
Prenez en gré mes imparfaits, faits, faits.

Rime enchaînée, c’est celle qui consiste à reprendre le dernier mot du vers précédent, pour en former le premier du vers suivant. Ce goût barbare en Poésie passoit pour un art très-ingénieux. On peut juger du mérite de ce genre d’esprit, autrefois si fêté, par l’exemple suivant, tiré des bigarrures du sieur des Accords :

Pour dire au tems qui court,
Cour est un périlleux passage ;
Pas sage n’est qui va en cour ;
Cour est son bien & avantage ;
Rage est sa paix ; pleurs ses soulas ;
Las ! c’est un très-piteux ménage ;
Nage autre part pour tes ébats.

Cette rime est la même que la rime annexée ou fraternisée.

Rime équivoque. Nos anciens poëtes françois se servoient quelquefois d’une maniere de rime qu’on appelle rime équivoque, dans laquelle la derniere svllabe de chaque vers est reprise en une autre signification, au commencement ou à la fin du vers qui suit. Richelet en rapporte l’exemple suivant :

En m’ébattant je fais rondeaux en rime,
Et en rimant bien souvent je m’enrime ;
Bref, c’est pitié entre nous rimailleurs,
Car vous trouvez assez de rime ailleurs ;
Et quand vous plaît, mieux que moi rimassez,
Des biens avez, & de la rime assez, &c.

Marot est l’auteur de ces vers bisarres ; c’étoit-là une gentillesse du goût de son siecle. Nous avons de la peine à concevoir aujourd’hui quel sel on pouvoit trouver dans des productions si plates.

Rime fraternisée, cette rime qui a bien du rapport avec la rime annexée, si elle n’est la même chose, consistoit suivant nos anciens poëtes, à repéter en entier, ou en partie, le dernier mot d’un vers au commencement du vers suivant ; exemple :

Mets voiles au vent, cingle vers nous, Caron,
Car on t’attend, &c.

Rime kirielle, elle consiste à terminer chaque couplet d’un petit poëme par un même vers :

Qui voudra savoir la pratique
De cette rime juridique,
Saura que bien mise en effet,
La kirielle ainsi se fait
De plates, de syllabes huit ;
Usez-en donc si bien vous duit,
Pour faire le couplet parfait,
La kirielle ainsi se fait.

On voit bien que cet exemple se ressent de l’origine barbare de la kirielle ; mais nous ne manquons pas de couplets de chansons où elle est mise avec esprit.

Rime rétrograde, sous Charles VIII. & Louis XII. les poëtes avoient mis les rimes rétrogrades en vogue ; c’étoit le nom qu’on avoit donné aux vers, lorsqu’en les lisant à-rebours, on y trouvoit encore la mesure & la rime, comme dans ceux-ci ; exemple :

Triomphamment cherchez honneurs & prix,
Désolez, cœurs méchans, infortunés
Terriblement êtes mocquez & pris.

Lisez ces vers en remontant, vous trouverez les mêmes rimes.

Prix & honneurs cherchez triomphamment, &c.

Rime sénée, on nommoit ainsi les vers où tous les mots commençoient par la même lettre ; exemple :

Ardent amour, adorable Angélique.

Un poëme dont tous les vers commençoient par une même lettre, s’appelloit poëme en rimes sénées.

Rime féminine, les vers qui finissent par un mot dont la derniere syllabe a pour voyelle un e muet, excepté dans les imparfaits charmoient, aimoient ; ces vers, dis-je, ont une rime féminine, & on les appelle aussi vers féminins ; exemple :

Victoire Armes
Gloire Charmes

Dans la rime féminine, la ressemblance du son se tire de la pénultieme syllabe, parce que l’e muet ne se faisant point sentir, n’est compté pour rien. Dans le dernier hémistiche des vers de rime féminine, il y a toujours une syllabe de plus que dans les vers masculins, qui est la syllabe formée par cet e muet.

Rime masculine, c’est lorsque la derniere syllabe du dernier mot du vers ne comprend point un e muet, qu’on nomme autrement e féminin ; exemple :

Fierté Soupirs
Beauté Desirs

Dans cette sorte de rime, on ne considere que la derniere syllabe pour la ressemblance du son, & c’est cette syllabe qui fait la rime. Les mots qui ont un e ouvert rimeroient très-mal avec ceux qui ont un e fermé à la derniere syllabe ; ainsi enfer & étouffer seroient des rimes vicieuses : il faut, autant qu’il est possible, que les dernieres syllabes des deux vers qui riment, se ressemblent parfaitement ; cependant on use d’indulgence à cet égard quand le son de la derniere syllabe est plein, ou que les rimes sont rares.

Rime normande, on appelle ainsi des rimes qui ne ressemblent que dans le son, ou dans la maniere de les écrire. Ces rimes quoiqu’autorisées par l’emploi qu’en ont fait des poëtes célebres, paroissent toutefois très-vicieuses ; exemple :

Et quand avec transport je pense m’approcher,
De tout ce que les dieux m’ont laissé de plus cher.

Rime redoublée, Chapelle (Claude l’Huillier), eleve du célebre Gassendi, inspira le goût des rimes redoublées à l’abbé de Chaulieu, à ce qu’il nous dit lui-même :

Chapelle au milieu d’eux, ce maître qui m’apprit
Au son harmonieux de rimes redoublées,

L’art de charmer l’oreille & d’amuser l’esprit,
Par la diversité de cent nobles idées.

Ces vers ont fait croire à bien des gens que Chapelle est le premier qui s’est servi des rimes redoublées : mais c’est une erreur ; d’Assoucy les employa long-tems avant lui, & même avec quelque succès, comme M. de Voltaire l’a remarqué.

Pourquoi donc, sexe au teint de rose,
Quand la charité vous impose
La loi d’aimer votre prochain,
Pouvez vous me haïr sans cause,
Moi qui ne vous fis jamais rien ?
Ah ! pour mon bonheur je vois bien,
Qu’il faut vous faire quelque chose.

(D. J.)

Rime riche, terme de Poésie pour marquer le degré de perfection dans cette partie du vers.

La rime féminine est riche, lorsqu’immédiatement devant la pénultieme voyelle ou diphtongue, il y a une même lettre dans les deux qui font la rime ; exemple :

Victoire Rebelle
Histoire Isabelle

La rime masculine est riche, lorsqu’immédiatement devant la derniere voyelle ou diphtongue, il se trouve quelque lettre semblable dans les deux mots, comme dans heureux, généreux.

Rime suffisante, la rime féminine est suffisante, lorsque la pénultieme voyelle ou diphtongue avec tout ce qui la suit, rendent un même son dans les mots qui ont la rime : Exemple,

Belle, Victoire,
Infidelle. Gloire.

La rime masculine est pareillement suffisante, lorsque la derniere voyelle ou diphtongue des mots avec tout ce qui la suit, rendent un même son : Exemple,

Espoir, Heureux,
Devoir. Honteux.

Rimes croisées, c’est lorsqu’on entrelace les vers des deux especes, un masculin après un féminin, ou deux masculins de même rime entre deux féminins qui riment ensemble. L’ode, le rondeau, le sonnet, la balade, se composent à rimes croisées.

Rimes mélées, c’est lorsque dans le mélange des vers, on ne garde d’autres regles que celle de ne pas mettre de suite plus de deux vers masculins, ou plus de deux féminins. Les fables, les madrigaux, les chansons, quelques idilles, certaines pieces de théâtre, les opéra, les cantates, &c. sont composés de rimes mélées. La répétition de la même consonnance, loin d’être vicieuse dans les rimes mélées, y jette pour l’ordinaire de l’agrément.

Rimes plates, c’est lorsque les vers de même rimes se suivent par couples, deux masculins & deux féminins. La comédie, l’églogue & l’élégie, se composent à rimes plates. Pour le poëme épique & la tragédie, ils sont nécessairement assujettis à cette ordonnance de vers. Il faut avoir soin d’éviter la fréquente répétition des mêmes rimes, qui feroient une monotonie desagréable.

Rimes unissonnes, rimes qui ont le même son. L’orthographe différente ne rend point la rime défectueuse, quand le son est le même à la fin des mots. Ainsi les rimes suivantes & autres semblables, sont régulieres. Amant, moment ; départ, hasard ; champêtre, connoître ; sang, flanc ; aime, extrême.

Tout conspire à la fois à troubler mon repos,
Et je me plains ici du moindre de mes maux.

Au reste M. l’abbé Massieu prétend que le plus ancien morceau de poésie rimé qu’il y ait dans toute l’Europe, est la traduction ou le poëme de la grace, composé par Afrid, religieux de Vissembourg, qui vivoit vers le milieu du neuvieme siecle ; c’est du franc tout pur, auquel nous n’entendons plus rien. (D. J.)

Rime, on sousentend longue, (Marine.) commandement à l’équipage d’une chaloupe, de prendre beaucoup d’eau avec les pelles de rames, & de tirer longuement dessus ces rames.

Rime bonne, ou Bonne rime, (Marine.) commandement aux matelots du dernier banc d’une chaloupe, de voguer ou de ramer comme il faut.