L’Encyclopédie/1re édition/HAZARD

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 74-75).
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HAZARD, subst. masc. (Métaphysique.) terme qui se dit des évenemens, pour marquer qu’ils arrivent sans une cause nécessaire ou prévûe. Voyez Cause.

Nous sommes portés à attribuer au hazard les choses qui ne sont point produites nécessairement comme effets naturels d’une cause particuliere : mais c’est notre ignorance & notre précipitation qui nous font attribuer de la sorte au hazard des effets qui ont aussi-bien que les autres, des causes nécessaires & déterminées.

Quand nous disons qu’une chose arrive par hazard, nous n’entendons autre chose, sinon que la cause nous en est inconnue, & non pas comme quelques personnes l’imaginent mal-à-propos, que le hazard lui-même puisse être la cause de quelque chose. M. Bentley prend occasion de cette observation de faire sentir la folie de l’opinion ancienne que le monde ait été fait par hazard. Ce qui arriva à un peintre, qui ne pouvant représenter l’écume à la bouche d’un cheval qu’il avoit peint, jetta de dépit son éponge sur le tableau, & fit par hazard ce dont il n’avoit pû venir à bout lorsqu’il en avoit le dessein, nous fournit un exemple remarquable du pouvoir du hazard ; cependant il est évident que tout ce qu’on entend ici par le mot de hazard, c’est que le peintre n’avoit point prévû cet effet, ou qu’il n’avoit point jetté l’éponge dans ce dessein, & non pas qu’il ne fit point alors tout ce qui étoit nécessaire pour produire l’effet, de façon qu’en faisant attention à la direction dans laquelle il jetta l’éponge, à la force avec laquelle il la lança, ainsi qu’à la forme de l’éponge, à sa gravité spécifique, aux couleurs dont elle étoit imbibée, à la distance de la main au tableau ; l’on trouveroit en calculant bien qu’il étoit absolument impossible, sans changer les lois de la nature, que l’effet n’arrivât point. Nous en dirions autant de l’univers, si toutes les propriétés de la matiere nous étoient bien connues.

On personnifie souvent le hazard, & on le prend pour une espece d’être chimérique, qu’on conçoit comme agissant arbitrairement, & produisant tous les effets dont les causes réelles ne se montrent point à nous ; dans ce sens, ce mot est équivalent au grec τυχη, ou fortune des anciens. Voyez Fortune.

Hazard, marque aussi la maniere de décider des choses dont la conduite ou la direction ne peuvent se réduire à des regles ou mesures déterminées, ou dans lesquelles on ne peut point trouver de raison de préférence, comme dans les cartes, les dés, les loteries, &c.

Sur les lois du hazard, ou la proportion du hazard dans les jeux. Voyez Jeux.

M. Placette observe que l’ancien sort ou hazard avoit été institué par Dieu même, & que dans l’ancien Testament nous trouvons plusieurs lois formelles ou commandemens exprès qui le prescrivent en certaines occasions ; c’est ce qui fait dire dans l’Ecriture que le sort ou hazard tomba sur S. Matthias, lorsqu’il fut question de remplir la place de Judas dans l’apostolat.

De-là sont venus encore les sortes sanctorum, ou la maniere dont les anciens chrétiens se servoient pour conjecturer sur les évenemens ; savoir d’ouvrir un des livres de l’Ecriture-sainte, & de regarder le premier verset sur lequel ils jetteroient les yeux : les sortes homericæ, virgilianæ, prenestinæ, &c. dont se servoient les Payens, avoient le même objet, & étoient parfaitement semblables à celles-ci. Voyez Sort.

S. Augustin semble approuver cette méthode de déterminer les événemens futurs, & il avoue qu’il l’a pratiquée lui-même, se fondant sur cette supposition que Dieu préside au hazard, & sur le verset 33. chapitre xvj. des Proverbes.

Plusieurs théologiens modernes soûtiennent que le hazard est dirigé d’une maniere particuliere par la Providence, & le regardent comme un moyen extraordinaire dont Dieu se sert pour déclarer sa volonté. Voyez Purgation, Judicium Dei, Combats, Champions, &c.

HAZARDS, (Analyse des) est la science du calcul des probabilités. Voyez les articles Jeu, Pari, Probabilité, &c.

Hazard, en fait de Commerce ; on dit qu’on a trouvé un bon hazard, pour signifier qu’on a fait un bon marché, & sur lequel il y a beaucoup à gagner.

On appelle marchandise de hazard, celle qui n’étant pas neuve, n’est pas néanmoins gâtée, & peut être encore de service.