L’Encyclopédie/1re édition/FOURREUR ou PELLETIER

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FOURREUR ou PELLETIER, s. m. (Art méchaniq. ) celui qui achete, vend, apprête & employe à différens ouvrages, des peaux en poil.

L’art du pelletier-foureur est plein de manœuvres ignorées, que nous allons décrire le plus exactement qu’il nous sera possible.

Dans les grandes villes, les pelletiers ne passent point eux-mêmes leurs peaux. Ils se reposent de ce travail sur des ouvriers particuliers qu’ils appellent habilleurs. Mais dans les villes de province ils sont obligés de faire tout par leurs mains, l’habillage ainsi que le reste de l’ouvrage.

Pour habiller, il faut au pelletier un couteau dont la lame soit de quatre pouces de longueur, sur un pouce & demi de largeur ; qui ait le dos abattu en chamfrain, sur la pointe, de la longueur d’un pouce & demi, & le manche avancé jusqu’à la moitié de la largeur de la lame, de niveau avec le dos, de huit lignes de longueur, sur six d’épaisseur & autant de largeur. Cet instrument porte environ une ligne & demie d’épaisseur sur le dos.

Pour le tenir d’une façon commode au travail, il faut que le pouce de la droite soit appliqué sur le côté de la lame qui lui correspond ; que l’index appuie sur le dos ; que le second doigt pose sur la platine du manche ; & que le troisieme soit étendu & couché sur le petit doigt, afin de tendre la peau, & la couper sans attaquer le poil. Tandis que le couteau travaille de la main droite, la main gauche soûtient ce que l’on a coupé.

Les autres instrumens du fourreur sont une regle de 30 pouces de longueur, divisée par pouces ; il s’en sert pour donner à son manchon les dimensions convenables.

Une paire de ciseaux semblables à ceux des Perruquiers ; des carrelets à trois quarts, des gros & des fins. Les carrelets sont des aiguilles dont il se sert aux endroits où la peau est épaisse.

Nous avons donné, en parlant du couteau du fourreur, la maniere d’habiller les peaux, ou de les détacher de l’animal. Il s’agit maintenant de les passer.

Pour cet effet vous commencerez par les plier en deux depuis la tête jusqu’à la queue, que les ouvriers appellent la culée ; vous prendrez votre carrelet, & les coudrez tout autour, le poil en-dedans : ce qui s’appelle bourser les peaux.

Quand elles seront boursées, vous prendrez de la soupe ou bouillon de tripe, ou de l’urine, & vous les mouillerez bien. Si ce sont des peaux d’ours, de loups, ou de chiens, il faudra les mouiller à deux reprises ; c’est-à-dire qu’après les avoir mouillées une premiere fois, vous les laisserez environ huit heures les unes sur les autres dans un endroit frais ; les mouillerez une seconde fois, & les laisserez reposer en pile le même intervalle de tems : il faut voir en les mouillant, s’il n’y a point d’endroits qui ayent pris plus d’humidité que d’autres ; si on humectoit ces endroits davantage, on ne pourroit passer la peau.

Lorsque vous vous serez assûré que les peaux ont bien bû leurs eaux, vous en prendrez trois ou quatre à-la-fois : si ce sont des peaux de loup, vous les mettrez dans un tonneau défoncé d’un bout. Vous pancherez le tonneau, afin que les peaux se trouvent sur le fond qui reste, comme sur un plan incline. Ce tonneau doit être regarde comme une espece de moulin à foulon. Un ouvrier nud depuis la ceinture jusqu’aux piés, entrera dans ce tonneau ; il se ceindra le corps d’un drap ou d’une sarpilliere qu’il rabattra sur l’ouverture du tonneau. On liera la sarpilliere sur le tonneau. Alors il commencera à fouler les peaux avec ses piés. Les peaux s’échaufferont ; & la sarpilliere qui couvre l’ouverture du tonneau, empêchera que la chaleur ne se dissipe. On foule les peaux pendant deux heures.

Après qu’on les a foulées, on les retire du tonneau. On a du marc d’huile d’olive, ou de la graisse, mais le marc d’huile vaut mieux ; on en oint par-tout les peaux. Cependant on a mis un rechaud avec du feu dans le tonneau ; quand il est échauffé suffisamment, on ôte le rechaud. On remet les peaux dans le tonneau ; l’ouvrier y rentre avec la sarpilliere qui est attachée autour de sa ceinture, & qu’on lie sur le tonneau, comme on avoit fait la premiere fois ; & les peaux sont encore foulées pendant deux heures.

Cela fait, il faut triballer les peaux. Cette manœuvre a pris son nom de l’instrument qu’on employe, & qu’on appelle triballe. La triballe est un morceau de fer, tout semblable à celui dont on se sert à la campagne pour travailler le chanvre. Il a 18 pouces de hauteur, 3 de largeur, & 2 de branches ; sur le dos 5 lignes d’épaisseur ; mais cette épaisseur va toujours en diminuant, comme si l’instrument devoit se terminer par un tranchant ; mais il est mousse & ne coupe point. La différence de la triballe & du fer des filassiers, c’est que la triballe a son espece de tranchant ou de côté menu, en-dedans des branches, & le dos tourné à l’ouvrier.

Pour triballer, l’ouvrier prend une peau tout au sortir du tonneau ; il a enfoncé les branches de sa triballe dans un poteau, ou dans un mur ; pour cet effet ces branches sont pointues par chaque bout, & sont longues d’environ 3 pouces. Il passe sa peau sous la lame de la triballe, entre cette lame & le poteau ; il en tient le milieu de la main droite, & la tête de la main gauche, sans être débousée ; il avance le pié gauche du côté du mur ; il retire le pié droit en-arriere : lâchant la peau & la conduisant de la main gauche, & la tirant fortement de la main droite, il la fait aller & venir sur la triballe contre laquelle tout le poids de son corps qu’il jette en-arriere à chaque mouvement, la tient appliquée.

On triballe de toutes ses forces les peaux de chien & de loup. On ne risque point de les déchirer. Il faut travailler les autres avec plus de ménagement.

L’action de triballer les peaux les corrompt & les assouplit ; peut-être même aide encore à leur faire prendre l’huile qu’elles ont commencé à boire dans le tonneau à fouler.

Lorsque les peaux sont triballées, on les débouse, on les étend sur leur large. On a un chevalet tel que celui des Chamoiseurs, en dos d’âne, à demi-rond, ou convexe en-dessus, & concave par-dessous ; ce chevalet doit avoir 5 à 6 piés de longeur. Vous le placez appuyé d’un bout contre le mur ; vous élevez l’autre à la hauteur de votre estomac, par le moyen d’une espece de croix de saint André, qu’on appelle la gambette ; vous étendez votre peau de loup ou de chien sur le chevalet ; vous prenez un couteau à deux manches, qui ait depuis 22 jusqu’à 23 pouces de long, y compris les manches, dont la lame ait deux pouces & demi de large, & six lignes d’épaisseur au dos. Ce couteau qui est un peu concave du côté du taillant, pour pouvoir prendre la rondeur du chevalet, s’appelle couteau à écharner. Il ne coupe pas sur toute sa longueur, mais seulement d’un de ses bouts jusqu’au milieu. Vous pressez votre ventre contre la peau que vous arrêtez ainsi sur le chevalet. Vous appliquez dessus le concave de votre couteau, du côté de la chair ; vous la raclez avec la partie qui ne coupe point, afin de corrompre la chair & en préparer la séparation d’avec le cuir. Vous travaillez ensuite avec la partie tranchante, appuyant également & legerement, & craignant toûjours d’endommager la peau. Vous continuerez d’écharner, jusqu’à ce que vous apperceviez à la peau de petits points noirs. Ces points sont la racine du poil. Si vous continuez l’action du couteau, vous détacherez le poil du cuir ; & votre peau aura alors le défaut que les ouvriers désignent, quand ils disent d’une peau, qu’elle lâche.

Quand la peau est écharnée, vous la prenez, l’agitez en l’air de la main gauche ; & avec une baguette que vous tenez de la droite, vous la frappez sur le poil, afin de le faire relever. Ayez ensuite un tonneau traversé de part en part des deux fonds, par un axe, à l’un des bouts duquel il y ait une manivelle ; que ce tonneau soit soûtenu comme une roue, & puisse tourner sur lui-même ; qu’il y ait à son flanc une ouverture de huit pouces en quarré, avec une porte pour la fermer. Ayez du plâtre pulvérisé bien menu : faites-le chauffer d’une chaleur à pouvoir y supporter la main, & à ne point brûler le cuir ; mettez-le dans le tonneau avec les peaux, & faites tourner le tonneau lentement, ensorte que le plâtre s’insinue entre les poils de la peau, & les dégraisse. Pour empêcher que les peaux ne se tortillent sur elles-mêmes dans le tonneau, on y a pratiqué à sa surface, en différens endroits, des trous, où sont enfoncées des chevilles ou broches de bois qui entrent dans le tonneau d’environ 5 pouces de long.

On peut travailler ainsi quatre à cinq peaux de loup à-la-fois. Il faut pour ce nombre de peaux, un demi-boisseau de plâtre. On tourne ainsi les peaux pendant un quart-d’heure : on les retire ; on les bat avec la baguette ou contre le mur, pour en faire tomber la grosse poussiere ; on les rebat avec la baguette, on les repasse une seconde fois dans le tonneau avec le plâtre en poudre, ou de la-cendre de motte de tan, ou des cendres ordinaires, mais de préférence avec le plâtre ; on les rebat, & on passe à une autre manœuvre.

Nous observerons seulement sur celle-ci qu’elle a lieu pour les renards, les chats sauvages, les domestiques, & autres ; les fouines, les martes de France, &c. avec cette différence que ces dernieres peaux se dégraissent séparément ; au lieu qu’on peut travailler les autres ensemble.

Quand vous aurez si bien battu vos peaux dégraissées qu’il n’en sorte plus de poussiere, vous les tirerez au fer. Pour cet effet ayez un fer de pelletier. Cet instrument ou lame a 25 pouces de longueur, sur 6 de largeur ; il a le taillant en dos d’âne ; il vient en diminuant vers ses extrémités, où il n’a guere que trois pouces & demi de largeur ; il a 4 à 5 lignes d’épaisseur sur le dos ; cette épaisseur est la même jusqu’au milieu de la largeur de la lame, afin de le fortifier ; de-là jusqu’au taillant qui est arrondi, l’épaisseur diminue.

Voici comment on attache ou fixe le fer de pelletier ; on a deux branches ou pitons de la longueur de 21 à 22 pouces ; ils sont fendus à la tête ; les bouts du fer sont reçus dans des especes de mortaises ou de fentes pratiquées à ces pitons. Vous plantez dans le mur votre piton le plus bas, environ à deux piés huit pouces de terre. Vous y fixez l’extrémité inférieure de votre fer, dont le taillant doit être tourné contre le mur ; vous déterminez par la longueur du fer la hauteur à laquelle l’autre piton doit être planté. Vous arrêtez l’autre bout de votre fer dans la fente de ce piton que vous plantez dans le mur. Cela sait, vous tirez sur ce fer les peaux dégraissées, afin de les rendre nettes de chair, les corrompre, & les étendre davantage.

Vous commencez ce travail en prenant les deux flancs de la culée, endroits où il n’y a pas ordinairement beaucoup de poil, & qui se trouvent sous la cuisse de derriere de l’animal (il en est de même des épaules qui se trouvent sous les cuisses de devant). Vous passez votre peau entre votre fer & la muraille ; vous vous postez comme pour écharner ; vous inclinez seulement en travaillant votre tête sur le côté gauche du fer ; vous travaillez comme en écharnant ; vous veillez soigneusement à ce que la peau ne se plisse point sur le fer ; ces plis occasionneroient autant de trous à la peau ; vous menez ainsi votre peau sur le fer le plus fermement & le plus également que vous pouvez. Les piés ne se dérangent point ; tout le mouvement est des bras. Le corps se tord un peu sur lui-même ; il tourne de droite à gauche, quand on tire à gauche, & de gauche à droite quand on tire à droite. Il faut seulement observer en tirant à gauche, de ne pas fortement appuyer sur le fer. Il s’agit seulement dans ce mouvement de prevenir les plis qui pourroient se faire à la peau ; la force du bras droit, est la seule qui soit employée en entier.

Lorsque vous aurez corrompu votre peau sur le dos, vous la corromprez sur le ventre ; & vous travaillerez jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de chair : alors vous mettez votre peau sur son carré.

Il faut observer que quand le fer ne coupe plus, il faut lui donner le fil des deux côtés, & renverser le morfil du côté gauche.

Toutes les peaux soit en poil, soit en laine, se tirent de la même maniere. Quant à celles d’ours qui sont très-grandes & très-pesantes, il est difficile de les tirer au fer. On se contente de les bien écharner ; ensuite on a un banc à quatre piés, semblable à celui des Bourreliers. Il est long de six piés, & large de quatorze pouces ; de la hauteur d’un siége ; on fixe à une de ses extrémités des fers paralleles ou qui se regardent, comme deux especes de palissons de chamoiseur & de gantier ; il y a à l’autre extrémité une perche mobile à charniere, de la longueur de neuf piés ; cette perche peut en s’approchant du corps du chevalet, retomber entre les deux planches qui sont encastrées sur le banc, & garnies des fers ou palissons paralleles.

Deux hommes sont employés à l’usage de cet outil. Il faut que celui qui doit manier la peau, se mette à cheval sur la perche ; qu’il prenne la peau, & qu’il la place sur les deux palissons du côté de la chair ; que la perche soit ensuite abaissée sur le milieu de la peau comprise entre les deux palissons ; qu’un autre ouvrier tienne le bout de la perche à deux mains, la leve & la laisse retomber de trois pouces de haut au-dessus des palissons ; que le premier fasse glisser la peau bien étendue sur les palissons ; que le second releve la perche & la laisse retomber ; & que le travail se continue ainsi jusqu’à ce que la peau soit bien corrompue.

Au demeurant ces peaux ne se dégraissent point dans le tonneau comme les autres. On les étend sur une table ; on a de la poussiere de motte de tanneurs bien seche & bien échauffée au soleil ; on en prend, & avec les mains on en frotte les peaux du côté du poil. Cela fait, on les bat à quatre sur le poil.

Il est bon de savoir que si l’on employoit à cette manœuvre le plâtre, loin de donner à la peau d’ours un beau noir, on lui trouveroit le fond du poil blanchâtre.

Mais il y a d’autres peaux que l’ours, qui ne se peuvent fouler au tonneau ; telles sont toutes celles qui ont le poil tendre & délicat : comme le lievre blanc, le renard noir, le renard bleu, le loup cervier, &c. on se sert alors d’une pâte dont nous allons donner la préparation, après avoir averti qu’elle peut être employée sur des peaux qui ont été mal passées, & auxquelles la négligence de l’ouvrier n’aura laissé que cette ressource.

Prenez trois pintes grande mesure de farine de seigle, & une douzaine & demie de jaunes d’œufs ; délayez le tout ensemble dans une grande terrine avec deux livres de sel que vous aurez fait fondre dans de l’eau. Mais avant que d’arroser la farine & les jaunes d’œufs avec l’eau salée, mêlez-y une demi-livre d’huile d’olive ; ensuite achevez de détremper votre pâte par le moyen de l’eau salée. Cette pâte aura quelqu’épaisseur, mais cependant assez de fluidité. Appliquez-la sur le cuir de votre peau ; qu’il y en ait par-tout également, & à-peu-près de l’épaisseur de deux écus ; cela fait, pliez-la en deux, depuis la tête à la culée ; laissez cet enduit enfermé dans le pli environ douze jours. Au bout de ce tems ouvrez votre peau : raclez l’enduit en un endroit avec un couteau ; tirez le cuir ; s’il vous paroît blanc, il sera passé ; s’il n’est pas blanc, remettez de la pâte : repliez la peau, & la laissez encore huit jours en cet état. Mais ce tems écoulé, portez-la sur le chevalet & l’écharnez. Quand elle sera écharnée, gardez-vous bien de la faire sécher à l’air, de peur qu’elle ne durcisse. Mais prenez de la farine (de quelqu’espece que ce soit), étendez-en sur votre peau du côté du cuir, de l’épaisseur d’une demi-ligne : frottez bien par-tout avec vos mains : pliez la peau comme ci-dessus ; laissez-la ainsi saupoudrée & pliée pendant deux jours. Au bout de ce tems ouvrez-la, ôtez la farine : gardez à part cette farine pour une autre occasion, & passez la peau au fer de pelletier, comme nous l’avons dit plus haut.

On se sert de cette pâte pour passer les peaux de marte, de foüine, & de renard, qui ne peuvent se fouler.

Mais il y a une façon de passer les peaux d’agneaux, dont on se sert pour fourrer les manchons ; on l’appelle passement au confit.

Voici comme on passe au confit : Prenez un cent de peaux d’agneaux ; faites-les tremper pendant deux jours dans un grand cuvier rempli d’eau. Prenez votre chevalet ; placez-le comme nous avons dit ci-dessus, pour écharner. Ayez un tablier de peau de veau bien tannée : faites le haut du tablier de la tête de cette peau ; attachez à chaque pate de devant une ficelle, & ceignez ce tablier avec ces ficelles. Etendez la peau sur le chevalet ; contenez la culée entre le chevalet & votre estomac : écharnez avec le couteau à écharner ; ayez-en un autre avec lequel vous séparerez de la peau les oreilles, le bout du nez, & les mâchoires, qui ne serviroient qu’à faire tourner le confit. Voyez à l’article Chamoiseur, le travail de ces peaux sans poil.

Lorsque vous aurez écharné toutes vos peaux, vous les remettrez dans le cuvier rempli de nouvelle eau ; vous les y laisserez tremper une heure ou deux ; vous les en tirerez l’une après l’autre, pour les remettre sur le chevalet, la laine en l’air ; que vous froterez fortement avec le dos de votre couteau à écharner, afin d’en séparer toute la malpropreté  : cette malpropreté feroit aussi tourner le confit ; celle manœuvre s’appelle rétaler. Quand vous aurez rétalé toutes vos peaux des deux côtés, vous remplirez votre cuvier d’eau nouvelle, & les y laverez l’une après l’autre : pour les laver, on les prend par les flancs de derriere de chaque main ; on tourne la laine en-dessus ; on les plonge ainsi dans l’eau, on les serre, on les frote ; on fait sortir la crasse : quand l’eau tombe claire, on avance les mains du côté de la tête, qui est tournée vers l’ouvrier dans cette manipulation : on serre, on frotte, en un mot on lave cette partie, & tout le reste de la peau, comme la premiere. On rechange d’eau ; cependant les peaux s’égouttent : quand elles sont bien égouttées, on les reporte au cuvier, pour leur donner un dernier lavage, après lequel on les jette l’une après l’autre sur une perche exposée à l’air, où on les laisse pendant quatre heures. Alors elles sont prêtes à passer au confit.

Voici comment vous le préparerez. Vous prendrez pour un cent de peaux d’agneaux propres à faire des fourrures, un bichet de farine moitié seigle & moitié orge, avec quinze livres de sel : vous ferez fondre le sel dans de l’eau, & vous vous servirez de cette eau pour détremper votre farine. Quand elle sera bien délayée, vous y jetterez de plus, pour deux cents d’agneaux, de nouvelle eau, à la quantité en tout de cinq à six seaux, tant de cette eau nouvelle que de l’eau salée : au reste, cela varie selon la force des peaux.

Quand vos peaux seront bien égouttées, pliez-les de la tête à la culée, l’une après l’autre, la laine en-dedans ; que les deux flancs se touchent. Prenez de la main droite une peau par la culée ; tenez-la par la tête de la main gauche : que le dos soit tourné de votre côté. Trempez-la dans le confit ; d’abord d’un côté, ensuite de l’autre, la tournant & la retournant sans déranger vos mains, que vous glisserez seulement le long du dos, pour faire pénétrer la pâte dans la peau.

Quand vous aurez ainsi trempé toutes vos peaux, placez-les dans un cuvier propre, les unes sur les autres, les arrosant de ce qui peut vous rester de pâte. Deshabillez-vous jusqu’à la ceinture ; entrez dans le cuvier, & foulez pendant un quart-d’heure : marchez tout-autour du cuvier ; tâchez d’atteindre le fond avec vos piés ; pressez les peaux de toute votre force. Faites entrer la nourriture dans le cuir ; cela s’appelle renfoncer le confit. Cette manœuvre se réitere deux fois par jour, une fois le matin, une fois le soir, & se continue quinze jours, & quelquefois trois semaines, pendant lesquelles, de deux jours l’un, on jette les peaux sur une planche mise en-travers sur le cuvier, les laissant égoutter pendant la journée : le soir on les remet de dessus la planche dans le cuvier, observant de les tenir posées lâchement les unes sur les autres & comme soulevées, afin qu’elles prennent fausse par-tout.

Ce travail du confit ne se pratique que dans les mois de Mai, Juin, & Juillet, afin d’avoir un tems favorable pour étendre. Si vous voulez vous assûrer que le confit est mûr, c’est l’expression du fourreur, c’est-à-dire si les peaux sont prêtes à étendre, regardez aux flans de la peau du côté de la laine : placez vos doigts sous la peau du côté du cuir ; frottez-la du côté de la laine avec le pouce. Si vous emportez le court-poil, ou si même en avançant vers le milieu du corps, vous faites la même expérience & la même observation, il est tems d’étendre.

Vous choisirez un jour de beau soleil ; sur les trois ou quatre heures du matin, vous tirerez toutes vos peaux du cuvier, & les étendrez sur la planche mise en-travers du cuvier ; elles seront les unes sur les autres, la laine tournée en-dessus ; vous les laisserez égoutter pendant quatre heures : de-là vous les passerez dans quelqu’endroit d’un pré où l’herbe soit courte, & que le soleil échauffe long-tems ; vous les porterez par la culée, & les étendrez sur la laine, observant de tirer à droite & à gauche les deux ventres, & de bien étaler les pattes.

Lorsque le cuir sera sec, vous retournerez les peaux, & vous exposerez la laine en-dessus, ne négligeant pas de les changer de place. Si vous les remettiez au même endroit, l’humidité que la laine auroit laissée sur l’herbe, ne manqueroit pas de rentrer dans les peaux & de les ramollir ; ce qui pourroit les gâter.

Si la pluie survenoit tandis que vos peaux sont étendues, il ne faudroit pas manquer de les relever, & de les porter à couvert sur des perches, la laine tournée en-dessus. On les laisseroit sur les perches jusqu’à ce que la pluie fût passée, & qu’on pût les rétendre sur l’herbe, afin d’achever de les sécher. Il ne faut pas ignorer que si le confit pressoit, c’est à-dire demandoit qu’on tirât les peaux du cuvier, & qu’on ne le fît pas, ou que le tems ne le permît pas, il pourroit arriver que les peaux seroient perdues ; elles lâcheroient la laine. Mais on prévient aisément ces accidens, avec un peu de précaution.

Lorsque votre confit ou vos peaux seront bien seches, il s’agit de les tirer au fer du pelletier.

Pour cet effet, ayez une grosse éponge ; trempez-la dans l’eau ; mouillez toutes vos peaux sur la chair legerement & uniment. Quand elles seront humectées, placez-les chair contre chair, culée contre culée, tête contre tête ; laissez-les ainsi jusqu’au lendemain, ou même deux jours ; elles s’imbiberont de leur eau. Quand elles seront bien soulées d’eau, prenez alors une claie ; placez-la au pié d’une table ; jettez dessus cinq à six peaux ; & les mains appuyées sur la table, foulez-les avec les piés : cette maniere de fouler est particuliere. L’ouvrier rassemble les peaux, il les roule sous le talon de son soulier droit ; il les développe en-arriere, en poussant fortement ; tandis qu’avec le derriere du talon de son soulier gauche, il les frappe, les pressant de la semelle, les tirant, les étendant, les brisant, les corrompant. Après cette manœuvre pratiquée sur toutes les peaux, il s’agit de les tirer au fer de pelletier : nous avons expliqué ci-dessus comment cela se pratiquoit. Quand elles sont tirées au fer, on les étend à l’air, la laine en-dessus : on choisit un beau jour de soleil. Le but de cet étendage est de sécher les peaux, afin d’en faire ensuite sortir la farine, & leur ôter la mauvaise odeur qu’elles ont, ainsi que toutes les autres peaux en poil, qu’il faut par conséquent exposer à l’air, comme les peaux d’agneaux : trois ou quatre heures d’exposition suffiront à celles-ci. Quand elles seront séchées, vous les battrez sur la laine avec la baguette, comme il a été dit ailleurs.

Il ne s’agit plus maintenant que de savoir teindre à froid le poil de toutes sortes d’animaux : c’est le secret des fourreurs ; & c’est ce qu’ils appellent lustrer les peaux.

Pour teindre à froid ou lustrer les peaux, voici les drogues dont il faut se pourvoir.

De noix de galle ; il faut les choisir pesantes, noirâtres, & bien nourries : de verd-de-gris, soit en poudre, soit en pain, mais le plus sec, le moins rempli de taches blanches, & celui dont le verd est le plus beau : d’alun de glace ou d’Angleterre : de couperose d’un beau verd bleuâtre, claire, transparente, en gros morceaux, & bien seche : d’arsenic, en gros morceaux pesans, luisans en-dedans, & blanchâtres en-dehors : de sel ammoniac de Venise, en pains épais de cinq doigts, gris en-dehors, blancs & crystallins en-dedans ; blanc, net, sec, d’un goût acre & pénétrant : d’antimoine à longues aiguilles, brillantes & faciles à casser : de summac. Voyez ces drogues à leurs articles.

Pourvû de ces drogues, ayez les ustensiles suivans.

1°. Un pot de cuivre rouge fait en poire, à deux couvercles ; l’un posé en-dedans sur un rebord, l’autre emboîtant le dessus ou la gorge du pot par-dehors, où il se fixe par deux crochets placés aux côtés opposés aux deux anses : ce pot doit tenir dix à douze pintes, grande mesure.

Allumez du feu ; mettez votre pot sur un trépié : prenez deux onces de graisse de bœuf ; hachez-la bien menu ; faites-la fondre dans votre pot : quand elle sera fondue, jettez-y huit livres de noix de galle ; couvrez le pot de votre premier couvercle, qui doit s’ajuster fort exactement ; couvrez du second, & accrochez-le. Lorsque ce mélange sera chaud, vous prendrez votre pot par les anses ; vous l’agiterez de gauche à droite, de droite à gauche ; ensuite vous le renverserez tout-à-fait, ensorte que le fond soit tourné en-haut, & le couvercle vers la terre. La matiere se mêlera dans ce mouvement. Remettez ensuite le pot sur le trépié ; tenez-le sur le feu pendant une heure, observant de le remuer, comme nous venons de le prescrire, de cinq en cinq minutes pendant la premiere demi-heure, & de trois en trois minutes pendant la seconde. Soûtenez le feu égal pendant l’heure entiere ; alors vous n’entendrez plus sonner vos noix de galle dans le pot ; elles vous paroîtront faire une masse, & rendre une odeur forte de brûlé : c’est à ce moment, disent les fourreurs, que creve la noix de galle. Otez le pot de dessus le feu ; ne le débouchez point, tenez-le renversé, & le laissez refroidir pendant huit heures : alors ouvrez votre pot : ayez un mortier de fonte tout prêt, de la capacité d’un seau d’eau, ou environ ; prenez trois poignées de vos noix de galle brûlées ; jettez-les dans le mortier, & pilez-les à petits coups, pour n’en pas perdre les éclats ; réduisez en poudre très menue ; tamisez au tamis de soie ; remettez sous le pilon ce qui ne passera pas au tamis : cela fait, renfermez votre noix de galle brûlée & tamisée dans un pot de terre vernissé, que vous boucherez bien exactement.

Prenez un bichet de chaux ; mettez-la dans un tonneau de la capacité de dix à vingt pintes, grande mesure ; laissez-la s’éteindre ; emplissez ensuite votre tonneau d’eau ; remuez-bien, & laissez-le reposer jusqu’à ce que l’eau vous paroisse claire & nette.

Cela fait, voici comment vous lustrerez les peaux de renard, de chat sauvage, de loutre, &c.

Prenez une livre d’alun de glace, une demi-livre de sel ammoniac, une livre & demie de verd-de-gris, une livre & demie de couperose verte, un quarteron d’alun de Rome ; mêlez le tout ensemble dans un mortier ; pilez, réduisez en poudre ; arrosez de l’eau de chaux préparée peu-à-peu ; délayez. Lorsque le mélange aura la fluidité la plus grande, laissez reposer deux heures : alors prenez de vos noix de galle cuites, pulvérisées, & tamisées, trois livres ; de litharge d’or, une livre ; d’antimoine bien pilé & passé, une demi-livre ; une demi-livre de plomb de maire aussi bien passé, & de mine de plomb, deux livres : délayez-le tout ensemble dans un bacquet avec votre eau de chaux. Quand tout sera dans une espece de bouillie, versez dessus cette bouillie ce que vous avez préparé dans votre mortier, ajoûtez un peu d’eau, mais très-peu : car les deux mélanges ensemble ne doivent pas faire plus de dix à douze pintes, toûjours grande mesure. Remuez-bien ; laissez reposer pendant une heure, & commencez à lustrer.

On ne doit point lustrer de peaux qu’elles n’ayent été bien passées & dégraissées, comme nous l’avons prescrit ci-dessus.

Pour lustrer une peau, étendez-la sur une table, le poil en-dessus ; qu’elle ne fasse aucun pli ; qu’elle ait la tête du côté gauche, & la culée du côté droit ; faites remuer votre composition avec une spatule ; ayez une brosse longue de huit pouces, & large de quatre, faite de soies de porc ou de sanglier de deux pouces de long, afin que ses poils puissent entrer parmi ceux de la peau. Appuyez votre main gauche sur la tête de la peau ; & de la droite, trempez votre brosse dans le bacquet, & passez-la sur la peau depuis votre main gauche jusqu’à la culée : faites-en autant sur les pates ; que votre peau ait été par-tout frottée de la brosse, & que les poils en soient bien unis : faites remuer la composition ; retrempez votre brosse dedans ; repassez-la sur la peau, mais en la faisant un peu tourner sur elle-même ; ce mouvement fera entrer les poils de votre brosse entre les poils de votre peau : frottez ainsi depuis la tête jusqu’à la culée. Par ce moyen, le lustre pénétrera à fond ; mais les poils de la peau seront tous mêlés. Reprenez pour la troisieme fois du lustre avec la brosse, & repassez encore de la tête à la queue, afin de coucher le poil & l’arranger. Cela fait, vous retremperez une quatrieme fois la brosse dans la composition au lustre ; vous l’appliquerez sur la peau, & la toucherez à petits coups, afin que le lustre dont elle sera chargée tombe sur la peau.

Regardez alors attentivement votre peau : si le lustre vous en paroît également étendu par-tout, prenez-la par la tête de la main gauche, & par la culée de la main droite : faites-la égoutter un moment sur votre bacquet, afin de ne point perdre de composition, & l’étendez ensuite au soleil, le poil en l’air ; à moins que ce ne fussent des peaux de renard : dans ce cas, il faudroit les mettre deux à deux, poil contre poil, le cuir exposé au soleil ; & de tems en tems retourner celle qui est dessous & la mettre dessus, le poil toûjours contre le poil : sans cette précaution, la chaleur du soleil feroit friser le poil, & gâteroit la peau. Si vous voulez cependant les faire sécher à l’air, le poil découvert, tenez-les à l’ombre : mais le plus sûr est de les mettre deux à deux, & poil contre poil.

L’ardeur du soleil échauffe le lustre, l’attache, & rend la peau noire & luisante.

Lorsque ces peaux sont seches, vous les battez jusqu’à ce qu’il n’en sorte point de poussiere ; vous les rétendez sur la table ; & avec une brosse plus rude, vous les brossez fortement de la tête à la queue, pour arranger le poil : après quoi, vous leur donnez du lustre, comme la premiere fois.

Il y a des renards que l’on lustre jusqu’à cinq fois, avant que de leur donner le fond.

Mais le travail du lustre avancera davantage, si l’on a une étuve où l’on puisse faire sécher les peaux, & le lustre en mordra beaucoup plus facilement sur le poil. Il faut que cette étuve ait cinq ou six piés de long sur trois piés de large, & cinq à six de haut : c’est un cabinet de planches assemblées, dont on a bien fermé toutes les jointures avec du papier collé, afin que la chaleur ne s’évapore point : le dedans est garni de clous à crochets, auxquels on suspend les peaux lustrées. On y tient deux poëles de feu allumées, l’une à un bout, & l’autre à l’autre ; & l’on ferme la porte. Une attention qu’on ne peut avoir trop scrupuleusement, quand on met des peaux en étuve, c’est que la composition ou le lustre n’ait pas touché le cuir de la peau, & qu’il n’en soit pas mouillé : la peau en se séchant, en seroit infailliblement brûlée. Pour cet effet, quand vous avez mis une peau en lustre, vous en prenez une non lustrée ; & la tenant de la main droite par la tête, & la tirant, le poil tourné contre la table, vous en pressez le cuir de la gauche : tandis qu’elle glisse ainsi entre la main gauche qui la presse, & la droite qui la tire, elle enleve tout ce qui s’est répandu de lustre sur la table ; & celle que l’on y expose ensuite du côté du cuir, & le poil en-haut, ou la même, n’en prend plus du côté du cuir, & ne se mouille pas.

Lorsque vous voyez que la pointe des poils a bien pris le lustre, vous refaites de la composition telle que celle dont vous vous êtes servi pour lustrer ; & vous vous en servez pour donner ce qu’on appelle le fond, à vos peaux lustrées : mais pour un cent de peaux de renard, il n’en faut que 25 pintes ; vous séparerez cette quantité en deux ; vous tiendrez l’une à part, & vous tremperez vos peaux dans l’autre. A mesure que vous les tremperez, vous les tordrez bien, & vous les jetterez dans le cuvier, où vous aurez mis séparément le restant de votre composition. Quand elles y seront toutes, vous y entrerez les jambes nues ; les foulerez, & les tiendrez dans ce cuvier pendant deux jours, les foulant de huit en huit heures. Cela fait, vous les tordrez ; vous les prendrez par le dessus du quarré & le bas de la culée, & les secouerez fortement pour faire revenir le poil ; & pour que les peaux sechent plus facilement, vous les étendrez sur un cordeau à l’air : vous ne les quitterez point pendant ce tems ; vous vous occuperez à en manier le cuir, pour l’empêcher de durcir, toûjours secouant la peau, la corrompant avec les mains, & restituant le poil à sa place.

Lorsque les peaux sont seches, on refait de la composition ou du lustre ; & l’on en redonne une couche, afin de replacer entierement le poil. On les fait sécher ; seches, on les porte à la cave, où on les étend le cuir contre la terre, afin de leur faire prendre de l’humidité : alors on a un peu de sain-doux dont on les frotte legerement sur le cuir ; frottées, on les triballe, comme on a dit ; triballées & tirées, on les passe au tonneau à dégraisser : mais il faut bien le nettoyer auparavant du plâtre & des cendres qui ont servi à passer auparavant d’autres peaux ; parce que le lustre ne se dégraisse pas ainsi, mais avec du sable bien menu, qu’on fait chauffer d’une chaleur à pouvoir être supportée par la main. Il faut pour une quinzaine de peaux de renard, un demi-seau de sable : on le met chaud dans le tonneau avec les peaux ; on tourne le tonneau, comme on a dit ci-dessus, pendant une demi heure ; après quoi on les en tire : on les secoue l’une après l’autre dans le tonneau, & l’on en remet quinze autres dans le même sable : c’est ainsi qu’on enleve le plus gros du lustre ; vous détachez le reste avec d’autre sable. Si votre sable vous paroît bien noir, vous repassez encore une fois, pour vous assûrer qu’il ne reste point de lustre superflu. Après ce travail, vous les appliquez les unes contre les autres, poil contre poil, & vous les gardez : mais vous ne pouvez être trop attentif à ce qu’elles ne fassent aucun pli dans le poil ; les peaux se travaillant encore sur elles-mêmes, ce pli resteroit.

Autre composition ou lustre. Prenez trois livres de noix de galle ; trois onces de verd-de-gris ; quatre onces de sel ammoniac ; deux once d’alun de Rome ; deux onces de litharge d’or ; deux onces d’antimoine ; huit onces de couperose verte : pilez le tout ensemble dans un mortier, excepté la noix de galle, que vous délayez séparément dans un bacquet, après l’avoir pilée avec l’eau de chaux. Vous délayerez le reste des ingrédiens dans un bacquet, au sortir de votre mortier, avec de pareille eau : cela fait, vous mêlerez le tout, qui ne doit faire qu’environ dix à douze pintes. Ce lustre préparé, vous vous en servirez comme du précédent.

Autre composition pour donner à la fouine la couleur de la marte.

Prenez deux livres de noix de galle cuite, & demi-livre crue, également pilée ; trois livres de mine de-plomb rouge ; une livre de sumac. Détrempez ces ingrédiens avec eau de riviere ou de citerne ; ajoûtez-y ce qui sera tombé de votre lustre, & le marc qui sera resté dans les bacquets. Détrempez le tout dans trois seaux d’eau ; ajoûtez une livre de litharge d’or, une livre d’alun de glace, une livre de couperose verte, une demi-livre de sel ammoniac, une livre de verd-de-gris, un quarteron d’antimoine crud, & deux livres de plomb de maire. Pilez le tout ensemble, & le mêlez avec la noix de galle. Prenez ensuite une grande terrine vernissée, où vous mettrez environ la moitié d’une pinte de votre composition. Vous y tremperez les peaux de fouines quatre à quatre, en les y plongeant & soulant, afin que le poil prenne le lustre par-tout ; vous les torderez, secouerez, & mettrez dans le bacquet avec le restant de votre composition qu’elles n’auront pas bûe ; vous les y foulerez avec les piés ; vous les y laisserez un jour & demi. Au bout duquel, plaçant une planche en-travers au-dessus du bacquet, vous les en tirerez & les étendrez sur la planche l’une sur l’autre, pour égoutter. Elles égoutteront jusqu’au lendemain, ce qui leur fera prendre le fond. De-là vous les porterez à la riviere, où vous les laverez jusqu’à ce que l’eau en sorte claire. Ensuite vous les ferez sécher ; seches, vous leur donnerez une couche avec la même eau qui leur a fait prendre le fond ; réiterez cette couche plusieurs fois, & à chaque fois faites sécher au soleil. Lorsque vous leur trouverez la couleur de marte, vous les exposerez à l’humidité pour les radoucir avec la graisse : & vous finirez par les dégraisser dans le tonneau, comme nous l’avons dit ailleurs.

Si vous voulez que les peaux de renard prennent parfaitement le lustre, ayez une pierre de chaux de la grosseur de quatre œufs : mettez-la dans un bacquet avec quatre pintes d’eau ; ajoûtez une demi-livre d’alun ; prenez une peau de renard non lustrée : trempez votre brosse dans cette composition : frottez-en votre peau comme pour la lustrer ; mais ne frottez pas à fond : passez la brosse superficiellement ; il ne s’agit que de faire prendre cette préparation à la pointe du poil de renard, qui est blanchâtre ou grisâtre. Cela fait, exposez vos peaux au soleil ; séchez, battez-les à la baguette ; brossez-les bien, & les lustrez ensuite comme nous avons dit plus haut.

Préparation des peaux de chien. Prenez une pierre de chaux de la grosseur de la forme d’un chapeau : mettez-la dans douze pintes d’eau ; lorsqu’elle sera éteinte, prenez deux livres de couperose verte, une livre & demie d’alun de Rome, une livre de verd-de-gris, & deux livres de litharge d’or ; jettez tout dans la chaux éteinte ; transvasez ensuite dans une grande chaudiere de cuivre, que vous tiendrez sur le feu jusqu’à ce que le mélange soit réduit à quatre à cinq pintes. Cela fait, approchez une table de votre chaudiere ; étendez dessus les peaux de chien les unes après les autres : prenez une brosse, trempez la dans la composition : brossez ensuite vos peaux chaudement par-tout, & sur-tout aux endroits où il y a du poil blanc. Cette premiere préparation sert à disposer les peaux à prendre le lustre plus facilement. On appelle en général ces préliminaires de lustre, le barbareau, & l’on dit donner le barbareau.

Pour tigrer les peaux de chien, donner à des lapins gris une façon de Genette, imiter la panthere, tigrer des lapins blancs, & généralement pour moucheter toutes sortes de peaux, servez-vous de la composition suivante.

Prenez une pierre de chaux du poids d’une livre, éteignez-la dans de l’urine : ajoûtez ensuite de l’eau avec un peu d’alun, une demi-livre ou environ que vous ferez bouillir pendant une heure ; observez que tout votre mélange n’excede pas la quantité de trois pintes. Prenez les peaux que vous voulez tigrer : donnez-leur une couche de cette drogue par-tout, sans déranger le poil, & frottant toûjours avec votre brosse en descendant de la tête à la culée. Cela fait, exposez au soleil ; il faut qu’elles soient sechées & battues le même jour où la préparation précédente leur a été donnée. Quand vous les aurez battues jus, qu’à ce qu’il n’en sorte plus de poussiere, brossez-les bien afin d’arranger le poil ; prenez de la composition : lustrez ; mais avant que de lustrer les dernieres peaux, séparez dans un pot une portion de ce lustre, qui vous servira à tigrer toutes vos peaux. Pour cet effet ayez un pinceau : étendez votre peau sur une table, commencez par la tête ; si la peau étoit si longue que vous ne pussiez y atteindre commodément, vous la feriez pendre devant vous à une distance convenable ; vous vous ceindriez d’un tablier blanc de lessive, afin qu’en frottant vos habits, votre estomac, vos manches sur la peau, vous n’engraissassiez pas la pointe du poil. Ces précautions prises, vous formerez vos mouches sur la peau avec votre pinceau trempé dans le lustre. Vous observerez de les faire les plus petites possibles ; lorsque le poil sera sec, il s’écartera, & les taches ne paroîtront toûjours que trop grandes. Quand elles auront été mouchetées une fois, vous les ferez sécher, les battrez bien, les brosserez toûjours selon la direction des poils, afin que les mouchetures ne changent point de place ; vous repasserez le pinceau sur elles une seconde, troisieme, quatrieme fois, jusqu’à ce qu’elles vous paroissent assez noires. Alors vous laisserez sécher, batterez, passerez dans le tonneau au sable pour dégraisser : & si les mouches vous paroissent avoir perdu de leur nuance, vous leur redonnerez encore une couche. Mais quand le lustre est bon, on ne donne communément que trois couches.

On imite le tigre & la panthere de la même façon ; excepté qu’au tigrage les taches sont différentes ; il faut que l’ouvrier imite la nature, ait les peaux réelles de ces animaux sous les yeux, & s’y conforme le plus exactement qu’il pourra.

Pour moucheter en grisâtre les peaux de renards qui sont très-rousses, prenez quatre livres de bois d’Inde, une once & demie d’indigo : faites bouillir le tout ensemble jusqu’à diminution d’un quart : ajoûtez deux livres de couperose noire, & chargez vos renards chaudement avec la brosse, comme nous avons dit plus haut.

Pour imiter les peaux ou fourrures polonnoises avec des renards blancs, prenez pour une douzaine de ces peaux ou environ, plus ou moins, selon leur grandeur, six pintes d’eau de chaux que vous mettrez dans un bacquet, une livre de couperose verte, une demi-livre de verd-de-gris, trois quarterons d’antimoine crud, un quarteron de vitriol d’Angleterre, une demi-livre d’arsenic : pilez tous ces ingrédiens ensemble : délayez-les dans l’eau de chaux : trempez-y ensuite vos peaux ; mais auparavant ayez l’attention de faire fondre du beurre, & d’en frotter avec un linge la pointe du poil de vos peaux, & de les laisser refroidir. Quand elles auront été trempées, vous les étendrez sur le plancher, où vous les laisserez pendant quatre heures ; vous les porterez de-là à la riviere ; lavées, vous les ferez sécher à l’ombre, & les manierez de tems en tems pour radoucir le cuir.

Il paroît par ce que nous venons de dire, que l’art de teindre les peaux en poil, pourroit être porté beaucoup plus loin ; nous allons maintenant passer à la maniere d’en faire la coupe, pour les employer en manchons & autres ouvrages.

De la coupe des peaux. Pour couper la peau d’un renard : après qu’elle est bien passée, étendez cette peau sur une table, la tête tournée vis-à-vis de vous, le poil en-dessus. Ayez un morceau de plomb, à-peu-près de la forme d’un écu, plus mince par les bords : discernez bien l’arête de la peau ; c’est la partie où le poil est le plus court ; cette ligne s’étend du milieu de la tête à la culée, & partage la peau en deux parties égales : appuyez fortement votre plomb par le bord sur cette ligne, en commençant par la tête, qui est contre vous, & tirant la peau de la main gauche ; ensorte que cette peau glisse, fortement pressée entre la table & le plomb. Par ce moyen le côté du cuir qui touche à la table, se trouve rayé de la ligne tracée sur le poil le long de l’arête. Voilà ce qui déterminera de ce côté le milieu de la peau. Prenez votre regle, appliquez-la sur cette ligne, & avec votre plomb, suivez-la sur le dos, & la tracez.

Si vous coupez votre renard en quarré pour le lustrer, il faut que vous le fassiez en-travers en deux endroits faciles à connoître. Retournez votre peau du côté du poil : glissez votre main de la tête à la culée, vous rencontrerez entre le corps & le col un endroit moins fourni de poil, & d’un poil plus bas que le reste. Cet endroit sera une des lignes de division. Cette division faite, vous leverez une espece de langue de peau le long de l’arête qui la partagera également. Elle aura environ deux pouces de large proche les épaules ; elle ira toûjours en diminuant, & finira en pointe à la culée. Vous ferez remonter cette langue de peau de deux pouces du côté de l’épaule, de distance en distance. Elle fera renfler l’arête de votre renard, & donnera de la rondeur à votre manchon quand il sera lustré. Vous donnerez à ces quarrés vingt trois pouces de long, sur douze pouces de large. Ce qui excédera de part & d’autre à la culée, servira à remplir les endroits où la tête est moins large que le corps. Ce sont ordinairement les renards les plus roux que l’on lustre. Quant à ceux qu’on ne lustre pas, il ne faut pas déranger la tête. Il faut laisser la peau comme elle est : prendre le milieu de l’arête avec le plomb, comme on a dit, & lui donner vingt-deux à vingt-trois pouces de hauteur, sur onze pouces de largeur. On sépare toutes les gueules de renard qui sont blanches. Les officiers des hussards en bordent leurs habits. On employe la queue à border des mouffles au-dessus du bras. On met les pattes en mouffles ou en mitaines.

On faisoit autrefois des manchons de queue de renard. La mode en est passée.

On fait des manchons de renard avec la peau entiere. On passe la peau en pâte : on y laisse les dents & le bout des pattes. On la tire au fer sans ouvrir ni le ventre ni les pattes. On fait seulement une ouverture au bas de la gueule, en tirant du côté du ventre, assez grande pour pouvoir y passer la main ; une autre entre les cuisses, sous la queue, de la même grandeur. On laisse la queue & les pattes. Les deux ouvertures s’appellent les entrées du manchon.

Si l’on veut couper une peau de chien, il faut savoir qu’il y a des chiens qui portent deux quarrés, & d’autres qui n’en portent qu’un. Votre peau a-t-elle trente-quatre pouces de longueur, coupez-la en-travers. Pour cet effet, pliez-la de la tête à la queue en deux : frappez sur le pli pour le faire tenir ; coupez : ensuite tracez l’arête.

Cela fait, vous n’aurez que des morceaux de dix-sept pouces. Pour aller à vingt-deux, il faut chercher des ralonges.

Pour cet effet l’arête étant tracée, vous tirez sur votre peau par le haut des quarrés, des lignes paralleles qui renferment des espaces qui ont deux pouces & demi de hauteur. Il faut former trois de ces espaces. Tous ces espaces sont coupés en deux par l’arête. Vous prenez sur la base de votre premier espace, deux pouces de part & d’autre de l’arête, & vous tirez deux lignes paralleles à l’arête : ce qui forme deux quarrés oblongs, dont la base de chacun a deux pouces, & la hauteur deux pouces & demi. Sur la base du second espace, vous prenez de part & d’autre de l’arête quatre pouces, & vous tirez des paralleles à l’arête ; c’est-à-dire que vous formez de part & d’autre de l’arête, des quarrés oblongs dont chacun a deux pouces & demi de hauteur & quatre pouces de base. Vous prenez sur la base de votre troisieme espace, de part & d’autre de l’arête, six pouces : vous tirez encore des paralleles à l’arête, & vous formez deux autres parallelogrammes dont la base a six pouces, & la hauteur, deux pouces & demi. Cela fait, vous placez votre quarré à brousse-poil relativement à vous, c’est-à-dire le poil couché de votre côté. Vous tenez votre couteau de la main droite : vous vous inclinez un peu sur votre ouvrage : vous placez vos deux mains au-dessus de votre quarré, & vous coupez votre quarré selon les lignes AB, ab ; vous retournez votre peau de maniere que les sections AB, ab, soient paralleles à votre corps, & vous faites les sections par les lignes BC, bc ; vous remettez votre peau comme elle étoit, & vous coupez ainsi votre peau en escalier ABCDEF, abcdef, jusqu’à la ligne Ff. Vous séparez votre peau en deux selon la ligne Ff, & le morceau Aa, Ff en deux autres, selon l’arête ou ligne Qq. Voyez les Planches du Pelletier.

Cela fait, vous ralongerez votre quarré, en ajustant deux de vos morceaux, de maniere que le point R de l’un se trouve au point Q, & par conséquent le point S au point Q, & le point q au point S.

Vous coupez la portion inférieure de la peau qui est au-dessous de la ligne Ff, de la même maniere. Par ce moyen, la peau qui ne portoit que dix-sept pouces de longueur, en portera vingt-deux, sur douze de large ; & cette coupe s’appelle coupe en échelle.

L’on coupe en échelle les oursins qui n’ont pas assez de longueur, & c’est la maniere de leur en donner ce qui leur en manque.

Quand on destine les oursins à des manchons d’homme, on les coupe encore autrement ; on trace l’arête : on marque au haut de l’arête neuf pouces de chaque côté, ce qui donne dix-huit pouces de large : on prend le couteau, on passe la main au bas de la culée contre l’arête, comme si l’on se proposoit de séparer l’oursin en deux ; on le coupe de-là en chamfrein, de maniere que la section vienne se terminer au haut, à huit pouces de distance de l’arête ; on en fait autant de l’autre côté. On a alors un morceau de peau fait en cone, dont la pointe est à la culée. Vous faites rentrer cette pointe en-dedans des deux morceaux, en descendant les deux morceaux à cinq ou six pouces plus bas que la pointe, ce qui donne une augmentation d’environ huit pouces sur cette peau.

Si le poil d’un oursin n’est pas fort court, on ne lui donne pour un manchon d’homme que vingt-six à vingt-sept pouces ; s’il est fort court, on lui en accorde vingt-neuf à trente. Pour la largeur du quarré, elle est de dix-huit pouces.

Quant à la coupe d’une grande peau d’ours de laquelle on peut tirer deux manchons d’homme, sans être galonnés, voyez-en le patron, fig. 2.

Commencez à lever les ventres de la peau de chaque côté, où ils ne sont pas assez garnis de poil pour être travaillés avec le corps. Marquez l’arûte : tournez la peau du côté du poil : prenez votre plomb ; tracez au-dessous de la nuque du col un trait fort, qui puisse se discerner du côté du cuir, comme nous l’avons prescrit plus haut ; que ce trait représenté par la ligne aa, atteigne au-dessous des deux pattes de devant. Formez un pareil trait bb au bas, qui atteigne au-dessus des deux partes de derriere. L’espace compris entre les lignes aa, bb, sera le corps ; la seule portion de la peau pour laquelle, à proprement parler, le travail se fait.

Ensuite avec votre couteau, dépecez ce corps en autant de pieces qu’il y a d’espaces particuliers terminés par des lignes.

Vous aurez du côté de la nuque du col des demi-palettes 3, 3, 3. Elevez ces dernieres palettes au-dessus des manches des grandes palettes 2, 2, ensorte que les queues 4, 4, 4, des demi-palettes 3, 3, 3, soient appliquées aux queues 4, 4, des palettes entieres 2, 2 ; suivez la même disposition par en-bas, c’est-à-dire disposez les dernieres palettes 7, 7, par rapport aux grandes palettes 8, 8, 8, comme nous vous avons prescrit de placer les demi-palettes 3, 3, 3, par rapport aux grandes palettes 2, 2 ; vous placerez ensuite les deux grandes palettes 2, 2, par rapport aux grandes palettes 8, 8, 8, de maniere que les queues inférieures des palettes 2, 2, répondent aux queues superieures des palettes 8, 8, 8. Alors votre peau se trouvera ralongée d’une quantité plus ou moins grande, selon l’étendue de la peau. Si l’alongement n’est pas assez considérable, vous éleverez les morceaux de la tête, & baisserez ceux de la culée d’une quantité plus considérable : & vous dirigerez votre coupe sur les lignes de la figure 3.

Pour travailler commodément le manchon coupé sur le patron de la figure 2. vous pliez votre peau de la tête à la culée, le cuir en-dedans ; vous frappez sur le pli, pour qu’il reste tracé sur le cuir ; vous retournez la peau du côté du cuir, vous la coupez selon la ligne tracée ; vous faites coudre vos coins : quand ils sont cousus, vous pratiquez aux bords qui forment la longueur du manchon, des hoches, comme vous voyez figure 4. C’est par le moyen de ces hoches dont les pleins & les vuides se correspondent, que vous arrondirez sans peine votre manchon. Couchez-le sur sa longueur faisant entrer les redens dans les vuides, de la quantité convenable ; levez ensuite deux petites bandes de peau le long des ventres ; qu’elles ayent neuf pouces & demi de hauteur, & dix lignes de largeur ; bordez-en les côtés de vos quarrés qui forment l’entrée du manchon, & votre manchon sera achevé. Cette coupe s’appelle coupe en palette.

Remarquez 1° que sur nos figures les chiffres y sont disposés, de maniere que si vous observez de placer les mêmes sur une même ligne, en haussant & baisant vos morceaux, vos quarrés se trouveront formés.

2°. Que quand la peau est coupée & ses morceaux appointés, c’est-à-dire cousus à leur place, il faut prendre une petite planche de trois pouces en quarré, de l’épaisseur de trois lignes, & pointues d’un côté, qu’on appelle paumelle, & rabattre les coutures avec la paumelle ; ensuite aligner votre quarré ; tracer le milieu avec le plomb ; de chaque côté de la ligne du milieu, laisser un demi-pouce, ce qui forme un pouce tout le long de l’arête ; couper le quarre par bandes & toûjours longitudinales, qui n’ayent qu’un demi-pouce de large, excepté celle du milieu, & placer entre ces bandes un ruban de fil de la largeur de quatre lignes, que vous y cousez ; ce qui sert à relargir votre quarré. Il faut avoir grand soin de ne point mêler les bandes.

La figure 5. représente encore une coupe d’oursin, où il y a dequoi faire deux manchons : coupez votre peau ; cousez-la ; rabattez les coutures à la paumelle ; tracez l’arête ; divisez par bandes d’un pouce de largeur, comme ci-dessus ; placez vos bandes, comme vous voyez fig. 6. de maniere que routes les bandes qui ont un même chiffre soient rapportées à côté les unes des autres & cousues ensemble, & que l’arête se trouve autant dans un quarré que dans l’autre. Achevez à la maniere accoûtumée.

Voici une autre coupe qui peut convenir au loup-cervier, où il y auroit dequoi fournir deux manchons.

Etendez la peau sur son quarré ; du côté du cuir ; séparez-en les pattes en pointe, comme vous voyez figure 7. cousez ces endroits ; tournez ensuite votre peau du côté du poil ; tirez les lignes de la nuque du cou & de la culée où le poil est différent, ensorte que le corps se trouve compris entre ces lignes. Coupez cette peau en suivant les lignes de la figure 7. alongez-la ensuite de la quantité convenable, augmentant & diminuant les dimensions à discrétion. Cela fait cousez les morceaux ; passez legerement à la paumelle ; auparavant, si vous voulez, mettez votre peau deux heures à la cave pour l’amollir, le cuir contre terre ; rabattez les coutures ; coupez un peu le bas de la culée, en effleurant ce qui paroît cotonné ; donnez à votre manchon sa hauteur ; séparez la tête de la peau ; divisez le reste selon la ligne de l’arête. Rejoignez les deux ventres l’un à l’autre ; cousez-les ; rabattez les coutures ; divisez le tout par des lignes tracées sur le cuir, à la distance d’un pouce les unes des autres ; faites autant de bandes ; rejoignez ces bandes selon la fig. 8. cousez ensemble les bandes de cette figure, qui sont chiffrées à chaque bout, & ensemble celles qui ne le sont pas. Dans cette coupe, les ventres se trouvent autant dans un des quarrés de manchons, que dans l’autre.

On employe aussi les pattes & la tête en manchon & autres ouvrages ; mais ils ne sont pas de prix.

En voilà suffisamment pour faire entendre que la coupe n’est pas la moindre partie de l’art du Fourreur. Voyez, à l’article Pelleterie, ce qui concerne le commerce de peaux.

Les Fourreurs s’appellent marchands Pelletiers-Haubaniers-Fourreurs ; Pelletier, du commerce de peaux qui constitue leur état ; Haubanier, d’un droit dit de hauban, qu’ils payoient pour le lottissage de leurs marchandises dans les foires & marchés de Paris ; & Fourreur, des ouvrages qui portent ce nom.

Il est défendu par leurs statuts de prendre un compagnon sans attestation du maître qu’il quitte ; de mêler du vieux avec du neuf ; de fourrer des manchons pour les Merciers & Fripiers ; de faire le courtage de marchandises de Pelleterie & Fourrerie, &c.

Les Pelletiers-Haubaniers-Fourreurs sont le quatrieme des six corps des marchands de Paris. Leurs premiers statuts sont de 1586, & les derniers de 1648. Ils ont formé deux corps ; l’un de Pelletiers, & l’autre de Fourreurs, qu’on a réunis. On ne peut avoir qu’un apprenti à la-fois. On fait quatre ans d’apprentissage, & quatre de compagnonage. L’apprenti ne doit point être marié, forain, ou étranger. Six maîtres & gardes gerent les affaires de la communauté ; trois sont anciens, & trois nouveaux. Le premier des anciens est le grand-garde ; il est le chef de la communauté. Le dernier des nouveaux en est comme l’agent. On procede à l’élection des officiers de la communauté tous les ans, le samedi qui est entre les deux fêtes du Saint-Sacrement. Ces officiers peuvent porter dans toutes les cérémonies où ils sont appellés, la robe de drap à collet noir, à manches pendantes, bordée & parmentée de velours ; ce qui est proprement la robe consulaire. Voyez les statuts de cette communauté.