L’Encyclopédie/1re édition/ENGASTREMITHE

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ENGASTREMITHE, ENGASTRIMYTHUS ou ENGASTREMANDE, s. m. ἐγγαστρίμυθος personne qui parle sans ouvrir la bouche, ou sans desserrer les levres ; de maniere que le son de la parole semble retentir dans le ventre, & en sortir.

Le nom d’engastremithe est composé du grec ἐν, dans, γαστὴρ, ventre, & μῦθος, parole. Les Latins disent par la même raison, ventriloquus, quasi ex ventre loquens. Voyez Ventriloques.

Les philosophes anciens sont fort divisés sur le sujet des engastremithes ; Hippocrate parle de leur état comme d’une maladie. D’autres prétendent que c’est une espece de divination, & en donnent l’origine & la premiere invention à un certain Euriclus dont personne n’a jamais rien sû ; d’autres l’attribuent à l’opération ou à la possession d’un esprit malin, & d’autres à l’art & au méchanisme.

Les plus fameux engastremithes ont été les pythies ou les prêtresses d’Apollon, qui rendoient les oracles de l’intérieur de leur poitrine, sans proférer une parole, sans remuer la bouche ou les levres. Voyez Pythie.

S. Chrysostome & Œcumenius font expressément mention de certains hommes divins que les Grecs appelloient engastrimandri, dont les ventres prophétiques rendoient des oracles. Voyez Oracle.

M. Scott, bibliothécaire du roi de Prusse, soûtient dans une dissertation qu’il a faite sur l’apothéose d’Homere, que les engastrémithes des anciens n’étoient autre chose que des poëtes, qui, lorsque les prêtresses ne pouvoient parler en vers, suppléoient à leur défaut, en expliquant ou rendant en vers ce qu’Apollon disoit dans la cavité du bassin qui étoit placé sur le sacré trépié. Voyez Trépié.

Léon Allatius a fait un traité exprès sur les engastrémithes, qui a pour titre de engastremitis syntagma. Dictionn. de Trévoux & Chambers.

Il est très-vraissemblable que les prétendus ventriloques n’étoient que des fourbes ; parce que le méchanisme de la voix ne comporte pas que l’on puisse prononcer des paroles, sans que l’air qui est modifié pour en produire le son, sorte par la bouche & par le nez, sur-tout par la premiere de ces deux voies : d’ailleurs en supposant même qu’il y ait moyen de parler, en retirant l’air dans les poumons, le son retentiroit dans la poitrine & non pas dans le ventre ; ainsi ceux qui produiroient cette voix artificieuse, seroient improprement nommés ventriloques, parce qu’il ne pourroit jamais se faire qu’ils parussent parler du ventre. Voyez Voix.

On pourroit donner le nom d’engastrémithe ou ventriloque aux enfans, que quelques auteurs prétendent avoir fait des cris dans le ventre de leurs meres. On trouve parmi les observations sur la Physique générale (vol. II.) un extrait du journal des savans, (répub. des Lettres, Août 1686, tom. VII.) dans lequel on atteste un fait de cette espece, & on ajoûte que quelque extraordinaire que soit ce phénomene, on en lit plusieurs exemples dans le livre intitulé Medicina septentrionalis collatitia.

Mais ces prétendus faits sont-ils croyables, dès que l’on est bien assûré que l’enfant ne respire point, & ne peut respirer dans la matrice, où il est toûjours plongé dans l’eau de l’amnios ; sans autre air que celui qui est résolu en ses élémens dans la substance du fluide aqueux, qui n’a par conséquent aucune des propriétés nécessaires pour produire des sons ? Si la chose dont il s’agit est jamais arrivée, ce ne peut être qu’après l’écoulement de cette eau & la communication établie de l’intérieur des membranes avec l’atmosphere, de maniere que l’air ait pû pénétrer en masse jusque dans les poumons de l’enfant, & le faire respirer avant qu’il soit sorti de la matrice : mais, dans ce cas, il faut qu’il en sorte bien-tôt pour survivre, autrement les membranes flotantes venant à s’appliquer à sa bouche & à son nez, pourroient le suffoquer avant qu’il fût sorti du ventre de sa mere. Voyez Respiration, Fœtus. (d)