L’Encyclopédie/1re édition/DIX

DIXAINE  ►

DIX, (Arith.) c’est le premier ou le moindre des nombres qui ont deux chiffres ; il se marque par l’unité suivie d’un zéro, suivant la propriété qu’a le zéro de décupler tout chiffre qui le précede. Voyez Arithmétique, Binaire, Calcul, Dactylonomie, &c. D’où il s’ensuit qu’on multiplie un nombre par 10, en écrivant un zéro à la droite de ce nombre après le dernier chiffre ; & qu’on le divise par 10, en retranchant le dernier chiffre. Cette opération si simple devroit faire souhaiter que toutes les parties d’un tout fussent toûjours décimales. Voyez Décimal, &c. (O)

Dix (conseil des), Hist. de Venise, tribunal composé de dix personnes d’entre les nobles, qui ont une autorité & une jurisdiction très-étendue dans le gouvernement de la république.

Ce tribunal fut créé en 1310, pour redonner à la ville la tranquillité & la sûreté qu’elle avoit perdue après l’entreprise de Bayamonte-Tiepolo, & pour s’opposer aux changemens que le doge Pierre Gradenigue avoit introduits dans le gouvernement. Comme on s’apperçut que ce tribunal avoit produit des effets très-avantageux dans le nouveau gouvernement, il fut rétabli en plusieurs rencontres ; & enfin il fut confirmé pour toûjours 25 ans après sa premiere création.

Le conseil des dix prend connoissance des affaires criminelles qui arrivent entre les nobles, tant à Venise que dans le reste de l’état. Il juge les criminels de lése-majesté publique ; il a droit d’examiner la conduite des podestats, commandans, & officiers qui gouvernent les provinces, & de recevoir les plaintes que les sujets pourroient faire contre eux ; il a soin de la tranquillité générale, ordonne toutes les fêtes & tous les divertissemens publics, les permet ou les défend, selon sa volonté. Il procede aussi contre ceux qui font profession de quelque secte particuliere prohibée par les lois, contre les pédérastes & contre les faux monnoyeurs.

Ce conseil a plusieurs autres priviléges que j’ignore ; parce que ceux qui en sont instruits, & à qui je me suis adressé, cachent scrupuleusement aux étrangers la connoissance de tout ce qui a quelque rapport au gouvernement intérieur de leur république : je ne puis donc ajoûter ici que quelques autres généralités connues de tout le monde.

On tire de ce tribunal les inquisiteurs d’état, au nombre de trois, d’entre les six conseillers qui entrent avec le doge dans le conseil des dix. Quoique le doge préside à ce tribunal, les dix sénateurs qui le composent, n’ont pas moins de pouvoir sans lui, que lorsqu’il y assiste avec les six conseillers. Ils doivent tous être de différentes familles, & sont élûs chaque année par le grand-conseil ; mais ils élisent trois de leur corps pour en être les chefs, & ils les changent tous les trois mois, pendant lesquels ces chefs roulent par semaine, rendent la justice particuliere, & ne proposent au corps que les affaires les plus graves. Le chef qui est de semaine, reçoit les mémoires, les accusations, les rapports des espions & les communique à ses collegues, qui sur les dépositions des témoins, & sur les réponses des accusés, qu’ils tiennent dans des cachots, font le procès aux coupables, sans qu’il leur soit permis de se défendre ni par eux-mêmes, ni par avocats.

Cela suffit pour prouver que la liberté est encore moins à Venise que dans plusieurs monarchies. Car quelle peut être la situation d’un citoyen dans cette république ! Un corps de magistrature, composé de dix membres, a, comme exécuteur des lois, tout le pouvoir qu’il s’est donné comme législateur ; il peut détruire dans le silence & par ses seules volontés particulieres, les citoyens qui lui déplaisent. Qu’on ne dise point que pour éviter de tels abus, la magistrature qui a la puissance, change perpétuellement, & que les divers tribunaux se temperent les uns les autres. Le mal est, comme le remarque un des beaux génies de ce siecle, que ce sont toûjours des magistrats du même corps qui changent, des magistrats qui ont les mêmes principes, les mêmes vûes, la même autorité, ce qui au fond ne fait guere qu’une même puissance. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.