L’Encyclopédie/1re édition/CALCUL

CALCUL, s. m. (Mathém. pures.) supputation de plusieurs sommes ajoûtées, soustraites, multipliées, ou divisées. Voyez Arithmétique.

L’erreur de calcul ne se couvre jamais ni par arrêt ni par transaction, &c. Quand on arrête un compte, on sous-entend toûjours sauf erreur de calcul.

L’art de calculer en général, est proprement l’art de trouver l’expression d’un rapport unique, qui résulte de la combinaison de plusieurs rapports. Les différentes especes de combinaisons, donnent les différentes regles de calcul. Cela est expliqué plus au long à l’article Arithmétique.

Voyez les différentes especes de calcul aux articles Algébre, Différentiel, Exponentiel, Intégral, Addition, &c.

Plusieurs peuples de l’Amérique, de l’Afrique, & de l’Asie calculent avec des cordes, auxquelles ils font des nœuds.

Le calcul aux jettons se fait aisément, en représentant les unités par des jettons, les dixaines par d’autres jettons, les centaines par d’autres. Par exemple, si je veux exprimer 315 avec des jettons, je mets 3 jettons pour marquer les centaines, 1 pour les dixaines, 5 pour les unités. Voyez Dixaine, &c. (E)

Le mot calcul vient du Latin calculus, qui signifie une pierre, parce que les anciens se servoient de petits cailloux plats pour faire leurs supputations, soit des sommes multipliées ou divisées dans les comptes, soit en Astronomie & en Géométrie. De-là vient que nous avons donné le nom de calcul aux Sciences des nombres, à l’Arithmétique, à l’Algebre. Les Romains s’en servoient encore pour donner les suffrages dans les assemblées & dans les jugemens ; ils marquoient aussi les jours heureux avec une pierre blanche, dies albo notanda lapillo, dit Horace, & les jours malheureux par une pierre noire. Ils avoient emprunté la premiere de ces coûtumes des Grecs, qui nommoient ces especes de jettons naturels ψῆφος ; c’étoient d’abord des coquilles de mer, remplacées depuis par des pieces d’airain de la même figure, appellées spondyles. Deux choses distinguoient les calculs ; la forme & la couleur. Ceux qui portoient condamnation étoient noirs & percés par le milieu, les autres étoient entiers & blancs. M. l’abbé de Canaye, dont nous avons déjà parlé à l’article Aréopage, avec l’éloge que méritent la finesse de son esprit & la variété de ses connoissances, dit qu’on pourroit regarder la précaution de percer les noirs comme une preuve que les Aréopagites, qui s’en servoient, jugeoient pendant la nuit ; car à quoi bon percer les calculs noirs, si l’on eût pû voir les uns & les autres, & appercevoir, par le secours de la lumiere, la différence de leur couleur ; au lieu qu’en jugeant dans les ténebres il est clair qu’on avoit besoin d’une différence autre que celle de la couleur & relative au tact, pour démêler les calculs de condamnation d’avec ceux qui marquoient l’absolution. On comptoit ces calculs, & le nombre des uns ou des autres décidoit pour ou contre l’accusé.

On se servoit aussi de calculs ou bulletins pour tirer les athletes au sort dans les jeux publics, & les apparier. Voici comme la chose se pratiquoit aux jeux olympiques, au rapport de Lucien dans son dialogue intitulé Hermotime ou des Sectes. « On place, dit-il, devant les juges, une urne d’argent consacrée au dieu en l’honneur de qui se célebrent les jeux. On met dans cette urne des ballotes de la grosseur d’une féve, & dont le nombre répond à celui des combattans. Si ce nombre est pair, on écrit sur deux de ces ballotes la lettre Α, sur deux autres la lettre Β, sur deux autres la lettre Γ, & ainsi du reste. Si le nombre est impair, il y a de nécessité une des lettres employées qui ne se trouve inscrite que sur une seule ballote ; ensuite les athletes s’approchent l’un après l’autre, & ayant invoqué Jupiter, chacun met la main dans l’urne & en tire une ballote. Mais un des mastigophores ou porte-verges lui retenant la main, l’empêche de regarder la lettre marquée sur cette ballote jusqu’à ce que tous les autres ayent tiré la leur. Alors un des juges faisant la ronde examine les ballotes de chacun, & apparie ceux qui ont les lettres semblables. Si le nombre des athletes est impair, celui qui a tiré la lettre unique est mis en réserve pour se battre contre le vainqueur ». Mém. de l’Académ. des Bell. Lett. tom. I. & VII. (G)

Calcul des nombres, signifie, en Méchanique & parmi les Horlogers, l’art de calculer les nombres des roues & des pignons d’une machine, pour leur faire faire un nombre de révolutions donné dans un tems donné. On ne peut parvenir à cela, qu’en modérant la vîtesse des roues par un pendule ou balancier, dont les vibrations soient isochrones. Voy. Pendule & la fig. 2. & 3. Pl. I. de l’Horlogerie, qui représente un roüage de pendule ; D, la roue de rencontre ; C, la roue de champ ; B, la grande roue, laquelle doit faire un tour en une heure. Le mouvement lui est communiqué par la roue A adossée à une poulie que le poids G fait tourner en tirant en en-bas : cette roue engrene dans un pignon fixe au centre ou sur la même tige que la roue B, qui doit faire un tour en une heure. Cette roue engrene de même dans le pignon fixe sur la tige de la roue de champ C ; cette derniere engrene dans le pignon de la roue de rencontre D, dont la vîtesse est modérée par les vibrations du pendule, qui ne laisse passer qu’une dent de la roue de rencontre à chaque vibration du pendule. Mais comme chaque dent de la roue de rencontre, dans une révolution entiere, frappe deux fois contre les palettes du pendule, il suit que le nombre de vibrations pendant un tour de la roue de rencontre est double de celui des dents de cette roue. Ainsi, si les vibrations du pendule durent chacune une seconde, & que la roue de rencontre ait 15 dents, le tems de sa révolution sera de 30″ ou une demi-minute. Si on suppose que le pignon x de la roue de rencontre D ait six ailes ou dents, & que la roue de champ qui le mene en ait 24, il est manifeste, vû que les dents du pignon ne passent qu’une à une dans celles de la roue, qu’il faudra, avant que la roue de champ C ait fait un tour, que le pignon x en ait fait quatre, puisque le nombre de ses dents 6 est contenu 4 fois dans le nombre 24 de la roue. Mais on a observé que la roue de rencontre, & par conséquent le pignon x qui est fixé sur la même tige, employe 30″ à faire une révolution ; par conséquent la roue de champ C doit employer quatre fois plus de tems à faire une révolution entiere : 30″ ✕ 4 = 120″ = 2′, ainsi le tems de sa révolution est de deux minutes.

Présentement si on suppose que le pignon y fixé sur la roue de champ ait six ailes, & que la roue à longue tige B ait 60 dents, il faudra que le pignon y fasse dix tours avant que la roue B en ait fait un ; mais le pignon y fixé sur la tige de la roue de champ C employe le même tems qu’elle à faire une révolution, & le tems est de 2′ ; la roue B en employera donc 10 fois davantage, c’est-à-dire 20′ ou 1200″ ou vibrations du pendule. Ainsi l’on voit que le tems qu’elle met à faire une révolution, n’est que le tiers de 3600″ ou d’une heure, qu’elle devoit employer à la faire. Les nombres supposés sont donc moindres que les vrais, puisqu’ils ne satisfont pas au problème proposé ; ainsi on sent qu’il est nécessaire d’avoir une méthode sûre de trouver les nombres convenables.

Il faut d’abord connoître le nombre des vibrations du pendule que l’on veut employer pendant le tems qu’une roue quelconque doit faire une révolution. Voyez à l’article Pendule la maniere de déterminer le nombre des vibrations, par cette regle, que le quarré de ce nombre, dans un tems donné, est en raison inverse de la longueur du pendule. Divisez le nombre par deux, & vous aurez le produit de tous les exposans : on appelle les exposans les nombres qui marquent combien de fois une roue contient en nombre de dentures le pignon qui engrene dans cette roue. Ainsi si on a une roue de soixante dents & un pignon de six qui y engrene, l’exposant sera 10 qui marque que le pignon doit faire dix tours pour un de la roue : on écrit les pignons au-dessus des roues, & l’exposant entre deux en cette sorte :

6 = pignon,
10 = exposant,
60 = roue.


Lorsqu’il y a plusieurs pignons & roues, on les écrit à la file les uns des autres, en séparant les exposans par le signe ✕ (multiplié par) dont un des côtés représente la tige sur laquelle est un pignon & une roue, qui ne composant qu’une seule piece, font leur révolution en tems égaux. Exemple :

0 7 7 8
A2 15 6 5 7 &c.
15 42 35 60 B


1, 2, 15, 6, 5, 7 , sont les exposans ou les quotiens des roues divisés par leurs pignons. 7, 7, 8, les pignons. 15, 42, 35, 60, les roues qui engrenent dans les pignons placés au-dessus. Les ✕ marquent, comme il a été dit, que le pignon 7 & la roue 15 sont sur une même tige, ainsi que le second pignon 7 & la roue 42, de même le pignon 8 est sur la tige de la roue 35.

Théorème. Le produit des exposans doublé est égal au nombre des vibrations du pendule pendant une révolution de la derniere roue B.

Démonstration. La roue de rencontre 15, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, ne laisse passer qu’une dent à chaque vibration du pendule : mais comme chaque dent passe deux fois sous les palettes du pendule, le nombre des vibrations, pendant une révolution de la roue de rencontre, est le double du nombre de dents de cette roue ; ainsi on doit compter 30 vibrations ou 2 ✕ 15 : mais le pignon 7 fixé sur la tige de la roue de rencontre, fait sa révolution en même tems que la roue fait la sienne ; & il faut qu’il fasse six révolutions pour que la roue 42 en fasse une ; le nombre de vibrations pendant une révolution de cette seconde roue 42, sera donc sextuple de celui du pignon 7 qui employe 2 ✕ 15 à faire sa révolution ; ainsi la roue 42 employera 2 ✕ 15 ✕ 6 vibrations à faire une révolution entiere. Le second pignon 7 fixé sur la tige de cette roue, employera autant de tems qu’elle a à faire une révolution : mais il faut cinq révolutions de ce pignon pour un tour de la roue 35 : ainsi le nombre de vibrations pendant un tour de cette derniere roue, sera (2 ✕ 15 ✕ 6) ✕ 5 vibrations ; le pignon 8 employera le même tems, & la roue 60, 7 fois davantage, puisqu’il faut que le pignon 8 fasse 7 tours, pour que la roue 60 en fasse un : ainsi le nombre des vibrations pendant une révolution de cette derniere roue, sera (2 ✕ 15 ✕ 6 ✕ 5) ✕ 7 , ce qui est le produit de tous les exposans multiplié par 2. Ce qu’il falloit démontrer.

Dans un roüage on place ordinairement les plus petits pignons vers l’échappement, & les plus gros vers le moteur : on place de même les roues plus chargées de dentures ; ce qui fait que les plus grands exposans se trouvent vers l’échappement : ainsi dans l’exemple précédent, les roues 35 & 42 devroient changer de place, pour que les exposans allassent en décroissant de A vers B en cette sorte :

0 5 7 9
A2 15 10 8 7 B
50 56 63


ce qui fait un roüage qui peut être employé avec avantage pour toutes les parties. On met le nombre de vibrations ou produit des exposans à la fin, séparé seulement par le signe = en cette sorte :

5 7 9
2 × 15 × 10 × 8 × 7 = 16800
15 50 56 63


ce qui exprime le nombre de vibrations pendant une révolution entiere de la derniere roue 63.

Lors donc que l’on propose de construire un roüage, il faut connoître le nombre de vibrations du pendule qu’on veut appliquer au roüage pendant le tems que l’on veut qu’une roue employe à faire sa révolution : supposons que ce tems soit une heure, & que le pendule batte les secondes, c’est-à-dire, que chaque vibration soit de la durée d’une seconde, une heure en contient 3600 : ainsi pendant la révolution de la roue qui fera un tour en une heure, le pendule fera 3600 vibrations, & ce nombre 3600 est le double du produit de tous les exposans 2 × r × s × t des roues & des pignons qu’il faut connoître. Divisez le nombre 3600 par 2, il vient 1800 qui est le produit de trois grandeurs inconnues r, s, t, mais que l’on sait devoir aller en décroissant de r à t, & que l’exposant r qui représente le rochet de la roue de rencontre, peut être double du triple de l’exposant s, qui ne doit surpasser le troisieme t que d’une unité au plus.

Pour trouver ces trois inconnues, on suppose une valeur à la premiere r, & cette valeur est un nombre commode pour être un rochet, & est toûjours un nombre impair pour une roue de rencontre. Supposant que r = 30, on le dégage facilement de l’équation 1800 = rst, & on a pour la valeur de st, . Présentement, puisque s & t sont égaux ou presqu’égaux, en supposant t = s, on aura l’équation ss = 60 ; donc  : ainsi il faut extraire la racine quarrée de 60 : mais comme elle n’est pas exacte, on prend pour exposant la racine du quarré le plus prochain, soit en-dessus, ou en-dessous, & on divise le produit st = 60 par cette racine, & le quotient est l’autre exposant, & le plus grand est celui que l’on met le premier : ainsi dans l’exemple, 64 est le quarré le plus prochain de 60, sa racine est 8 ; on divise 60 par 8, il vient pour l’autre exposant.

On les disposera tous en cette sorte :


Présentement il faut trouver les pignons & les roues, ce qui n’est point difficile : pour on prendra 8 pour pignon, & pour roue 8 fois l’exposant , ce qui fait 60 ; pour l’exposant 8, on prendra un pignon 7, & la roue sera 56 ; la troisieme roue qui est le rochet est toûjours égale au premier exposant :

1 7 8
2 × 30 × 8 × = 3600
30 56 60


On doit observer 1°. lorsque l’exposant est un mixte, que le pignon doit toûjours être le dénominateur de la fraction du mixte, ou un multiple de ce dénominateur, s’il est trop petit pour être un pignon. 2°. Que s’il y avoit trois exposans stu, non compris le rochet ou la roue de rencontre, on devroit extraire la racine cubique de leur produit ; cette racine cubique ou celle du cube le plus prochain, sera un des exposans. (D)

Calcul, (Medecine.) Voyez Pierre.