L’Encyclopédie/1re édition/DISTRIBUTION

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DISTRIBUTION méthodique, (Hist. Nat.) Voyez Méthode.

DISTRIBUTION, s. f. (Gram. & belles Lettres.) en général c’est l’action de diviser une chose en plusieurs parties pour les ranger chacune à la place qui lui est propre. Voyez Division.

Un poëte dramatique doit distribuer son sujet en actes, & les actes en scenes, avant que de les mettre en vers. Voyez Acte & Scene, &c.

Les orateurs distribuent leurs discours en exorde, narration, confirmation & peroraison. Voyez Discours & Disposition.

Le peuple Juif étoit distribué en douze tribus, l’empire d’Allemagne est distribué en dix cercles, un royaume est distribué en provinces ou gouvernemens. Voyez Tribu, Cercles, Provinces, &c.

Le digeste est distribué en cinquante livres. Une armée en bataille est distribuée en premiere, seconde, troisieme ligne, corps de réserve, ou en centre, aîle droite & aîle gauche ; dans une marche elle est distribuée en avant-garde, corps d’armée & arriere-garde, ou en colonnes, dont les unes sont formées des troupes, les autres de l’artillerie, des bagages, des caissons ; dans un siége & dans un camp elle est distribuée par quartiers. A la fin de la campagne on distribue les troupes en quartier d’hiver ou de rafraichissement. Voyez Armée, Bataille, Marche &c.

La distribution de la nourriture dans toutes les parties du corps est une des plus admirables merveilles de la nature. Voyez Digestion & Nourriture. Voilà les différentes acceptions du mot distribuer, ou du moins plusieurs de ces acceptions. Chambers. (G)

Distribution, figure de Rhétorique, par laquelle on fait avec ordre la division & l’énumération des qualités d’un sujet : telle est cette peinture que David fait des méchans. « Leur gosier est comme un sépulcre ouvert ; ils se sont servi de leurs langues pour tromper avec adresse ; ils ont sur leurs levres un venin d’aspic ; leur bouche est remplie de malédiction & d’amertume, leurs piés sont vites & legers pour répandre le sang ». Voyez Enumération & Description. (G)

Distribution, (Jurisprud.) signifie plusieurs choses différentes.

Distribution de Conseillers, est la répartition qui est faite des conseillers dans les différentes chambres ou services d’une même compagnie. Au parlement tous les conseillers nouvellement reçus, sont d’abord comme en dépôt à la premiere des enquêtes ; ensuite on les distribue dans une des cinq chambres des enquêtes, en leur distribuant un procès à rapporter dans cette chambre. (A)

Distributions manuelles ou quotidiennes, sont les menues distributions qui se font journellement & en détail à chacun des chanoines qui ont assisté aux offices : Chopin les appelle diaria vel diurna annona.

Le relâchement s’étant introduit parmi les chanoines, après qu’ils eurent quitté la vie commune, on fut obligé de mettre une partie de leurs revenus en distributions manuelles & journalieres, afin de les rendre plus assidus à l’office divin. Ce fut ce motif qui engagea Yves de Chartres à établir de telles distributions pour ses chanoines, comme il l’écrit au pape Paschal, epist. 219.

Par le concile de Trente, sess. XXI. ch. iij. il est permis aux évêques, comme délégués du saint siége, d’assigner aux églises, tant cathédrales que collégiales qui n’ont point de distributions ordinaires, la troisieme portion des fruits & revenus, pour l’appliquer aux diverses distributions.

Les statuts qui changeroient la qualité des distributions manuelles, & qui les accorderoient aux chanoines pour de rares & légeres assistances, seroient déclarés abusifs ; elles ne sont dûes qu’à ceux qui ont réellement été présens aux offices.

On ne répute présens que ceux qui ont assisté du moins aux trois grandes heures canoniales, qui sont matines, la messe & vêpres. Les statuts qui réputent présens pour toute la journée ceux qui assistent à l’une des trois grandes heures, sont déclarés abusifs ; & pour être réputé présent aux grandes heures, il faut y avoir assisté depuis le commencement jusqu’à la fin : le chanoine-pointeur marque les absens.

Ceux qui entrent au chœur après le venite exultemus à matines, le kyrie eleïson à la messe, & le premier pseaume des vêpres ; ceux qui sont malades, ou ceux qui sont dispensés de résider à cause de quelqu’autre emploi considérable, ne gagnent que les gros fruits, & non pas les distributions manuelles & quotidiennes.

Mais ceux qui sont absens pour les affaires du chapitre, étant réputés présens à tous égards, ne perdent point les distributions manuelles.

Il y a aussi quelques églises dans lesquelles on donne une portion de ces distributions aux jeunes chanoines pendant le tems de leurs études ; telle est l’église collegiale de S. Georges de Vendôme : ce qui n’a lieu qu’en vertu de statuts & priviléges particuliers omologués au parlement.

Les distributions manuelles ne sont point saisissables, & ne sont pas comprises dans la restitution des fruits du bénéfice ; mais on les compte dans le revenu du bénéfice, lorsqu’il s’agit d’opposer la repletion à un gradué. Voyez la pragmat. sanct. tit. ij. decreta eccles. gall. liv. VI. tit. ij. Bibliot. can. tome I. p. 516. & tome II. p. 368. & les définit. can. p. 217. Selva, part. iij. tract. quæst. xij. n. 8. Rebusse sur le concord. titre de collat. au mot distribut. Chopin, de sacr. polit. lib. III. tit. iij. n. 21. journ. des aud. tome II. arrêt du 20 Décembre 1660. (A)

Distribution des Instances et Procès, est le partage que le président fait dans chaque chambre entre les conseillers, des instances & procès appointés : il y a un registre sur lequel on inscrit cette distribution. (A)

Distribution du prix des biens saisis, est la répartition que l’on en fait entre les créanciers saisissans & opposans.

Dans les pays de droit écrit on entend quelquefois par le terme de distribution des biens, la saisie réelle même : ailleurs ce terme signifie l’ordre du prix ; c’est pourquoi on conjoint quelquefois ces termes, ordre & distribution du prix.

La distribution du prix des immeubles se fait par ordre d’hypotheque. V. Hypotheque & Ordre.

Celle du prix des meubles se fait d’abord par préférence à certaines personnes privilégiées, savoir pour les frais funéraires, ensuite les propriétaires pour tous les loyers échûs & à échoir ; & en cas qu’il n’y ait point de bail, pour trois termes & le courant ; les medecins, chirurgiens & apoticaires qui ont servi pendant la derniere maladie ; les gages des domestiques pour une année échûe au jour du décès, si tant est dû ; les frais de scellé & d’inventaire : le tout par préférence aux autres créanciers, & par contribution au sou la livre, au cas que le prix ne soit pas suffisant pour les payer ; & après ces créanciers privilégiés, tous les autres créanciers chirographaires ou hypothéquaires sont payés par contribution, sans aucun privilége. Acte de notoriété du 4 Août 1692 ; recueil des actes de notoriété, page 86. (A)

Distributions quotidiennes, voyez ci-dev. Distributions manuelles. (A)

Distribution, en Anatomie, se dit des vaisseaux & des nerfs : la distribution de l’aorte, la distribution de la cinquieme paire, &c. (L)

Distribution, dans le Commerce, répartition d’une chose entre plusieurs, suivant les raisons, droits & actions que chacun peut y avoir.

La distribution des profits d’une compagnie de commerce dont les fonds consistent en actions, se fait aux actionnaires à proportion de la quantité d’actions qu’ils y ont ; autrement elle se fait suivant la part que chaque intéressé y a, comme pour une moitié, un quart, un dixieme, & c. Dictionn. de Comm. & de Trév. (G)

Distribution, (Architecture.) sous ce nom on entend la répartition de tout le terrein sur lequel on érige un édifice, de quelqu’usage qu’il puisse être ; car il ne suffit pas que le principal corps de bâtiment soit distribué avantageusement & commodément, il faut aussi que ceux qui en dépendent soient non seulement exposés relativement à leurs usages, mais qu’ils soient aussi situés convenablement suivant leur destination, & le rapport que chacun d’eux a avec le bâtiment & les différentes personnes qui l’habitent, tels que sont les bâtimens des cuisines, des offices, des écuries, des remises, aussi-bien que leurs basses-cours ; & dans une maison de campagne, celles des bestiaux, des grains, &c.

Que dans les palais des rois la distribution soit faite de maniere que les avenues, les avant-cours, les cours, les colonnades & portiques réunis avec les ailes de bâtimens destinées pour les princes, les ministres, concourent à former avec le palais un tout qui étonne, & qui annonce en même tems le génie de l’architecte, & la magnificence du monarque qui l’a fait élever.

Que les édifices sacrés soient grands & spacieux, selon le nombre de paroissiens qu’ils doivent contenir, accompagnés de bas côtés, & distribués de chapelles publiques & particulieres, de sacristies, de charniers, &c. au contraire que ceux destinés pour des abbayes ou communautés d’hommes ou de femmes, soient moins considérables pour ce qui regarde le sanctuaire, mais pourvûs de bâtimens adjacens, relatifs au nombre de personnes qui doivent y habiter.

Que les bâtimens publics, tels que les hôtels-de-ville, les jurisdictions, les bourses & autres, soient distribués de sorte que les citoyens puissent y être à couvert, conférer & attendre commodément les heures où ils doivent recevoir leurs audiences, leur argent, &c.

Que les bâtimens pour les commerçans ayent leurs magasins proche de leur comptoir, & soient exposés suivant la nature des marchandises qu’ils doivent contenir ; de même les bâtimens particuliers destinés aux artisans, doivent être distribués d’une maniere convenable à leur état : on doit préférer à la magnificence, la situation de leurs boutiques, leurs atteliers, chantiers, &c.

Après ces considérations générales, il en est autant de particulieres que la diversité des terreins, qui est infinie ; & quoi que l’on puisse dire, en faisant l’éloge des Architectes françois, que la distribution en France est poussée au plus haut degré de perfection, il n’en est pas moins vrai qu’il est difficile de donner des préceptes précis sur cette partie de l’architecture : aussi presque tous nos auteurs modernes qui ont traité de cet art, & qui en ont voulu parler, nous ont plûtôt donné la description de leurs bâtimens, que des regles qui puissent nous instruire. Ajoûtons à cela que malgré le nombre de beaux bâtimens qui embellissent Paris & ses environs, il est moins aisé d’acquérir l’art de distribuer les bâtimens, que de les décorer, l’intérieur de ces édifices étant presque toûjours impénétrable, ce qui n’arrive pas dans les dehors. D’ailleurs cette partie de l’art de bâtir est sujette, aussi-bien que la décoration, à la vicissitude & au déréglement de l’imagination ; de-là vient que nos jeunes architectes, accoûtumés à imiter indistinctement le beau ainsi que le médiocre dans leur art, ne composent qu’un tout assez mal entendu, & croyent qu’à la faveur de quelques formes ingénieuses, les commodités, les dégagemens, les enfilades & la symmétrie peuvent être sacrifiés : d’autres se croyant pourvûs d’imagination, se roidissent contre les regles de convenance, l’esprit, disent-ils, n’agissant jamais mieux ni plus heureusement, que lorsqu’il est affranchi de toute servitudes. Ce raisonnement, qui n’est que trop commun chez la plûpart de ces prétendus grands génies, nous fait sentir la différence de ceux qui se rendent raison de ce qu’ils entreprennent, à ceux qui dans leurs travaux se croyent au contraire guidés par un génie fécond & hardi ; car pour un ou deux génies extraordinaires qu’un siecle voit à peine naître, qui par leurs dispositions naturelles se forment un goût reglé sans les secours de la théorie & des préceptes, on en voit mille qui par leur présomption hazardant dans leurs distributions des formes vicieuses, autorisent les moins habiles encore à les imiter. Tout esprit raisonnable doit sentir cependant que ces génies rares & singuliers, si peu communs, ne réussissent que parce qu’ils affectent, sans trop y prendre garde, une disposition & un rapport harmonique entre les parties & le tout, qui a seul droit d’être appellé beauté, & sans lequel ils n’auroient pas réussi ; & que si ces mêmes génies eussent été aidés par la doctrine & les préceptes de leur art, ils auroient encore surpassé leurs productions.

Pour parvenir donc à distribuer avec convenance, il est des lois générales dont on ne peut s’écarter, & qui seules peuvent conduire à la théorie de la distribution des bâtimens à l’usage de la demeure des maîtres. A l’égard de ceux destinés pour les domestiques, tels que sont les cuisines, offices, remises, &c. nous en parlerons en son lieu. Ces lois générales concernent l’arrangement, la forme & l’usage des pieces de nécessité, de commodité & de bienséance.

Celles de nécessité semblent avoir un fondement certain & réel dans la nature, parce qu’il est essentiel qu’un édifice élevé pour la conservation des hommes, soit pourvû des pieces nécessaires non seulement à l’état du maître qui le fait ériger, mais aussi avec le nombre de ses domestiques & celui des étrangers qui composent sa société ou sa famille. De ce principe naît la diversité des bâtimens, quoiqu’élevés pour la même fin, & les différens étages que l’on pratique les uns sur les autres, quand la convenance de l’état ou des intérêts de famille oblige à bâtir dans un lieu serré, soit par rapport à son commerce, soit à la faveur de la proximité de la demeure des grands avec lesquels on est en relation. C’est dans cette occasion où le savoir de l’architecte a toûjours de nouveaux motifs de se manifester, en cherchant à donner de l’harmonie à ces choses de nécessité, & en rapport direct avec celles qui sont du ressort de la construction & de la décoration, ces trois parties devant toûjours marcher ensemble.

Ce qui regarde la commodité est aussi important, ayant pour objet l’exposition générale du bâtiment, sa situation & sa disposition, & sur-tout ses dégagemens ; de maniere que les pieces de société, de parade, celles qui sont destinées au repos, à l’étude, soient suffisamment dégagées, ensorte que les domestiques puissent faire leur service sans troubler leurs maîtres. C’est par cet arrangement que l’on trouve les commodités de la vie, qui naturellement nous porte à chérir ce qui nous est propre, & éviter tout ce qui peut nous nuire.

A l’égard de l’objet de bienséance, il paroît plus difficile à réduire en principes, y ayant plus de difficulté à s’appercevoir si ce qui nous plaît dans cette partie du bâtiment, procede de quelque chose de réel qui tire son origine de la nature plûtôt que de la prévention ou de l’habitude ; pour s’en éclaircir il faudroit approfondir si les productions des arts peuvent faire naître en nous des principes qui par la suite nous paroissent relatifs à la nature, ou bien si toutes les choses qui nous plaisent dans les ouvrages faits par l’art, ne partent que de la fécondité de notre imagination, ou par un usage reçu depuis longtems parmi nous ; car nous regardons souvent en France comme principes de bienséance dans la distribution, ce que d’autres peuples envisagent sous d’autres formes, eu égard aux différens usages que la différence du climat fait varier, & auxquels on est obligé de se soûmettre pour se conformer aux différentes mœurs & usages. Sans contredit c’est cet objet de bienséance qui fait toute la difficulté & tout le mérite de l’Architecture ; c’est lui qui assujettit non-seulement la convenance de la décoration intérieure des pieces, mais qui soûmet cette même décoration à celle qui est extérieure : c’est elle encore qui exige de la symmétrie dans les écoinçons, dans la situation des cheminées, dans la proportion des pieces, tant par rapport à leur hauteur qu’à leurs diametres, à celles des croisées ; le tout relatif à la construction : considérations qui doivent être toutes réunies ensemble, & qui à beaucoup près ne sont pas si importantes dans ce qui regarde les pieces de nécessité & de commodité.

Après ces lois générales, pour parvenir à connoître celles qui concernent chaque piece en particulier, voyez la définition, l’usage & la propriété de chaque piece qui compose les plans exprimés dans les Planches. (P)

Distribution des eaux, (Hydraul.) La distribution des eaux se fait différemment dans une ville & dans un jardin.

Dans une ville les tuyaux de plomb résistent plus que tous les autres au fardeau des voitures qui passent dans les rues.

La dépense considérable des machines des bâtimens où sont les châteaux d’eau, des conduites dans les rues, & les entretiens continuels des fontaines, ont obligé de vendre l’eau à Paris sur le pié de 200 liv. par ligne circulaire. Cette somme multipliée par 144 lignes, contenu du pouce, le fait valoir 28800 liv. On distribue l’eau au particulier qui l’achete, appellé concessionnaire, au pié de la fontaine, à condition de faire la dépense de la conduire chez soi, & de faire rétablir le pavé.

A Londres on oblige chaque maison d’acheter de l’eau ; elle passe dans de gros tuyaux de bois des deux côtés des rues & le long des maisons, on n’a qu’à tirer une branche de plomb d’un diametre proportionné à l’eau qui doit être fournie, & la recevoir dans son reservoir : il est vrai que c’est de l’eau salée de la Tamise, & qu’on ne la donne que deux fois la semaine.

Voici la maniere de partager à six particuliers une fontaine ou une source fournissant deux pouces d’eau.

L’eau courante tombant dans une premiere cuvette dont une cloison arrête le flot, coule par deux ouvertures d’un pouce chacune dans la cuvette de distribution, où il y a pareillement une cloison de calme : on y pratique en-dedans, le long du bord extérieur, six bassinets, pour distribuer à chaque particulier la quantité d’eau qu’il doit avoir : par exemple, un pouce au premier, un demi-pouce au second, un quart au troisieme, vingt-cinq lignes au quatrieme, neuf lignes au cinquieme, & deux lignes au dernier. L’eau tombera de la cuvette dans les bassinets, par des jauges percées en rond tout-autour avec une ligne horisontale pour en regler le niveau. La jauge d’un pouce aura douze lignes de diametre ; celle d’un demi-pouce, huit lignes & demie ; du quart de pouce, six lignes : la quatrieme jauge qui donne vingt-cinq lignes d’eau, aura cinq lignes de diametre ; celle de neuf lignes aura trois lignes ; & la derniere, qui ne doit fournir que deux lignes, aura une ligne & demie : ce qui compose en tout la dépense des deux pouces qu’apporte la source. L’eau descendra des bassinets par six conduites ou tuyaux séparés, pour se rendre à sa destination.

Quand il y a un plus grand nombre de concessionnaires, on est obligé d’en mettre plusieurs dans les mêmes bassinets, & c’est alors que les grosses jauges alterent beaucoup les petites : à ceux qui auront quatre lignes, six lignes, neuf lignes, douze lignes, on leur distribuera la quantité d’eau qui leur est dûe, par le moyen de la quille Voyez l’article Jauge.

S’il s’agit de distribuer l’eau dans un jardin, en la supposant amenée dans le reservoir au haut du parc d’où il la faut conduire dans les différentes parties d’un jardin, on doit d’abord examiner, 1o la quantité d’eau que l’on a, 2o la situation du lieu, 3o le nombre de fontaines que l’on se propose d’exécuter.

La jauge fait connoître la quantité d’eau qui se rend dans le reservoir, par exemple, d’un pouce allant jour & nuit, donnant en vingt-quatre heures 70 muids, & par heure près de 3 muids : l’expérience ayant fait connoître que l’eau courante d’un pouce de diametre, donnoit treize pintes & demie par minute, pourvû qu’elle soit entretenue une ligne au-dessus de l’orifice de la jauge.

La seconde chose à examiner, est la situation du lieu. Quoiqu’en des jardins on en distingue de trois especes différentes, les jardins de niveau, ceux en pente douce, & les jardins en terrasses ; cependant par rapport aux fontaines, il n’en faut compter que deux, ceux en pente douce ou en terrasses étant les mêmes.

Dans un jardin de niveau, on ne peut pas faire joüer avec 70 muids d’eau par jour quantité de bassins, parce qu’il les faut tous tirer du même reservoir, ce qui le mettroit bientôt à sec. Retranchez-vous donc à fournir un bassin ou deux ; proportionnez-y la dépense des deux jets, que je suppose de six lignes d’ajutage chacun, venant d’un reservoir de 60 piés de haut. Pour me servir du calcul fait dans la premiere formule (au mot Dépense), ces deux jets dépenseront chacun par heure muids, & 660 en vingt-quatre heures, ce qui fait pour les deux 1320 muids d’eau par jour. Cela fait voir l’impossibilité de faire deux jets, puisqu’un seul pendant trois heures dépenseroit 82 muids & demi, & vuideroit le reservoir, à moins qu’il ne fût très-grand : il faut donc une juste proportion entre la dépense du jet & le contenu du reservoir.

Si dans ce jardin de niveau vous aviez des sources plus abondantes, comme de huit à dix pouces, tombant continuellement dans le reservoir, vous pourriez alors projetter de faire plusieurs bassins, & de tirer du reservoir deux conduites dont le diametre fût proportionné à la sortie des ajutages.

Ayant dix pouces, vous aurez par jour 720 muids, ce qui peut fournir deux jets de six lignes d’ajutage, qui, suivant le calcul ci-dessus, venant d’un reservoir de 60 piés de haut, dépenseroient 330 muids chacun en douze heures de tems, ce qui fera 660 muids pour les deux, en les arrêtant la nuit, & il y aura 60 muids d’eau de reste : l’on pourroit même ne faire qu’un jet en face du bâtiment, lequel ayant huit lignes de sortie, dépenseroit en un jour 1176 muids ; mais en l’arrêtant la nuit, & le laissant aller douze heures de jour, il ne dépenseroit que 588 muids, & il resteroit encore 132 muids dans le reservoir.

C’est ainsi que quand on sait calculer & regler son eau, on peut faire joüer un jet toute la journée. L’habile fontainier se peut encore ménager des pentes que la nature lui refuse, en baissant le terrein de quelques pouces d’un bassin à un autre, ce qui est suffisant pour donner de l’eau à gueule-bée à une orangerie ou à un potager.

On a moins d’embarras à distribuer l’eau dans les jardins en terrasses : en supposant toûjours un reservoir de 60 piés de haut, dont la source d’un pouce fournira 70 muids d’eau par jour, on n’aura sur la premiere terrasse qu’un seul jet à tirer d’un reservoir, & ce jet fournira le deuxieme, le deuxieme le troisieme, & le troisieme le quatrieme ; ainsi le même jet de six lignes d’ajutage, en joüant trois heures par jour, dépensera 82 muids & demi, & consommera toute l’eau du reservoir, s’il n’a pas une grande capacité.

Si vous avez des cascades & des buffets à fournir, la distribution devient plus difficile : ces pieces vont ordinairement de la décharge des bassins supérieurs, & ne se tirent point du principal reservoir. Si ces décharges ne sont pas suffisantes, on prend de l’eau dans quelqu’autre bassin ; de maniere qu’une nappe, pour être bien nourrie, doit avoir deux pouces d’eau par chaque pié courant, & quand la premiere nappe est fournie, elle peut en faire aller vingt de suite. S’il y a des boüillons & des chandeliers qui accompagnent les cascades, pourvu qu’on fournisse les deux premiers de chaque côté par des conduites particulieres d’un pouce & demi chacune, le premier de chaque côté fournira le troisieme, le second le quatrieme, & ainsi des autres. Il n’est pas nécessaire dans les cascades, de s’assujettir à la proportion des conduites par rapport à la sortie des ajutages, on ne cherche qu’à leur donner de la grosseur. (K)

Distribution, (Jardinage.) la distribution d’un jardin est la même chose que sa disposition ; l’une & l’autre doivent suivre la situation du terrein ; tout dépend de profiter des avantages du lieu & de corriger avec art les défauts qui s’y rencontrent. Les jardins les plus beaux sont les plus variés, ainsi chaque distribution demande un génie nouveau ; cette distribution doit être bien raisonnée, elle tire sa beauté de l’accord & de la proportion de toutes les parties entr’elles. Quand on n’a à disposer qu’un potager, qu’un fruitier, le génie trouve peu à s’exercer ; il n’en est pas de même quand il s’agit d’inventer & de disposer un jardin de plaisance ou de propreté.

Comme il y a trois sortes de jardins, ceux de niveau parfait en pente douce & en terrasses, c’est suivant les différentes situations qu’on doit en distribuer les parties : en effet ce qui conviendroit à un jardin de niveau parfait, réussiroit mal dans un qui seroit dressé sur la pente naturelle, ou coupé de plusieurs terrasses.

Nous avons quatre maximes fondamentales pour disposer un beau jardin : l’art doit céder à la nature, c’est la premiere maxime ; la seconde est de ne pas trop offusquer un jardin ; la troisieme, de ne le point trop découvrir ; enfin la quatrieme est de faire paroître un jardin plus grand qu’il ne l’est effectivement.

Observez sur-tout de ne point mettre vuide contre vuide, c’est-à-dire un boulingrin contre un bassin, ni tous les bosquets ensemble, ce qui seroit plein contre plein ; opposez adroitement le plein au vuide, & le plat au relief.

Comme cette matiere passeroit les bornes prescrites aux lexicographes, on renvoye le lecteur au livre de la théorie & pratique du jardinage où elle est traitée amplement, & soutenue d’exemples & de très-belles planches qui ne laissent rien à desirer. (K)

Distribution, (Imprimerie.) ce mot, dans la pratique de l’Imprimerie, s’entend d’une quantité de pages ou de formes destinées, après avoir passé sous la presse, à être remises dans les casses lettre à lettre, & dans leur cassetin, pour reproduire de nouvelles pages & de nouvelles formes.

Distribution, se dit en Peinture, des objets & des lumieres distribués dans un tableau. Il faut remarquer que lorsqu’on dit une belle distribution, on comprend celle des objets & celle des lumieres ; au lieu que si l’on n’entend parler que d’une, il faut la spécifier. Voyez Coloris, Clair-obscur, &c. De Piles, & dictionn. de Peint. (R)