L’Encyclopédie/1re édition/DIGUE

DIGUE, s. f. (Hydr.) est une espece de levée : elle differe de l’écluse en ce qu’elle ne sert ordinairement qu’à soûtenir les eaux par de fortes murailles, ou par des ouvrages de charpente & de clayonages, souvent remplis entre deux par des caillous, des blocailles de pierre, ou des massifs de terre. (K)

Le principe général pour trouver l’effort de l’eau contre une digue, est celui-ci. Ou l’eau qui agit contre la digue est une eau stagnante, ou c’est une eau en mouvement ; si c’est une eau stagnante, on se rappellera d’abord ce théorème d’hydrostatique, qu’un fluide en repos presse une surface quelconque qui lui est opposée obliquement ou perpendiculairement, avec une force qui est égale au produit de cette surface par la hauteur du fluide. De-là il s’ensuit, 1°. qu’une digue opposée à un fluide stagnant, souffre également de ce fluide dans quelque direction qu’elle lui soit opposée : 2°. qu’une digue opposée à un tel fluide, souffre davantage dans les points les plus bas ; & qu’ainsi elle doit pour être bien faite, être inégalement épaisse, plus épaisse en-bas qu’en-haut, & aller même en augmentant d’épaisseur, en raison de la hauteur du fluide : 3°. si on regarde la digue comme un rectangle, & qu’on imagine ce rectangle divisé en une infinité de rectangles très-petits, on trouvera que l’effort de l’eau sur chacun est égal au produit du rectangle par la hauteur de l’eau ; d’où il s’ensuit que l’effort de l’eau sur la digue sera égal au poids d’un prisme d’eau, dont la base seroit un triangle rectangle isoscele, ayant pour côté la hauteur de la digue, & dont la hauteur seroit la largeur de la digue. Il est à remarquer aussi, que comme l’action du fluide n’est pas la même sur tous les points, le centre d’impulsion n’est pas le même que le centre de gravité, ou milieu de la digue : mais ce centre d’impulsion est aux deux tiers de la hauteur de la digue, à compter d’en-haut.

Si le fluide est en mouvement, alors pour avoir son action sur chaque partie infiniment petite de la digue, il faut multiplier cette partie par le quarré de la vîtesse du fluide qui la choque, & par le quarré du sinus d’incidence. Voyez Fluide. Et on doit remarquer de plus, que l’action d’un fluide qui frappe perpendiculairement une surface plane avec une vîtesse donnée, est égale au poids d’une colonne de fluide de même densité, qui auroit pour base cette surface, & pour hauteur, celle d’où un corps pesant devroit tomber pour acquérir la vîtesse du fluide.

C’est pourquoi si le mouvement du fluide est uniforme, & la surface rectangle & opposée perpendiculairement au fluide, & que ce fluide parcourre, par exemple, 30 piés uniformément par seconde ; l’action du fluide sur la digue sera égale au poids d’une colonne de fluide qui auroit la digue pour base, & quinze piés de hauteur : car un corps qui tombe de quinze piés, acquiert une vîtesse à parcourir uniformément trente piés par seconde. Voyez Accélération & Descente. Si la vîtesse du fluide est inégale, il faut avoir égard à cette inégalité. Or dans un fleuve, par exemple, les vîtesses à différentes profondeurs, sont inégales ; la vîtesse à la surface & au milieu du courant, est la plus grande ; la vîtesse aux bords est moindre, à cause des frottemens & des inégalités du rivage ; la vîtesse au fond, est moindre encore. On peut prendre pour faciliter le calcul, la vîtesse du filet moyen entre le fond & la surface ; & cette détermination sera souvent assez exacte pour la pratique. Voilà les regles purement mathématiques de l’effort de l’eau contre les digues. Mais il faut encore avoir égard à un grand nombre de circonstances physiques qu’on ne peut soûmettre au calcul, & sur lesquelles l’expérience seule peut instruire ; telles que la nature du bois, ou des matieres qu’on y employe ; la corrosion de l’eau sur ces matieres, les vers ou autres accidens qui peuvent les endommager, & ainsi des autres. Voyez Bois, Ecluse, &c. (O)