L’Encyclopédie/1re édition/DACTYLE

DACTYLE, s. m. (Littérature.) sorte de pié dans la poésie greque & latine, composé d’une syllabe longue suivie de deux breves, comme dans ce mot cārmĭnĕ, &c. Ce mot vient, dit on, de δάκτυλος, digitus ; parce que les doigts sont divisés en trois jointures ou phalanges, dont la premiere est plus longue que les deux autres : étymologie puérile.

On ajoûte que ce pié est une invention de Bacchus, qui avant Apollon rendoit des oracles à Delphes en vers de cette mesure. Les Grecs l’appellent πολιτικός. Diom. 3. page 474.

Le dactyle & le spondée sont les deux principaux piés de la poésie ancienne, comme étant la mesure du vers héroïque, dont se sont servis Homere, Virgile, &c. Ces deux piés ont des tems égaux, mais ils ne marchent pas avec la même vîtesse. Le pas du spondée est égal, ferme & soûtenu ; on peut le comparer au trot du cheval : mais le dactyle imite davantage le mouvement rapide du galop. Voyez Quantité, Mesure, &c. (G)

Les vers françois les plus nombreux sont ceux où le rithme du dactyle est le plus fréquemment employé. Les poëtes qui composent dans le genre épique où il importe sur-tout de donner aux vers la cadence la plus rapide, doivent avoir l’attention d’y faire entrer le dactyle le plus souvent qu’il est possible. Les anciens nous ont donné l’exemple, puisque dans le vers asclépiade qui répond à notre vers de douze syllabes, ils se sont fait une regle invariable d’employer trois fois le dactyle ; savoir dans le second pié, avant l’émistiche, & dans les deux piés qui terminent le vers. Voyez l’ode d’Horace, Mecenas atavis, &c. Addition de M. Marmontel.

Dactyle étoit encore chez les Grecs une sorte de danse que dansoient sur-tout les athletes, comme l’observe Hezichius. Voyez Danse.

Dactyle est aussi le fruit du palmier ; on l’appelle plus communément datte. Voyez Datte. (G)

Dactyles, (Hist. & Mythol.) nom des premiers prêtres de la déesse Cybele. Tout ce que l’on dit des dactyles est assez incertain. On les croit originaires de Phrygie province de l’Asie mineure aujourd’hui la Natolie. On prétend que depuis ils vinrent habiter l’île de Crete, & que là on s’en servit pour cacher à Saturne les cris du jeune Jupiter encore enfant ; parce que ce prétendu dieu avoit promis aux Titans dans le partage qu’il fit avec eux, de n’élever aucun enfant mâle, pour leur laisser en entier l’héritage dont il avoit dépouillé son pere Ourane. Les dactyles pour empêcher que les cris de Jupiter ne vinssent jusqu’à Saturne, inventerent une sorte de danse accompagnée d’un bruit harmonieux d’instrumens d’airain, sur lesquels ils frappoient avec mesure ; & cette mesure a retenu le nom de dactyles, & s’est conservée dans la poésie greque & latine. Leurs descendans s’appellerent curetes & corybantes. On les prit pour les prêtres de Cybele ; ils se mettoient comme en fureur par une sorte d’enthousiasme, & par l’agitation qu’ils se donnoient dans leur danse. On leur attribue l’invention du fer, c’est-à-dire la maniere de le tirer des entrailles de la terre, de le fondre, & de le forger. Les uns établirent leurs atteliers sur le mont Ida de Phrygie, d’autres sur le mont Ida de l’île de Crete. Mais le fer avoit été trouvé par Tubalcain le sixieme descendant de Caïn, longtems avant qu’il fût question des curetes. Il se peut faire néanmoins que sur les connoissances qui s’étoient conservées de la fabrique de ce métal, les dactyles en ayent fait l’épreuve en Phrygie & en Crete, où ils pûrent trouver des terres qui leur en suggererent le dessein. (a)