L’Encyclopédie/1re édition/COSMOGONIE

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COSMOGONIE, s. f. (Physiq.) est la science de la formation de l’Univers. Ce mot est formé de deux mots grecs, κόσμος, monde,, γείνομαι, je sais. La Cosmogonie differe de la Cosmographie, en ce que celle-ci est la science des parties de l’Univers, supposé tout formé, & tel que nous le voyons ; & elle differe de la Cosmologie, en ce que celle-ci raisonne sur l’état actuel & permanent du Monde tout formé ; au lieu que la Cosmogonie raisonne sur l’état variable du Monde dans le tems de sa formation. Voyez Cosmologie.

De quelque maniere qu’on imagine la formation du Monde, on ne doit jamais s’écarter de deux grands principes : 1o celui de la création ; car il est clair que la matiere ne pouvant se donner l’existence à elle-même, il faut qu’elle l’ait reçue : 2o celui d’une intelligence suprème qui a présidé non-seulement à la création, mais encore à l’arrangement des parties de la matiere en vertu duquel ce Monde s’est formé. Ces deux principes une fois posés, on peut donner carriere aux conjectures philosophiques, avec cette attention pourtant de ne point s’écarter dans le système qu’on suivra de celui que la Genèse nous indique que Dieu a suivi dans la formation des différentes parties du Monde.

Ainsi un chrétien doit rejetter tout système de Cosmogonie, par exemple, où les poissons seroient existans avant le soleil ; parce que Moyse nous apprend que le soleil fut fait le quatrieme jour, & les poissons le cinquieme. Mais on auroit tort de taxer d’impiété un physicien qui penseroit que les poissons ont habité le globe avant l’homme, puisqu’il est écrit que l’homme ne fut créé que le dernier. Ainsi l’auteur d’une gazette périodique a sottement accusé l’illustre secrétaire de l’académie des Sciences d’avoir dit que les poissons ont été les premiers habitans du globe ; car cela est très-conforme au récit de Moyse.

C’est encore une chose qu’il est très-permis de soûtenir, suivant le récit même de Moyse, que le chaos a existé avant la séparation que Dieu a faite de ses différentes parties. Voyez l’article Chaos.

Il doit être très-permis de dire avec Descartes, que les planetes, & la terre en particulier, ont commencé par être des soleils qui se sont ensuite encroûtés, parce que le récit de Moyse n’a rien de contraire à cette supposition. La Physique peut la réprouver ; mais la religion l’abandonne à nos disputes. Il doit être permis de dire que la formation de ce Monde n’a dépendu que du mouvement & de la matiere différemment combinés ; parce que Dieu auteur seul de la matiere & du mouvement n’a employé certainement que ces deux principes pour l’arrangement du Monde ; mais les a employés avec une intelligence dont lui seul est capable, & qui seule est une preuve de son existence. On doit donc être extrèmement reservé à taxer d’irréligion les philosophes qui proposent un système de Cosmogonie, lorsque ce système peut s’accorder avec le récit de Moyse ; & il ne faut pas craindre qu’on leur donne par-là trop d’avantage. Dans le système de Newton, par exemple, l’impulsion une fois donnée aux planetes, & l’attraction supposée, le système du Monde doit subsister en vertu des seules lois du mouvement. Il semble d’abord que ce système favorise l’Athéisme, en ce qu’il ne suppose autre chose qu’un premier mouvement imprimé, dont tout le reste est une suite, & qu’il n’a pas recours à l’action continue de l’Être supreme. Mais qui a pû donner ce premier mouvement, & qui a établi les lois en vertu desquelles il se conserve ? Ne sera-ce pas toûjours l’être suprème ? Il en est ainsi des autres. La philosophie de Démocrite qui attribuoit tout au hasard & au concours fortuit des atomes, étoit impie ; mais une physique qui, en réduisant tout au mouvement différemment combiné & à des lois simples & générales, explique la formation de l’Univers, est très-orthodoxe, quand elle commence par reconnoître Dieu pour auteur seul de ce mouvement & de ces lois. V. Création, Mouvement, Percussion, &c.

Après ces observations, nous n’entrerons point dans le détail des différens systèmes des anciens & des modernes sur la formation du Monde, tous ces systèmes étant des hypothèses purement conjecturales, & plus ou moins heureuses, à proportion qu’elles sont plus ou moins appuyées sur les faits & sur les lois de la méchanique ; nous en exposerons les principaux à l’article Terre. Car c’est principalement la formation de ce globe que nous habitons qui est l’objet de la Cosmogonie. (O)