L’Encyclopédie/1re édition/CONVENANCE

◄  CONVENABLE
CONVENANT  ►

* CONVENANCE, s. f. (Gramm. & Morale.) Avant que de donner la définition de ce mot, il ne sera pas hors de propos de l’appliquer à quelques exemples qui nous aident à en déterminer la notion. S’il est question d’un mariage projetté, on dit qu’il y a de la convenance entre les partis, lorsqu’il n’y a pas de disparates entre les âges, que les fortunes se rapprochent, que les naissances sont égales ; plus vous multiplierez ces sortes de rapports, en les étendant au tempérament, à la figure, au caractere, plus vous augmenterez la convenance. On dit d’un homme qui a rassemblé chez lui des convives, qu’il a gardé les convenances s’il a consulté l’âge, l’état, les humeurs, & les goûts des personnes invitées ; & plus il aura rassemblé de ces conditions qui mettent les hommes à leur aise, mieux il aura entendu les convenances. En cent occasions les raisons de convenance sont les seules qu’on ait de penser & d’agir d’une maniere plutôt que d’une autre, & si l’on entre dans le détail de ces raisons, on trouvera que ce sont des égards pour sa santé, son état, sa fortune, son humeur, son goût, ses liaisons, &c. La vertu, la raison, l’équité, la décence, l’honnêteté, la bienséance, sont donc autre chose que la convenance. La bienséance & la convenance ne se rapprochent que dans les cas où l’on dit, cela étoit à sa bienséance ; il s’en est emparé par raison de convenance. D’où l’on voit que la convenance est souvent pour les grands & les souverains un principe d’injustice, & pour les petits le motif de plusieurs sottises. En effet, y a-t-il dans les alliances quelque circonstance qu’on pese davantage que la convenance des fortunes ? cependant qu’a de mieux à faire un honnête-homme qui a des richesses, que de les partager avec une femme qui n’a que de la vertu, des talens, & des charmes ? De tout ce qui précede il s’ensuit que la convenance consiste dans des considérations, tantôt raisonnables, tantôt ridicules, sur lesquelles les hommes sont persuadés que ce qui leur manque & qu’ils recherchent, leur rendra plus douce ou moins onéreuse la possession de ce qu’ils ont. Voyez les articles Vertu, Honnêteté, Décence &c.

Convenance, terme d’Architecture. La convenance doit être regardée comme le premier principe de l’art de bâtir : c’est par elle qu’on assigne à chaque genre d’édifices le caractere qui lui convient, par rapport à sa grandeur, sa disposition, son ordonnance, sa forme, sa richesse, ou sa simplicité ; c’est par la convenance qu’un palais, qu’un bâtiment public, qu’un monument sacré, qu’une maison de plaisance, ou tout autre ouvrage d’Architecture, annonce par son aspect le motif qui l’a fait élever ; c’est elle qui enseigne, lorsqu’on a fait choix d’une expression rustique, virile, moyenne, délicate ou composée, de ne jamais allier dans la même ordonnance deux contraires ensemble ; c’est elle qui détermine l’œconomie, ou qui autorise la plus grande richesse, qui regle le génie, qui le développe ou lui prescrit des limites ; c’est elle enfin qui conduit les productions d’un architecte, en l’empêchant d’introduire dans ses compositions rien qui ne soit vraissemblable, & qui soit contraire aux regles du bon goût & de la bienséance. Voyez Architecture. (P)

Convenance, s. f. (Jurispr.) est un ancien terme de coûtume, qui signifie une convention. Loysel, en ses instit. coûtum. liv. IV. tit. j. reg. 1. dit que convenances vainquent la loi, c’est-à-dire que par convention on peut déroger à ce qui est établi par la loi ; ainsi quoique la coûtume de Paris établisse la communauté de biens entre conjoints, on peut convenir par contrat de mariage qu’il n’y en aura point : mais la convenance ou convention ne peut pas prévaloir sur un statut prohibitif négatif, tel par exemple, que l’article 282 de la coûtume de Paris, qui défend aux maris & femmes de s’avantager l’un l’autre, soit entre-vifs ou par testament. Voyez Convention.

Convenance de succéder, est une convention apposée dans un contrat de société, à l’effet que les associés se succedent mutuellement dans le cas où ceux qui viennent à décéder ne laissent point d’enfans.

La coûtume d’Auvergne, ch. xv. art. 1. admet ces sortes de conventions. L’art. 2. permet de stipuler que le pacte ou convenance de succéder, subsistera nonobstant la mort d’un des associés ; & l’article 3. porte que ce pacte finit par la mort d’un des associés quand il n’y a point de convention au contraire ; le quatrieme article décide que la convenance de succéder est entierement révoquée par la survenance des enfans, sinon qu’il y ait une convention expresse au contraire.

Henrys, tom. II. liv. VI. quest. 16. (édit. de 1708.) établit que la survenance d’enfans à l’un des associés détruit le pacte de succéder, non-seulement par rapport à cet associé, mais aussi pour tous les autres.

La convenance de succéder peut être expresse ou tacite. Voyez ci-après Convention de succéder. (A)