L’Encyclopédie/1re édition/CHIROMANCIE

CHIRONIEN  ►

CHIROMANCIE, s. f. (Art divin.) l’art de deviner la destinée, le tempérament, & les inclinations d’une personne, par l’inspection des lignes qui paroissent dans la paume de la main. Ce mot vient du Grec χειρ, main, & de μαντεία, divination.

Quelque vain & quelque imposteur que soit cet art, un grand nombre d’auteurs ne laissent pas que d’en avoir écrit : tels qu’Artemidore, Flud, Joannes de Indagine, &c. mais Taisnerus & M. de la Chambre sont les principaux.

Ce dernier prétend que par l’inspection des linéamens que forment les plis de la peau dans le plat de la main, on peut reconnoître les inclinations des hommes, sur ce fondement que les parties de la main ont rapport aux parties internes de l’homme, le cœur, le foie, &c. d’où dépendent, dit-on, en beaucoup de choses les inclinations & le caractere des hommes. Cependant à la fin de son traité il avoüe que les préceptes de la chiromancie ne sont pas bien établis, ni les expériences sur lesquelles on les fonde, bien vérifiées ; & qu’il faudroit de nouvelles observations faites avec justesse & avec exactitude, pour donner à la chiromancie la forme & la solidité qu’une science doit avoir. Voyez Main.

Delrio distingue deux sortes de chiromancie, l’une physique, & l’autre astrologique, & pense que la premiere est permise, parce qu’elle se borne, dit-il, à connoître par les lignes de la main le tempérament du corps, & que du tempérament elle en infere par conjecture les inclinations de l’ame, en quoi il n’y a rien que de fort naturel. Quant à la seconde, il la condamne comme vaine, illicite, & indigne du nom de science, par le rapport qu’elle prétend mettre entre telles ou telles lignes de la main, & telles ou telles planetes, & l’influence de ces mêmes planetes, sur les évenemens moraux & le caractere des hommes.

Les anciens étoient fort adonnés à cette derniere, comme il paroît par ce vers de Juvenal :

manumque
Præbebit vati crebrum popisma roganti. Sat. vj.

C’est par elle que ces imposteurs vagabonds, connus sous le nom de Bohémiens & d’Egyptiens, amusent & dupent la populace. Anus eorum (dit Munster, lib. III. §. 257.) chiromantia & divinationi intendunt, atque interim quo quærentibus dant responsa, quot pueros, maritos, uxores, sint habituri miro astu & agilitate crumenas quærentium rimantur & evacuant. Voyez Egyptiens.

Delrio entasse plusieurs raisons, pour prouver que l’Etat & l’Eglise ne doivent point tolérer ces diseurs de bonne aventure : mais la meilleure est que ce sont des vagabonds que l’oisiveté entraîne dans le crime, & dont la prétendue magie est le moindre défaut.

Le même auteur regarde encore comme une espece de chiromancie celle où l’on considere les taches blanches & noires qui se trouvent répandues sur les ongles, & d’où l’on prétend tirer des présages de santé ou de maladie ; ce qu’il ne desaprouve pas absolument. Mais il traite cette pratique de superstitieuse dès qu’on s’en sert pour connoitre les évenemens futurs qui dépendent de la détermination de la volonté. Disquisit. magic. lib. IV. ch. iij. quæst. 5. pag. 584. & suiv. (G)