L’Encyclopédie/1re édition/CARMEN

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 687).
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CARMEN, (Belles-Lettres.) mot Latin dont on se servoit en général pour signifier des vers, & dans un sens plus particulier, pour marquer un charme, ou formule d’expiation, d’exécration, de conjuration, &c. renfermée dans un petit nombre de mots, d’où l’on croyoit que dépendoit leur efficacité.

Carmina vèl cælo possunt deducere lunam.

Voyez Vers, Charme, &c.

Le P. Pezron fait venir ce mot de carm ou garm, qui chez les Celtes se prenoit pour les cris de joie, & les vers que les Bardes chantoient avant le combat pour encourager les soldats ; & il ajoûte qu’en Grec, χάρμα signifie tout-à-la-fois combat & joie ; mais ce dernier mot n’est pas dérivé du celtique que les Grecs ignoroient très-certainement : il a pour racine le Grec même χαῖρω, je me réjoüis.

Quelques auteurs tirent de ce mot l’étymologie des vers ou pieces de poësies nommées par les Latins carmina, parce que, disent-ils, c’étoient des discours mesurés & d’une forme déterminée telle que les charmes ou formules des enchanteurs. D’autres au contraire prétendent que ces formules ont été nommées carmina, parce qu’elles étoient conçûes en vers. On croyoit alors, ajoûtent-ils, que le langage mesuré & cadencé, avoit beaucoup plus de pouvoir que la prose, pour produire la guérison de certains maux, & autres effets merveilleux que promettoient les magiciens.

Vigenere dérive Carmen de Carmenta, prophétesse, mere d’Evandre, parce qu’elle faisoit ses prédictions en vers ; & d’autres prétendent que c’est précisément par cette derniere raison qu’on lui donna le nom de carmante, parce qu’avant elle on nommoit tout discours en vers carmen. Voyez Carmentales. (G)