L’Encyclopédie/1re édition/CACHEXIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 504-505).
◄  CACHEUR
CACHI  ►

CACHEXIE, s. f. (Medecine.) ce mot est tiré du Grec κακὸς, mauvais, & ἕξις, constitution. Ainsi l’on entend par cachexie la mauvaise constitution, le mauvais état du corps humain dans toute son habitude.

Pour donner une idée juste de la cachexie, il faut poser pour principes, 1o. que le corps ne peut rester dans son état naturel, ni augmenter, s’il n’est réparé à proportion de la déperdition qu’il fait journellement. On appelle la premiere opération nutrition, & la seconde accroissement, qui arrive lorsque la déperdition est plus que compensée par l’addition du suc nourricier. Voyez Nutrition, & Accroissement. 2o. Que ce suc nourricier doit être tiré des alimens changés en chyle par l’opération nommée digestion, voyez Digestion, & convertis en sang dans la veine soûclaviere gauche. Voyez Sanguification. 3o. Que de ce sang se sépare le suc nourricier ; que ce suc sera propre à la nutrition lorsque le chyle & le sang seront de bonne qualité ; qu’au contraire il sera dépravé, & ne produira pas une bonne nutrition, lorsqu’il sera fourni par un mauvais chyle & un mauvais sang. 4o. Que le chyle ni le sang ne seront pas loüables, lorsque les alimens dont ils sont tirés seront de mauvaise qualité, ou que les visceres destinés à les composer seront viciés. Cela posé, examinons à présent quels effets produira sur le corps la dépravation du chyle & du sang. Lorsque le sang n’aura pas une consistance requise, qu’il ne sera pas fourni ou renouvellé par un bon chyle, il s’ensuivra par son défaut de couleur la pâleur de toutes les parties charnues, & sur-tout du visage, la déperdition des forces du corps en général, & l’inaptitude aux fonctions tant naturelles que volontaires ; d’où naîtront les lassitudes dans les bras & les jambes, la difficulté de respirer, l’inégalité du pouls, la fievre même, la perte de l’appétit, la douleur d’estomac appellée cardialgie, les palpitations, &c. enfin la dépravation du suc nourricier, d’où l’amaigrissement & l’affaissement total de la machine, à quoi se joignent les obstructions dans les glandes, & sur-tout dans le foie. Tous les accidens ci-dessus détaillés caractérisent la cachexie, qui lorsqu’on la néglige dégenere très-facilement en hydropisie ; le chyle mal préparé faisant, pour ainsi dire, sur le sang le même effet que le vinaigre sur le lait, en sépare la sérosité qui s’épanche. On voit aisément après cette exposition, pourquoi les jeunes personnes qui n’ont point encore été réglées, ou les femmes qui auront essuyé des pertes considérables, deviennent cachectiques ; la trop grande abondance ou la suppression de quelque évacuation ordinaire ou nécessaire, étant une cause de cachexie ; leur appétit déreglé pour le fruit verd, pour la craie, le charbon, & autres drogues de cette espece, produit souvent chez elles le même accident. Par la mauvaise qualité du chyle qui en résulte, on voit de quelle conséquence il est de corriger la cause de la cachexie. Pour y parvenir, il faut examiner si le vice est dans les liqueurs ou dans les parties solides, ou enfin dans l’un & l’autre ensemble ; lorsque l’on se sera apperçu que ce sont les liqueurs qui pechent, & que l’on reconnoîtra par les signes détaillés aux articles Acide & Alkali considérés comme causes de maladies, il sera question de vuider l’estomac & les intestins, soit par un vomitif doux, soit par un purgatif léger, & empêcher par toutes sortes de moyens le renouvellement de la matiere morbifique. Lorsque les parties solides seront cause de la cachexie, les remedes corroborans, & sur-tout les martiaux, seront convenables ; enfin lorsqu’elle procédera du vice de l’un & de l’autre, on la détruira par les remedes destinés à réparer ce vice. On aura soin de joindre aux remedes dans l’un & l’autre cas, l’usage d’un exercice modéré, & d’un régime capable de rendre au suc nourricier la douceur qui lui est nécessaire pour être employé utilement ; de défendre l’usage des alimens grossiers, farineux, & de difficile digestion. De tout ce que j’ai dit ci-dessus, il faut conclurre que la cachexie est un état très-fâcheux ; que lorsqu’elle est la suite de la foiblesse de quelque partie solide, elle est plus difficile à guérir ; & que lorsqu’elle est accompagnée d’une fievre opiniâtre, elle est très-dangereuse. (N)