L’Encyclopédie/1re édition/APOCRISIAIRE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 528-529).

APOCRISIAIRE, s. m. dans l’Histoire ancienne, c’étoit un officier établi pour porter & faire les messages, intimer les ordres ou déclarer les réponses d’un Prince ou d’un Empereur.

Ce mot est formé du Grec ἀποκρίσις, responsum, réponse, d’où vient qu’il s’appelle souvent en Latin responsalis, porteur de réponses.

Cet officier devint ensuite Chancelier de l’Empereur & garda les sceaux. Nous trouvons quelquefois dans un Latin barbare Asecreta, Secrétaire, pour Apocrisiarius. Zozime le définit un Secrétaire des affaires étrangeres. C’est ce que Vopiscus, dans la vie d’Aurélien, appelle Notarius secretorum. Voyez Secrétaire, &c.

Les Patriarches donnerent ensuite ce nom aux Diacres qu’ils députoient pour les intérêts de leurs églises, & aux Ecclésiastiques qui étoient envoyés de Rome pour traiter des affaires du saint Siége : car outre les Soûdiacres & les défenseurs que les Papes envoyoient de tems en tems dans les provinces pour y exécuter leurs ordres, ils avoient quelquefois un Nonce ordinaire résident à la Cour Impériale, que les Grecs appelloient Apocrisiaire, & les Latins Responsalis ; parce que son emploi n’étoit autre que d’exposer au Prince les intentions du Pape, & au Pape les volontés de l’Empereur, & les réponses réciproques de l’un & de l’autre sur ce qu’il avoit à négocier : de sorte que ces Apocrisiaires étoient, à proprement parler, ce que sont les Ambassadeurs ordinaires des Souverains & les Nonces du Pape auprès des Princes. Saint Grégoire le grand avoit exercé cet emploi avant que d’être Pape, & plusieurs autres l’ont aussi exercé avant leur pontificat. Les Apocrisiaires n’avoient aucune jurisdiction à Constantinople, (non plus que les Nonces n’en ont point en France) si ce n’étoit qu’ils fussent aussi délégués du Pape pour le jugement de quelques causes d’importance. Quoiqu’ils fussent Nonces du Pape, ils cédoient néanmoins aux Evêques, comme il parut au concile de Constantinople en 536, où Pélage, Apocrisiaire du pape Agapet, & le premier de ses Nonces apostoliques qu’on trouve dans l’histoire, souscrivit après les Evêques. Ces Apocrisiaires étoient toûjours des Diacres, & jamais des Evêques ; car ceux-ci n’étoient employés qu’aux Ambassades extraordinaires, ou aux légations. Nous avons remarqué que les Patriarches en Orient avoient leur Apocrisiaire. Ainsi dans le synode tenu à Constantinople l’an 439, Dioscore, Apocrisiaire de l’église d’Alexandrie, soûtint la primatie de son Prélat contre celui d’Antioche. On trouve aussi des exemples d’Apocrisiaires que les Papes ont envoyés aux Patriarches d’Orient. On a encore donné le nom d’Apocrisiaire aux Chanceliers, que l’on appelloit aussi Référendaires. Ainsi Saint Oüen est appellé Apocrisiaire du Roi ; & Aimoin dit, qu’il étoit Référendaire. Voyez Légat. Ducange, Glossarium latinit. Thomass. Discipl. ecclésiast.

Bingham dans ses Antiquités ecclésiastiques, observe que la fonction d’Apocrisiaire des Papes peut avoir commencé vers le tems de Constantin, ou peu après la conversion des Empereurs, qui dut nécessairement établir des correspondances entre eux & les souverains Pontifes : mais on n’en voit guere le nom que vers le regne de Justinien, qui en fait mention dans sa Novelle VI. ch. ij. par laquelle il paroît que tous les Evêques avoient de semblables officiers. A leur imitation les monasteres eurent aussi dans la suite des Apocrisiaires, qui ne résidoient pourtant pas perpétuellement dans la ville Impériale ou à la Cour, comme ceux du Pape ; mais qu’on déléguoit dans le besoin pour les affaires que le monastere, ou quelqu’un des moines, pouvoit avoir au-dehors ou devant l’Evêque. Dans ces cas Justinien, dans sa Novelle LXXIX, veut que les ascetes & les vierges consacrées à Dieu comparoissent & répondent par leurs Apocrisiaires. Ils étoient quelquefois clercs, comme il paroît par les actes du V. concile général, où Théonas se nomme Prêtre & Apocrisiaire du monastere du mont Sinaï. C’étoit à peu près ce que sont aujourd’hui les Procureurs dans les monasteres, ou même les Procureurs généraux des ordres religieux. Suicer ajoûte, que les Empereurs de Constantinople ont aussi donné quelquefois à leurs Ambassadeurs ou Envoyés le titre d’Apocrisaire ou Apocrisiaire. Bingham, Orig. eccles. lib. III. c. xiij. §. 6.

L’hérésie des Monothélites & celle des Iconoclastes qui la suivit, abrogerent l’usage où la Cour de Rome étoit d’avoir un Apocrisiaire à Constantinople. (G)