L’Empire des tsars et les Russes/Tome 1/Livre 8/Chapitre 3

Hachette (Tome 1p. 513-531).


CHAPITRE III


Communantës de village : du mode de partage et d’allotissement. — Grandes communautés et libre jouissance des terres vacantes. — Le mir actuel et les partages périodiques. — Partage par âmes et par tiaglos. — Époques de répartition. Inconvénients des partages fréquents. — L’allotissement ; Une partie des défauts, reprochés au mir, retombe sur les grands villages agglomérés. — Conséquences du parcellement excessif.


Aux époques où la population était plus clairsemée, les communautés russes, d’ordinaire aujourd’hui restreintes à de simples villages, ont parfois pu s’étendre à des divisions territoriales beaucoup plus importantes. On en rencontre des exemples contemporains aux deux extrémités de la Russie, au nord, dans le gouvernement d’Olonets, sur les frontières de la Finlande, au sud, chez les Cosaques de l’Oural, Cosaques grands-russiens d’origine, pour la plupart vieux-croyants de religion, et aussi attachés aux anciens usages qu’aux anciens rites. Là, aux bords du fleuve Oural, a subsisté jusqu’à nos jours une vaste commune, embrassant toute une grande région géographique ; là une armée entière, seule propriétaire du sol qu’elle occupait, ne formait qu’une communauté indivise. On retrouvait presque intact, au dix-neuvième siècle, le mode de propriété et le mode de jouissance de la tribu ou du clan des âges préhistoriques[1].

Des steppes immenses, peu fertiles et presque désertes, il est vrai, un espace de près de 9 millions d’hectares était la possession collective des Cosaques de l’Oural. Sur tout le cours du grande fleuve, dont on fait la limite conventionnelle de l’Europe et de l’Asie, il n’y avait encore, au milieu du siècle, pas un lot de terre appartenant en propre à un particulier, pas un lot même appartenant à une ville ou à une stanitsa (village et centre administratif et militaire des Cosaques). La jouissance ainsi que la propriété était commune. Au jour fixé par l’ataman[2], au signal donné par les officiers de chaque stanitsa, commençait la fenaison des prairies du bord des rivières. Tous les hommes, jouissant du titre de Cosaque, se mettaient simultanément à l’œuvre ; chacun traçait avec la faux, dans les hautes herbes, les limites du lot qui lui devait revenir. Tout ce qui, dans la première journée, avait été ainsi enclos par un Cosaque lui appartenait de droit, il pouvait ensuite le faucher à son aise avec sa famille. Dans cette vaste communauté, la terre comme l’eau, les champs ou les prairies comme les pêcheries de la mer ou des fleuves, étaient la propriété de tous et étaient exploités de la même manière, tous se mettant à l’ouvrage au même moment, sur un ordre et sous la surveillance des chefs, mais chacun travaillant pour soi, car cette commune propriété et cette commune jouissance restaient étrangères au système d’égale rémunération, prêché par certains socialistes. Malgré cette importante restriction au principe communiste, un pareil régime, dès que les habitants sont assez nombreux pour se disputer les produits du sol, laisse peu de liberté à l’activité individuelle ; il mène à la démocratie autoritaire ou à la réglementation bureaucratique. S’il a pu durer jusqu’à nos jours, aux bords de l’Oural, c’est grâce à l’organisation militaire des Cosaques.

Dans les steppes du sud comme dans les forêts du nord, l’existcnce de ces vastes communautés, étrangères aux partages périodiques, tenait avant tout à l’abondance du sol et à la rareté des bras qui en pouvaient recueillir les produits. Avec les progrès de la population, il a fallu définir plus strictement les droits de chacun, limiter les terres assignées à chaque village et les distribuer régulièrement entre les habitants. Dans les contrées les plus récemment colonisées, on se rappelle souvent encore l’époque où la jouissance du sol était moins étroitement bornée. Chez les Cosaques du Don, comme chez ceux de l’Oural, le temps, nous l’avons dit[3], n’est pas bien loin où chaque Cosaque était maître d’occuper les terres vacantes de la steppe. Dans le gouvernement de Samara, sur la rive orientale du Volga, les vieillards n’ont pas oublié l’époque où il était permis à chacun de couper autant de foin qu’un faucheur en pouvait emporter dans une charretée[4].

Des usages analogues persistent encore aujourd’hui dans certaines des ingrates contrées du nord, dont le rude climat et le maigre sol attirent peu les colons. Cela se voit surtout en Sibérie, où souvent les prairies sont seules soumises à un partage, tandis que, pour les terres labourables, les habitants du village en exploitent chacun, autant qu’il en peut cultiver. Dans la région située au nord du Ladoga et de l’Onega, dans les froides solitudes du gouvernement d’Olonets, la proportion de la jouissance individuelle dépend uniquement du travail effectif des individus ou des familles. Chaque paysan est libre de cultiver autant de terre que le lui permet la force ou le nombre des bras dont il dispose ; il doit seulement indiquer par un sigue, d’ordinaire par une marque sur des arbres, remplacement choisi par lui[5]. Ce mode de jouissance s’allie habituellement, dans la province d’Olonets, au système des vastes communautés comprenant parfois des régions entières. La raison en est simple : là où la terre est si abondante, il n’y a pas beaucoup plus d’intérét à la partager entre les villages qu’entre les familles. Les habitants d’une même vallée forment ensemble une communauté dont le domaine s’étend, entre les forêts, le long des bords d’une rivière ou d’un lac. Les limites traditionnelles de ces immenses communaux ont souvent été tracées, moins en vue de l’exploitation agricole que de l’exploitation des eaux et des pêcheries qui constituent la plus sûre ressource de ces régions déshéritées.

Dans le district d’Olonets, chaque communauté compte en moyenne une vingtaine de villages ou hameaux, ainsi groupés par volost (bailliage) autour d’un grand village qui souvent donne son nom aux autres, lesquels se regardent comme ses enfants ou ses colonies. Un seul de ces syndicats ruraux comprend, dit-on, plus de cent villages et possède 220 000 hectares avec 60 kilomètres de prairies sur les bords du Svir[6]. D’après de récentes études, ce mode d’association de nombreux villages en grande communauté, ou, plus exactement, ce système d’appropriation du sol par vastes cantons, avec libre jouissance des hameaux et des familles, semble avoir été jadis fort usité, si ce n’est général. En ce cas, l’examen des faits et des documents historiques ne ferait que confirmer ce qu’eût fait supposer la théorie.

Les fédérations ou familles de villages d’Olonets sont le dernier reste de ces grandes communautés qui ne peuvent guère subsister que dans des pays à demi déserts, où l’agriculture même tient encore peu de place. Les communautés russes aujourd’hui se bornent en général à de simples villages. Chez elles, après comme avant l’émancipation, le mode d’exploitation en commun, pour le compte de tous ou chacun pour son compte, est depuis longtemps un fait anormal. Dans les régions lointaines, peut-être subsiste-t-il quelques communes où les fruits de la terre et du travail sont partagés entre les copropriétaires. Cela s’est rencontré dans quelques villages de raskolniks et dans des skites écartés ; mais là même, il faut moins voir la persistance des vieux usages qu’une influence religieuse et l’esprit communiste des associations monacales[7].

Chez le mir russe, les pâturages et les bois restent seuls d’ordinaire dans l’indivision. Par malheur, ces deux sortes de biens, naturellement les plus faciles à exploiter en commun, et souvent ailleurs les seuls demeurés sous le régime de la propriété collective, ne forment guère en Russie qu’un insignifiant appoint des terres communales. En ce pays si riche en forêts, où le bois est d’un usage si fréquent, les villages, les mieux pourvus de terres, ne possèdent le plus souvent ni forêt, ni bois. La cause de cette anomalie est simple. Au temps du servage, le paysan n’avait généralement en jouissance régulière que des champs cultivés, accrus de quelques p&turages ou prairies. La loi d’émancipation n’a cherché qu’à lui assurer la propriété des champs dont il avait l’usage ; et, dans l’application des règlements agraires, le peuple des campagnes a souvent été frustré d’une partie des terres qui lui servaient de pâturages. Les bois, là où ils ne sont point la propriété de l’État, sont demeurés à l’ancien seigneur, ce qui est d’autant plus regrettable que, primitivement, la jouissance des forêts devait appartenir au paysan et que, avant l’émancipation, il avait, d’habitude, le droit de tirer son bois des forêts du maître.

C’est là, à nos yeux, un des côtés défectueux du nouveau régime agraire et de la liquidation du servage. La Russie eût gagné beaucoup à assurer, comme en d’autres pays, aux communes rurales la propriété d’une partie de ses vastes forêts, sauf à soumettre, comme en France, les bois communaux à un sévère régime foreslier. Pour les forêts, la communauté, dès qu’elle est assujettie à un pareil contrôle, ne présente que des avantages sans aucun des inconvénients signalés pour les terres arables. C’eût été là peut-être l’un des moyens les plus efficaces de prévenir le trop rapide déboisement du pays avec tous les maux qui en découlent. En laissant les forêts à l’ancien seigneur, l’émancipation a indirectement porté un double dommage à la richesse forestière de l’empire, par suite à toute l’économie rurale et même, dans une certaine mesure, au sol et au climat russes, empirés par le déboisement. Le pomêcthtchik, appauvri par l’émancipation, avait double raison pour couper le bois demeuré en sa possession ; c’était pour lui le meilleur moyen de faire de l’argent, de se procurer un capital qui d’ordinaire lui manquait et, en même temps, c’était la façon la plus simple de se mettre à l’abri des déprédations du paysan, de parer à des rapines, insuffisamment réprimées par la police et par les lois. J’oserai dire ainsi que, faute d’avoir pu soustraire les bois à l’avidité besogneuse du pométchtchik et au pillage du moujik, l’émancipation n’a pas été étrangère à la dévastation des forêts, si multiples et si imprévues ont été les conséquences de la grande réforme[8].

Le domaine communal est généralement formé de terres de labour et de pâturages. Ces derniers, que l’émancipation a trop souvent restreints, sont presque toujours exploités en commun, chaque famille y envoyant ses animaux, d’ordinaire marqués de sa marque et conduits par un p&tre communal. Les champs sont partagés à intervalles plus ou moins réguliers, entre les membres de la commune, pour être cultivés par chacun séparément, à ses risques et périls. La jouissance individuelle est ainsi universellement associée à la propriété collective. Dans ce mir en apparence tout communiste, le premier ressort de l’activité reste l’intérêt personnel. Contrairement à un préjugé fort répandu à l’étranger, le paysan répugne à tout travail en commun ; depuis qu’il est libre, il prétend presque toujours travailler à son compte.

Le régime du mir[9] est fondé sur une répartition périodique du sol. Il y a trois points à considérer dans ces partages : d’abord, les titres qui donnent droit à un lot ; ensuite les époques de division du territoire commun ; enfin, le mode même de parcellement ou d’allotissement. Sur ces trois points, sur les deux premiers surtout se rencontrent de grandes différences, de nombreuses variantes, selon les régions et les coutumes.

Pour ce qui regarde les ayants droit, ou l’unité de partage, les communautés russes offrent deux types principaux : tantôt le partage se fait par âme (doucha), c’est-à-dire par tête d’habitant mâle ou encore par âme de révision ; tantôt il se fait par famille ou mieux par ménage, par tiaglo[10], et cela le plus souvent en tenant compte de la capacité de travail’des divers ménages et de la part de contribution que chacun peut supporter. Le premier mode est surtout en usage chez les paysans de la couronne, qui n’étaient soumis qu’à la capitation ; le second, chez les anciens serfs des particuliers, qui, répartissant leurs charges vis-à-vis du seigneur par tiaglo, répartissaient de même la terre que leur abandonnait le seigneur.

Le lot de chaque famille est ainsi en raison du nombre de ses membres mâles, ou du nombre de ses membres adultes et mariés. On voit tout de suite quel encouragement donne à la population, dans un cas comme dans l’autre, ce système de partage. Chaque fils venant au monde, ou chaque fils, arrivé à l’âge d’homme, apporte à sa famille un nouveau lot de terre. Au lieu de diminuer en le divisant le champ paternel, une nombreuse progéniture l’agrandit. En droit, les femmes n’ont d’ordinaire rien à prétendre à la terre[11] ; dans la pratique, elles y ont à peu près autant de part que les hommes, car, avec le système de tiaglo, un lot étant donné à chaque couple, c’est la femme qui ouvre au mari l’accès de la propriété. Aussi la Russie est-elle le pays de l’Europe où il y a le plus de mariages et, en même temps, le pays où les mariages sont le plus féconds. Grâce à cette double supériorité, le nombre de naissances, en Russie, est proportionnellement presque le double du nombre des naissances en France. La rigueur du climat, le manque de bien-être et par-dessus tout la mortalité des enfants, sont seuls à retarder le rapide accroissement de la population rurale.

L’augmentation même de la population contraint à renouveler périodiquement les partages. Pour fournir un lot aux nouveaux venus, sans recourir à une nouvelle répartition du sol, certaines communes, surtout chez les paysans de la couronne, ont des réserves de terre. Ce fonds de réserve est tantôt loué au profit du mir, tantôt utilisé comme vaine pâture. La densité croissante de la population, l’exiguïté des lots, souvent accordés aux paysans lors de l’émancipation, privent la plupart des villages de cette ressource. Les nouveaux venus ne peuvent ainsi faire valoir leur droit au sol que moyennant un partage nouveau. Le principe de la communauté suffirait seul à exiger des divisions périodiques, car, sans de fréquentes répartitions, les familles croissant inégalement, la propriété commune se trouverait bientôt inégalement répartie. On est là en face d’une des difficultés de tout communisme, qui tend à se détruire lui-même, d’une des impossibilités de l’égalité absolue, qui, pour ne pas s’évanouir sans cesse, a continuellement besoin d’être rétablie à nouveau. De là des partages fréquents ; plus ils sont répétés, plus ils sont conformes au principe de la communauté et de l’égalité ; mais plus aussi ils entravent l’agriculture et font obstacle à la prospérité générale.

Pour les prairies domine encore le système des partages annuels ; on cite même, dans le gouvernement de Tambof, des communes qui partagent deux fois par an ; en quelques contrées, l’on fane en commun et l’on divise le foin[12]. Il y a dés districts où, comme les prairies, les champs cultivés sont encore soumis à une répartition annuelle ; on en trouve de trop nombreux exemples dans les gouvernements de Saratof, d’Orel, de Kalouga, de Nijni, de Vorônège, etc. ; dans celui de Perm, c’était, jusqu’en 1872, une coutume fort répandue. Un tel régime est trop manifestement incommode, trop opposé aux intérêts du cultivateur pour être général. Les partages se font très souvent tous les trois ans, ce qui correspond au mode de culture le plus fréquent, à l’assolement triennal. Parfois aussi cette période de trois ans est doublée, triplée, quadruplée, et la terre est partagée tous les six, neuf ou douze ans. Ailleurs, comme dans quelques communes du gouvernement de Moscou, on s’est arrêté à une période décennale ; ailleurs encore, comme chez les Grands-Russes du gouvernement de Voronège, les terres ne sont soumises à un nouveau partage que lors des revisions ou dénombrements des âmes assujetties à la capitation[13]. Ces revisions (revisii), qu’il ne faut pas du reste confondre avec nos recensements généraux, ont lieu à des intervalles irréguliers et jusqu’ici supérieurs à douze ou quinze ans. Depuis 1719, il n’y en a eu que dix et la dernière remonte à 1858. Dans les communes qui ne procèdent à une nouvelle distribution qu’aux époques de revision, il n’y a donc pas eu de répartition générale depuis l’abolition du servage ; il peut n’y en avoir pas d’ici à longtemps, n’y en avoir même plus jamais, si le gouvernement s’abstient de procéder à un nouveau dénombrement des paysans taillables, la capitation, l’impôt par âme, par tête de paysan mâle, ayant été supprimée sous l’empereur Alexandre III.

Le partage triennal avait sa raison d’être dans le mode de culture, le partage aux époques de revision, dans le système d’impôt. D’une revision à l’autre, en effet, le nombre des âmes, ou paysans mâles soumis à la capitation, demeurait invariable, quels que fussent les décès ou les naissances. On comprend que, pour la répartition des terres communales, l’on ait adopté les époques fixées pour la répartition de l’impôt. La commune était solidaire devant le fisc ; grâce à un nouveau partage, où chaque famille obtenait un lot proportionnel aux charges qu’elle supportait ou aux bras dont elle disposait, l’impôt, qui, d’après la loi, pesait sur les personnes, se trouvait indirectement ramené à un impôt sur les terres.

Les fatales conséquences des fréquentes répartitions du sol n’ont pas besoin d’être indiquées. Sur ce point, les avis sont presque unanimes. Le paysan, détenteur d’un lot de terre qu’il sait ne devoir pas conserver, ne s’y attache point et ne cherche qu’à en tirer un produit immédiat, sans s’inquiéter du lendemain. Il réserve ses soins et sa prévoyance pour le petit enclos (ousadba), attenant à son izba, qui n’est point sujet aux partages périodiques. Ainsi, disent les adversaires du mir, se montrent, chez le moujik même, les avantages de la propriété fixe et individuelle sur la tenure collective. Le cultivateur du champ communal redoute de s’imposer un travail ou des frais dont ne profiterait qu’autrui. Le manque de toute fumure, de tout engrais, dans beaucoup de villages de la Grande-Russie, est souvent attribué à cette absence d’intérêt du cultivateur dans l’amélioration de la terre. De là, inévitable appauvrissement du sol le plus riche et aggravation constante des mauvaises récoltes. À ce mal il y avait jadis un remède, au moins un palliatif : on abandonnait les terres épuisées pour des terres neuves, parfois vierges de la charrue ; aujourd’hui, l’accroissement de la population et l’extension de la culture rendent le recours à ce moyen de plus en plus difficile et de moins en moins efficace.

Est-ce là un mal irréparable, un fléau naturellement inhérent à la propriété collective ? Pour un esprit impartial, cela n’est point encore démontré. Certaines communes des gouvernements de Simbirsk et de Penza, entre autres, se sont mises à imposer aux paysans des fumures obligatoires, sous peine de garder le même lot à la nouvelle répartition. Cet exemple pourrait être imité, et l’autorité communale, étant toujours sur les lieux, serait mieux à même qu’un propriétaire éloigné, de veiller à l’observation de semblables conditions. Il est, du reste, un moyen plus simple et d’un usage plus facile encore : c’est de reculer les époques de partage. Or, d’après les enquêtes agricoles, c’est ce qui, depuis l’émancipation, se fait de plus en plus presque partout. Tantôt de leur propre mouvement, tantôt sous l’impulsion d’un fonctionnaire intelligent, les paysans allongent la période de jouissance. La répartition annuelle, pour les champs du moins, n’est déjà plus qu’une exception[14], la réparution triennale se fait plus rare. Des périodes de dix, quinze, vingt, parfois même trente ans deviennent de plus en plus fréquentes. En certains districts, les paysans, instruits par l’expérience, ne recourent à une nouvelle répartition qu’à la dernière extrémité.

La fréquence des partages est un mal que les apologistes les plus décidés du mir sont les premiers à reconnaître. Aussi ne saurait-on s’étonner que, dans un pays toujours fort enclin à réclamer l’immixion de l’État, plus d’une voix autorisée ait demandé à la loi et à l’administration de fixer par des règlements la durée de la jouissance des terres. Certains défenseurs des communautés, voyant leur institution favorite compromise aux yeux de l’opinion par l’abus de partages répétés, ont conjuré le gouvernement de venir au secours du mir en le protégeant contre lui-même, sans comprendre que, par cet appel à l’ingérence administrative, ils risquaient de porter un coup irréparable à un régime dont la principale force est dans les mœurs, dans la tradition, dans la spontanéité vivante.

Les défauts, justement reprochés aux partages annuels, sont loin d’être limités aux terres communales. La propriété individuelle n’y échappe pas. Beaucoup de domaines sont loués à court terme aux paysans des communes, qui les allotissent et les cultivent de la même manière que leurs propres champs. « Quelle différence y a-t-il, dit à ce propos l’un des avocats du mir[15], entre une propriété personnelle, mise chaque année en loyer (ce qui, pour un grand nombre de domaines seigneuriaux, est l’usage habituel), et une propriété collective, mise chaque année en partage ? Il est plus difficile d’amener les propriétaires à allonger leur baux que les paysans à reculer leurs partages. S’il faut une loi pour régler l’époque des derniers, pourquoi n’en faudrait-il pas pour régler la durée des premiers[16] ? »

Le ministère des domaines avait naguère, dit-on, fait mettre à l’étude la question de fixer un terme minimum pour la jouissance des terres arables, mais les mesures officielles sont déjà prévenues et seront peut-être rendues inutiles par les décisions spontanées des communes rurales. Le cours naturel des choses apporte ainsi un remède à l’un des principaux inconvénients de la tenure collective. En retardant les partages, le paysan retrouve le précieux aiguillon de l’intérêt individuel, et la terre, le profit des longues jouissances et de la sécurité du travail. Le bénéfice de cette réforme est déjà sensible. Dans les gouvernements de Toula et de Koursk, par exemple, la fumure et le rendement des terres ont augmenté avec l’allongement des périodes de jouissance. Aussi a-t-on remarqué que les communes les plus riches sont celles qui recourent le moins volontiers à un remaniement de leurs terres. L’abrogation des partages fréquents a un autre avantage : elle retarde et limite les partages de famille. Les jeunes gens ou les jeunes ménages peuvent être obligés de demeurer au foyer paternel ou d’aller vivre au dehors en ouvriers salariés, jusqu’à ce qu’une nouvelle répartition leur donne accès à un lot du champ communal.


Le mode d’allotissement n’a pas moins d’importance, et aujourd’hui pas moins d’inconvénients, que l’époque même des partages. Là aussi le dommage est d’autant plus grand qu’on reste plus fidèle à l’esprit communiste et aux pratiques strictement égalitaires. Le principe du mir veut que, chaque lot de terre supportant une part égale de l’impôt, chacun soit rigoureusement égal au lot voisin. La commune russe s’y conforme d’ordinaire servilement ; elle cherche à faire des lots égaux à la fois en superficie et en valeur, et le plus souvent on les tire ensuite au sort. L’on ne peut d’ordinaire arriver à cette double égalité en donnant à chacun un champ d’un seul tenant. Chaque paysan reçoit une parcelle d’autant de sortes de terrain qu’il y a de qualités de terre dans la commune. Les arpenteurs commencent donc par délimiter les terres des différentes catégories, et, dans chacune de ces divisions, on taille autant de parcelles qu’il y a de copartageants. Quand les terres seraient toutes de même qualité, ce qui, avec l’homogénéité du sol russe, est heureusement moins rare qu’en Occident, l’inégale distance du village leur donne encore pour le paysan une inégale valeur. L’une des conséquences de la communauté des terres est, en effet, l’agglomération des demeures. Des maisons isolées, des fermes dispersées supposent l’appropriation permanente du sol. Pour être à portée du lot qui lui peut échoir, chaque membre de la communauté doit être établi près de ses frères, au centre de la propriété commune.

Dans la Grande-Russie, les maisons des paysans sont ainsi réunies en gros villages, renfermant souvent plusieurs milliers d’habitants. Les maisons de bois sont alignées sur deux longues files, qui, pour donner moins de prise aux incendies, laissent entre elles une rue démesurément large et, autant que possible, disposée le long d’un cours d’eau. Les izbas, toutes voisines, sans jamais se toucher, s’appuient d’ordinaire à la rue, par une de leurs faces latérales, souvent ornée d’un balcon ou de dentelures de bois. Devant l’izba est une cour avec des écuries et des granges ; derrière est l’enclos (ousadba), non soumis aux partages périodiques. Ce mode d’habitation par villages, en harmonie avec le mode de propriété, a aussi d’autres causes dans le climat et la nature du sol russe. Au sud et à l’est, là où les terres sont le plus fertiles, c’est la rareté de l’eau et des sources ; partout, c’est la difficulté des communications aux époques de dégel, au printemps ou à l’automne, sans compter la crainte des vols ou des meurtres. Ces gros villages russes sont aujourd’hui un des principaux obstacles à l’établissement de la propriété individuelle, qui, avec ce système de maisons agglomérées, ne saurait avoir tous ses avantages. La culture est, en effet, dans une dépendance presque aussi étroite du mode d’habitation que du mode de tenure. Dans un pays, où la population est peu dense et où les distances sont grandes, la propriété individuelle ne peut avoir tous ses effets utiles que si le cultivateur, avec son matériel et ses bestiaux, réside au milieu de ses champs. Or, dans la Grande-Russie, les fermes, les habitations isolées, appelées du nom de khoutory, sont presque entièrement inconnues ; elles sont encore rares, même chez le paysan ayant acheté des terres en propre. Il ne s’en rencontre guère que dans la Petite-Russie, dont à cet égard les mœurs sont fort différentes, où les partages, alors même que la terre est commune, se font plutôt par maison ou par cour (dvor) que par âme ou par unité de travail (tiaglo).

Une bonne part des inconvénients, reprochés en Russie au régime des terres communes, tient en réalité au régime des agglomérations rurales. Or, pour substituer à ces gros villages, à ce que les Allemands appellent le Dorfsystem, des fermes isolées, il ne suffirait point d’abolir la tenure collective de la terre. La substitution d’un mode d’habitation à un autre est partout chose difficile, longue, dispendieuse ; elle le serait peut-être encore plus en Russie qu’ailleurs. On a parfois proposé de profiter des fréquents incendies de villages pour disperser les habitations. Il y aurait à cela un autre avantage : l’éloignement des maisons réduirait les pertes régulièrement infligées à la Russie par les centaines ou les milliers de villages qui chaque année sont la proie des flammes. Par malheur, les mœurs, la nature du sol et du climat, le caractère éminemment sociable du Russe, ne sont pas les seuls obstacles à de tels plans. L’acte d’émancipation en a mis un de plus : c’est l’attribution à chaque izba de l’enclos qui la touche, dont elle garde la jouissance permanente. Grâce à cet enclos qui échappe aux partages du mir, la plupart des familles, quand on distribuerait définitivement entre elles les terres aujourd’hui communes, resteraient fixées à leur demeure actuelle et rivées pour longtemps au village. Alors même, il faudrait probablement des siècles pour transformer le mode d’habitation, et, en attendant, la Russie demeurerait soumise à tous les désavantages qu’entraîne pour la culture l’éloignement du cultivateur. Ces inconvénients sont aujourd’hui d’autant plus sensibles que les villages sont plus grands et leur territoire plus vaste, ce qui augmente d’autant la perte de temps, le prix des transports et la difficulté de restituer en engrais à la terre ce qu’on lui enlève en produits. C’est là, du reste, un de ces défauts de la propriété collective auxquels, en Russie, la propriété individuelle est loin de toujours échapper. Les anciens domaines seigneuriaux, restés souvent démesurément vastes, sont d’ordinaire encore moins à la portée des bras qui les doivent mettre en valeur.

Dans le système de partage généralement en usage, le territoire de la commune est le plus souvent divisé en trois zones concentriques, ou trois champs, conformément aux pratiques de l’assolement triennal. Du centre, formé par le village, partent autant de rayons qu’il y a de copartageants, et les secteurs ainsi obtenus donnent les lots à répartir entre les habitants. Grâce à cette méthode, les parcelles à distribuer affectent fréquemment la forme d’un coin et en reçoivent parfois le nom (kline) ; ailleurs, ce sont de longues et étroites bandes de terre parallèles. Le tirage se fait communément de façon que chacun ait une part des trois champs ou des trois « chapeaux » de chaque catégorie sans qu’on ait soin de joindre ensemble les parcelles attribuées au même ménage. Chaque lot (nadêl) se compose ainsi le plus souvent de morceaux de terre, séparés les uns des autres et enclavés dans les lots d’autrui. La part d’une âme ou d’un tiaglo peut être faite de parcelles dispersées en six, sept, huit, neuf, dix endroits éloignés, et parfois plus. Pour se rendre compte de la petitesse, de l’exiguïté des parcelles ainsi obtenues, il suffit de se rappeler que l’étendue moyenne des terres, allouées aux anciens serfs lors de l’émancipation, est de 3 A 4 hectares par mâle, et que souvent, les paysans n’ayant racheté que le minimum légal, la part de chacun est notablement inférieure. Dans les communes bien peuplées et mal pourvues de terre, ce parcellement du domaine communal aboutit à un fractionnement sans fin, à un véritable émiettement du sol. L’enquête agricole cite des parcelles, dans le gouvernement de Koursk entre autres, qui n’ont que 5 mètres de largeur. Sous le régime de la propriété individuelle, il est rare que les partages de succession aboutissent à un plus grand morcellement. Le système d’allotissement, aujourd’hui en vigueur, ajoute ainsi les défauts de l’individualisme, qui morcelle la terre à l’excès, aux défauts du communisme, qui diminue l’attachement au sol et l’énergie au travail[17].

Les inconvénients du parcellement communal sont nombreux. C’est d’abord que les morceaux de terre épars, qui forment un lot, ne constituent point un ensemble se prêtant à une culture rationnelle. C’est ensuite que le paysan, obligé de faire valoir à la fois de minces lopins de terre, situés parfois à plusieurs lieues de distance, dépense une bonne part de son temps et de ses forces en voyages inutiles, à tel point qu’il n’est pas rare de voir des parcelles éloignées, entièrement abandonnées de leurs détenteurs. C’est encore que beaucoup de terrain est perdu en limites et beaucoup de grain en semence. C’est enfin que ces parcelles emmêlées manquent de libre issue et sont fréquemment si étroites qu’elles en deviennent difficiles à labourer ou à herser. Par là, les cultivateurs se tiennent mutuellement dans une dépendance, fatale à toute initiative individuelle. Les voisins, incapables d’agir seuls, sont contraints de s’entendre, et l’on arrive à la culture obligée, au flurzwang des Allemands. On est conduit à remettre à la commune le soin de décider du temps, si ce n’est toujours de la nature des travaux. L’égalité mathématique n’a ainsi triomphé dans l’allotissement qu’au détriment de la liberté dans la jouissance. L’excès du morcellement ramène indirectement à une sorte d’exploitation commune, ou du moins simultanée, que des moyens de culture perfectionnés pourraient rendre profitable, mais dont la routine, aujourd’hui régnante, fait une entrave de plus au progrès.

On ne saurait corriger de tels défauts, sans renoncer à la décevante chimère de lots absolument identiques et aux pratiques enfantines d’une égalité, toute grossière et matérielle, qui semble vouloir attribuer à chacun une motte de terre pareille. Au lieu de donner à chaque famille un morceau de chaque classe de terre, il faudrait composer des lots arrondis, de grandeur variable, selon la qualité du fonds ou l’éloignement du village. De tels lots, équivalents en valeur, pourraient comme aujourd’hui être tirés au sort. Une pareille réforme ne mettrait cependant pas toujours un terme à l’extrême morcellement du sol. Dans les communes les plus pauvres, les lots resteraient d’une exiguïté que, de génération en génération, viendrait encore aggraver l’accroissement de la population[18].

Pour remède à ce mal, l’un des plus sérieux qui menacent l’avenir du mir, on a encore offert la panacée habituelle, l’intervention de l’État ; on a proposé d’établir un minimum légal au-dessous duquel ne saurait descendre aucun lot de paysan. De pareilles mesures n’auraient pas seulement contre elles le principe théorique de la communauté, dont chaque membre du mir tient un droit égal à la terre, elles se heurteraient à de grandes difficultés pratiques et triompheraient avec peine de la diversité des conditions locales. Il ne faut pas, du reste, oublier qu’un excessif fractionnement du sol n’est point un défaut propre au régime collectif. Les partages de famille peuvent, sous le régime de la propriété individuelle, amener à des résultats analogues. Nous en voyons quelque chose en Occident, dans certaines régions de la France, par exemple. En Russie même, cet inconvénient ne se rencontre pas uniquement dans les provinces où se sont conservées les communautés de village ; il se retrouve en Lithuanie, où règne la propriété personnelle. Dès qu’on veut que le paysan soit propriétaire, on ne peut éviter le morcellement du sol, pas plus, avec la propriété individuelle et ses partages de succession, qu’avec la propriété collective et ses partages périodiques. À ce point de vue, le régime de la collectivité a même un incontestable avantage : c’est qu’en cas de besoin, il permettrait de recourir à l’exploitation en grand, ce qui, avec les progrès de l’instruction et de l’agriculture, pourrait être aussi favorable à la production du sol qu’aux intérêts des co-propriétaires.



  1. Haxthausen, Studien, t. III, p. 153-162, donne une description du régime de ces Cosaques, avant les récentes réformes et avant les envahissements de la propriété individuelle, constituée peu à peu au profit des officiers, grâce à l’introduction d’une hiérarchie militaire, étrangère par l’origine et par les mœurs aux traditions cosaques locales.
  2. Ce nom d’ataman, dont nous avons fait hetman et qu’on fait dériver de l’allemand Hauptmann, est encore aujourd’hui le titre des commandants des diverses armées (voïtka) cosaques.
  3. Voyez plus haut, même livre, chap. i, p. 484.
  4. Zapiski Roussk. Géograph. Obchichesiva (po otdèl. ethnogr.), t. VIII, 1878, p. 43.
  5. Sokolovski : Otcherk istoriia selskoï obchtchini na sévéré Rossii.
  6. Sokolovski : Otch. istor. selsk. obch. na sév. Ros.
  7. Plusieurs des sectes extrêmes du raskol (schisme religieux) ont des penchants socialistes fort prononcés ; il suffit de nommer les Obchtchye ou Communistes, qui prétendaient mettre tout en commun. Kelsief : Sbornik Pravitelsv, svédenii o Raskolnikakh. IV. (Voy. notre tome III, livre III, chap. ix.)
  8. Dans le royaume de Pologne, au contraire ; on a maintenu, souvent même on a étendu démesurément les droits d’usage du paysan sur les forêts, sans donner aucun dédommagement au propriétaire. On est ainsi tombé dans un excès inverse, et cela, semble-t’il, sans profit pour les forêts mêmes. Les servitudes, en partie imaginées dans un intérêt politique, pour maintenir l’antagonisme entre la noblesse et les paysans, pèsent lourdement sur la propriété. La plupart des propriétaires polonais font effort pour s’en affranchir en les rachetant ou en cédant aux paysans une portion du fonds. Cette combinaison, avantageuse aux deux parties, rencontre malheureusement souvent des obstacles dans le mauvais vouloir des fonctionnaires russes. Voyez sur cette délicate question : Un homme d’État russe, d’après sa correspondance inédite.
  9. Le nom de mir, sur le sens duquel nous reviendrons (t. II, livre I, ch. i), est le seul usité chez les paysans : les termes d' ohchtchina ou d' obchichestvo commune ou communauté, employés par les savants russes par analogie avec la gemeinde ou la communitas de l’Occident, sont étrangers à la langue populaire.
  10. Le mot tiaglo signifie une charge, une redevance ou contribution, et par suite les gens mêmes qui doivent cette redevance. Au temps du servage, on désignait, sous ce terme, l’unité de travail à fournir au seigneur par famille, par ménage, soit un homme et une femme avec un cheval. Aujourd’hui, on entend le plus souvent par tiaglo tout couple marié ; mais le sens de cette expression change singulièrement suivant les localités. Aussi les partages, faits sur ce type, prêtent-ils à beaucoup de variantes.
  11. En certaines régions cependant a commencé à s’introduire le partage par tête ou « par bouche » sans tenir compte du sexe ni de l’âge. Voyez par exemple Borisof : Statist. Économ. issledovanie 7 volostei Touskago ouesda.
  12. Les faits et les exemples mentionnés ici et plus loin sont d’ordinaire empruntés aux enquêtes agricoles ou aux statistiques des ministères et des États provinciaux (zemtsvos).
  13. D’après les Materialy, publiés par le ministère des domaines en 1880, ce serait la règle chez les paysans de la couronne du gouvernement de Kazan.
  14. Materialy, etc., I (1880).
  15. Kochelef, Ob obchtchinnom semléviadénii v Rossii (p. 12, 14), Berlin, 1875
  16. L’esprit russe est trop bon logicien, et le goût national trop porté vers l’intervention administrative, pour s’arrêter toujours devant une pareille objection. Parmi les défenseurs mêmes du mir, il s’en est rencontré, et non des moins éclairés, tels que le prince Vasiltchikof, pour réclamer de l’État, au nom de l’agriculture, des lois réglementant à la fois les époques de partage des terres communales et la durée des fermages des propriétés individuelles. (Vasiltchikof, Zemlévladénié i semlédélié, t. II, p. 679-688, 772-774.)
  17. Les difficultés et les défauts de l’allottissement communal sont parfois atténués par la division des terres entre des groupes et sous-groupes qui subdivisent ensuite leurs lots entre leurs membres. Les champs, et avec eux les impôts, sont par exemple répartis d’abord par centaines, puis par dizaines, ou encore par cinquièmes, par quarts, par tiers, sans que ces diverses dénominations, qui varient de contrée à contrée, répondent toujours à leur sens étymologique. Ces partages préliminaires, par fractions de villages, ont surtout lieu dans les grandes communautés où la répartition directe, par âme ou par ménage, serait trop compliquée.
  18. A Java, ou domine également la propriété collective, des causes semblables ont produit des effets analogues. Le rapide accroissement de la population a réduit le lot de chaque travailleur à des parcelles encore bien autrement petites qu’en Russie. Là aussi on a demandé de mettre une limite au fractionnement du sol, ou mieux, de substituer, au mode de tenure actuellement en usage, la propriété individuelle et héréditaire. Voyez M. de Laveleye, De la Propriété et de ses formes primitives.