Éditions de la « Mode nationale » (p. 16-25).

CHAPITRE II

Afin de mieux l’écouter, Jean-Louis Vernal s’assit d’un saut sur le soubassement de pierre, puis, collé contre la grille, au lieu de tendre l’oreille, tendit les lèvres. Il y eut un petit silence, après quoi Elvire reprit :

— En admettant que mon père, exagérément attaché à son idée, toute burlesque soit-elle, persiste dans l’intention de me marier à un aviateur, il me semble que notre pre­mier soin, à nous, les principaux intéressés, doit être de nous faire un partisan susceptible de lui tenir tête. Or qui pourrait tenir tête à Bergemont cadet sinon Bergemont aîné ?

— Parfait ! approuva le peintre. Vous voulez que votre oncle devienne notre allié !

— Mais oui et je suis bien sûre que je n’aurai pas grand’peine à le convaincre. Vous n’ignorez pas que ce célibataire endurci a des trésors d’affection dont je suis la bénéficiaire exclusive… Joignez à cela ses rivalités de goûts avec son frère et son penchant à dire noir quand l’autre dit blanc. Nous aurons en lui un partisan précieux !

— En effet… Mais j’y pense… Dans l’hypothèse où votre père m’accorderait sans difficulté votre main, votre oncle n’aurait-il pas le parti pris de le combattre ?

— Ah ! non, vous allez trop loin, protesta Elvire ; si mon oncle se fait un malin plaisir de contrarier mon père, il ne pousse pas l’esprit de contradiction jusqu’à causer mon malheur ! Donc, c’est, bien entendu : dès demain, je me confie à mon oncle, je vous donne ensuite le compte rendu de la conversation et, dans deux ou trois jours, vous faites une première tentative de demande…

— J’en tremble d’avance ! avoua Jean-Louis.

— Oh ! Papa n’est pas méchant !

— Serait-il le plus débonnaire, le plus magnanime des hommes, s’il me répond par un refus, je le tiendrai pour un affreux barbare. Elvire adorée, ne me demandez pas l’impossible, n’exigez pas que je sourie à mon bourreau !

Il parlait d’un ton pompeux, comme un acteur de tra­gédie classique. Elvire, tout en riant, lui donna une petite tape à travers les barreaux, mais il saisit les doigts au vol.

— Quand donc me sera-t-il permis, murmura-t-il, de glisser là un anneau… ou plutôt deux anneaux ! Celui de fiançailles, diamant et rubis, si je ne me trompe…

— Oui, le diamant au centre et, autour ; les rubis tail­lés en petits pavés plats…

— Vos ordres seront exécutés, mademoiselle ; fiez-vous à moi ! Ensuite, deuxième anneau, le vrai, le définitif : nous le choisirons tout en brillants, comme c’est la mode à présent !

Grondeuse, la jeune fille prononça :

— Monsieur, vous pourriez me dispenser de me faire l’article avant de savoir si vous obtiendrez le droit de me les offrir, ces bagues !

— À vrai dire, je ne suis pas extrêmement inquiet ! déclara le peintre.

— Voyez-vous cela !

— Parole d’honneur ! Oh ! certes, je m’attends à quelques difficultés, je n’ai pas la prétention d’emporter la place en un seul assaut, mais j’augure assez bien de l’entreprise, considérée d’une façon générale. Si je prévois des difficul­tés, je me sens de force à les vaincre. Même en supposant que votre père s’acharne à vous présenter toute une escadrille, je maintiens ma candidature, vaille que vaille ! J’ai beau exercer une profession sédentaire, je n’ai peur d’aucune comparaison sous le rapport de l’énergie et de la force. Je fais beaucoup de sport, j’ai une santé splendide, je…

— Mais avez-vous fini ? interrompit Elvire.

— Pourquoi ?

— Quelle utilité voyez-vous à me signaler ainsi vos mérites ? Votre force toute-puissante, Jean-Louis, votre gage de victoire, c’est l’amour que j’ai pour vous !

— Ma bien-aimée, je voulais simplement dire : aux yeux de votre père, je vaux bien un as de l’aviation, quoique n’ayant jamais accompli le moindre vol !

— Bon, bon, nous examinerons plus tard quels argu­ments il y aura lieu de lui opposer. Restons-en à notre convention pour le moment ; dès demain, je causerai avec mon oncle, c’est dit, et, comme il se fait tard, Jean-Louis, je me sauve !

— Déjà ! Oh ! encore cinq minutes !

— Savez-vous qu’il est onze heures passées !

— Encore cinq petites minutes !

— Je connais ça ! Je vais rester cinq petites minutes et il sera minuit et demi !

— Le temps passe vite quand on est nous deux !

— Mais bien lentement quand vous êtes loin de moi, Jean-Louis !

Il répondit :

— On devrait bien nous marier tout de suite… Si l’on tarde trop, nous aurons à peine le temps de nous aperce­voir de notre bonheur !

Pour toute réponse, Elvire se rapprocha de la grille… et la nuit n’entendit plus qu’un murmure indistinct. Il fallut que les douze coups de minuit retentissent à l’horloge de l’antichambre, toute proche, pour rappeler la jeune fille aux exigences de la réalité. Vite elle traversa le jardin, ouvrit sans bruit et, bientôt, se trouva dans sa chambre. Elle s’endormit à l’instant, mais son sommeil fut traversé de rêves insensés, dans lesquels Jean-Louis Vernal se promenait à travers les nuages tout en peignant avec sérénité le portrait de l’oncle Tristan.

Le lendemain, comme elle s’y était engagée auprès de son fiancé — car il était son fiancé, il faudrait bien en convenir officiellement un jour ou l’autre — elle prétexta le désir, après le déjeuner, de choisir un livre dans la bibliothèque de M. Bergemont aîné, bien sûre d’obtenir, par ce moyen, un tête-à-tête, car le vieux garçon ne pouvait supporter que ses bouquins fussent touchés par autrui. Il pria donc Elvire de l’accompagner et, lorsqu’ils furent dans la pièce réservée aux livres, il lui demanda quelle sorte d’ouvrage elle voulait.

— N’êtes-vous pas d’avis, mon oncle, dit-elle en sou­riant, que j’aurais intérêt à compulser l’histoire de l’aviation depuis ses origines jusqu’à nos jours, puisque, selon le vœu de papa, je dois devenir la femme d’un pilote ou, tout au moins, d’un observateur ?

Bergemont aîné secoua la tête.

— Ah ! ton pauvre père, fit-il, me rappelle ces deux hurluberlus de Bouvard et Pécuchet dont Flaubert a conté les vicissitudes. Tiens ! veux-tu lire ça ! Tu y retrouveras, trait pour trait, l’auteur de tes jours !

— Voyons, mon oncle, ce n’est pas sérieux, cette histoire d’aviateur ?

— C’est même bouffon, prononça Tristan Bergemont, mais ton père n’en veut pas démordre. La nuit ne lui a pas porté conseil, car ce matin même, il est revenu sur ce sujet avec beaucoup de complaisance. L’idée d’avoir un gendre aviateur le séduit de plus en plus !

— Et vous, mon oncle, qu’est-ce que vous en pensez ?

— Moi, mon enfant, je trouve ça du dernier grotesque !

— Alors, vous ne l’approuvez pas et vous seriez éven­tuellement disposé à empêcher un pareil projet aussi sau­grenu ?

— Oh ! par tous les moyens permis !

— Dans ce cas, mon oncle, dit Elvire, je n’hésite pas à vous proposer un pacte d’alliance et à vous confier mon plus cher secret !

M. Tristan Bergemont leva la tête et regarda sa nièce d’une manière plus goguenarde qu’interrogative.

— C’est le moment ou jamais, fit-il, de déclarer, en parodiant Racine, que je ne mérite peut-être :

Ni cet excès d’honneur ni cette indignité !

— Ah ! permettez, mon oncle, repartit Elvire, mon plus cher secret ne saurait renfermer une indignité quelconque !

— C’est juste, mon enfant ! pardonne-moi, j’ai été emporté par le plaisir de la citation. Ce cher secret, en quoi consiste-t-il ?

La jeune fille, plus embarrassée qu’elle ne s’y attendait, murmura :

— Mon oncle, il faut que vous sachiez tout d’abord que j’aime et que je suis aimée. Non pas dans les conditions que souhaite papa ; celui que je veux épouser n’est pas un homme de sport, un ingénieur, un savant, mais un artiste !

— Ah ! bah !

— Et vous devinez bien qu’il s’agit de…

— Naturellement ! de notre sympathique voisin Jean-Louis Vernal ! Tiens ! tiens ! une idylle s’est formée sans que ton pauvre aveugle de père s’en soit aperçu. Ce malheureux, à force d’imaginer des voyages dans la lune, ne voit même plus ce qui se passe sur la terre !

Elvire faillit répondre que l’aveuglement de Bergemont aîné valait celui de Bergemont cadet… Mais elle avait besoin de son oncle et tenait à le ménager. Au surplus, M. Tristan, tout heureux de prendre part à l’intrigue de sa nièce, oubliait que, deux minutes plus tôt, son ignorance à cet égard était absolue. De bonne foi, il se jugeait très perspicace.

— Une idylle ! répéta-t-il avec complaisance, une idylle dont mon absurde frère ne sait rien de rien ! Et l’on viendra encore nous rebattre les oreilles de la sagacité paternelle, de la prévoyance et de l’expérience, et patati et patata ! Quelle pitié ! Ah ! ce n’est pas moi qui montrerais une pareille naïveté !

— Enfin, mon oncle, quel est votre sentiment sur Jean-Louis ? interrogea Elvire.

— Oh ! je le trouve très gentil, très comme il faut ! Sa situation de fortune est convenable, paraît-il ?…

— Oui, sans être riche, il a son indépendance assurée. De plus, c’est un peintre de grand avenir !

— Je l’espère… Mais j’avoue que les garanties du présent me rassurent davantage ! Es-tu bien certaine de l’aimer, ma petite Elvire ?

— Mon oncle, si je ne l’épouse pas, je n’épouserai personne !

— À la bonne heure, voilà une réponse catégorique ! Note, mon enfant, que, si j’étais aussi égoïste que ton père, je m’emploierais à te décourager afin de te garder pour égayer mes vieux ans. Mais ne crains rien. Tu as bien fait de t’adresser à moi, de compter sur mon désintéresse­ment et mon aide, ils ne te feront pas défaut. Félix n’a qu’à se bien tenir !

Il allait et venait en se frottant les mains, tout joyeux à l’idée d’entrer en rivalité avec son frère. Elvire ne s’était pas trompée dans ses conjectures : si son père s’entêtait à s’opposer à son union avec Jean-Louis, l’oncle Tristan deviendrait un précieux auxiliaire. Elle demanda :

— Croyez-vous que papa soit réellement hostile à ce mariage ?

— Qui peut savoir ce que recèle le cerveau chimérique d’un être à jamais brouillé avec le bon sens ! s’exclama Bergemont aîné. Hier, ton père a cru découvrir que ton bonheur ici-bas était étroitement lié à la destinée d’un coureur de nuages. Tu le connais, tu sais qu’il abandonne difficilement ses caprices ! Tu te souviens que, l’année dernière, il engloutit un argent fou dans l’établissement d’une turbine adaptée au flux et au reflux de la mer pour fournir de l’énergie électrique. C’est un homme obstiné, qui est incapable de se consacrer à de grandes choses, mais dont l’opiniâtreté est extraordinaire quand il s’agit de commettre des erreurs !

— Je crois que vous exagérez un peu, observa Elvire, je ne puis me résoudre à penser, par exemple, que papa s’entête à vouloir que je me marie avec un conducteur de monoplan ou de biplan… Néanmoins, j’ai lieu de m’attendre à une certaine résistance de sa part lorsque Jean-Louis lui fera part de son intention. C’est à ce moment, mon oncle, que votre appui nous deviendra nécessaire.

— Je te suis tout acquis, ma petite… Quand le jeune homme risquera-t-il sa demande ?

— Dame, il vient passer la soirée avec nous demain… Je crois que l’occasion est propice !

— De toute manière, il est bon de savoir à quoi s’en tenir sur les dispositions de ton père… Va pour demain soir, nous nous unirons, s’il le faut, contre la résistance paternelle !

Ayant pris de la sorte toutes les précautions pour affronter l’épreuve redoutable, la jeune fille se sentit plus tranquille. Elle relata à Jean-Louis la conversation qu’elle avait eue avec son oncle et l’assura de ses bons offices. Puis, elle attendit, avec tout le sang-froid dont elle disposait, l’entrevue décisive.

— Le jeune peintre était là depuis une demi-heure ; toujours accueilli avec cordialité, il avait échangé divers propos avec Bergemont aîné et cadet, en prenant bien soin, surtout vis-à-vis de ce dernier, de ne jamais rien dire qui pût le contrarier le moins du monde. Tout au contraire, il s’étudiait à manifester une humeur affectueuse, un entrain mêlé d’attendrissement et c’est ainsi que, de fil en aiguille, il en arriva à parler en ces termes :

— Je ne saurais vous exprimer la satisfaction que j’éprouve à être reçu chez vous, à partager vos douces joies familiales. Songez que je ne connais personne sur la côte ; je suis venu aux environs de Dieppe avec le ferme désir de m’isoler pour travailler à mon grand tableau… Mais je comptais sans l’ennui qui vous guette en dépit du courage et de la volonté ! Car, enfin, on ne peut travailler douze heures par jour, il est indispensable de se distraire et de retremper son énergie ! Quand on est, comme moi, assez sauvage, il est bien malaisé de nouer des relations. Par bonheur, je vous ai rencontrés…

— Que diriez-vous, coupa M. Félix Bergemont, si vous étiez explorateur et perdu au centre du continent africain ou asiatique ? C’est plus dur qu’un séjour à Pourville, ça, mon ami !

Jean-Louis s’empressa de lui donner raison.

— Oh ! vous parlez d’or ! C’est dans ces heures-là que l’homme apprécie la société de ses semblables et connaît la valeur d’une bonne parole, d’un conseil, d’un encourage­ment… Voilà pourquoi je suis si content moi-même, monsieur Bergemont, d’entendre la voix de votre expé­rience dont je tire, croyez-le bien, le plus grand profit ! Aux accents de cette flatterie, Bergemont cadet s’épanouit, sans trop le laisser voir néanmoins… Mais Bergemont aîné réclama sa part de caresses.

— Remarquez, monsieur Vernal, fit-il, que si je n’étais pas là pour redresser les opinions de mon frère…

Le père d’Elvire sursauta :

— Plaît-il ? Ah ! bien ! comme redresseur d’opinions, je te retiens, mon cher, parlons-en !

— Précisément, dit le peintre avec son plus beau sourire, les différences que l’on constate dans votre façon de juger, à tous deux, permettent de se tenir à distance égale des extrêmes. Et vous savez que c’est la base de la sagesse… M. Tristan, qui est bon humaniste, se rappelle certainement le vieil axiome : In medio stat virtus.

L’oncle prit un air entendu, mais Bergemont cadet se mit à ricaner :

— Il ne sait pas un mot de latin. Moi non plus, d’ailleurs, mais moi, je l’avoue !

Devant la physionomie fâchée de son oncle, Elvire prit le parti de rire, pour dissiper le malaise. Et Jean-Louis continua :

— Toujours est-il que je suis, je le répète, extrêmement heureux d’être reçu chez vous.

Après un court silence, il ajouta :

— Dans une lettre à ma mère, j’ai longuement parlé de vous tous, de vous, messieurs, et de Melle Elvire et… et je n’ai pas dissimulé que si j’avais le bonheur… l’inexprimable bonheur d’être agréé par vous, je…

Tristan Bergemont se caressait la barbe, sentant la période difficile. Félix Bergemont avait brusquement levé les yeux et considérait Jean-Louis avec une espèce d’inquié­tude. Quant à Elvire, immobile et pâle, elle attendait son destin.

— Bref, continua l’artiste en se levant, j’ai l’honneur, messieurs Bergemont, de vous révéler que j’aime Melle Elvire et de vous demander sa main.

Un silence énorme se fit entre les quatre interlocuteurs. Bergemont aîné se gardait de lâcher le moindre mot, pré­férant ménager ses forces… Et Bergemont cadet, les mains étreignant ses genoux, le regard attaché sur le peintre, paraissait prêt à bondir. Finalement il prit la parole :

— Monsieur Vernal, je vous connais assez pour me sentir flatté de votre demande. Je dois dire que vous ne me déplairiez nullement, bien au contraire, si vous n’exerciez, par malheur, l’une des professions pour lesquelles j’ai le moins d’estime.

Jean-Louis voulut placer un mot, mais, du geste, il le pria de le laisser achever :

— Permettez ! Il s’agit de bien me comprendre ! Je n’ai pas à vous blâmer d’avoir embrassé telle carrière plutôt que telle autre, attendu que chacun se conduit comme il lui plaît. Mais vous concevez, je présume, qu’ayant passé ma vie à exalter l’action et à me détourner du rêve, à honorer les sciences et à négliger les beaux-arts, je m’infligerais à moi-même un démenti formel si j’accordais ce que j’ai de plus précieux à un rêveur doublé d’un artiste.

— Mon cher Jean-Louis, prononça alors l’oncle Tristan, vous saisissez bien, n’est-ce pas, que mon frère parle en son nom seul. Or, puisque vous nous avez adressé votre demande à tous deux, je réserve ma propre réponse !

Fâcheuse intervention, Elvire et Jean-Louis s’en ren­dirent compte tout de suite.

— Oh ! il est évident, fit Bergemont cadet s’adressant à son frère, que tu ne négligeras pas cette occasion de me bafouer en prenant parti contre moi !

— Mon cher, je te ferai remarquer que je n’ai encore rien dit, prononça Bergemont aîné ; mais, puisque tu le prends sur ce ton, je n’hésite pas à déclarer que ta réponse à M. Vernal est parfaitement incorrecte !

— Incorrecte !

— Mais non, protesta Jean-Louis, pas le moins du monde !

— Si, si, incorrecte et désobligeante, appuya l’oncle Tristan ; tu n’as pas à juger la profession de M. Vernal, profession qui dépasse tes faibles compétences, permets-moi de te le faire remarquer !

— Eh bien, non, justement, je ne te le permets pas ! s’écria Bergemont cadet, les yeux hors de la tête ; te figures tu, par hasard, avoir le monopole du bon goût ?

— Il n’est pas question de bon goût, mais de choix judi­cieux dans une circonstance sérieuse. Or, je me repré­sente sans déplaisir et sans difficulté notre Elvire mariée à un artiste peintre…

Jean-Louis, dans un élan de gratitude, fit un pas vers lui ; Elvire lui jeta un long regard ému.

— … Tandis, poursuivit Bergemont aîné, que je ne la vois pas du tout, mais pas du tout affublée d’un… d’un aviateur !

Et il mit dans ce mot un tel dédain que Félix Berge­mont en bondit de fureur.

— Ah ! c’est comme ça, rugit-il. Ah ! Monsieur essaye de me donner en spectacle, de me ridiculiser, de me cou­vrir d’avanies !… À vous entendre, n’est-ce pas, je suis un niais, un sot, un jocrisse…

— Oh ! monsieur ! exclama Jean-Louis.

— Papa, voyons, tu es fou ! fit Elvire.

Mais Bergemont cadet n’écoutait plus rien. Debout, congestionné, indifférent aux attitudes navrées de sa fille et de Jean-Louis, ne songeant qu’à foudroyer l’adversaire, il proclama :

— Celui qui voudra ma fille pour épouse viendra la chercher par la voie des airs ! Ou bien Elvire épousera un aviateur ou bien elle se mariera malgré moi ! C’est ma volonté formelle, irrévocable et absolue !