L’Association britannique Session de Bradford 1873/01

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L’ASSOCIATION BRITANNIQUE

Session de Bradford (1873).

La réunion de l’Association britannique a eu lieu cette année, à Bradford, ville du comté d’York, dont la population atteint environ cent cinquante mille habitants, chiffre qui n’a rien d’exceptionnel de l’autre côté du détroit. Cette industrieuse cité est renommée pour le nombre considérable de gens riches qu’elle possède. On la considère avec raison comme la métropole des manufactures d’étoffes de laine, industrie très-florissante, quoiqu’elle soit loin d’avoir reçu les mêmes développements que celle du coton, dans laquelle l’Angleterre est sans rivaux.

La population de Bradford n’a pas montré le désintéressement, ou au moins l’espèce de patriotisme municipal qu’on rencontre presque toujours dans les villes que choisit l’Association. Bien des visiteurs se sont plaints dans les journaux d’avoir été fort étrillés par les hôteliers, et même par les particuliers qui s’étaient dévoués à les loger. Malgré ce nuage financier, la session s’est en somme heureusement passée.

Elle n’a commencé qu’au milieu de septembre. Ce changement dans les habitudes traditionnelles de la société avait pour but de donner le temps d’achever l’hôtel de ville, dont l’inauguration, pompeusement annoncée, était une des attractions de Bradford, Cet édifice n’a pas coûté moins de 2 millions et demi, non compris l’achat du terrain, pour lequel la ville a dépensé un million. Tous les journaux d’Angleterre ont décrit soigneusement les splendeurs de ce palais municipal, et surtout l’horloge qui offre un détail exceptionnel. Le constructeur a imaginé un mécanisme très-compliqué, qui allume et éteint automatiquement le gaz nécessaire pour éclairer le cadran, à une heure variable suivant les saisons. Il est bien malheureux que cet habile homme n’ait pas tenu compte de l’état du ciel et des brumes qui, même dans le comté d’York, peuvent troubler ses combinaisons.

Les succès si enviables de l’Association britannique tiennent, en partie, à ce que les membres du bureau directeur ne négligent jamais de suivre le précepte d’Horace, relatif à l’alliance de l’utile et de l’agréable. Ils s’efforcent de ferre punctum dans le choix qu’ils font des villes. Ainsi, pour se mettre à la hauteur des besoins de la session de 1872, Brighton avait pris l’engagement d’ouvrir son aquarium.

L’hôtel de ville des Bradfordiens eût été un peu sec. Aussi a-t-on essayé de le relever par une procession moyen âge, dans laquelle les ouvriers se sont affublés de leurs costumes traditionnels. L’Illustration anglaise a donné de nombreux dessins, pour représenter cette étrange préface aux débats scientifiques dont nous avons à entretenir nos lecteurs. La cérémonie, qui était hors de saison, l’on peut dire : hors de siècle, a été accueillie par une pluie battante, que les exécutants ont reçue avec un courage et une résignation dignes d’une meilleure cause.

M. Joule, qui avait été nommé président, pour 1873, à la session de Brighton, ayant vu que son état de santé ne lui permettrait pas de remplir les devoirs de sa charge, a donné il y a deux mois sa démission. On lui a choisi pour remplaçant M. Williamson, chimiste industriel, dont le nom est honorablement connu de l’autre côté du détroit. Conformément aux usages traditionnels, le docteur Carpenter, président de la session de Brighton, a remis ses pouvoirs à M. Williamson dans la première séance générale, après avoir prononcé une petite allocution fort simple et du meilleur goût. M. Williamson, après avoir remercié son honorable prédécesseur en excellents termes, a prononcé un très-long discours, presque entièrement consacré à un exposé populaire de la théorie atomique. Il l’a terminé par quelques propositions destinées à donner à l’éducation publique une vive impulsion. L’honorable orateur, demande que par une série de concours gradués d’année en année, l’élite des élèves des écoles publiques puisse arriver jusqu’au plus haut enseignement universitaire. Cette manifestation de sentiments progressifs n’excite pas d’opposition, mais il n’y a guère lieu d’espérer que le parlement y donne suite dans sa prochaine session.

Malgré le tort réel produit par un changement dans l’époque ordinaire des sessions, le nombre des membres inscrits s’est encore élevé à plus de 1 900, et les recettes ont dépassé 50 000 francs. Ces chiffres n’ont point été de beaucoup inférieurs à ceux obtenus à Brighton, ville de plaisance si admirablement placée. Il est facile de prévoir qu’ils seront largement dépassés dans les grandes cités, Belfast, Bristol et Glascow, où l’Association se réunira successivement pendant les trois années 1874, 1875 et 1876. Belfast, moins riche que Bristol et Glascow, fera certainement de grands efforts pour attirer dans son sein une large affluence de savants français. Nous aimons à croire que nos concitoyens n’imiteront point l’indifférence des Allemands vis-à-vis de ces pauvres Bradfordiens, et que notre académie ne négligera rien pour affermir ces rapports affectueux avec l’Irlande, qui n’ont jamais été interrompus.

On a remarqué que l’archevêque d’York, un des deux métropolitains de l’Église anglicane, s’est fait inscrire à l’ouverture de la session au nombre des membres ordinaires. Il a même poussé la condescendance jusqu’à faire, dans la cathédrale de Bradford, un sermon spécial à l’usage des membres de l’Association. Bien entendu il n’y a que les anglicans qui s’y sont rendus et personne ne s’inquiétait de la foi de son voisin.

La suite prochainement.