La Revue populaire (p. 84).

VIII


— Madame, demanda Louise, entrouvrant avec précaution la porte de la chambre de Marie, Fanchette demande à voir Mademoiselle, dois-je la faire monter ?

— Non, dit Mme Guilleminot, Mademoiselle a besoin de repos et ne peut voir personne.

Marie était couchée. Au milieu de ses épais cheveux noirs, se détachait, sur la blancheur des toiles son visage émacié, ses paupières closes se soulevèrent et d’une voix faible, toute en notes incertaines et cassées :

— Je ne dors pas, Madame, et, s’il vous plaît, je voudrais voir Fanchette.

— Le médecin a défendu qu’on vous laissât parler.

— Je ne parlerai pas, je la regarderai seulement.

— Elle voudra parler et vous fatiguera.

Marie se releva un peu, l’ardeur de son désir, le chagrin de sa déception mirent comme une légère animation sur sa joue.

— Je veux voir Fanchette, répéta-t-elle plaintivement, Louise, dites-lui d’entrer.

Et comme, entre ces deux ordres contradictoires, Louise hésitait, Marie comprenant que l’autorité de Mme Guilleminot allait l’emporter dans l’esprit mercenaire de cette fille :

— Eh bien, dit-elle sur le ton très faible d’une enfant malade et mutine, si vous ne laissez pas venir Fanchette, je ne veux plus obéir au médecin, je ne prendrai plus un seul remède.

Mme Guilleminot comprit qu’il était plus sage de capituler.

Quelques minutes plus tard, Fanchette entrait et, comme elle courait vers le lit :

— Arrêtez, dit la sévère gardienne de Marie, Mademoiselle a voulu vous voir, mais elle vient d’avoir trois jours de fièvre, elle est très affaiblie, si vous essayez de la faire parler, si vous prononcez vous-même une parole, je vous fais sortir à l’instant.

Fanchette s’assit sur une chaise basse, non loin du lit, et contempla Marie en silence. Marie lui sourit d’un petit sourire si tendre, mais si découragé, si détaché de tout, avec ses lèvres blanches aux coins déprimés, que Marie étouffa ses larmes qui montaient :

— Qu’a-t-elle, Madame ?

— Je vous l’ai dit, elle a un peu de fièvre. Taisez-vous.

Ainsi se poursuivit la visite silencieuse de Fanchette. Pas un mot ; le pétillement du bois qui brûlait dans la cheminée, la plainte du vent d’hiver et le bruit de la pluie, une pluie triste, qui durait depuis deux jours ; une pluie persistante, et l’écoulement monotone des eaux le long des tuyaux de descente.

Entre les deux jeunes filles, l’échange de muets regards, Fanchette mettant dans les siens toute la tendresse, tout le réconfort que peut faire monter aux yeux l’ardeur passionnée d’une âme.

— C’est assez maintenant, dit Mme Guilleminot.

Fanchette s’approcha sans parler, elle baisa le front de Marie où ses lèvres fermes et fraîches furent comme une caresse de fleur, et sortit de la chambre.

La porte refermée elle éclata en sanglots.