L’Anti-Justine ou les délices de l’Amour (1864)/39

Vital Puissant ? (p. 82-84).

CHAPITRE XXXIX.

Du fauteuil.

Le dimanche arrivé, il y eut un joli dîner qui fut servi dans mon magasin ; j’y avais fait mettre, outre le lit et le vieux sopha, un troisième foutoir commode, que j’avais trouvé par hasard chez un serrurier de la rue de la Parcheminerie, qui l’avait acheté pour le fer et l’acier seulement à l’inventaire de certain duc ; j’en fis l’histoire à ma société.

« Ce fauteuil ou foutoir se monte. Le serrurier le monta un soir pour voir le mécanisme ; il allait s’y asseoir le premier ; la jeune femme très potelée de son vieux voisin Aupetit, le perruquier, arriva. La jolie voisine essoufflée se jeta sur le diable de fauteuil ; aussitôt elle fut saisie par les bras, un ressort la troussa et un autre lui écarta les cuisses, un autre lui fit faire beau con, un quatrième la fit osciller. « Eh ! qu’est-ce donc que ce machin-là ? s’écria-t-elle. — Ma bonne, si je le savais ! répond le serrurier ; j’ai monté la machine pour la connaître, mais je vois que c’est celle avec laquelle le duc de Fronsac essayait les filles récalcitrantes, que des parents maladroits lui avaient vendues. Si vous voulez, ma voisine, je vais vous essayer… — Allons donc ! est-ce qu’on viole jamais une femme malgré elle !… je mordrai… » L’homme de forge se déculotte et se met sur elle. La traquenardée veut le mordre : un ressort assez doux lui fait ouvrir la bouche, et en l’angoissant un peu, la force à darder sa langue. Le suppôt de Vulcain profite de tout cela et enfile la perruquière, qui ne put l’empêcher, ni même crier. L’opération faite, la machine se trouva au bout de ses rouleaux, et madame Aupetit ne fut plus contenue. C’est alors qu’elle se mit à pleurasser, à criasser, comme si elle avait été au désespoir. « Grande bête, lui dit le cyclope, je vous ai trop bien opérée pour que vous ne deveniez pas grosse ; vous aurez un petit enfant que votre vieux jean-foutre ne vous aurait jamais fait. Mais il faut un peu de ruse ; dès aujourd’hui, dites-lui que vous achevez une neuvaine à saint Julien, qu’il vous travaille cette nuit et que le saint bénira vos travaux… Remuez du cul quand il vous le mettra, dites-lui des foutaises, et s’il décharge, pâmez-vous en disant qu’il vous inonde. » Madame Aupetit, s’en alla munie de ces instructions, qu’elle mit en pratique ; le fauteuil me fut prêté le lendemain.

» Le cyclope m’ayant vu passer, m’appela, me montra la machine, me la vanta et me mit au fait de son usage ; elle me fut donnée à l’essai, et je la destinai aux bégueules, s’il nous en venait à nos orgies. Je me mis à monter la machine pour quand il serait à propos, afin de ne pas en éventer le secret. »

Nous nous y assîmes trois en dînant : madame Poilsoyeux, une jolie chapelière de la rue Bordet ou Bordel, amenée par Trait-d’Amour et nommée Tendrelys ; j’étais au milieu. In petto, je réservais le fauteuil monté à la jolie Tendrelys, encore pucelle, quoique Trait-d’Amour l’encule et lui ait quelquefois déchargé entre les cuisses, ou, si la chapelière était docile, à Rose-Mauve ou à sa sœur Rosalie la blonde, ou enfin à notre hôtesse, madame Brideconin, que je voulais mettre dans nos fêtes, ainsi que son mari, voulant le faire cocu en sa présence. Nous dînâmes bien, mais sans trop manger ni trop boire. Nous avions d’ailleurs de la volaille et toutes choses de facile digestion ; on ne tardera pas à voir comment j’exécutai tous mes projets.