L’Amour qui ne meurt pas/En Exil

Éditions de la Revue des poètes (p. 26-28).

EN EXIL

Beaux vergers de Sorrente et d’Amalfi, corbeilles
D’oranges et de fleurs que hantaient les abeilles ;
La mer apparaissait luisante entre les murs ;
L’odeur des daturas, des fougères, des chaumes,
Se mêlait dans la sente aux savoureux arômes
Du miel et des fruits mûrs.

Grappes de pourpre d’or aux treilles suspendues ;
Nuits scintillantes où vibraient tout éperdues
Les chansons, où l’air bleu n’était plus que parfums,
Que volupté subtile, où venait du Vésuve
Comme un philtre de mort et d’ivresse, l’effluve
Des grands siècles défunts.

Paradis que je vois en fermant les paupières !…
Dans l’herbe aromatique et sèche, entre les pierres
De la voie Appienne, à présent me voici :
Au jour ardent succède une fraîche soirée,
Et Rome du brouillard surgit toute dorée
Dans le ciel éclairci.

J’erre dans les villas ombreuses des collines,
Parmi les hauts cyprès, les fontaines divines
Du Tibur, les miroirs d’Albano, de Némi ;
Le vent d’automne abat glands, olives, carouges ;
Le vin nouveau fermente et les vignes sont rouges
Près du lac endormi.

Pourquoi ne dois-je plus vous contempler qu’en rêve,
Illustres et charmants asiles, douce grève
Où mon bonheur perdu peut-être est demeuré ?
Si je fuyais enfin brume, fanges et neige
Pour retourner là-bas, peut-être y trouverais-je
Ce que j’ai tant pleuré.

Dans une église antique où la Madone prie,
Sous les arceaux en fleurs de quelque hôtellerie,
Au balcon d’un palais qui domine la mer,
Qui sait si, du regard interrogeant la voie,
Ils ne m’attendent pas, ceux qui furent ma joie
Et mon bien le plus cher !


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À quoi bon t’abuser, pauvre âme vagabonde ?
Tu ne les reverras nulle part en ce monde ;
Leur patrie est ailleurs et plus beau leur séjour ;
Pour les rejoindre, il faut qu’au delà de la tombe,
Dépassant dans son vol sublime aigle et colombe,
T’emporte ton amour.