L’Amour qui ne meurt pas/Berçeuse

Éditions de la Revue des poètes (p. 65-66).

BERCEUSE

Dormez, grands yeux… ce vaste monde
N’est plus si beau depuis que vous êtes fermés,
Et je poursuis en vain ma course vagabonde
Sans vous trouver : dormez, dormez !

C’est toujours l’hiver et la pluie
Ou le froid maintenant sans vous, mes bien-aimés,
Le cœur dont vous étiez la lumière s’ennuie ;
La nuit tombe, dormez, dormez !

Rude est le joug qu’il faut reprendre,
Longs semblent les chemins de pierre parsemés
Que devant nos pieds las nous regardons s’étendre…
Dans le repos divin, dormez !


Il est doux chaque soir de clore
La paupière en rêvant aux Édens embaumés
Où vous resplendissez, dur de revoir l’aurore
Si pâle au ciel lointain… dormez !

Si les yeux dorment, le cœur veille :
Le feu dont vous étiez constamment animés,
L’amour qui ne meurt pas, la clarté sans pareille
Brûlent… Est-ce que vous dormez ?

Dieu vous donne la paix suprême,
Ô vous que les reflets d’ici bas ont charmés,
Mais aussi la lumière éternelle, ô vous que j’aime,
Beaux yeux qui n’êtes plus fermés !