CHAPITRE VII

Formes de l’amour chez la race Nègre. — Sensibilité générale de cette race. — Dédain de la Négresse pour le Blanc. — Forme habituelle du coït. — Durée prolongée du coït chez la race Nègre. — La circoncision est une puissante cause de retard dans l’éjaculation. — Peu d’importance des signes de la virginité chez la Négresse. — Défloration des Négrillonnes par les Toubabs. — Subterfuges amoureux en Europe.



Formes de l’amour chez la race Nègre. — Je dois d’abord détruire un préjugé assez commun, d’après lequel la Négresse serait une femme chaude et passionnée pour les plaisirs de l’amour. Il n’en est rien, sauf au point de vue de l’amour normal. J’avais déjà remarqué à la Guyane que la Négresse pure n’avait guère pour le Blanc qu’un amour de tête, et que la femme réellement passionnée était la Mulâtresse et surtout la Quarteronne. Mes observations au Sénégal concordent fort exactement avec celles de la Guyane, et je vais en donner les raisons physiologiques.

Le système nerveux du Noir est beaucoup moins développé que celui du Blanc. Il supporte des blessures et des mutilations extraordinaires, qui tueraient un Blanc, et c’est une loi aussi vieille que le monde. En se civilisant, les peuples deviennent de plus en plus affinés, et aussi beaucoup plus nerveux. Est-ce un avantage ou un inconvénient ? La question est discutable. Le Nègre à qui on vient de couper une cuisse n’a pas la fièvre tique qui emporte tant de Parisiens, après une pareille opération. Sans le chloroforme, il y a certaines petites femmes, véritables paquets de nerfs, qu’il serait impossible d’accoucher. La Négresse, au contraire, après l’accouchement, ne souffre que fort peu et reprend son labeur habituel, tandis que la femme civilisée est obligée de rester couchée des semaines entières. On conçoit qu’avec un appareil génital aussi vaste et aussi peu sensible nerveusement, la Négresse soit loin d’être une femme passionnée. Elle est à peu près insensible à des caresses qui feraient pâmer une Blanche. J’ai connu un jeune officier très intelligent, qui avait le goût Lesbien. Son tempérament un peu froid avait besoin, pour s’exciter, de caresser avec la langue les parties génitales extérieures de la femme : à ce prix seulement il obtenait l’érection. Il gagna un jour, à ce petit jeu, un chancre sublingual, pour lequel il me demanda mes soins. Interrogé avec discrétion, il m’avoua ses habitudes et me déclara franchement que les Négresses étaient très froides et qu’elles étaient très longues à ressentir l’effet des manœuvres Lesbiennes.

Dédain de la Négresse pour le Blanc. — Il résulte de cette organisation caractéristique de la femme Noire : ampleur de la vulve et du vagin coïncidant avec un système nerveux peu sensible, que la Négresse ne peut pas aimer le Blanc, lequel est généralement impuissant à lui procurer la sensation voluptueuse. Elle trouve au Toubab deux irrémédiables défauts pour elle : d’abord l’exiguïté de son pénis, car, à part de rares exceptions, l’Européen est un homme-lièvre par rapport au Nègre ; ensuite la rapidité avec laquelle il accomplit le coït. L’éjaculation du Blanc a lieu avant que la Négresse ait éprouvé la moindre sensation. On ne connaît pas, au Sénégal, l’usage de l’opium, qui retarde l’éjaculation ; aussi la Négresse compare-t-elle le Toubab à un coq, tandis qu’elle assimile le Nègre au chien. Cette comparaison, que j’ai recueillie de la bouche même d’une vieille entremetteuse Noire, ne manque pas de vérité.

Forme habituelle du coït. — Il est de fait que pour une femme constituée comme la Négresse, le coït du Nègre est préférable à celui du Blanc. Elle trouve dans son mâle de quoi la satisfaire : grosseur du pénis proportionnée à l’ampleur de son vagin, et durée suffisante du coït. Aucun préliminaire d’amour des deux côtés, aucune de ces mignardises dont parle Ambroise Paré. L’acte s’accomplit dans le vase naturel et à la mode classique de l’accouplement humain : la femme renversée sur le dos et l’homme entre ses cuisses.

J’ai vu cependant mettre une fois en usage, par un Malinké de Kita, une position particulière, usitée, à ce qu’il paraît, dans son pays. Ce Malinké, fétichiste, était un grand diable, qui buvait de l’absinthe presque pure et qui venait souvent chez mon cuisinier, une de ses connaissances, habitant avec sa femme une case près de ma maison. Ce fut par le plus grand des hasards, qu’allant dans cette case, je surpris le Malinké en conversation criminelle avec la femme. Il faut dire que cette femme était une captive Malinkée de race, devenue par la fortune de la guerre, la femme de mon cuisinier, Nègre des Antilles, ancien matelot d’un transport de l’État, et qui avait fait ensuite trois ans de service dans les Tirailleurs. Il fut fort heureux pour la coupable que ce ne fût pas le mari qui les surprît, car le couteau de cuisine aurait pu jouer un vilain rôle. Ils étaient tellement occupés, qu’ils ne m’entendirent pas entrer dans la case et me permirent, à leur insu et sans préméditation aucune de ma part, de me rendre un compte fort net de la position prise. La voici dans toute la simplicité : la femme était accroupie sur ses jarrets, la tête basse appuyée contre le mur de la case, les mains posées sur les genoux. L’homme, placé en arrière entre ses cuisses, le corps penché en avant et tenant la femme par les hanches, accomplissait l’acte dans le vase naturel, quoique dans une position a retro. D’après les aveux des coupables (si coupables il y a), cette position se prend au dehors, quand on a un tronc d’arbre pour s’appuyer et point de natte pour se coucher dessus. Qu’il prenne cette position incommode ou toute autre, il faut au Noir un temps bien plus considérable pour éjaculer qu’au Blanc. J’estime en moyenne au triple, si ce n’est plus, le temps que met le Nègre pour terminer le coït, et je n’exagère pas. Les causes en sont naturelles. C’est d’abord une sensibilité générale de l’appareil génital moindre chez le Noir que chez le Blanc, par la même raison que les parties de la génération de la Négresse sont douées d’une sensibilité moins raffinée que chez les Blanches. Il serait anormal et contraire aux lois de la physiologie que le Noir accomplît l’acte vénérien avec autant de rapidité que l’Européen, puisque la femme de sa race éprouve des sensations plus lentes. La Nature est une bonne mère et fait bien ce qu’elle fait.

Dans le Jardin parfumé du cheikh Nefzaoui, l’histoire de Zohra nous donne une preuve que le sagace écrivain Arabe avait fait la même remarque que moi, sur la lenteur de l’éjaculation chez le Noir[1] Cependant l’Arabe circoncis est déjà plus lent que l’Européen ; a fortiori le Noir circoncis, cette cause venant s’ajouter à celle d’un système nerveux moins facile à ébranler.


La circoncision est une puissante cause de retard dans l’éjaculation. — Cela se comprend facilement. Toutes les verges circoncises que j’ai pu examiner comme médecin des Tirailleurs, et c’est par centaines que j’en ai eu l’occasion dans les visites médicales réglementaires, présentent un caractère commun que j’ai déjà signalé. La sécrétion des glandes sébacées situées autour de la couronne du gland est tarie ; ces glandes sont atrophiées et à peine visibles à la loupe. Chez le Nègre de la Guyane incirconcis, j’avais déjà trouvé un moindre développement de ces glandes et une sécrétion plus faible, coïncidant, chez la Négresse, avec une sécheresse assez accentuée de la muqueuse vaginale. J’avais remarqué combien peu de ces femmes étaient atteintes de flueurs blanches. Cette règle s’applique également aux Sénégalaises.

Pour en revenir au Noir du Sénégal, la muqueuse du gland, toujours à l’air libre, comme celle de l’Arabe, se dessèche, durcit et prend une consistance qui se rapproche de celle de la peau ordinaire. On conçoit que pour obtenir l’éjaculation, il faille au Noir un frottement longtemps prolongé dans un vase large et lubréfié. Aussi le Noir a t-il le pouvoir de faire durer le coït longtemps avant l’éjaculation, de la retarder même à son gré, en ralentissant la cadence amoureuse ; il peut accomplir ainsi des exploits qui rendraient fourbu un Européen.

Dans l’histoire de Zohra, le Nègre Mimoun reçoit comme épreuve d’avoir à besogner la suivante Mouna (celle qui satisfait les désirs), que personne ne pouvait rassasier du coït. Le lecteur verra dans le texte de l’auteur Arabe, la manière dont Mimoun s’acquitta de sa dure besogne et réussit à vaincre Mouna. En faisant la part de l’exagération Orientale, il est certain qu’un Nègre bien nourri et circoncis peut besogner une femme pendant presque toute une nuit en n’éjaculant que cinq ou six fois. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’Européens capables de ce tour de force amoureux.

Peu d’importance des signes de la virginité chez les Nègres. — Les Nègres du Sénégal n’attachent pas, comme les Arabes, une importance considérable à la présence des signes réels de la virginité chez les jeunes filles. J’ai dit plus haut que le mari achète sa femme et que le mariage est une fête, et non une cérémonie religieuse. Il est bien rare que la non existence des preuves matérielles de la virginité donne lieu à une réclamation de la part du mari. Les cas où la jeune femme est renvoyée à ses parents sont peu communs, car la moitié de la dot est retenue par le père de la jeune fille, à titre de dommages-intérêts. D’ailleurs la grosseur du membre viril du Nègre lui rend difficile la certitude d’une tricherie. La fiancée Noire, le soir de ses noces, est experte dans l’art de simuler les luttes d’une virginité expirante, et il est de haut goût, chez elles, de se laisser presque violenter. Ce sont les moins innocentes qui sont souvent les plus habiles à ce jeu-là. Aussi, dans presque tout le Sénégal, l’Européen amateur de virginité trouve-t-il facilement à se satisfaire, pour peu qu’il veuille y mettre le prix. À Saint-Louis, certaines matrones mal famées leur procurent des petites filles qui portent le nom significatif de pas percées. Il y en a depuis l’âge de huit ou neuf ans jusqu’à la nubilité. Il est même plus facile de se procurer une jeune fille avant sa nubilité qu’après, à cause de la certitude de ne pas avoir de fruit. Le prix est à la portée de toutes les bourses, selon qualité, et on peut avoir une négrillonne garantie pas percée (de la catégorie des domestiques esclaves) pour la modique somme de dix à vingt francs. Bien entendu, la vénérable matrone empoche pour ses honoraires la moitié de la somme.

Défloraison des Négrillonnes par le Toubab. — Les pas percés le sont bien une fois qu’elles ont eu affaire à un Toubab ; mais par suite de l’ampleur de leur partie génitale, la défloraison, chez elles, n’offre pas le même caractère de gravité que pour de petites Françaises non encore nubiles. Je n’ai jamais constaté chez une petite Négresse, déflorée par un Blanc, les cas d’inflammation vulvaire que l’on signale chez nous comme les conséquences d’un coït prématuré, avant que les parties n’aient pris un développement suffisant. J’ai trouvé quelquefois seulement un peu d’irritation, mais jamais d’érosions ni d’ulcérations. Cela tient non seulement à la moindre étroitesse, mais aussi à une sensibilité nerveuse bien moins grande chez la Négrillonne. Par exemple, quand celle-ci continue à pratiquer le coït avec le Toubab, la vulve finit par présenter la déformation caractéristique. Si le lecteur veut bien se souvenir que l’Européen, au-dessous de la dimension ordinaire comme pénis, se trouve dans le cas d’un petit garçon par rapport à la Négresse de dix à douze ans, il n’est pas difficile de croire que la Négresse déflorée par lui puisse recevoir, en son entier, la verge du Blanc, dont les dimensions sont bien au-dessous de celles du Noir adulte.

Si le coït se répète souvent, le vagin s’élargit et se laisse distendre, ce qui facilite de plus en plus l’immission. Par contre, quand la fille aura affaire plus tard à son mari Nègre, une lotion astringente (la myrrhe et l’alun sont très employés dans ce but) rendra à cette nouvelle fiancée du Roi de Garbe une pseudo-virginité. Le mari trompé, n’ayant pas les connaissances anatomiques nécessaires pour s’assurer de l’existence réelle des signes de la virginité, éprouvera une gêne sensible dans le coït, et sera loin de soupçonner la fraude. D’ailleurs, les choses ne se passent-elles pas de même en Europe ? Combien de filles déflorées se marient sans que l’époux se doute de rien, quoiqu’il n’ait pas les mêmes raisons physiques que le Noir pour conserver un bandeau sur les yeux ! Serait-ce à cet état particulier de cécité amoureuse que les Grecs et les Romains faisaient allusion, quand ils représentaient l’amour avec un bandeau sur les yeux ? On serait tenté de le croire.

Subterfuges amoureux en Europe. — Mantegazza leur consacre quelques lignes bien curieuses : « En Europe, les jeunes filles même peu vertueuses, et qui ont étudié les formes variées de la flirtation, se marient le plus souvent vierges. Dans le cas contraire, il ne manque pas de moyens pour simuler une fausse virginité, qui est vendue plus d’une fois par des entremetteuses expertes et intelligentes. Ainsi, peu avant d’aller au lit nuptial, la jeune fille se fait couler dans le vagin quelques gouttes de sang des plumes de pigeon : elle choisit encore pour ses noces le dernier jour de la menstruation. Une éponge, habilement placée, laisse reparaître le sang au moment de la catastrophe, lorsqu’un aïe ! opportun annonce au mari crédule que le temple est violé pour la première fois et que le voile du sanctus sanctorum a réellement été déchiré par lui. Ajoutez à cela des injections si astringentes qu’elles peuvent donner au moment voulu, à la prostituée la plus déchirée par mille clients, une étroitesse de diamètre supérieure à celle d’une véritable vierge. »




APPENDICE


Histoire de Zohra

Le Jardin parfumé du cheikh Nefzaoui contient, sur ce sujet, une historiette que l’on trouvera ici avec plaisir.

Un roi avait sept filles, remarquables par leur beauté et leurs perfections. Elles furent demandées en mariage par les rois de l’époque, mais elles refusèrent constamment de se marier. Elles paraissaient dédaigner les hommes et faire leur société de jeunes filles ou femmes de leur âge. Zohra, qui était la plus jeune, était aussi celle de toutes qui avait l’esprit le plus développé et le jugement le plus sûr.

Elle aimait passionnément la chasse, et, un jour qu’elle courait la campagne, elle rencontra sur la route, accompagné d’une vingtaine de serviteurs, un cavalier, Abou el Heïdja, qui, à sa vue, fut saisi d’un violent amour. Il n’eut de cesse qu’il n’eût satisfait sa passion.

De tous les amis d’Abou el Heïdja, Abou el Heïloukh était celui qu’il affectionnait le plus. Ce jeune homme, Abou el Heïdja et le nègre Mimoun, passaient tous trois pour les hommes les plus forts et les plus intrépides de leur temps. Il résolurent, en s’adjoignant le serviteur d’Abou el Heïloukh, de pénétrer de force dans le palais de Zohra. Ils y réussirent, après avoir traversé un long souterrain. Le palais leur parut être une merveille. L’ameublement était magnifique. Ce n’était partout que lits et coussins, riches candélabres, tapis somptueux et tables couvertes de mets, de fruits et de boissons.


« Ils attendirent dans une chambre jusqu’à la tombée de la nuit. À ce moment, une porte dérobée s’ouvrit pour donner passage à une négresse qui portait un flambeau et qui alluma tous les lustres et les candélabres, arrangea les lits, disposa les couverts, garnit les tables de toutes espèces de mets, aligna les coupes, avança les bouteilles et enfin parfuma l’air des odeurs les plus suaves.

 » Peu après parurent les vierges. Leur démarche respirait à la fois l’indifférence et la langueur. Elles s’assirent sur les divans, et la négresse leur présenta la nourriture et la boisson ; elles mangèrent, burent et chantèrent d’une voix mélodieuse.

» Lorsqu’ils les virent étourdies par le vin, les quatre hommes sortirent de leur cachette, ayant le sabre à la main et le brandissant sur la tête des vierges.

— « Quels sont, » s’écria Zohra, « ces gens qui envahissent notre demeure à la faveur de l’obscurité de la nuit ?… Que voulez-vous ? — Le coït ! » répondirent-ils. « — Avec laquelle ? » reprit Zohra. — « Avec toi, ô prunelle de mes yeux ! « dit alors Abou el Heïdja en s’avançant. — « Qui es-tu donc ? — Je suis Abou el Heïdja. — Mais d’où me connais-tu ? — C’est moi qui t’ai rencontrée à la chasse en tel endroit. »

» Sur cette réponse, Zohra garda le silence et se mit à réfléchir au moyen qu’elle pourrait bien employer pour se débarrasser de ces importuns.

» Or, parmi les vierges qui se trouvaient là, il y en avait plusieurs qui étaient barrées et que personne n’avait pu parvenir à déflorer ; il y avait aussi une femme nommée Mouna, que personne ne pouvait rassasier du coït. Zohra pensa alors en elle-même : « Un stratagème peut seul me délivrer de ces gens. Au moyen de ces femmes, je vais leur imposer des conditions qu’il leur sera impossible de réaliser, et je les éconduirai ainsi. » Puis, s’adressant à Abou el Heïdja, elle lui dit : « Tu ne me posséderas que si vous remplissez les conditions qu’il me plaira de vous imposer. » Les quatre cavaliers s’empressèrent de les accepter d’avance. Alors, mettant sa main dans celle d’Abou el Heïdja, elle lui dit : « En ce qui te concerne, je t’impose la tâche de déflorer quatre-vingts vierges sans éjaculer. Telle est ma volonté ! » Il répondit : — « J’accepte. »

» Elle le fit alors entrer dans une chambre où se trouvaient plusieurs espèces de lits, et lui envoya successivement les quatre-vingts vierges. Abou el Heïdja les déflora toutes, dans une seule nuit, sans que son membre laissât échapper la moindre goutte de sperme. Une vigueur aussi extraordinaire remplit d’étonnement Zohra, ainsi que tous ceux qui étaient présents.

 » La princesse, se tournant alors vers le nègre Mimoun, demanda : — « Et celui-là, quel est son nom ? » Ils répondirent : — « Mimoun ! — Pour ce qui est de toi, » lui dit-elle en lui indiquant Mouna, « tu vas besogner cette femme pendant cinquante jours de suite, sans te reposer ; tu pourras, si tu le veux, ne pas éjaculer ; mais dans le cas où l’excès de la fatigue te forcerait à t’arrêter, tu n’aurais pas rempli tes obligations. » Tous se récrièrent sur la dureté d’une pareille condition, mais le nègre Mimoun protesta, disant : — « J’accepte la condition, et je m’en tirerai à mon honneur ! » Ce nègre avait, en effet, une passion insatiable pour le coït. Zohra lui ordonna alors d’entrer dans la chambre de Mouna, avec celle-ci, à laquelle elle recommanda de l’avertir dès qu’elle s’apercevrait de la moindre trace de fatigue chez le nègre.

« Et toi, quel est ton nom ? dit-elle en s’adressant à l’ami d’Abou el Heïdja. — « Abou el Heïloukh, » répondit-il. — « Eh bien ! Abou el Heïloukh, j’exige de toi que tu restes devant ces femmes et jeunes filles pendant trente jours consécutifs, sans que pendant ce temps ton membre cesse d’être en érection, le jour comme la nuit ! »

Enfin elle dit au quatrième : — « Quel est ton nom ? — Felah, » fut sa réponse. — « Eh bien, Felah, » termina t-elle, tu seras à notre disposition pour tous les services que nous aurons à réclamer de toi. »

 » Toutefois Zohra, voulant ne leur laisser aucun motif d’excuse et ne pas leur donner sujet de l’accuser de mauvaise foi, les avait consultés préalablement sur le régime qu’ils désiraient suivre pendant le temps de leur épreuve. Abou el Heïdja avait demandé comme unique boisson, à l’exclusion de l’eau, du lait de chamelle avec du miel et, comme nourriture, des pois chiches cuits avec de la viande et une grande quantité d’oignons, et c’est à l’aide de cette alimentation qu’il avait pu accomplir, avec la permission de Dieu !… son remarquable exploit. Abou el Heïloukh exiga comme nourriture de l’oignon cuit avec de la viande, et comme boisson le jus qu’il faisait exprimer d’oignons préalablement pilés et qu’il mélangeait avec du miel. Mimoun, de son côté, demanda des jaunes d’œufs et du pain.

 » Cependant Abou el Heïdja réclama à Zohra la faveur de la besogner, s’appuyant sur ce fait qu’il avait rempli son engagement. Elle lui répondit : — « Oh ! c’est impossible ! la clause à laquelle tu as satisfait est inséparable de celles dont l’accomplissement est exigé de tes compagnons. Que le traité reçoive en entier son exécution, et tu me verras fidèle à ma promesse ! Mais qu’un seul d’entre vous manque à sa tâche, et vous serez tous mes prisonniers par la volonté de Dieu ! » Devant cette fermeté, Abou el Heïdja se résigna à s’asseoir au milieu des femmes et des jeunes filles, avec lesquelles il se mit à manger et à boire, en attendant le terme de l’épreuve de ses compagnons.

 » Au début, Zohra, qui avait la conviction qu’ils seraient bientôt tous à sa merci, était d’une amabilité et d’une prévenance qui augmentaient chaque jour, en même temps que sa joie. Mais, lorsqu’arriva le vingtième jour, elle commença à donner des marques de tristesse, et au trentième elle ne put plus retenir ses larmes. C’était, en effet, le terme de l’épreuve imposée à Abou el Heïloukh, qui, s’en étant tiré à son avantage, prit place à côté de son ami, au milieu des femmes et des jeunes filles qui continuaient à manger tranquillement et à boire abondamment.

 » Dès lors la princesse, qui n’avait plus d’espoir que dans le nègre Mimoun, compta que celui-ci se fatiguerait et ne pourrait arriver au bout de l’épreuve. Elle envoyait chaque jour prendre des nouvelles près de Mouna, qui répondait que la vigueur du nègre allait toujours en s’accroissant, et elle se désespérait, voyant déjà Abou el Heïdja et ses compagnons sortir vainqueurs de leur entreprise. Un jour, elle leur dit : — « J’ai envoyé prendre des nouvelles du nègre, et Mouna m’a fait savoir qu’il était épuisé de fatigue. « À ces paroles, Abou el Heïdja s’écria : « Par Dieu ! s’il ne mène pas sa tâche à bonne fin, et même s’il ne dépasse pas de dix jours » le délai convenu, il ne mourra que de la plus vilaine mort ! »

» Mais le zélé serviteur n’eut pas, pendant cinquante jours, un seul instant d’arrêt dans son travail de copulation, et fournit, en sus, les dix jours que lui avait imposés son maître. Mouna, de son côté, en éprouvait une grande satisfaction, parce qu’elle avait enfin apaisé son ardeur pour le coït. Mimoun, ayant subi victorieusement son épreuve, put donc venir s’asseoir avec ses compagnons.


» Abou el Heïdja dit alors à Zohra : — « Vois ! nous avons satisfait à toutes les conditions que tu nous as imposées ! C’est à toi maintenant de m’accorder la faveur qui devait, suivant nos conditions, être le prix de notre réussite. — C’est trop juste ! » répondit la princesse, et elle s’abandonna à lui. Il la trouva l’excellente des excellentes.


» Quant au nègre Mimoun, il épousa Mouna. Abou el Heïloukh choisit, parmi toutes, celles des jeunes filles à laquelle il trouva le plus d’attraits.

» Ils restèrent tous dans ce palais, se livrant à la bonne chère et à tous les plaisirs, jusqu’au moment où la mort vint mettre un terme à leur heureuse existence et dissoudre leur réunion : que Dieu leur fasse miséricorde, ainsi qu’à tous les Musulmans ! Amen !

(Le Jardin parfumé du cheikh Nefzaoui,
édition Liseux, chap. XXI.)


Séparateur

  1. On trouvera cette histoire in extenso, à la suite du présent chapitre.