Bonne Presse (p. 58-61).

CHAPITRE VII

ENTRE LA MORTE ET LA VIVANTE


Le comte de Peilrac était aussi en proie à ces pensées qui torturaient Mlle de Montscorff. Il n’avait pu vivre pendant des mois à ses côtés sans être enveloppé de son charme, surtout ayant au cœur cette reconnaissance immense qu’il ne pouvait reconnaître ; au contraire, puisqu’il allait la payer en lui enlevant Mireille, l’adoptée de son âme.

Et ce sentiment nouveau qui peu à peu s’emparait de lui, l’angoissait autant qu’il le faisait heureux.

Quoi ! l’image de cette Marie si tendrement chérie était déjà remplacée par une autre ! Après avoir pensé mourir de désespoir en la voyant retomber sur son lit pâle et froide à jamais, il pouvait songer à une seconde femme !

Il faisait plus que d’y songer, il l’aimait, il le sentait à tout l’enivrement de son être quand il pouvait la voir, lui parler ; quand il se rappelait les caresses de sa voix et de son sourire, les tendresses de ses grands yeux d’azur.

Ah ! Paule n’avait pas à craindre la pitié de Roger ; c’était bien de l’amour qu’il ressentait pour elle !

Et son trouble s’était encore augmenté en le supposant partagé par la jeune comtesse. Ces rougeurs qui envahissaient parfois ses joues, le tremblement de ses doigts quand il lui tendait les siens, cette fuite lorsqu’elle sentait qu’elle allait se laisser deviner, autant d’indices qui montraient à Roger que leurs sentiments étaient les mêmes.

Tout attirait la jeune femme vers lui, tout l’attirait vers elle ; et Mireille était le doux trait d’union qui les reliait l’un à l’autre.

Lorsque le comte songeait à cette réciprocité dans la solitude de sa demeure, un flux de sang jeune et ardent lui montait au cœur, mais il s’y glaçait et le laissait désespéré.

Une diaphane silhouette semblait glisser alors vers lui ; elle se précisait, ses yeux clairs avaient un reproche, et sa bouche blêmie murmurait :

— Déjà !…

Et le malheureux Roger, l’âme désemparée, se cachait la tête entre les mains, et de nouveau de cruels déchirements le faisaient horriblement souffrir.

Et cependant, dans son infinie compassion pour l’époux tant aimé qu’elle allait laisser si seul, Marie ne lui avait-elle pas fait promettre de se remarier ! Il croyait encore entendre ses paroles : « Ne reste pas dans l’isolement ; choisis une compagne douce et tendre qui me remplace. »

Oui, c’est ainsi qu’elle avait parlé ; mais elle ignorait alors qu’il retrouverait sa fille. Avait-il besoin de contracter une seconde union puisque Mireille lui avait été rendue !

Puis une pensée plus angoissante encore bouleversait son cerveau en feu : si Paule, cette dévouée, devait doublement souffrir, et par le père, et par la fille ? Si ce doute devenait une certitude, si elle l’aimait, enfin ? Il ne serait paru dans sa vie à elle qui avait ensoleillé la sienne que pour y apporter le trouble et peut-être le chagrin poignant ?

Oh ! quelles heures navrantes pour le comte dans cette maison solitaire, où il n’avait pas un cœur ami à qui demander un appui !

Aussi recherchait-il plus vivement la société de sa fille. Il n’avait pas besoin de la désirer. Chaque jour maintenant la ramenait vers lui comme si Paule eût voulu déjà s’habituer à cette absence.

Et Mireille, fort perspicace, s’en apercevait avec une certaine mélancolie. Elle ne put s’empêcher d’en parler à son père.

— Je ne sais ce que pense maman, lui dit-elle pendant le déjeuner qui les réunissait, mais elle semble m’aimer moins qu’autrefois.

— Que vas-tu t’imaginer, ma chère petite ! fit Roger, une anxiété dans la voix.

— Je t’assure qu’elle se plaît moins avec moi. À part mes leçons du matin qu’elle suit toujours, elle ne veut jamais m’accompagner à Pont-Scorff. Si je désire me promener avec elle, elle prétexte des courses trop longues, des visites chez des malades où elle craindrait de m’emmener. Elle monte souvent à cheval, et jamais elle ne m’a invitée à la suivre sur mon petit poney, où je me tiens bien pourtant.

— Tu ne le lui as peut-être pas demandé ?

— Oh ! bien des fois ! Elle me dit que mon cheval n’étant pas aux Magnolias, cela n’est pas possible. Quand je suis ici, il serait très facile à maman de venir m’y retrouver à cheval : qu’en dis-tu, père ?

Le comte releva son front abattu, et regardant le joli visage indécis :

— Je dis que Mlle de Montscorff te chérit toujours autant, mais qu’elle ne veut pas sans doute se placer entre nous, c’est pourquoi elle évite de nous visiter. Puis, ma chère mignonne, dans un mois environ tu devras la quitter… Oh ! pour quelque temps ! se hâta-t-il d’ajouter en voyant passer une lueur d’effroi dans les yeux de l’enfant. Il faudra pourtant que tu t’habitues à ne plus la voir tous les jours, et c’est pour arriver à ce résultat que Mlle Paule agit ainsi.

Cette fois, les grands yeux sombres se remplirent de larmes. Pour ne pas contrister son père, Mireille ne les laissa pas couler, mais il était pénible de voir cette petite physionomie contractée par les efforts tentés pour refouler les pleurs.

— Ne pourrions-nous demeurer toujours à Pont-Scorff ? interrogea-t-elle enfin, lorsque son émoi fut calmé.

— Cela est impossible ! D’abord tu ne dois pas continuer à habiter les Magnolias, il ne faut pas abuser de la bonté de ces dames ; ensuite ce campement de Pont-Scorff ne peut nous convenir. Il nous faudra reprendre une vie commune dans notre propriété de Peilrac.

— C’est si loin de la Bretagne ! gémit la petite fille.

— Tous les ans tu reviendras vers cette Bretagne qui te tient tant au cœur ! Je te laisserai passer toutes tes vacances chez Mlles de Montscorff, si elles le désirent.

L’enfant secoua ses boucles brunes, et d’un accent brisé qui prouvait combien elle avait déjà souffert par le cœur :

— J’aurais voulu ne pas les connaître ! Il me sera si triste, si triste de les quitter !…

Et malgré toute sa vaillance, les pleurs jaillirent, perles amères de son amer chagrin.

Avec bien des baisers et des espoirs, le comte parvint à la consoler.

Comme dérivatif, il fit atteler, et l’envoya avec Yvonne terminer cette journée de jeudi chez Mme Kerlan. La perspective de revoir ses petits amis Marie et Louis chassa les dernières brumes de son jeune front.

Resté seul, M. de Peilrac réfléchit à cette conversation. Oui, il était visible que Paule ne voulait plus se trouver en face de lui. Elle accompagnait très rarement Mireille à Pont-Scorff, et moins fréquemment aussi, le comte était invité à dîner au château. Elle essayait sans doute ainsi d’échapper à une influence qu’elle redoutait, dont elle souffrait peut-être !

Il l’avait souvent aperçue sur son cheval qu’elle paraissait mener d’une main nerveuse, tant l’animal filait sur les routes. N’était-ce pas parce que son chagrin galopait avec elle ?

Un jour, il avait, failli la croiser, alors qu’il montait aussi son bel alezan. L’avait-elle vu ? Toujours est-il qu’elle prit, sans avoir eu l’air de le remarquer, une route s’ouvrant soudain à sa droite. Et demeuré seul dans la vallée, il l’avait revue sur la hauteur regardant du côté de Pont-Scorff.

Qu’elle était fine et élégante sur ce cheval qui semblait heureux de la porter ! Son amazone d’un bleu sombre moulait sa taille souple, au buste admirable, et son petit chapeau de feutre à l’aile blanche se posait très joliment sur la masse de ses cheveux.

Sans avoir la crainte d’être surpris dans cette amoureuse admiration, Roger s’y livrait tout entier. Il y avait tant de jours qu’il ne s’était enivré de sa beauté.

Et le soir, il avait rapporté assez de bonheur de cette apparition pour passer sa veillée solitaire sans les tristesses qui parfois l’assaillaient.

Mais dans quelques semaines, la séparation s’imposait, et il en éprouvait une telle douleur au cœur, qu’il se demandait, ainsi que Mireille, comment il pourrait vivre si loin d’elle.

Alors, dans une espèce de folie, il se mit devant le grand tableau du salon qui lui montrait Marie si belle, si pleine de vie qu’elle semblait lui sourire encore, et il s’écria :

— Ô Marie ! toi que j’ai tant aimée, toi que j’aime encore d’un amour tout immatériel, viens à mon aide ! Conseille-moi, ô mon bon ange ! Ne m’abandonne pas dans cette angoisse qui me dévore : que dois-je faire ?

Et le portrait s’anima vraiment pour les yeux troublés qui le contemplaient ardemment. Le sourire s’accentua et Roger crut y lire :

— Aime-la, elle est digne de toi ! Donne à Mireille comme seconde mère celle qui l’a adoptée quand elle était une pauvre petite inconnue. Notre enfant t’a retrouvé, mais elle est bien jeune pour se passer de mère. Ne sépare donc pas ce que la Providence a uni.

Et, transfiguré, le comte se redressa, bien décidé à ne pas souffrir davantage en faisant souffrir sa fille.

Plus de combat contre son propre cœur : la chère morte avait parlé, il lui obéirait. Oui, Mireille était encore bien enfant pour se passer des soins et des caresses d’une femme. Or, quelle mère plus douce, plus aimante, plus distinguée pouvait-il lui donner ?

Il aimait Paule de toute son âme d’isolé ; elle paraissait lui rendre cet amour ; ensemble ils l’étendraient sur le petit être qui les avait réunis, et n’auraient qu’un seul but, son bonheur.

Du reste, s’il le voulait complet, ce bonheur, Roger ne pouvait séparer sa fille de Mlle de Montscorff. Même entre ses bras, le départ serait trop pénible pour elle, s’il lui fallait laisser celle qui avait si bien su prendre son cœur d’enfant.

Il attendrait donc la Communion de Mireille, dont deux semaines à peine le séparait, avant de se déclarer, et ensuite, si Paule l’acceptait, comme il en avait le doux espoir, il retrouverait encore le calme et la sérénité.

*

Le mois de mai était dans toute sa splendeur. Des bouquets d’aubépines neigeuses, comme un hommage à la Vierge bénie honorée chaque soir, s’élevaient sur tous les chemins, au bord des sources, au pied des croix ; des ombellifères, des marguerites, si sveltes et si blanches, constellaient les herbes fines des prairies, et la brise y passait folle et tiède, pour s’envoler en chantant jusqu’à la cime des grands arbres.

L’encens des fleurs ne montait pas seul vers le ciel splendidement drapé d’azur, comme si la Reine des reines y avait étendu son manteau ; la cantilène des alouettes, le gazouillis des hirondelles, le sifflet des merles et des bouvreuils, la chanson harmonieuse des rouges-gorges s’y mêlaient, triomphal hosanna.

Et bientôt, à travers cette nature en fête, les blanches théories des fillettes, celles plus sombres des garçonnets prendraient le chemin de l’église qui, parée et illuminée, les attendait pour le banquet mystique.

Le moment heureux entre tous était arrivé.

Depuis deux jours, Mlles de Montscorff, aidées par Alice, Yvonne et quelques jeunes filles, s’étaient ingéniées pour orner le temple de verdures et de fleurs. Les plantes les plus rares et les plus parfumées ornaient l’autel ; les guirlandes de buis se suspendaient en festons le long des murs, retenant des cartouches et des oriflammes où les saintes initiales s’entrelaçaient ; de tous les angles s’élevaient des palmiers, des aralias, des dracœnas, des araucarias d’une splendeur qui indiquait les soins dont ils étaient entourés dans les serres du château. Et la Vierge rayonnait aussi, toute blanche, sur son trône de fleurs.

Mireille, ainsi qu’un petit papillon capricieux, allait d’un groupe à l’autre, tendant les épingles, les fleurs et les lianes, joyeuse de s’employer à faire bien belle la chapelle où elle allait avoir le bonheur de recevoir son Dieu. Et lorsque tout fut terminé elle s’écria, ravie :

— Pas une église ne sera aussi splendide que la nôtre, pas une !

— Tu exagères un peu, petite fille, lui répondit Paule en souriant. Nous n’avons pu, hélas ! donner à notre modeste église les ornements qui lui manquent.

— Mais nous l’avons, au contraire, parée de tout ce qu’il y a de beau au monde, les fleurs. Les œuvres des hommes pourront-elles jamais rivaliser avec celles de Dieu !

L’air grave de l’enfant, la profondeur de ses paroles les surprirent tous.

L’abbé Doltan, qui était toujours le pasteur aimé et respecté de Cléguer, murmura en regardant Mireille, qui, les yeux toujours extasiés, continuait à admirer du parvis à la voûte.

— Elle a raison ! Les plus grandes merveilles des maîtres ne vaudront pas le moindre brin d’herbe où la rosée scintille.

Et, frappant paternellement sur la joue rosée de sa petite élève en catéchisme :

— Vous êtes bien digne de vous approcher de Dieu, Mireille, vous qui comprenez si bien la grandeur de son œuvre.

Et le lendemain, quand Mireille de Peilrac entra dans l’église entourée de son père et de leurs amis, elle avait vraiment l’air d’une petite sainte dans sa toilette diaphane, au long voile retenant une couronne de roses immaculées.

Le rayonnement de ses grands yeux noirs l’illuminait ; elle ne semblait plus appartenir à la terre ; seul, l’éblouissement du mystère sublime qui se préparait l’enveloppait toute.

Lorsqu’elle s’avança vers l’autel aux sons de l’orgue qui exaltait ce bonheur immense dans un splendide cantique, chant d’amour et d’humilité vers un Dieu qui veut bien s’abaisser jusqu’à nous, de douces larmes qu’elle ne pouvait retenir roulaient comme des perles de reconnaissance de ses yeux étincelants.

Et la voix de Paule s’élevait encore, célébrant la bonté et la grandeur du Seigneur :

Le ciel a visité la terre !
Mon bien-aimé repose en moi,
Du saint amour c’est le mystère ;
Ô mon âme ! adore et tais-toi !

Dans l’âme endolorie de la chanteuse descendait peu à peu la paix, la divine paix que Dieu accorde à ceux qui ne l’ont jamais oublié. Déjà la religion l’avait consolée ; cette fois encore où la souffrance allait être son lot, elle aurait toujours pour guides les trois vertus symboliques : la foi, la charité et la céleste espérance.

Le comte, tout entier sous l’exquise sensation du bonheur de sa fille, s’absorbait dans des pensées au-dessus de la terre en attendant de se joindre à elle dans la Communion. Sa mère n’était plus là pour l’y accompagner, c’était à lui, le père, que revenait ce pieux devoir. Et sa belle tête brune humblement inclinée devant la Majesté suprême, il se mêla à la foule qui suivait les enfants à la Table Sainte.

Mlles de Montscorff, Mme Kerlan, Alice et Yvonne avaient aussi voulu s’unir à la chère aimée en ce grand acte qui commence vraiment la vie.

Les cérémonies achevées, la petite fille les rejoignit, le front radieux, ayant pour tous des caresses et des paroles tendres. Mais c’était vers son père et Paule que tout son cœur aimant se portait ; elle se suspendait à leurs bras, les réunissant parfois dans la douceur expansive de ses étreintes.

Et la jeune femme n’en semblait nullement embarrassée ; elle planait encore en esprit dans les sphères radieuses où son âme de croyante avait trouvé la consolation. Aussi souriait-elle, pleinement joyeuse, puisque Mireille l’était.

Le soir les réunit au château des Magnolias où avait lieu le dîner de fête que chaque famille riche ou pauvre désire, afin d’entourer l’enfant de tous ceux qu’il affectionne en ce jour grand entre tous.

Chaque communiant indigent avait reçu une large part des mets savoureux, des friandises et des vins fins dont la table allait être couverte. Du reste, Mireille avait pourvu à bien des toilettes, qui sans elle auraient même manqué du nécessaire. Comme la cérémonie de son baptême, celle de sa Communion devait débuter par la charité.

Cette question du repas avait été discutée quelque temps à l’avance. Le comte voulait d’abord qu’il se fît chez lui, mais devant une certaine tristesse qu’il lut sur le visage si ouvert de Paule il s’inclina en disant :

— Si vous jugez bon de nous recevoir chez vous, Mesdemoiselles, nous l’accepterons volontiers.

— Cela serait plus raisonnable, comte, lui avait répondu Mlle Irène. M. le curé pourrait y assister, ainsi que notre jeune amie Alice, Cléguer étant très près du château.

Et devant une table somptueusement servie, où les cristaux et l’argenterie massive des grands jours étincelaient parmi les fleurs, ils se placèrent tous autour de la petite élue du Seigneur qui rayonnait entre Paule et son père.

La famille Kerlan était aussi venue prouver son affection et sa reconnaissance à l’enfant dont la petite main s’était ouverte si généreusement pour elle. Louise avait été mise à la droite du comte.

Marie et Louis n’avaient plus de paroles pour témoigner leur admiration à leur petite amie, qui avait gardé sa blanche toilette. Elle était vraiment délicieuse dans cette virginale mousseline, sous ces roses si parfaitement imitées qui, dégagées du voile, se mêlaient à ses boucles d’un brun doré.

— Est-ce que tu auras toujours une robe longue à présent, Mireille ? osa demander la petite fille.

— Oh ! non, répondit la fillette. C’est ma toilette de cérémonie, vois-tu ; mais demain je reprendrai ma jupe courte.

— Tant mieux ! s’écria Marie comme soulagée. Sans cela, comment aurais-tu fait pour jouer avec nous à chat-perché ?

Cette naïve repartie fit rire.

Et cependant le front de Paule s’assombrit encore. Hélas ! dans quelques jours Mireille ne serait plus là pour courir avec sa compagne sur la pelouse !

Roger s’aperçut de cette mélancolie subite, mais il savait aujourd’hui que d’un mot il allait la faire disparaître. Quelle joie il aurait bientôt de prendre sa fille, de la placer entre les bras de la jeune femme en lui disant :

— Soyez vraiment sa mère, et laissez-moi aussi vous témoigner à toutes les deux l’affection profonde qui remplit mon cœur.

— Il me manque encore un ami, ce soir, s’écria soudain Mireille.

— Le bon docteur, n’est-ce pas ? dit Mlle Irène qui présidait en face d’elle, ayant à sa droite leur dévoué pasteur, et M. Kerlan à sa gauche. Il n’a pu venir, à son grand regret, mais il compte bien nous donner toute sa journée dimanche.

— Alors, ce sera encore jour de fête pour tous, dis, papa ?

— Oui, ma chérie ! Cette fois, c’est à Pont-Scorff que nous nous réunirons, et ta joie n’aura pas un nuage : je te le jure !

Que signifiaient ces paroles ? Le comte semblait les jeter à tous, le visage transfiguré.

Un pressentiment joyeux anima cette assemblée amie, et la fin du dîner s’en ressentit. Plus de contrainte, une douce et saine gaieté qui mit en effet une joie dans chaque regard.

En prenant congé de Mlle Irène, l’abbé Doltan lui murmura :

— Votre Paule touche au port du bonheur, chère Mademoiselle ! Dieu a conduit vers elle la colombe de l’arche : bénissons son saint nom.