L’Abîme (Rollinat)/L’Empoisonneur

L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 225-226).


L’EMPOISONNEUR


L’homme est le timoré de sa vicissitude,
Creuseur méticuleux de ses mauvais effrois,
Il s’invente un calvaire, il se forge des croix
Et reste prisonnier de son inquiétude.

C’est pourquoi sa détresse emplit la solitude ;
Il opprime l’espace avec son propre poids,
Et dans l’immensité, comme dans de la poix,
Traîne son infini dont il a l’habitude.


Contagieux d’ennui, de fiel et de poison,
Il insuffle son âme au ciel, à l’horizon,
Qui deviennent un cadre où vit sa ressemblance.

Et retrouvé partout, son fantôme qu’il fuit,
Contaminant le jour et dépravant la nuit,
Fait frissonner le calme et grincer le silence.