Le Supplément (p. 169-182).

VII


Il y avait longtemps que les Doré pressaient leur gendre et leur fille de les accompagner aux environs de Pornic, où ils possédaient de vastes propriétés. Le ménage, ainsi, ne se déplacerait qu’une fois, l’endroit réunissant le double bénéfice de la mer et de la chasse.

Cette année-là, Louise insista :

— J’ai été élevée là-bas, et puis tu m’as souvent entendue parler d’une amie d’enfance, Bertrande Altier… Voici la lettre que je reçois d’elle :

« Ma chère Louise,

« Je me résigne. Je pensais finir ma vie tranquille auprès de « mes bonnes gens », comme je les appelle tous les deux. Mais ce sont eux qui me forcent. Mon futur n’est pas trop jeune, je ne l’en aime que mieux, il ne m’enlèvera pas trop de ma farouche indépendance. Au fond, pas si farouche que cela. Pourvu que j’aille et que je vienne, que je rêvasse et que je me perde en liberté, je me déclare contente. Je le serais tout à fait si tu assistais à mon mariage. N’est-ce pas possible ?… »

Marc dit :

— Évidemment, c’est possible.

On partit de bonne heure, en juin. L’habitation se trouvait à trois kilomètres de Pornic. On la nommait le Prieuré. Elle faisait jadis partie d’un monastère dont les vestiges s’éparpillaient assez loin parmi les haies et les ronces. Une rivière traversait les vergers.

Hélienne n’aima pas le pays. Ce sont de grandes plaines monotones, à ondulations lentes. L’horizon est court. Des arbres le restreignent. On se croirait toujours à la lisière d’un bois où l’on n’entrerait jamais, car, entre ces rangées d’arbres, s’étend le vide de petits carrés de blé et de maïs. Cela manque à la fois d’étendue et d’intimité.

Les Altier déjeunaient le lendemain. Le père et la mère arrivèrent en voiture. Les « bonnes gens » semblaient d’anciens boutiquiers de petite ville. Ils s’imaginaient que leur fille les avait précédés, étant partie dès le matin. Marc nota l’animation de leur visage quand ils parlaient de Bertrande. Leur voix tremblait. On s’attendait à ce que des larmes jaillissent de leurs yeux.

À midi, Bertrande apparut sur la rivière, en canot. Elle s’excusa de son retard.

— Un très gros ennui… j’ai été voir M. Berjole, mon fiancé, qui demeure à dix minutes de la rivière. Or, ce matin, en descendant son escalier, il est tombé et s’est cassé la jambe… Cela recule notre mariage à je ne sais quelle date.

Elle dit ces mots d’un ton contrarié, mais exempt de toute tristesse.

Marc la jugea de beauté relative, malgré l’opinion de Louise. Le nez et la bouche désobéissaient aux règles établies. Les dents étaient irrégulières.

Il subit cependant la saine et forte impression qui se dégageait de sa stature un peu haute et de ses épaules larges. De la sueur perlait à son front. Une respiration hâtive agitait sa poitrine. Ses manches relevées jusqu’aux coudes montraient une peau brune.

Le repas fut consacré aux souvenirs d’enfance. Louise et Bertrande se les renvoyaient ainsi qu’une balle. Mêlés aux histoires de cette époque, les autres convives s’y intéressaient beaucoup. Marc était mal à l’aise, comme on l’est en ces moments, où personne n’a l’air de soupçonner que, vous aussi, vous viviez alors et que vous abondez en souvenirs palpitants.

Puis, sans qu’il s’en doutât, la gaieté de Bertrande l’agaçait. Il l’eût désirée tout autre, silhouette d’immobilité et visage de gravité. Et il s’entêtait à substituer sa propre vision à la nouvelle créature qui remuait devant lui, expansive et rieuse.

Il condamnait également son attitude. Le désaccord le froissait, entre l’orgueil de son buste et la vivacité de ses gestes, entre ses vingt-cinq ans et l’enfantillage de ses exclamations. Ils ne se parlèrent point.

L’après-midi, Louise et Bertrande s’en allèrent en barque, les autres en voiture jusqu’à Pornic.

Les Altier habitaient à l’entrée du bourg une petite maison enguirlandée de glycine et de vigne. Devant s’étendait un coin de jardin, avec des raccourcis de plates-bandes, des arbres fruitiers et des chemins exigus qui serpentaient parmi des cordons de buis.

— C’est bien cela ; il lui faudrait comme cadre la profondeur silencieuse d’une forêt ou l’espace de la mer et elle se recroqueville dans ce milieu de curé de campagne.

Il partit avant l’arrivée de ces dames.

Il ne songea plus à la jeune fille, et point davantage après chacune des rencontres suivantes. Cependant la gêne se répétait, et non pas à l’aspect de Bertrande ou au début des entrevues, mais après quelques minutes, à l’examen de ses mouvements ou au bruit de ses paroles.

Elle adorait jouer avec les enfants. Marc n’y voyait pas de mal. Seulement, pourquoi se traîner à genoux comme une gamine ? Pourquoi ces cris d’effroi, ces pleurs simulés, ces contorsions, cette pantomime de guignol ? Elle ne sentait donc pas que tout cela jurait avec ses formes impérieuses et la puissance de tout son être.

— Créature inharmonique répondait-il à sa femme qui lui demandait son avis sur Mlle Altier, rien n’est déconcertant comme ces personnes dont les manifestations extérieures sont toujours le contraire de ce que l’on est en droit d’attendre. L’effet est le même que si un lion exécutait les gestes d’un singe.

L’accoutrement de Bertrande ne laissait pas de le suffoquer aussi. Elle s’habillait à l’envers de tout le monde, ou plutôt s’attifait, à la dernière minute, d’un vieux corsage et d’une jupe rapiécée. On ne savait pas trop comment tout cela tenait. On devinait la jupe à la merci d’une épingle, et la loque de soie qui servait de fichu à la merci d’une autre. Et les cheveux d’or s’embroussaillaient en crinière, sans l’entrave d’un ruban ou d’un peigne.

— Ça devrait te plaire, disait Louise, que chagrinait l’humeur de son mari, aimerais-tu mieux qu’elle se vêtit à la mode, avec des robes ajustées et des costumes sur mesure ?

— Tu ne comprends pas, grognait-il, quoique l’observation l’embarrassât.

Allant chaque jour à la mer, il eut souvent l’occasion de porter chez les Altier une lettre de sa femme ou un paquet, ou un objet oublié. Jamais Bertrande n’était là.

— C’est comme une malchance, s’écriaient les bonnes gens, il est vrai qu’elle vagabonde de tous côtés, la chère petite.

Et tantôt ils la disaient à la pêche, tantôt à l’île de Noirmoutiers, tantôt en tournée de charité. À la fin, Marc, qui ne venait nullement pour la voir, s’irrita néanmoins qu’elle fût si régulièrement invisible.

Une fois, Mme Altier lui annonça d’un ton fort calme :

— Elle m’a fait prévenir hier que M. Berjole avait la fièvre et qu’elle ne rentrerait pas coucher. J’ai peur qu’elle ne se fatigue.

Il se rendit chez un coiffeur qui le rasait de temps à autre. Cet homme lui dit :

— La pauvre demoiselle Bertrande n’est pas heureuse avec son futur, elle y a encore passé la nuit.

Hélienne l’examina dans la glace. L’individu ne souriait même pas.

— C’est inexplicable, pensa-t-il, la conduite de cette Bertrande est d’une inconvenance ridicule, et ils ont l’air de la trouver très naturelle. Comment accorder cela avec les mœurs rigides de la province ?

Il questionna le barbier. Et, involontairement, il poursuivait son enquête de droite et de gauche, près des fournisseurs et près des matelots. Partout il rencontra la même tolérance singulière. À propos des autres personnes et en général sur toute matière, ces personnes arboraient les préjugés en vigueur et fondaient leur opinion sur les apparences, sur les potins, sur les calomnies. Mais Bertrande jouissait de privilèges particuliers. On n’admettait pas qu’elle agît mal. Elle aurait pu accumuler des incorrections bien pires, se compromettre ouvertement, sans qu’on n’y trouvât rien de répréhensible. Pour elle, l’indulgence était inépuisable.

Cette impunité le monta d’autant plus contre les habitudes de Mlle Altier. Réellement, il était blessé dans son respect des usages et dans sa conception de la jeune fille honorable. Il se demanda si une telle relation convenait bien à sa femme.

— À Paris, je n’hésiterais pas, je prierais Louise de couper court à cette amitié.

Toutefois, il ne soupçonna jamais la pureté de Bertrande.

Ils ne se parlaient qu’incidemment, quand l’exigeaient la politesse ou le hasard de la conversation. D’ailleurs, en dehors de l’inquisition intermittente à laquelle Marc soumettait la jeune fille, il réservait tout son été à l’astronomie et à la botanique.

Souvent, après son dîner, Hélienne se promenait en fumant, jusqu’à la Bernerie, plage déserte plus voisine du Prieuré que Pornic.

Un soir, il arriva avant le coucher du soleil. Il s’étendit sur le sable. Une traînée d’or palpitait à la crête changeante des petites vagues. Il se dit :

— Comme on s’accoutume à tout ; jadis un coucher de soleil m’eût jeté en extase. Aujourd’hui j’en observe le phénomène au point de vue physique. L’acuité des sensations finit par s’émousser.

Quelqu’un lui toucha l’épaule. Il reconnut Bertrande.

— Vous, ici ? Quelle vagabonde !

Elle s’assit. Il chercha aussitôt un sujet d’entretien, chose ardue entre eux. De guerre lasse, il s’écria :

— Est-ce assez beau, hein !

Elle lui prit la main rudement.

— Ne parlons pas, voulez-vous ?

Il fut vexé, car sa propre exclamation lui sembla banale et superficielle auprès de ce mutisme religieux. Un mot de raillerie lui vint aux lèvres. Mais l’ayant regardée, il se tut.

À l’horizon, le soleil ne lançait plus de rayons. Il n’en paraissait que plus énorme, réduit à lui-même, comme s’il eût absorbé son auréole d’éblouissement. Des nuages grêles surgirent. Un d’eux, mince et long, le coupa, comme le plan d’un anneau. Et l’astre fut ainsi déformé, plus large en haut qu’en bas. Puis il glissa dans l’anneau et toucha la courbe de la mer. Et il s’enfonçait.

L’heure était grave. Les bruits cessèrent. La grande respiration de la nature se suspendit.

Et l’angoisse flottante étreignit Marc. Maintenant nulle parole sacrilège n’aurait pu lui échapper. Il communiait avec les choses, comme elles respectueux et humblement agenouillé devant le mystère de l’infini.

Le soleil disparut. Avant la mort nocturne, un frisson de vie circula, plus convulsif. Le vent secoua les plis de ses voiles. Au ciel des spectacles grandioses s’enchevêtrèrent.

C’étaient des lagunes de feu où dormaient des golfes tranquilles. De molles collines s’étageaient, dominées par des cratères fumants. Il y avait des gouffres de flammes où devaient se tordre des êtres de forme inconnue et des paradis voluptueux où d’autres êtres goûtaient la béatitude ; vision d’enfer ou vision de rêve, on s’en pouvait effrayer ou délecter.

Au-dessus, le ciel était bleu et il se mêlait au ciel de brasier par des nuances tendres, mauves et roses et dorées.

Des sanglots grondèrent en Marc. La fièvre d’extase et d’humilité le faisait trembler.

— Mon Dieu, comme je sens profondément, pourquoi est ce que je sens ainsi ?

Il s’avisa qu’une série de mouvements inconscients l’avait rapproché de Bertrande. Il était étendu le long d’elle, tout petit à côté de son buste dressé. Une odeur émanait de sa robe. Il n’arriva pas à la définir, quoiqu’elle lui semblât très simple. Il pensa au parfum des champs et au parfum de la mer.

Il restait là, immobile. Sur le rivage et sur l’Océan, de l’ombre sereine se posait. Les ciels d’enfer et de rêve s’évanouirent. La solennité du grand repos planait.

— Comme je comprends, balbutiait Marc intérieurement. Je n’ai jamais rien compris de la sorte.

L’émotion baigne les nerfs comme une eau miraculeuse et les détend. Les jolis ouvrages que notre égoïsme façonne, s’émiettent comme des tas de sable. Et l’on redevient l’homme nu, sans vêtement d’hypocrisie, palpitant et régénéré.

De toute son âme, Marc contemplait la nuit imminente. Et il sentit peu à peu qu’une autre âme auprès de la sienne regardait aussi et que, toutes deux, l’eau merveilleuse les baignait. C’était la première fois qu’il sentait ce contact presque matériel. Il avait sans doute conçu, par leurs gestes, par leurs paroles, par l’observation de leurs pensées, l’existence d’êtres différents de lui. Jamais, il n’avait eu l’intuition d’une âme étrangère, qui vécût durant une minute de la même vie que la sienne.

Et celle-là vivait fortement. Il se blottit contre elle. Et il regarda les choses. Et les choses acquirent une autre signification. Elles lui apparaissaient comme elles sont, amicales et douces et très proches de qui les implore. Il éprouvait sincèrement ce qu’il avait jadis éprouvé mensongèrement en Sicile et en Algérie. En quoi consistait la métamorphose ? Il l’ignorait, refusant même de l’analyser, mais il savait qu’il était sincère et que tout était changé en lui et autour de lui.

Du silence sacré et de la solitude, volait vers Marc l’essaim des impressions et chacune d’elles lui semblait doublée, comme une voix qui ne pourrait vibrer sans écho. Dans le même ordre et avec la même intensité, chacune les troublait l’un et l’autre.

Ainsi ils entendirent un oiseau, puis ils virent une lueur à l’horizon, puis des chiens hurlèrent, puis passa un arome de pins, puis une étoile fila. Et ainsi dans le chant continu de la mer, ils perçurent simultanément le bruit de certaines vagues, comme les notes distinctes d’une mélodie lointaine.

Et tout cela était nouveau et d’une importance extrême, et tout cela frappait Marc d’une empreinte plus profonde. Il se demanda :

— En serait-il également si je me trouvais seul ?

Il ne put pas, il ne voulut pas répondre. Penser, c’est flétrir la pureté de l’émotion. Il devina que l’idée est vile quand l’âme tressaille.

La nuit souveraine se couronna de blancheur. Derrière des collines noires, la lune surgit. Marc n’eut plus le courage de regarder.

Il se cacha les yeux et colla son front contre le sable. Mais ne voyait-il pas par d’autres yeux ? Ne voyait-il pas, sur la grève, des nappes de lumière qui s’élargissaient, et la tête des vagues qui s’argenta d’écume, et l’air qui fut ainsi qu’une nuée bleue. La volupté de sentir inonda Marc, proie effarée du grand mal et du grand bien. Aussi docile qu’un parfum au gré du vent, il se laissait bercer et imprégner par la beauté du monde. Se soulevant à demi, en un soupir de détresse, il murmura :

— Bertrande, Bertrande.

Il y eut un silence insondable où se prolongeait le souffle des syllabes. Ardemment, il souhaita qu’elle n’eût point entendu. Elle ne bougeait pas. Mais il ne la sentit plus aussi près de lui. Il avait relâché les liens du charme qui l’attachait à elle. La poésie de la nuit s’atténua. Il vit, sans s’étonner, le disque total de la lune.

Et soudain, Bertrande se leva. Allait-elle partir ? Il fut éperdu d’angoisse. Elle partit.

Désespérément, il étendit les bras vers celle qui emportait sa vie, la vie de son âme naissante. Cela le déchirait comme si les chaînes rompues eussent été de la chair qu’on coupât.

Il était seul. Il eut froid.

Alors il rampa à terre, car ses jambes n’avaient plus de force et ainsi qu’un misérable, il se traînait à genoux vers la forme fuyante. Elle s’éloignait lentement. Une fois, elle s’arrêta. Il se mit à marcher. Puis elle reprit sa route, en mouvements indécis, montant la plage ou la suivant. Et il ne sut pas comment ils se retrouvèrent au haut de la dune, Bertrande assise, lui couché près d’elle.

Aussi exactement qu’un corps s’enlace à un corps, il eut la sensation que son âme s’enlaçait à celle de la jeune fille. Plus douce qu’avant, la volupté revint. Il avait failli la perdre et rien ne la vaut. Mais elle ne s’égrena pas en impressions distinctes, chanson des flots ou blancheur de lune. Elle fut toute la volupté de l’entière nature. Et c’est imprégné de cette ivresse que Marc implorait le baiser de l’âme qui la lui révélait.

Quelle était cette âme ? Il ne la connaissait point. Elle restait impénétrable comme les ténèbres de l’espace. Et néanmoins, il n’éprouvait pas le besoin de la connaître. Il la sentait. Bonne ou mauvaise, conforme ou non aux indices qu’il en possédait, elle était de même race que la sienne. Quelle race ? Il n’aurait pu le dire. Mais c’était la même indubitablement. Que les âmes aient une odeur, leurs deux âmes eussent dégagé la même. Sous le prestige de l’univers, en dehors des maléfices importuns, quelques minutes d’émotion avaient suffi à les unir.

Surtout il la devinait de grand secours pour lui. Par elle il comprenait, il entrevoyait des clartés bienfaisantes, il aspirait un air plus limpide. Sans elle la vie redevenait obscure. Et de cette vie ancienne, il ne voulait plus, il ne voulait plus.

Et il n’y avait dans sa caresse spirituelle aucun amour. Et il n’y avait aucun désir. L’étreinte était chaste. Aussi loin qu’il se souvenait, son âme demeurait isolée, et, de la sorte, inconsciente. Aujourd’hui elle trouvait une compagne et elle s’en remettait à elle comme à une grande sœur, elle l’embrassait avidement, elle la suppliait de ne pas lui retirer la grâce de sa présence.

L’excès de joie et d’espoir l’induisit en douleur. Il tremblait que Bertrande ne l’abandonnât sans une promesse consolatrice. Soupçonnait-elle le drame muet de son initiation ?

Il s’inclina très bas, s’avouant chétif et faible, la proclamant forte et nécessaire… Oh ! qu’elle entendît et qu’elle exauçât son invocation ! Il est possible que l’âme soit complice et que les oreilles restent sourdes, et déjà il souhaitait que leur accord s’affirmât par des paroles, afin qu’elle ne s’en allât point comme une étrangère, après avoir été l’amie d’une heure.

Une tristesse infinie le pénétra. Son élan vers Bertrande l’avait épuisé. Il ne fut même plus capable de prière et d’espérance. Il souffrit. Ses larmes coulèrent.

C’étaient de précieuses larmes, les premières larmes loyales qu’il versât, rosée de résignation et de mélancolie, larmes de petite bête vaincue, larmes de pitoyable parcelle du monde, qu’écrase l’intuition trop soudaine de sa misère.

Plus paisible encore, la mer ne chantait plus. Son haleine fraîche s’épandait. Le mirage de la lune flottait comme une nacelle changeante.

Et tout à coup Marc sentit sur son visage les doigts de Bertrande. Ils cherchaient l’eau triste des larmes. Ils s’y mouillèrent. Et quand elle se fut assurée qu’il pleurait, la tendre et clairvoyante créature prit entre ses mains la tête de Marc et l’appuya sur ses genoux, maternellement.