L’Œuvre de Maury/01

Biographie (2/2)

Œuvre (1/2)

Œuvre (2/2)

L’ŒUVRE DE MAURY[1]
CARTES DE VENTS ET DE COURANTS.

En remerciant Maury de l’envoi de ses premières cartes de vents et de courants, Humboldt disait : « C’est là une grande entreprise, aussi importante pour la navigation pratique que pour les progrès généraux de la météorologie, et c’est ainsi que l’ont envisagé en Allemagne toutes les personnes qui s’occupent de géographie physique. C’est déjà un beau résultat de ces travaux que d’avoir abrégé le temps de la traversée des États-Unis à l’Équateur, et l’excellente disposition de ces cartes permet de concevoir des espérances encore plus élevées. »

Les cartes publiées par Maury sont divisées en six séries :

Série A. — Cartes de traversées (Track Charts). — Les feuilles de cette série reproduisent les routes des navires dont on a dépouillé les journaux. Elles indiquent les caractères généraux de temps et de vent, la force et la direction des courants, les circonstances de mer les plus importantes, observées pendant la traversée.

Série B. — Cartes des alizés (Trade wind Charts). — Ces cartes indiquent les régions de calmes d’alizés et de mousson aux différentes époques de l’année. Elles marquent les limites du mouvement oscillatoire auquel obéit la zone transversale, occupée par les alizés sur l’Océan. — Elles montrent que les régions alizées non situées dans le voisinage immédiat des terres sont généralement privées de pluie et peuvent être considérées comme des zones d’évaporation. — Elles montrent aussi, comme règle générale, que lorsqu’on quitte les régions alizées pour se rapprocher des pôles, on trouve plus de précipitation que d’évaporation. Elles indiquent que les vents qui vont d’une température à une autre plus élevée vaporisent plus d’eau qu’ils n’en précipitent. Au contraire, les vents qui vont d’une température à une autre plus basse sont les vents de pluie.

Entre les deux zones des alizés se trouve la région des calmes équatoriaux, d’environ six degrés de latitude en largeur. Cette zone, qui a sur l’Océan un mouvement d’oscillation vers le nord et vers le sud correspondant à celui des alizés, est une région de précipitation constante. La carte permet d’indiquer, d’après ce mouvement, les points du globe qui ont deux saisons de pluie, ceux qui n’en ont qu’une, ainsi que les époques de ces saisons selon la localité.

Série C. — Cartes pilotes (Pilot Charts). — Ces cartes sont les plus importantes de la collection. Pour les construire, l’Océan a été divisé en carrés de cinq degrés de latitude sur cinq de longitude. Chacun de ces carrés montre le rapport d’un vent quelconque à la somme de tous les autres pour chaque mois de l’année, et on peut ainsi déterminer la route qui, selon toutes les probabilités, donnera à un bâtiment à voiles la traversée la plus courte. Ces nouvelles routes résument l’expérience de tous les navigateurs dont les observations ont été recueillies et coordonnées à l’Observatoire de Washington. Dans la pratique elles ont beaucoup abrégé la traversée moyenne des navires allant des États-Unis dans l’Amérique du Sud, dans l’Océan Indien et dans le Pacifique.

Série D. — Cartes thermales (Thermal Charts). Elles indiquent la température de l’eau à la surface de l’Océan, de manière à pouvoir, d’après la simple inspection de la carte, reconnaître et distinguer les températures de chaque mois de l’année. Ces cartes fournissent des renseignements d’un haut intérêt sur la circulation des eaux de l’Océan ; elles jettent également un jour précieux sur la question des climats dans les divers pays du globe ; enfin elles ajoutent considérablement à ce qu’on savait déjà sur l’important phénomène du gulf-stream.

Série E. — Cartes des pluies et des tempêtes (Storm and rain Charts). — Leur but est de montrer combien, sur l’Océan, dans chaque carré de cinq degrés de latitude sur cinq de longitude, on trouve par mois, de jours de pluie, de brume, de calme, d’orages et de tempêtes, ainsi que la direction de laquelle ces tempêtes sont venues. Elles résument donc, pour un point donné à la mer, les diverses exceptions aux circonstances de temps habituelles et dominantes, et leur examen offre une étude à la fois intéressante et instructive.

Série F. — Cartes baleinières (Whale Charts). Cette série montre d’un coup d’œil les parages où l’on a le plus poursuivi la baleine ; les mois les plus favorables à cette pêche, qui, aux États-Unis, occupe chaque année une flotte de 600 navires montés par plus de 15 000 matelots. Une carte générale montre les régions fréquentées par les baleines franches, celles fréquentées par le cachalot, et celles où l’on rencontre les deux espèces de baleine.

Lorsque ses travaux furent interrompus par la guerre, Maury préparait encore une carte physique de L’Océan, qui aurait réuni sur la carte de chaque océan toutes les particularités pouvant y être observées : bourrasques, grêles, brumes rousses, pluies de poussière, clapotis de courants, glaces flottantes, bois de dérive, bancs de goëmon, coloration et phosphorescence de la mer, végétaux et animaux de toute espèce, etc.

Maury a donné dans la huitième édition de ses Instructions nautiques la liste des cartes qu’il avait terminées et de celles qui étaient en préparation. Ce grand travail comprenait plus de cent cartes. La plupart des séries publiées sont incomplètes. Mais les lacunes seront remplies par les nations maritimes, qui toutes concourent à des travaux dont l’importance et l’utilité sont maintenant incontestées. Déjà l’Angleterre, la Hollande, la France ont reproduit, sous une forme plus commode, les cartes pilotes, base de l’œuvre de Maury, et ajouté de nouvelles observations à celles qu’il avait enregistrées. Les dispositions adoptées pour porter sur les cartes américaines le résultat des observations ont été simplifiées, de manière à offrir aux marins une représentation facilement et rapidement appréciable. La figure ci-jointe montre la forme employée sur les cartes de routes françaises. Dans chaque carré, désigné par son numéro d’ordre, on a tiré, à partir du centre, seize rayons correspondant aux aires de vents principales. On donne à chacun de ces rayons une longueur proportionnelle à la fréquence relative des vents qu’il représente. Pour éviter la confusion, les rayons sont extérieurs à un petit cercle tracé au centre. La ligne qui va du centre vers l’ouest indique le vent d’est, et ainsi de suite. Au haut du carré est inscrit le nombre total des observations qui ont servi à construire la figure ; au bas le nombre des observations de calmes.

Les cartes de Maury ont fourni les principaux éléments de la construction des nouvelles cartes de vents et d’autres cartes également modifiées par ses continuateurs. Nous verrons dans un prochain article sur la géographie physique et la météorologie de la mer, comment ses beaux travaux, ses féconds aperçus facilitent aussi les voies nouvelles ouvertes par son génie investigateur, en même temps qu’ils répandent le goût de l’étude et qu’ils font naître dans les esprits « cette grande curiosité scientifique, source de tant de jouissances intellectuelles et de si grands bienfaits au sein des sociétés. »

E. Margollé.

La suite prochainement. —


  1. Voy. p. 52, Vie de Maury.