ANAGRAMME.
Henry de Mesme, lieutenant civil,
Mine divine, lumière en Chastelet.
SONNET.
Mine divine où ses traicts on contemple,
Quy font juger à celuy qui les voyt
Qu’un rare esprit le ciel vous reservoit
Où l’equité dresseroit un saint temple,
Vous en donnez une preuve très-ample
Et confirmez l’espoir que l’on avoit
Que vous feriez tout ce qui se pouvoit
Pour la Justice, à toutz servant d’exemple.
Jeune et savant en droict, vous surpassez
Beaucoup de vieux quy ont esté placez
Où vous donnez vos sincères sentences.
Miracle grand d’estre, en l’avril molet
De vos beaux ans, lumière en Chastelet,
Pour dissiper l’obscur des circonstances.
Jacques de Fonteny.
Je vous invoque, ô Dioscures,
Miraculeuses genitures,
Fils d’un œuf, et Helène aussy,
Qui fut de Paris le soucy ;
Et le doux fruict de la promesse
Que lui fit Cypris la deesse,
Lorsque, juge, il la prefera
À Junon, et luy defera
La pomme d’or que la Discorde,
Ennemie de la Concorde,
Prepara pour troubler les cieux ;
Voyez-moy d’un œil gracieux ;
Suppliez pour moy vostre père,
Par les amours de vostre mère,
Que je chante aussy doucement.
L’œuf qui chantoit mignardement
Ses passions sur le rivage
D’Eurote2, quand sous le plumage
D’un cygne blanc il se cacha
Pour prendre, sans qu’on l’empescha,
Avec vostre mere affinée,
Les plaisirs deuz à l’hymenée.
L’œuf ne sauroit trop se vanter :
Quel los il a que Juppiter
Deux œufs luy-mesme voulut pondre !
N’est-ce pas assez pour confondre
Ceux quy de l’œuf ne font point cas ?
Luy quy peut tout, pouvoit-il pas
À vous, ses chères creatures,
Ordonner d’autres enclotures
Que d’un œuf, si l’œuf n’eust esté
Digne, par sa propriété,
De vous tenir neuf mois en serre ?
Celuy dedans l’ignorance erre
Quy de l’œuf ne sçayt la valeur.
Par l’œuf on prouvoit son malheur
Ou son bonheur ; jadis les mages
De l’œuf tiroient divers presages ;
Sur un brasier ils le mettoient
Et diligemment ils guettoient
S’il ne jetoit point par ses pores
Quelque sueur, mesme encores
S’elle sortoit par ses costez
Ou par ses deux extremitez :
Car, si par sa coque fendue
Sa liqueur etoit espandue,
C’estoit un presage asseuré
Que le ciel avoit conjuré
Contre celuy quy faisoit faire,
Pour savoir son sort, ce mystère.
Orphée s’en est delecté
Et en a escrit un traicté
Quy l’Oocospique s’appelle3.
Ceste façon n’estoit nouvelle
De vaticiner par les œufs
Si les desteins seroient heureux
Ou si l’issue pretendue
Auroit la fortune attendue.
Nos pères des siècles passez
Ont pratiqué cest art assez ;
De l’œuf ils savoient la cabale.
Livia devina qu’un mâle
Naistroit d’elle, ayant en son sein
Couvé un œuf d’où un poussin
Sortit cresté, vray pronostique
Qu’un jour dessus la republique
Des Romains il domineroit,
Et que l’aigle decoreroit
Ses estandartz. La Destinée
Parfeit la chose devinée,
Car Livia veit son enfant
Estre un empereur triomphant.
De l’œuf on tire mille augures,
Mille infaillibles conjectures,
D’où l’on voist naistre bien souvent
Un effet quy n’est decevant.
L’œuf est le symbole du monde ;
L’air et le feu, la terre et l’onde,
En luy sont unis et compris ;
Les œufs sont aymés de Cypris.
Si quelqu’un veut l’avoir propice,
Il faut, en chaqu’un sacrifice
Qu’on lui prepare, offrir des œufs ;
Et lors elle exauce les vœux.
Bacchus, quy nous donna la vigne,
Tenoit tout sacrifice indigne
Et vain où l’œuf mistic n’estoit ;
Des œufs en trophée on portoit
Aux festes de ses bacchanales4 ;
Quand on chaumoit les cereales5,
Les aousterons6 portoient des œufs,
Et crioit-on malheur sur eux
S’ils les laissoient cheoir par mesgarde.
Le proverbe encore se garde
Qu’on dit aujourd’huy : « Garde bien
« De casser vos œufs7 ! N’est-ce rien
Doncques de l’œuf ? Il a puissance
De chasser toute la nuisance
Qu’apportent les mauvais esprits,
Si nous croyons les vieux escripts
De l’antiquité, de manière
Que c’estoit chose coustumière,
Par entre eux se voulant purger,
De se faire suffemiger
Avecque la vapeur du souffre ;
Le demon impur ne la souffre ;
Il la fuict et crainct son odeur.
Celuy quy estoit luscrateur8
Et chief de la ceremonie
Avoit l’une des mains garnie
D’un cierge ardent ; en l’autre main
Il tenoit un bassin tout plain
D’œufs, avec quoy, faisant la ronde
Autour d’une maison immonde,
Tant par dedans que par dehors,
Il cuidoit nettoier le corps
Et la maison de malefice,
Si grand fust-il, rendant propice,
Par ce moyen, le ciel à ceux
Quy s’estoient lustrez par les œufs.
De là vient, comme je presume,
Que, retenant de leur coustume,
On denomme ores l’œuf pascal
Quy s’appeloit jadis lustral,
Non qu’à present il serve à faire,
Comme leurs œufs, pareil mystère,
Que deffend la religion ;
Mais il donne l’advision
De se lustrer au jour de Pasque,
Où il faut que le chretien vaque
À servir Dieu d’un cœur lavé,
Où l’ord pesché ne soit trouvé.
Quy ne le faict tombe à sa perte
Dans la damnation apperte.
L’œuf, en marque de netteté,
De l’un à l’autre est presenté.
Pour ceste cause, il est utille
À tous et en vertus fertille.
Des œufs on faict les oingnements
Donnant de prompts allegements
À la toux, au rheume, aux bruslures,
Aux chatarrhes froids, aux foulures.
On tire une huille des moieux
Salubre et propice aux gousteux ;
Des blancs durcis une huille on tire
Bonne au mal des yeux, qu’on admire
Pour oster l’inflammation
Et reprimer la fluxion
Qui tombe dessus, de manière
Que la douleur s’en tire arrière.
L’œuf guarit les convulsions
Et les choliques passions,
Le humant avec eau-de-vie.
Si quelques dames ont envie
D’avoir un blanc pour se farder
Et se faire plus regarder,
Elles calcinent la coquille
Des œufs, et font poudre subtille
Avec l’eau d’ange9 la meslant.
Ce fard rend leur teinct excellent,
Blanc comme laict, sans qu’il importe
À leur santé en quelque sorte.
La coque d’œuf blanchit les dents ;
La pellicule du dedans
Guarit les lèvres crevassées ;
Les personnes interessées
Du flux de sang ont guerison
S’elles prennent avec raison
Des cendres de coques d’œufs faictes ;
En fin, les playes plus infectes
Avec huille d’œufs on guarit.
L’œuf plus qu’autre chose nourrit ;
Il est salubre à la personne,
Au mal de cœur remède il donne ;
En medecine il est requis
Comme nutritif et exquis,
Bien cordial, et il sustente
Le malade, qu’il alimente
Sans luy causer opression ;
Il faict tost sa dijection,
Le ventre il. n’empesche et ne charge.
Ceux qui dans Rome avoient la charge
Des festins les plus somptueux
Pour le premier servoient des œufs10
Avant tous mets, pourveu qu’ils fussent
Fraischement ponduz ou qu’ils n’eussent
Qu’un jour au plus ; ils estimoient
Tant ces œufs frais, qu’ils les nommoient
Le laict de poulle, et acheptèrent
Toutes les poulles qu’ils trouvèrent
Œuver sans cesser, les gardant
Avec soing de tout accident,
Comme chose très necessaire
Et à la santé salutaire.
En Macedoine il se trouva
Qu’une poule en un jour œuva
Deux fois neuf œufs, qui tous portèrent
Deux petits poussins, quy donnèrent
Aux augures à deviner.
Mais où me vay-je pourmener ?
Veux-je de l’œuf faire un volume ?
N’arresterai-je point ma plume,
Quy se perdra dans les escrits,
Voulant de l’œuf dire le prix ?
L’œuf sert à tout : des Spitamées
Les maisons n’estoient point fermées
Qu’avecque des coquilles d’œufs
Et des plumes aux entre-deux ;
Ils avoient coustume de faire
Avec chaux vive et de la claire
Des œufs un aiment qui tenoit
Leurs pierres et les conjoingnoit.
Depuis, plusieurs s’en servirent
En leurs ouvrages, et refirent
Les vaisseaux et vases brisés.
Les paintres se sont advisés
De s’en servir en leurs paintures11
Et les doreurs en leurs dorures
Qu’ils font sur les livres12. On faict
Un vernis luisant et parfaict
Avec l’auben, qui donne grace
Aux tableaux, sans que tort il fasse
Aux couleurs, et se peut oster
Quand on veut, sans rien y gaster.
On en use en maints artifices ;
Les amants les trouvent propices
Pour mettre des lettres dedans
Et, malgré les mieux regardants,
Faire savoir à leurs maitresses
Leurs volontez et leurs detresses
En ce quy leur est survenu.
De là le proverbe est venu,
De porter le poullet13. On use
De l’œuf encor une autre ruse :
L’histoire ancienne nous dict
Qu’un jour Alexandre entendict
Par le moyen de quelque lettre
Mise en un œuf, qu’on voulut mettre
Un mauvais dessein en effect
Où son ost14 eust esté defect
Par Darius. On peut escrire
Sur un œuf ce qu’on ne peut lire
Que par dedans, ayant osté
La coque avec subtilité.
Il sert à mille autres surprises,
Mille jeux, mille galantises :
Ne fait-on pas des œufs aller
Comme oiseaux amont dedans l’air
Quand ils sont remplis de rosée
Dont l’herbe est en may arrosée15 ?
Mais, pour avoir ce passe-temps,
On les met aux rays bluetans
D’un soleil ardent, qui les tire
Après qu’il a fondu la cire
Quy clost la rosée. Avec l’œuf
Qu’on met sur un brasier de feu,
Ne voist-on pas la flamme esteindre
Et sa vehemence restraindre ?
L’œuf peut tout, estant accomply
Et de tant de vertus remply,
Qu’il semble qu’il soit l’epitome
Des merveilles nées pour l’home.
Les Selenites font des œufs,
Et les hommes qui naissent d’eux
Sont plus fortz ayant cinq années
Que nous aux virilles journées,
Si cela qu’Herodote dict
Pour veritable entre en credit.
Puisse un jour nostre grand monarque,
Vainqueur du temps et de la Parque,
Voir ces femmes et leur pays
Et ses lys y estre obéis !
Avant que finir ce poème,
Je vous prieray d’un zele extrême
De mesmes cest œuf achepter
Qu’humble je vous viens presenter,
Comme feist ce consul de Rome
Quy songea qu’il trouvoit grand somme
D’or et d’argent dans un sien clos.
Reveillé qu’il fut, tout dispos,
Alla voir si c’etoit mensonge
Cequ’il avoit veu en son songe.
Il n’y trouva qu’un œuf ; de quoy
Il fut aussy content en soy
Que s’il eust trouve davantage.
L’œuf, disoit-il, j’acomparage
À un très precieux thresor :
Son moyeu represente l’or,
Sa glaire l’argent ; de manière
Qu’ainsy que chose singulière
J’estime l’œuf en l’imitant.
Soyez de ce present content.
1. Jacques de Fonteny n’est guère connu, et, comme on va le voir, il mériteroit de l’être à plusieurs titres. Il faisoit partie de la Confrérie de la passion, non pas sans doute comme acteur, puisque, d’après l’Estoille, il étoit boiteux, mais comme poète certainement. Il prend la qualité de confrère de la passion dans le recueil de Pastorelles publié en 1615 par J. Corrozet, in-12, sous le titre de le Bocage d’Amour. Il s’y trouve deux pastorelles en vers, l’une le Beau pasteur, qui étoit bien de notre Fonteny, puisqu’il l’avoit déjà donnée dans la Première partie de ses ébats poétiques, Paris, Guill. Linocier, 1587, in-12 ; l’autre la Chaste bergère, qui, bien que publiée aussi sous le nom de Fonteny, appartenoit réellement à son camarade S. G. de la Roque, puisque celui-ci l’avoit déjà fait paroître séparément sous son nom, en 1599, à Rouen, chez Raph. du Petit-Val. Il est vrai que La Roque auroit pu la prendre, pour se l’attribuer, dans la première édition du Bocage d’Amour, donnée en 1578, et mentionnée dans la Bibliothèque du théâtre françois, t. 1, p. 220. Dans ce même ouvrage, il est parlé d’un autre recueil de notre auteur, les Ressentiments de Jacques de Fonteny pour sa Céleste, 1587, in-12, dont fait partie la pastorale en 5 actes la Galathée divinement delivrée. Quand les comédiens italiens vinrent en France, Fonteny se mit aussitôt à imiter leur théâtre. À peine Francesco Andreini, chef de la troupe de li Gelosi, avoit-il donné, en 1607, la première partie de sa grande pièce matamore le Bravure del capitan Spavento, que notre confrère de la passion la publia en françois sous le titre de : les Bravacheries du capitaine Spavente, traduictes par J. D. F. P. (Jacques de Fonteny, Parisien). M. Brunet, trompé par la première de ces initiales, a dit que cette traduction étoit de Jean de Fonteny ; mais, selon moi, c’est bien Jacques qu’il faut dire. En 1638, Anthoine Robinot publia pour la seconde fois cette traduction avec le titre nouveau de le Capitan, par un comédien de la trouppe jalouse. Cette seconde édition est mentionnée dans le Catalogue Soleinne, sous le nº 804, avec une note où, après avoir fait ressortir l’influence que cette pièce put avoir sur notre théâtre, dont le matamore fut dès lors l’un des personnages indispensables, l’on ajoute : « La première édition du Capitan doit être bien antérieure à celle de 1608, la plus ancienne qui soit citée par la bibliographie. » C’est une erreur, puisqu’en effet, je le répète, la première partie de l’ouvrage d’Andreini, dont celui-ci n’étoit que la traduction, avoit paru seulement en 1607. (V. le curieux travail de M. Ch. Magnin sur le Teatro celeste, Revue des deux mondes, 15 décembre 1847, p. 1103, note.) Fonteny sacrifioit volontiers à la mode en littérature : nous venons de le voir pour les comédies italiennes, dont il se hâta de se faire le traducteur au moment de leur premier succès ; nous allons en avoir une autre preuve par son volume d’Anagrammes et sonnets, dédiés à la reine Marguerite, qu’il publia en 1606, in-4, c’est-à-dire au moment où ce genre de casse-tête poétique commençoit d’être en vogue. L’Estoille, dont Fonteny étoit l’ami, reçut de lui, en présent, ce volume d’anagrammes, et voici comment il en parle : « Le vendredi 5 (janvier 1607), Fonteny m’a donné des anagrammes de sa façon, qu’il a fait imprimer pour la reine Marguerite, où entr’autres il y en a ung tout à la fin qui est sublin et rencontré de mesme, tiré, ainsi qu’il dit, de l’Escriture, fort convenable à la qualité, vie et profession de la ditte dame, dans le nom de la quelle, qui est Marguerite de Valois, se trouve : Salve, virgo mater Dei. Il y en a encores un autre de mesme qu’il y a mis, qui suit cestui-ci, de pareille estofe et grace ; les quels deux il semble avoir reservés pour la bonne bouche, afin que d’une tant belle conclusion, et si à propos, on jugea tout le reste, qui ne vault pas mieux. » Par bonheur un autre présent accompagnoit celui-là et le faisoit passer, quoi que ce fût aussi, mais dans un genre bien différent, un ouvrage de Fonteny : « Le dit Fonteny, ajoute l’Estoille, m’a donné pour mes estrennes un plat de marrons de sa façon, dans un petit plat de faïence, si bien faict qu’il n’y a celui qui ne les prenne pour vrais marrons, tant ils sont bien contrefaits près du naturel, se rencontrant plus heureux en cest ouvrage qu’en celuy des anagrammes. » Quelques semaines après, Fonteny, qui avoit encore quelque présent de vers à se faire pardonner, gratifia l’Estoille de la même manière. « Fonteni le boiteux, écrit celui-ci, m’a donné ce jour (20 fév. 1607) un plat artificiel de sa façon, de poires cuites au four, qui est bien la chose la mieux faite et la plus approchante du naturel qui se puisse voir. Il m’a donné aussi son Œnigme de la cloche. » — Mon ami M. de Montaiglon, frappé comme moi de ces deux passages de l’Estoille qui nous font connoître un imitateur de Palissy très intéressant et très imprévu, pense, avec raison, que la grande F placée sous une assiette de fruits émaillée faisant partie de la collection des faïences du musée du Louvre pourroit bien être l’initiale de notre Fonteny.
2. L’Eurotas. Les cygnes de ce fleuve étoient célèbres.
3. Ce traité se trouve avec les Hymnes, etc., à la suite des anciennes éditions des Argonautica d’Orphée ; mais, comme tout le reste, on sait à présent qu’il n’est pas de lui.
4. Plutarque dans ses Symposiaques, au bizarre chapitre : Quel des deux a été le premier, de la poule ou de l’œuf ? parle de cet usage.
5. C’est-à-dire quand, après la moisson, l’on faisoit avec le blé fauché ces grandes meules qu’on appelle chaumiers dans la Beauce.
6. Moissonneurs, ceux qui font l’aoust.
7. S’il falloit se bien garder de casser un œuf plein, il falloit aussi se hâter de le briser sitôt qu’on en avoit vidé la coque. C’étoit un usage sacré chez les Romains (Pline, liv. 28, ch. 2), et que nous avons conservé comme simple règle d’étiquette : « Après votre soupe, que mangeâtes-vous ? dit l’abbé Delille à l’abbé Cosson dans la fameuse conversation qu’a rapportée Berchoux. — Un œuf frais, répond l’autre. — Et que fîtes-vous de la coquille ? — Comme tout le monde, je la laissai au laquais qui me servoit. — Sans la casser ? — Sans la casser. — Eh bien ! mon cher, on ne vide jamais un œuf sans briser la coquille. » (Notes du poème la Gastronomie.) Grimod de la Reynière (Almanach des gourmands, 3e année, p. 349–350) se préoccupe de cet usage, et assure qu’il a beaucoup réfléchi pour en deviner le motif. Pline, qui en a parlé le premier, ne le savoit pas bien lui-même. « Au reste, dit l’illustre gourmand, il n’y a nul inconvénient à s’y soumettre. »
8. Lustrateur, qui tenoit et présentoit l’eau lustrale.
9. Eau de senteur fort en renom depuis le temps de Rabelais, qui la cite au chap. 55 de son livre 1er, jusqu’à Corneille, qui en parle dans sa comédie de la Veuve (act. 1er, sc. 1re). Elle étoit composée d’iris de Florence, de storax, de bois de rose, de santal citrin, etc. Les Espagnols avoient aussi une eau des anges (agua de angeles), mais qu’ils composoient autrement. D’après la recette qu’en donne un commentateur de Don Quichotte (2e partie, ch. 32), il paroît que la fleur d’oranger y dominoit. L’eau d’ange se seroit ainsi rapprochée de l’eau de naffe, dont nous avons parlé dans notre tome 4, p. 362, et qu’on nous assure être la même chose que l’eau de fleur d’oranger, bien que, dans le passage du Décameron cité par nous, Boccace les distingue formellement.
10. On commençoit par les œufs, et l’on finissoit par les fruits, comme chez nous. De là le proverbe : Ab ovo... usque ad mala, depuis le commencement jusqu’à la fin.
11. Au moyen âge, lors même qu’on se servoit de l’huile et de la gomme pour la plupart des couleurs, il y en avoit quelques unes pour lesquelles on recouroit au blanc d’œuf. « Le vermillon, dit le moine Théophile, la céruse et le carmin doivent se broyer et s’appliquer avec du clair d’œuf. » (Diversarum artium schedula, liber 1, cap. 27.)
12. Dans les manuscrits, pour appliquer l’or, l’on s’étoit toujours servi d’un mélange de vermillon et de cinabre, broyé dans un clair ou blanc d’œuf. (Idem, cap. 31.) Quant aux relieurs, ils durent toujours faire usage du blanc d’œuf pour leurs dorures ; aujourd’hui encore ils ont soin de glairer préalablement la partie sur laquelle la feuille d’or doit être appliquée.
13. C’est la première fois que nous voyons expliquer ainsi le nom de ces billets doux, qu’on appeloit aussi chapons (V. notre tom. 1er, p. 12.) Nous préférons l’étymologie que donne Le Duchat, lorsqu’il dit dans son Dict. étymologique de Ménage (Paris, 1750, in-fol.), qu’on appeloit ainsi les billets doux parcequ’on les plioit en forme de poulet, « à la manière, dit-il, dont les officiers de bouche plient les serviettes, auxquelles ils savent donner diverses figures d’animaux ». Le Duchat auroit pu appuyer son explication du passage de l’École des Maris (act. 2, sc. 5) où Isabelle raconte à Sganarelle comment un jeune homme
… a droit dans sa chambre une boîte jetée
Qui renferme une lettre en poulet cachetée.
14. Armée.
16. Dans les Nova antiqua de Paschius, au chapitre où il est parlé des tentatives faites par l’homme pour s’élever dans les airs, l’on trouve d’intéressants détails sur la manière dont on préparoit les œufs pour qu’ils pussent monter comme de petits aérostats.