Traduction par Théophile Seyrig.
Librairie polytechnique Ch. Béranger, éditeur (p. 161-202).

VI

LA FIN DU SOLEIL
ORIGINE DES NÉBULEUSES

Nous avons vu, dans les pages précédentes, que le soleil répand annuellement des quantités presque inconcevables de chaleur : environ 3,8×1033 petites calories[1], c’est-à-dire qu’il perd deux calories par gramme de sa masse par an. Nous avons également pu nous faire une idée comment il est possible, en raison de l’énormité de la provision de calorique du soleil, que cette émission puisse se continuer pendant des billions d’années.

Mais il faudra finalement et malgré tout, qu’il arrive un moment où ce soleil se refroidira, et que, comme cela est déjà arrivé à la terre et arrivera aux planètes actuellement gazéiformes, il s’enveloppe d’une croûte solidifiée. Nul être vivant n’assistera, plein de désespoir, sur aucune des planètes de notre système, à cette extinction du soleil. Il y aura longtemps, malgré tous les efforts ou toutes les inventions, que la vie sera éteinte sur tous ses satellites, par suite de la diminution graduelle de la chaleur et de la lumière vivifiantes de l’astre central.

Les transformations ultérieures du soleil ressembleront alors à celles que parcourt actuellement notre globe, à la différence près, qu’il n’y aura pas d’autre centre lumineux et calorifique comme celui qui nous octroie la vie. Au début, la mince croûte qui se formera se brisera sans cesse sous l’effort des masses de laves et de gaz qui s’échapperont de l’intérieur de l’astre. Mais ces puissants épanchements se solidifieront à leur tour, et les portions brisées se rejoindront plus solidement qu’avant. Il subsistera, sur quelques fentes primitives, des volcans qui, par suite du refroidissement graduel intérieur, expulseront les masses gazeuses libérées, consistant surtout en vapeur d’eau et, en plus faible quantité, en acide carbonique.

Puis viendra la condensation de la vapeur d’eau. Des océans se formeront à la surface du globe solaire, et pendant un peu de temps il ressemblera, dans une certaine mesure, à notre terre. Mais la différence marquée ci-dessus subsistera : le soleil éteint ne recevra pas du dehors la chaleur vivifiante qui est la cause de notre existence. Il ne recevra que le faible rayonnement venu de l’espace céleste, et la petite quantité de chaleur que peut produire la chute des météorites.

La température s’abaissera donc rapidement sur ce soleil éteint. Les nuages de son atmosphère deviendront de plus en plus maigres, et ne protègeront plus sa surface contre la radiation de ce qui reste de chaleur. L’océan formé se recouvrira de glace. L’acide carbonique commencera à se déposer sous forme d’une fine neige blanche. Enfin, lorsque la température sera descendue à ‒200 degrés, de nouvelles mers se formeront, par suite de la condensation des gaz longtemps appelés permanents, et en particulier de l’azote. Encore un abaissement de quelque 20 degrés et l’énergie contenue dans les météores qui tomberont à la surface couvrira tout juste la perte de chaleur qui subsiste encore. À ce moment l’atmosphère du soleil ne contiendra plus que de l’hélium et de l’hydrogène, les deux gaz les plus résistants à la liquéfaction, et un reste d’azote.

Arrivé à ce point, le soleil ne rayonnera plus aucune chaleur, sinon d’une façon insensible. Actuellement, chaque kilomètre carré de la surface terrestre ne rayonne, par suite de sa faible conductibilité, que la milliardième partie à peu près de la chaleur qu’une surface égale émet sur le soleil. Lorsque l’épaisseur de la croûte solaire aura atteint une soixantaine de kilomètres, son émission de chaleur sera descendue à des proportions analogues. La température de sa surface sera peut-être de 50 à 60 degrés au-dessus du zéro absolu, et ne s’élèvera plus haut que pour très peu de temps, sur des étendues très limitées, là où il se produira des éruptions volcaniques.

Mais à l’intérieur du globe solaire, il subsistera encore une température presque aussi élevée que celle d’aujourd’hui, à savoir, quelques millions de degrés. Il s’y trouvera encore les mêmes combinaisons infiniment explosives que maintenant. Semblable à un colossal magasin de dynamite, le soleil obscur vaguera dans l’espace, sans subir, en des billions d’années, aucune perte sensible d’énergie. Immuable comme serait un spore inaltérable, il conservera sa puissance énorme jusqu’à ce que des circonstances extérieures le réveillent à une nouvelle existence, analogue à la précédente. Une lente contraction de la surface extérieure, causée par la perte continue de chaleur, et la diminution des dimensions qui en résultent, donnera à cette surface des rides de vieillesse.

Admettons, pour nous rendre compte, que la croûte qui recouvrira le soleil, comme aussi celle actuelle de la terre, ait la même conductibilité pour la chaleur que le granit. D’après M. Homén, celui-ci laisse passer, par une lame de 1 centimètre d’épaisseur, dont les deux faces ont une température qui diffère de 1 degré, et sur une surface d’un centimètre carré, 0,582 calories C. G. S.

La croûte terrestre, dont la température augmente de 30 degrés par kilomètre de profondeur, laisserait ainsi passer par minute et par centimètre carré : 1,75×10‒4 calories. Comme la terre reçoit en moyenne 0,625 calories par minute et par centimètre carré, cette quantité représente seulement la 3 580e partie de ce qu’elle reçoit.

Le soleil, à lui supposer une croûte égale à celle de la terre et un diamètre 108,6 fois plus grand, perdrait 3,3 fois plus de chaleur par minute, que la terre ne reçoit actuellement de ce même soleil. En l’état présent, il perd 2 260 millions de fois plus que la terre n’en reçoit. Sa perte serait donc au moment dont nous parlons, 686 millions de fois plus petite que celle d’aujourd’hui. Si l’épaisseur de la croûte solaire atteignait le 140e de son rayon, c’est-à-dire qu’elle eût la même proportion que celle de la terre, le soleil ne perdrait pas, en 74 500 millions d’années, plus de chaleur qu’il n’en perd actuellement en un an. Ce chiffre est à diminuer quelque peu en raison de la température plus froide qu’aura à ce moment-là la surface extérieure du soleil, et on peut l’évaluer à 60 000 millions d’années environ. Comme la température moyenne du soleil peut bien être d’environ 5 millions de degrés centigrades ; son refroidissement jusqu’à 0 degré (en supposant que sa capacité calorifique soit égale à celle de l’eau) prendrait 150 000 billions d’années. Pendant ce temps l’épaisseur de la croûte augmenterait toujours et le refroidissement deviendrait de plus en plus lent. En tout cas on peut dire que dans des conditions semblables, la perte totale d’énergie en 1 000 billions d’années ne serait qu’une fraction des plus minimes de la quantité d’énergie renfermée encore dans le soleil.

À supposer qu’un astre éteint chemine dans l’espace pendant des temps qui nous feraient l’effet d’être incommensurables, il finira néanmoins par en rencontrer un autre, — lui-même lumineux ou éteint. La probabilité d’une semblable rencontre s’accroît considérablement par la déviation que subira sa trajectoire par suite de la force attractive des deux corps qui se rapprochent. Les étoiles qui sont nos plus proches voisines sont à une distance telle que la lumière met en moyenne 10 ans pour parvenir du soleil jusqu’à elles. Or le soleil se déplace avec une vitesse de 20 kilomètres par seconde. À ce compte, sa rencontre avec une étoile de même nature générale ne se produirait qu’au bout de 100 000 billions d’années.

Mais supposons qu’il existe dans les profondeurs célestes cent fois plus d’astres éteints qu’il n’y en a de lumineux, — hypothèse qui n’est nullement indéfendable. Le temps probable qui s’écoulera jusqu’à la prochaine rencontre sera de 1 000 billions d’années. La période pendant laquelle un soleil reste lumineux n’est guère qu’un centième de ce temps, soit 10 billions d’années. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce chiffre, car la vie existe sur la terre depuis environ un milliard d’années, et cette durée n’est qu’une fraction très petite de celle pendant laquelle le soleil a envoyé et enverra encore de la lumière.

Il y a une probabilité naturellement bien plus grande que le soleil rencontrera quelque nébuleuse, car celles-ci occupent des espaces beaucoup plus étendus qu’un astre. Mais il n’est pas improbable que dans ce cas les choses se passeront comme lors de la traversée de la couronne solaire par quelque comète. On n’observe en ce cas aucun effet, aucun phénomène particulier provenant de la rencontre, et cela, à cause de la rareté de la matière constituant la couronne. Néanmoins l’entrée dans la nébuleuse accélèrera probablement beaucoup la rencontre avec un autre soleil quelconque, car, ainsi que nous le montrerons plus loin, les nébuleuses recèlent, en quantité notable, des corps célestes lumineux aussi bien qu’obscurs.

Nous voyons, de temps en temps, des étoiles nouvelles s’allumer subitement dans la voûte céleste. Elles diminuent ensuite d’intensité, puis elles s’éteignent, ou tout au moins descendent-elles jusqu’à une luminosité extrêmement faible. Le plus remarquable d’entre ces événements très intéressants fut celui que l’on observa en février 1901, où une étoile nouvelle se montra tout à coup dans la constellation de Persée. Elle fut vue en Écosse par Anderson, le 22 février au matin ; elle était à ce moment un peu plus lumineuse qu’une étoile de troisième grandeur[2]. Une photographie de la région du ciel où elle se trouvait, faite 28 heures avant qu’on la découvrit, ne montre encore aucune trace de son existence, bien que les étoiles de 12e grandeur aient produit leurs empreintes sur la plaque. Cela semblerait indiquer que dans ce court espace de temps la puissance lumineuse de la nouvelle étoile s’est accrue de plus de cinq mille fois sa valeur initiale.

Le 23 février sa lumière était plus forte que celle de n’importe quelle autre étoile, Sirius excepté. Le 25 février elle était de première grandeur, le 27 février, de deuxième, le 6 mars, de troisième, le 18 mars, de quatrième grandeur. Ensuite sa luminosité varia irrégulièrement, jusqu’au 22 juin, par périodes de trois, puis de cinq jours, tandis que sa clarté moyenne diminuait graduellement. Le 23 juin elle n’était plus que de sixième grandeur. La lumière diminua après cela plus régulièrement, passant à la septième grandeur en octobre 1901, à la huitième en février 1902, à la neuvième en juillet, et à la dixième en décembre 1902. Depuis lors elle a diminué peu à peu jusqu’à la 12e grandeur.

Lorsque l’éclat de cette Nova Persei était le plus grand, sa lumière était d’un blanc bleuâtre. Sa couleur passa plus tard au jaune, puis au rouge dans le commencement de mars. Pendant les variations périodiques d’éclat (mars–juin) sa couleur était blanc jaunâtre au moment le plus lumineux, et rougeâtre au moment le plus faible. Plus tard la couleur devint blanc pur.

Le spectre de cette étoile a montré les plus grandes analogies avec celui d’une autre étoile nouvelle, apparue dans la constellation du Cocher (Nova Aurigæ, 1892, voy. fig. 45).

Une caractéristique presque générale des étoiles nouvelles consiste en ce que leurs raies spectrales sont doubles. Chacune de ces raies dédoublées est obscure vers l’extrémité violette du spectre, et brillante du côté du rouge. Le spectre de la Nova Aurigæ présenta cette particularité surtout aux lignes C, F et H de l’hydrogène, à la ligne du sodium, à celles que l’on trouve dans les nébuleuses, et enfin à celle du magnésium. Dans le spectre de la Nova Persei le déplacement des lignes de l’hydrogène vers le violet est si grand, qu’on en a déduit que le gaz absorbant la lumière devait se mouvoir dans notre direction
Fig. 45, Spectre de l’étoile nouvelle du Cocher, en 1892
Fig. 45. — Spectre de l’étoile nouvelle du Cocher, en 1892.
avec une vitesse de 700 kilomètres par seconde, sinon plus. Quelques lignes du calcium présentaient un déplacement analogue ; pour d’autres lignes métalliques il était plus faible.

Que faut-il conclure de cet ensemble d’observations ? Que l’étoile envoyait dans notre direction des masses de gaz, de température relativement faible, mais cheminant à des vitesses énormes. Les parties lumineuses de l’étoile étaient ou immobiles, ou bien s’éloignaient de nous. L’explication la plus plausible est celle donnée par la supposition qu’en devenant lumineux, l’astre, par suite de sa température très élevée, et des pressions considérables, a donné des lignes spectrales très élargies, dont la partie violette a été absorbée par des masses gazeuses refroidies par leur violente expansion, et projetées de notre côté. Il va de soi que ces gaz devaient être lancés dans tous les sens autour de l’étoile ; seulement notre observation ne pouvait porter que sur ceux qui absorbaient la lumière en s’interposant entre l’étoile et nous, et qui par conséquent, étaient projetés dans notre direction.

Petit à petit les lignes métalliques ainsi que le spectre continu diminuèrent. Ce fut d’abord dans la région du violet, pendant que les lignes de l’hydrogène et celles des nébuleuses restaient encore très nettes. Au bout de quelque temps, l’étoile donna, comme d’autres étoiles nouvelles, le spectre habituel des nébuleuses. Ce fait remarquable fut observé pour la première fois par H. C. Vogel, à propos d’une nouvelle étoile apparue dans le Cygne (Nova Cygni, 1876). Une autre étoile du Cygne, P, qui parut s’enflammer subitement en 1600, donne aujourd’hui encore un spectre qui indique une émission d’hydrogène. Il n’est pas impossible que cette étoile « nouvelle » ne soit pas encore parvenue à son état d’équilibre, mais qu’elle émette encore, d’une façon continue, des flots de gaz froids. Il ne faut, pour provoquer la production de bandes d’absorption, que des quantités minimes de gaz, de sorte que cette perte de gaz peut durer très longtemps, tant que la provision existante n’est pas épuisée.

Des observations récentes, faites en 1908 par M. Hartmann, à Potsdam, ont établi que la Nova Persei est actuellement une étoile fixe du type étudié par Wolf et Rayet, qui est désigné par les noms de ces deux astronomes. Ce type est caractérisé, au spectroscope, par des raies mêlées, lus unes brillantes, les autres sombres, les raies claires appartenant principalement à l’hydrogène. D’autres étoiles nouvelles ont également passé à ce type. Telles sont celle de 1866, apparue dans la Couronne boréale, et celle de 1876, du Cygne. Des mesures très exactes faites sur ces étoiles ont révélé qu’elles sont entourées d’une épaisse atmosphère d’hydrogène, dont les raies brillantes deviennent parfois visibles lorsque l’image de l’étoile centrale proprement dite se trouve tout à fait voisine de la fente du spectroscope. On a évalué la dimension de cette atmosphère d’hydrogène comme égale à l’orbite de Neptune. Ces singulières étoiles sont des exemples de l’état le plus primitif de l’évolution des astres. On peut les considérer comme des étoiles chaudes, entourées de nébulosités épaisses.

Nous avons déjà parlé (voy. p. 127) des singuliers nuages lumineux qui ont entouré la Nova Persei lors de son apparition. Deux nuées annulaires s’éloignaient de l’étoile centrale, avec des vitesses respectives de 1,4 et de 2,8 secondes d’arc par jour. Ces nuées furent observées du 29 mars 1901 jusqu’en février 1902. Si l’on cherche à remonter en arrière jusqu’au moment où ces nuées ont dû quitter l’étoile elle-même, on arrive aux dates du 8 et du 16 février, dates qui coïncident de très près avec les moments où la luminosité fut la plus grande, constatée le 23 février. Il semble donc indubitable qu’elles partirent de l’étoile à leur origine, et qu’elles étaient la conséquence d’une force répulsive de radiation. Leur lumière n’a montré aucune polarisation appréciable, et ne peut donc pas être de la lumière réfléchie. Elle est très probablement le résultat des décharges électriques entre particules poussiéreuses qui rendent lumineux les gaz absorbés par ces poussières.

Nous avons donc évidemment été les témoins, dans ce phénomène de la Nova Persei, de la fin grandiose de l’existence d’un corps céleste, en tant qu’unité indépendante. Cette fin s’est produite par la rencontre avec un autre corps de même nature. Les astres qui se sont rencontrés étaient tous deux obscurs, ou tout au moins rayonnaient-ils si peu de lumière, qu’à eux deux ils ne brillaient même pas autant qu’une étoile de douzième grandeur.

Après leur rencontre, leur lumière était plus puissante que celle d’une étoile de première grandeur, et cela malgré que leur distance fut d’au moins 120 années-lumière[3]. Il fallait donc que leur rayonnement dépassât de plusieurs milliers de fois celui de notre soleil. Dans de semblables conditions la pression de radiation était naturellement un grand nombre de fois celui de la surface solaire. Les masses poussiéreuses, expulsées par l’étoile nouvelle, ont dû avoir une vitesse beaucoup plus grande que celle de notre soleil. Cette vitesse n’a pas pu, cependant, égaler celle de la lumière elle-même, qui ne peut jamais être complètement atteinte par l’effet de la pression de radiation.

Il n’est pas difficile de se faire une idée de la force énorme sous laquelle s’est produite cette collision de deux mondes. Un corps quelconque, une météorite par exemple qui, des espaces célestes, se précipite sur le soleil, acquiert, au moment de sa chute sur celui-ci, une vitesse de 600 kilomètres par seconde. La vitesse de chacun des deux globes qui se sont rencontrés doit avoir été du même ordre.

Ce choc est en général un choc oblique. Bien qu’une partie de l’énergie dépensée se soit transformée en chaleur, le surplus doit donner à l’ensemble une vitesse de rotation de plusieurs centaines de kilomètres par seconde. Celle actuelle de notre soleil, — 2 kilomètres par seconde à l’équateur —, est infiniment petite par rapport à celle-là ; plus encore celle de notre globe terrestre, qui n’est que de 0,465 km. par seconde à l’équateur. Nous ne commettrons donc point d’erreur bien grande en négligeant la vitesse de rotation que pouvaient avoir l’un et l’autre corps avant leur rencontre.

La collision aura fait jaillir des deux corps, perpendiculairement à leurs trajectoires primitives, deux puissants jets de matière, situés sensiblement dans le même plan. La vitesse de ces jets de matière dépendra de la vitesse de rotation du corps double qui s’est formé, vitesse qui, d’ailleurs, s’en trouve diminuée (voy. fig. 46). Rappelons ici, que lorsque de la matière provenant du centre arrive à la surface du soleil, elle s’y comporte forcément comme un corps puissamment explosif. Les gaz expulsés seront violemment poussés en avant par la rotation de la partie centrale. Nous pouvons nous faire une représentation approximative de la figure que présentera cet objet, en considérant une roue tournant très rapidement et qui aurait aux extrémités d’un de ses diamètres deux fusées d’artifice, lançant dans le sens de la tangente, des jets de feu. Plus les jets sont longs, moins leur vitesse sera grande, moins grande aussi la vitesse angulaire desdits jets.

Il en est de même pour l’étoile. La puissante expansion des gaz projetés causera leur rapide refroidissement. Les jets
Fig. 46, Figure schématique, indiquant les conséquences d’un choc entre deux soleils
Fig. 46. — Figure schématique, indiquant les conséquences d’un choc entre deux soleils éteints A et B, qui cheminaient dans la direction des flèches. — Il en résulte une violente rotation dans le sens des flèches courbes. Deux puissants jets gazeux s’échappent par suite du dégagement de la décomposition des couches profondes contenant des combinaisons explosives, ramenées à la surface par le choc.
gazeux contiennent d’ailleurs aussi beaucoup de poussière fine, probablement surtout de carbone, qui auparavant se trouvait en combinaison dans les matières explosives. Les nuages de fines poussières ombragent de plus en plus l’étoile nouvelle, et font que sa lumière blanche passe successivement au jaune et au rouge, car les poussières fines absorbent de préférence les rayons bleus ou verts, plutôt que les jaunes et les rouges.

Au début, ces nuées se trouvaient à proximité immédiate du corps de l’étoile ; leur vitesse angulaire était extrêmement grande, et elles devaient l’envelopper entièrement. Mais dès le 22 mars les extrémités des jets s’étaient étendus au loin, la durée de leur révolution s’était allongée à six jours, et le corps central se trouva plus obscurci lorsque les parties extérieures des jets s’interposaient entre lui et nous par le fait de la rotation. À mesure que ces jets s’allongeaient, la durée de leur révolution s’étendit graduellement jusqu’à 10 jours. L’étoile en devint périodique, avec une période lentement croissante. Son éclat était plus rouge lors du minimum que par le maximum.

La capacité d’absorption des bords extrêmes du jet diminuait pendant ce temps, soit parce que ses dimensions s’agrandissaient, soit parce que la poussière s’agglomérait petit à petit en grains plus gros, peut-être aussi parce que les parties les plus fines étaient déjà rejetées au loin par la radiation. Il s’ensuivait que la filtration de la lumière à travers les poussières diminuait, en ce que les rayons rouges et jaunes pouvaient de nouveau passer plus librement que les bleus et les verts ; la teinte de la lumière devenait plus grisâtre et retournait au blanc pur après quelque temps.

Cette couleur blanche qui subsiste est l’indice que l’étoile possède encore une température très élevée. Par l’expulsion continue des masses gazeuses saturées de poussières, dont la violence diminue petit à petit, la clarté de l’étoile, telle que nous l’apercevons, s’atténue. Le noyau lumineux est de plus en plus uniformément entouré des couches poussièreuses. Mais la puissance même de l’explosion est démontrée par ce fait que les masses d’hydrogène expulsées en premier lieu se précipitaient vers l’observateur placé sur notre globe, avec une vitesse d’au moins 700 kilomètres par seconde. Cette vitesse est du même ordre que celle constatée dans les protubérances solaires les plus violemment projetées.

Ainsi qu’on le voit, la manière dont nous nous représentons l’événement qui a causé l’apparition de la Nova Persei donne jusque dans les détails une image assez fidèle de la succession des faits : il est très probable que dans ses traits principaux, elle est exacte. Mais qu’est devenue maintenant l’étoile nouvelle ? L’analyse spectrale nous fait savoir que, comme d’autres étoiles nouvelles elle a été transformée en nébuleuse stellaire. La lumière continue du corps central a été graduellement atténuée par les masses poussiéreuses environnantes. Celles-ci sont chassées par la pression de radiation vers les régions extérieures des masses gazeuses qui enveloppent le noyau, et qui sont principalement de l’hydrogène, de l’hélium et du « nébulium ». La poussière y décharge son électricité négative, ce qui produit une luminosité absolument semblable à celle que nous manifestent les nébuleuses proprement dites.

Ajoutons à cela que par la rotation, d’une violence inouïe, de la masse centrale des deux étoiles fusionnées, les parties extérieures en sont soumises à l’effet d’une force centrifuge des plus importantes. Elle transformera cette masse tournante en un immense disque[4]. La pression étant, au pourtour, comparativement faible, la densité des gaz y sera également très modérée. Cette forte dilatation, et plus encore la grande radiation de la chaleur, diminueront rapidement la température. Nous aurons donc un grand astre central, dont l’intérieur aura une densité importante et qui ressemblera, par conséquent, aux soleils que nous connaissons, mais dont les parties extérieures seront très peu denses, et de nature nébuloïde. Autour de ce corps central se trouveront les restes des deux faisceaux ou jets gazeux qui furent expulsés aussitôt après le choc. Une partie importante de la matière contenue dans ces parties extérieures qui formeront spirale, s’éloignera sans doute, se répandant dans l’immensité environnante, pour être ultérieurement aggloméré par d’autres corps célestes, ou encore pour former des parties des grandes nébuleuses irrégulières que nous voyons comme des brouillards épais autour des amas d’étoiles. Une autre partie qui est retenue par le corps central, restera animée d’un mouvement circulaire autour de lui. Par suite de ce lent mouvement rotatoire les contours des deux spirales s’effaceront petit à petit, et celles-ci prendront de plus en plus la forme d’anneaux entourant le corps central.

La forme en spirale (voy. fig. 47 et 48) des parties extérieures des nébuleuses a depuis longtemps attiré tout particulièrement l’attention. On a remarqué presque partout que deux bras de spirale semblent serpenter autour du noyau. Cela indique que la matière se trouve animée d’un mouvement de rotation autour d’un axe central, d’où elle a été projetée de deux côtés opposés. Parfois la nébuleuse est fusiforme, et parmi celles-là, la grande nébuleuse d’Andromède (fig. 49) est la plus connue. L’observation fait cependant voir, lorsqu’elle est faite à l’aide des instruments les plus puissants, que celles-là sont également spiraloïdes, bien qu’elles nous paraissent fusiformes parce que nous les voyons de côté. M. Keeler, le célèbre astronome américain qui, plus que tout autre, s’est occupé des nébuleuses, en a relevé des nombres considérables, dans toutes les parties du ciel qui fussent accessibles à son observation, et il a trouvé que ces formations sont en grande majorité de forme spiraloïde.

Quelques-unes, auxquelles on donne le nom de nébuleuses planétaires, nous apparaissent plutôt comme des sphères lumineuses. Nous pouvons supposer dans ce cas, que l’explosion qui les créa, fut moins violente. Les spirales sont par suite si resserrées qu’elles se sont confondues. Peut-être que des inégalités existantes se sont compensées dans le cours des temps. Un certain nombre de nébuleuses sont annulaires, comme celle bien connue de la Lyre (fig. 50). Celles-là encore, peuvent avoir pour origine une forme en spirale, dont la rotation a graduellement effacé les traits, et où la matière nébuleuse voisine du centre s’est condensée sur des planètes circulant
Fig. 47, Nébuleuse spirale des « Chiens de Chasse » observatoire de Yerkes 3 juin 1902
Fig. 47. — Nébuleuse spirale des « Chiens de Chasse » (Messier 51). Photographie de l’observatoire de Yerkes du 3 juin 1902. Échelle 0,001 m. = 13,2 secondes d’arc.
autour de l’astre. Schaeberlé, un autre astronome américain affirme avoir observé dans cette nébuleuse aussi, des traces de structure en spirale.

Une autre sorte encore de nébuleuses est ordinairement très étendue, irrégulièrement formée, et consiste évidemment en une matière excessivement ténue. Les plus connues d’entre celles-ci sont celle d’Orion (fig. 51), celles des Pléiades (fig. 52)
Fig. 48, Nébuleuse spirale du triangle, observatoire de Yerkes, 4 et 6 septembre 1902
Fig. 48. — Nébuleuse spirale du Triangle. (Messier 33). Photographie de l’observatoire de Yerkes des 4 et 6 septembre 1902. Un millimètre = 30,7 secondes d’arc.
et celle du Cygne (fig. 53). Dans toutes celles-ci on a trouvé des portions affectant la forme de spirales.

Nous venons d’expliquer comme quoi la formation qui résulte de la rencontre de deux corps célestes devait en général
Fig. 49. La grande nébuleuse d’Andromède, observatoire de Yerkes, 18 septembre 1901
Fig. 49. — La grande nébuleuse d’Andromède. Photographie de l’observatoire de Yerkes, du 18 septembre 1901. Un millimètre = 54,6 secondes d’arc.
avoir le caractère d’une spirale à deux branches. Mais si le choc est de telle nature que les centres des deux corps avancent l’un vers l’autre sur la même droite, il ne saurait naturellement s’en former aucune, mais bien un disque. Si l’une des étoiles est petite, c’est un cône qui peut en résulter, par suite de l’expansion plus égale des gaz dans tous les sens autour de l’axe de la rencontre. Un semblable choc parfaitement axial doit naturellement être peu fréquent, mais il peut se présenter des cas qui se rapprochent plus ou moins de la limite, surtout
Fig. 50. Nébuleuse annulaire de la Lyre, observatoire de Yerkes
Fig. 50. — Nébuleuse annulaire de la Lyre.
Photographie de l’observatoire de Yerkes.
si la vitesse du corps est faible. Il se peut encore qu’une spirale peu marquée se transforme, par lente diffusion, en un corps tournant, plat, en forme de disque.

Les dimensions de cette formation nébuleuse dépendront des relations qu’il y aura entre la masse de l’ensemble et la vitesse d’émission des gaz. Si, par exemple, deux soleils éteints, ayant comme grandeur et comme masse celles du nôtre venaient à se rencontrer, il y aurait des masses gazeuses qui s’élanceraient vers l’espace avec des vitesses de plus de 900 kilomètres par seconde. D’autres éléments, repoussés et animés de vitesses plus faibles, resteraient dans le voisinage du corps nouveau, et cela, d’autant plus que leurs vitesses seraient moindres. Ils retomberaient donc de nouveau sur lui, et y seraient incorporées, si deux circonstances ne les en empêchaient.


Fig. 51. Partie centrale de la grande nébuleuse d’Orion, observatoire de Yerkes
Fig. 51. — Partie centrale de la grande nébuleuse d’Orion. Photographie de l’observatoire de Yerkes. Un millimètre = 12 secondes d’arc.

L’une d’elles est l’énorme puissance de radiation de la masse centrale incandescente. Une grande quantité de poussières seraient maintenues en suspension, et avec elles, par frottement, les masses gazeuses avoisinantes. Les énormes masses poussiéreuses absorbant la majeure partie de la radiation, des parties ultra-fines seraient seules transportées aux confins de la nébuleuse. Mais au bord extérieur extrême la poussière même la plus fine ne pourrait être maintenue en suspension, la radiation diminuant très rapidement par suite de l’absorption. Il en résulterait que la limite extérieure de la nébuleuse serait plus nette.


Fig. 52. Bandes nébuleuses des étoiles de Pléiades, photo de l’observatoire de Yerkes du 19 octobre 1901
Fig. 52. — Bandes nébuleuses des étoiles des Pléiades. Photographie de l’observatoire de Yerkes du 19 octobre 1001. Un millimètre = 42,2 secondes d’arc.

La deuxième raison pour laquelle tout ne retomberait pas sur la surface de l’astre central, c’est la rotation violente qui lui a été impartie par le fait même du choc. Elle aurait
Fig. 53. Traînée nébuleuse dans le Cygne ; photo de l’observatoire de Yerkes du 5 octobre 1901
Fig. 53. — Traînée nébuleuse dans le Cygne. N. C. G. 6992. Photographie de l’observatoire de Yerkes du 5 octobre 1901. Un millimétré = 41 secondes d’arc.
pour conséquence une extension en forme de disque de tout le corps principal, par suite de l’effet de la force centrifuge. Il y aurait forcément des parties plus denses que d’autres. Des réactions moléculaires, puis des effets analogues à ceux des marées provenant de l’attraction exercée par le corps central, tendraient à égaliser partout les vitesses angulaires de rotation, de sorte que le tout tournerait comme une sphère gazeuse comprimée, et la structure en spirale disparaîtrait peu à peu. Dans les parties les plus éloignées du centre la vitesse ne croîtrait que jusqu’au point où elle serait égale à celle d’une planète circulant au même rayon. Cela veut dire que son poids serait exactement tenu en équilibre par la force centrifuge.

Aux distances les plus extrêmes du système nouveau les chocs moléculaires aussi bien que la gravitation vers le centre seraient si faibles que les masses qui se trouvent dans ces régions pourront retenir pendant des temps presque illimités, leurs formes primitives.

Au centre de ce système la masse principale serait à l’état d’un soleil vivement incandescent, mais dont la puissance lumineuse diminuerait assez rapidement, par suite de son violent rayonnement.

Dans un grand système nébuleux semblable, la gravité, par suite des énormes distances, n’agira que très faiblement, et ne produira que très lentement des effets sensibles. Il peut cependant, malgré la ténuité extrême de la matière qui le compose, surtout dans ses parties périphériques, arrêter les particules d’une pluie de poussières venant d’autres soleils, et cela précisément par suite de son étendue énorme. Pour que les gaz appartenant à la nébuleuse ne s’éloignent pas définitivement dans l’espace, échappant à la très faible action de la gravité, il faut que ses molécules soient sensiblement immobiles. En d’autres mots, la température ne doit être que de peu de degrés supérieure au zéro absolu, 50 à 60 degrés peut-être. À ces températures extrêmement basses, Dewar a fait voir que l’adsorption joue un très grand rôle. Les petites particules poussiéreuses forment des centres, autour desquels les gaz environnants se condenseront puissamment[5]. La très faible densité des gaz ne fait point obstacle à ce phénomène car l’adsorption suit une loi d’après laquelle la masse du gaz condensé diminuera seulement d’environ un dixième lorsque la densité du gaz environnant diminuera de 1/10 000e. Il s’en suit que la masse des grains poussiéreux augmentera, et lorsqu’ils se rencontrent, ils seront liés l’un à l’autre par leurs enveloppes fluidiformes.

Il doit par conséquent se former ainsi dans ces nébuleuses une quantité relativement grande de météores, plus particulièrement dans leurs régions profondes. Or il passera dans ces régions d’autres étoiles avec leurs satellites, lesquels se trouveront plongés dans les gaz et dans les essaims météoriques de la nébuleuse. Les grands astres, ceux animés de vitesses importantes, traverseront cette matière très déliée, mais ils peuvent fort bien mettre des millions d’années à faire ces trajets, vu l’extension énorme de l’espace à parcourir.

Une photographie des plus intéressantes, due au célèbre professeur M. Wolf, de Heidelberg, est celle d’une nébuleuse du Cygne, dans laquelle a pénétré une étoile venue du dehors. En ce faisant, l’intruse a ramassé la matière tout le long de son chemin et a laissé ainsi, comme une trace de son passage, un canal vide (fig. 54). D’autres espaces, relativement débarrassés de matière nébuleuse se rencontrent très fréquemment dans les grandes nébuleuses, étendues et irrégulières. On les appelle souvent des déchirures (en anglais : rifts) parce qu’elles ont la forme d’une longue traînée. Depuis longtemps l’hypothèse a été émise que ces rifts seraient les traces de grands astres qui auraient fait leur chemin à travers l’extension de la masse nébuleuse (fig. 55).


Fig. 54. Fig. 54, Nébuleuse et « trou noir » dans la Voie lactée, constellation du Cygne, photo de M. Wolf à Königstuhl
Fig. 54. — Nébuleuse et « trou noir » dans la Voie lactée, constellation du Cygne. Photographie de M. Wolf à Königstuhl, près Heidelberg.

Par contre, les corps errants plus petits et moins rapides peuvent être arrêtés par les particules composant la nébuleuse. C’est pourquoi on remarque que les régions avoisinantes sont en général moins garnies d’étoiles, tandis que celles-ci semblent s’être amassées dans l’intérieur même de la nébuleuse. Déjà Herschel avait fait cette remarque, qui tout récemment a été
Fig. 55, Grande nébuleuse voisine de ρ du Serpentaire
Fig. 55. — Grande nébuleuse voisine de ρ du Serpentaire. Photographie de E.-E. Barnard, à l’observatoire de Lick. Dans la nébuleuse on reconnaît
plusieurs vides et « chemins » ou rifts au voisinage des grandes étoiles.
l’objet de nouvelles études de Wolf et de Courvoisier. Il se crée ainsi dans la nébuleuse même une série de centres d’attraction, qui condensent les gaz environnants, et qui recueillent les météores errants, particulièrement ceux de l’intérieur.

D’autres fois, et fréquemment, on remarquera combien la matière nébuleuse est affaiblie aux alentours de quelque étoile lumineuse plongée dans le nuage. (Voy. fig. 52 et 55.) Finalement la nébuleuse se transformera en un amas d’étoiles, qui conservera les formes caractéristiques de celle-ci, parmi lesquelles
Fig. 56. Amas d’étoiles d’Hercule (M13), observatoire de Yerkes
Fig. 56. — Amas d’étoiles d’Hercule (Messier 13). Photographie de l’observatoire de Yerkes. Un millimètre = 9,22 secondes d’arc.
la spirale est la plus fréquente, mais où l’on trouve aussi celle du coin, provenant de la nébuleuse conique, et celle de la sphère. (Comp. fig. 56, 57 et 58.)

Cette évolution est exactement celle que supposait Herschel, qui se basait uniquement sur ses propres observations des nébuleuses. Il pensait toutefois que la matière s’y condensait directement en formant des étoiles, sans l’intervention d’aucun corps étranger faisant intrusion.

On sait depuis des temps immémoriaux, et il a été confirmé par les mesures prises par Herschel, et par d’autres observateurs,
Fig. 57. Amas d’étoiles de Pégase, observatoire de Yerkes
Fig. 57 — Amas d’étoiles de Pégase (Messier 15). Photographie de l’observatoire de Yerkes. Un millimètre = 6,4 secondes d’arc.
que les astres sont groupés très abondamment autour de la ligne moyenne de la voie lactée. Il ne semble pas improbable que primitivement une nébuleuse des plus étendues ait occupé le plan de cette voie, peut être à la suite d’une collision entre deux soleils gigantesques, comme Arcturus, par exemple. Cette énorme nébuleuse a retenu et groupé en elle les petits corps célestes qui circulaient autour d’elle et qui tous ont condensé la matière nébuleuse sur eux-mêmes. Ils sont ainsi devenus incandescents, s’ils ne l’étaient auparavant. On peut négliger le mouvement de rotation des régions très éloignées du centre de la voie lactée. Mais les astres isolés qui s’y sont formés ont à leur tour subi de nouveaux chocs, et cela expliquerait pourquoi les nébuleuses gazéiformes ainsi que les
Fig. 58. Amas d’étoiles cunéiforme, dans les Jumeaux
Fig. 58. — Amas d’étoiles cunéiforme, dans les Jumeaux.
amas d’étoiles sont, dans les régions de la voie lactée, des phénomènes plus fréquents qu’ailleurs.

Cette conception trouvera quelque jour sa confirmation éclatante quand on aura réussi à reconnaître un centre, (point ou corps,) à la voie lactée. On le trouvera peut-être en déterminant la courbure de la trajectoire que suit notre soleil ou encore quelque autre étoile.

Revenons à la nébuleuse annulaire de la Lyre (fig. 50). Les mesures les plus récentes, entreprises par Newkirk, ont fourni ce résultat que l’étoile qui en forme le centre est éloigné de nous de 32 années-lumière. Comme il semble indubitable que cette étoile est bien le corps central de la nébuleuse, la distance moyenne de celle-ci est la même. Le diamètre de l’anneau étant de 1 minute d’arc, Newkirk en a conclu qu’il était distant du corps central d’environ 300 rayons d’orbite terrestres. Cette distance est à peu près dix fois celle de Neptune au soleil. À l’intérieur de l’anneau lumineux on remarque encore une faible luminosité nébuleuse. Il est probable que la matière y était jadis plus condensée que dans l’anneau extérieur. Mais elle aura été attirée et concentrée par des météores venus du dehors. Ces derniers se seront agglomérés ; il en est résulté la formation de planètes obscures, qui circulent autour du corps central et qui ont probablement absorbé la majeure partie des gaz qui les entourent.

Si le corps central avait la masse de notre propre soleil, la matière qui constitue l’anneau aurait une durée de révolution d’environ 5 000 ans. Cette rotation est suffisante pour effacer presque totalement la forme spiraloïde primitive. Il en reste cependant encore assez pour qu’on puisse nettement voir que cette spirale avait deux branches. Le corps central de la nébuleuse donne un spectre continu, avec des bandes lumineuses, qui sont très développées du côté du bleu. Il semble donc être beaucoup plus jeune et beaucoup plus chaud que notre soleil à nous. Sa puissance de radiation doit être plus intense, et peut-être la durée de la rotation de l’anneau doit-elle être estimée à une durée encore bien plus grande.

M. Kapteyn, l’éminent astronome hollandais, a calculé les parallaxes de 168 nébuleuses diverses. Il a trouvé que leur distance moyenne de la terre est d’environ 700 années-lumière, c’est-à-dire à peu près celle des étoiles de dixième grandeur. Il ne semble donc pas que la vieille croyance, que les nébuleuses seraient incomparablement plus éloignées de nous que les plus faibles étoiles, soit exacte.

Les étoiles « nouvelles » forment un groupe à part parmi les étoiles variables, si remarquables à cause des changements d’intensité de leur lumière. Nous allons faire mention de quelques-unes d’entre elles, qui sont typiques, à cause du très haut intérêt scientifique qu’elles présentent. Les destinées d’une étoile qui s’introduit dans l’intérieur d’une nébuleuse déjà remplie d’autres astres immigrés, nous sont révélées par une des étoiles variables les plus curieuses, l’étoile η de la constellation d’Argus, une de celles de l’hémisphère méridional.

Cette étoile brille dans une des plus grandes nébuleuses du ciel. A-t-elle une dépendance ou relation physique quelconque avec cette nébuleuse qui semble l’entourer, nous ne pouvons pas le dire sans une investigation plus approfondie. Il se pourrait qu’elle fut située en avant de la nébuleuse, entre celle-ci et nous. Mais ses variations très fréquentes d’intensité semblent plutôt les indices d’une série de rencontres, qui paraissent très possibles, si nous admettons qu’elle se trouve à l’intérieur d’une masse nébuleuse, remplie de corps célestes aggrégés par elle.

Comme elle appartient au ciel austral, cette étoile n’a été l’objet d’aucune observation avant que les astronomes se fussent décidés à visiter l’hémisphère méridional. En 1677 on la décréta de quatrième grandeur. Dix ans plus tard elle était de deuxième puis de nouveau en 1751. En 1827 elle s’était élevée à la première grandeur et on remarqua qu’elle était variable, c’est-à-dire que sa lumière variait d’intensité.

Herschel trouva qu’elle était de première à deuxième grandeur, mais qu’en 1837 elle augmentait de clarté de telle sorte qu’en 1838 elle arrivait à la grandeur 0,2. Elle diminua ensuite jusqu’en avril 1839 où elle était de grandeur 1,1. Pendant quatre ans elle resta ainsi, puis en 1843 elle augmenta rapidement, et dépassa toutes les autres étoiles sauf Sirius, (grandeur ‒1,7). Sa clarté diminua ensuite lentement, pour rester tout juste visible à l’œil nu (sixième grandeur). En 1869, elle était invisible. Depuis lors elle est restée entre la sixième et la septième grandeur.

Les dernières variations d’intensité de cet astre rappellent vivement les péripéties de la Nova Persei, sauf que cette dernière a parcouru ses diverses phases lumineuses beaucoup plus rapidement. Il semble cependant certain que η d’Argus ait été au début bien plus brillante que l’étoile de Persée. Avant la grande collision de 1843 elle aura probablement subi en janvier 1838, une rencontre moins importante, dont l’effet s’est très rapidement atténué. Mais après 1843 elle a été entourée de nuages épais, de plus en plus impénétrables à sa lumière.

Peut-être la plus petite des deux collisions fut-elle de l’ordre de celle que Mayer a étudiée, et qu’il supposait produite entre soleil et terre. Il en résulterait un développement de chaleur équivalent à la dépense du soleil pendant la durée d’un siècle. Comme η d’Argus était déjà reconnue antérieurement comme étoile variable, il se peut bien qu’elle ait subi plusieurs rencontres de ce genre.

Une observation faite à Kiew par M. Borisiak, un étudiant à l’observatoire de cette ville, indiquerait que la Nova Persei aurait atteint, dans la soirée du 21 février 1901, la grandeur 1,5. Quelques heures plus tôt elle n’était que de douzième grandeur et dès le lendemain soir de 2,7e. Ensuite sa clarté a augmenté jusqu’au soir du jour suivant, où elle dépassait toutes les autres étoiles du ciel boréal. Si cette observation est exacte, la nouvelle étoile aurait subi une première petite collision, deux jours avant sa rencontre avec le deuxième soleil qui est du 23 février. Peut-être une première rencontre avec le même astre ou avec quelque satellite lui appartenant a-t-elle causé pendant un peu de temps une clarté exceptionnelle.

Les étoiles nouvelles ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le croire. On en découvre une presque tous les ans. La plupart, de beaucoup, se montrent dans le voisinage de la voie lactée, où les étoiles visibles sont extrêmement serrées les unes près des autres, et où conséquemment une rencontre de deux astres peut se produire le plus facilement.

Des raisons analogues font qu’on trouve, dans les mêmes régions, le plus de nébuleuses gazéiformes.

Enfin c’est là aussi, dans le voisinage de la voie lactée, qu’on trouve le plus d’amas d’étoiles. C’est la conséquence immédiate du fait que des nébuleuses, qui doivent l’existence à la rencontre de deux soleils, sont bientôt traversées par des astres errants, qui abondent relativement dans ces régions, et qui les transforment, par leur pouvoir de condensation, en amas d’étoiles.

Dans les parages du ciel où les étoiles sont relativement rares, comme par exemple dans ceux éloignés de la voie lactée, on trouve le plus grand nombre des nébuleuses ayant des spectres d’étoiles. Ce ne sont pas autre chose que de véritables amas d’étoiles, si éloignés de nous que l’on ne réussit pas à en distinguer les étoiles composantes. Si des étoiles isolées et des nébuleuses purement gazéiformes nous paraissent aussi rares dans ces régions, cela tient sans doute à leur très grand éloignement.

Parmi les étoiles variables, il en est beaucoup, qui sont extrêmement irrégulières dans leurs changements d’intensité. Elles rappellent beaucoup les étoiles nouvelles ; celle déjà citée, η d’Argus, est de ce nombre. Une autre qui fut la première reconnue pour variable, est Mira Ceti (ou l’étoile merveilleuse de la Baleine). Cet astre énigmatique fut déclaré de deuxième grandeur par le pasteur frison Fabricius, lorsqu’il le remarqua pour la première fois le 12 août 1596. Il ne l’avait pas vu antérieurement, et il le chercha en vain en octobre 1597. Mais dans le cours des années 1638 et 1639 sa variabilité fut reconnue, et l’on trouva bientôt qu’elle était fort irrégulière. Sa période est d’environ 11 mois, mais elle oscille autour de cette durée, qui est une moyenne. Lorsque son éclat est le plus fort, il semble être une étoile de première à deuxième grandeur. Parfois elle n’atteint pas cette luminosité, mais elle dépasse toujours la cinquième grandeur. Dix semaines après le maximum, l’étoile devient invisible ; son éclat diminue à ce moment jusqu’à celui d’une étoile de 9,5e grandeur. En d’autres mots, sa lumière varie à peu près comme de 1 à 1 000, peut-être même encore un peu plus. Le minimum passé, l’étoile augmente de lumière pendant un certain temps, elle redevient visible à l’œil nu, c’est-à-dire qu’elle dépasse la sixième grandeur, et six semaines plus tard elle se trouve de nouveau à son maximum. Il est évident qu’il y a dans ces variations superposition de plusieurs périodes.

Le spectre de l’étoile est très particulier. Elle appartient à la catégorie des étoiles rouges ayant un spectre à bandes, qui est mêlé à des raies brillantes de l’hydrogène. Elle s’éloigne de nous avec une vitesse qui n’est pas inférieure à 63 kilomètres par seconde. Les lignes brillantes de l’hydrogène, qui correspondent exactement à celles des nébuleuses, se dédoublent assez souvent en trois raies composantes, dont celle du milieu correspond à peu près à la vitesse moyenne, c’est-à-dire 60 kilomètres. Les deux autres prouvent qu’il existe des parties qui ont d’autres vitesses, par exemple 35 kilomètres l’une, et 82 kilomètres l’autre. Cela veut dire qu’il y a des parties qui ont, par rapport à la vitesse moyenne, 20 à 25 kilomètres en plus ou en moins. L’étoile est donc évidemment entourée de trois masses nébuleuses. L’une est concentrée autour d’un centre, les deux autres forment peut-être deux faisceaux distincts, ou mieux encore, un anneau entourant l’étoile comme la nébuleuse annulaire de la Lyre. Cet anneau tournerait autour de l’étoile avec une vitesse d’environ 23,5 km. par seconde.

Cette rotation s’effectuant dans l’espace de 11 mois, — ou plutôt de 22 mois, attendu que chaque rotation complète doit nous présenter deux maxima et deux minima —, on peut en déduire la dimension de l’anneau. Sa longueur circonférentielle doit avoir 23,5 × 86 400 × 670 = 1 361 millions de kilomètres. Son rayon sera de 217 millions de kilomètres, soit 1,45 fois celui de l’orbite terrestre.

Or la vitesse de la terre dans son orbite est de 29,5 km. par seconde. Une planète qui se trouverait à une distance du soleil 1,45 fois plus grande que celle de notre terre, aurait une vitesse 1,203 fois plus petite, c’est-à-dire de 24,5 km. par seconde. On voit combien ce chiffre est voisin de celui de l’anneau de Mira Ceti. Nous pouvons en conclure que la masse du soleil central de cet astre est très voisine de celle de notre soleil. Le calcul indiquerait que Mira serait de 8 p. 100 plus petit, mais cette différence est absolument de l’ordre des erreurs possibles.

Chandler a fait remarquer dans la variation de lumière de toutes ces étoiles un fait constant très remarquable, à savoir que, plus la durée de leur période est grande, plus l’étoile est en général rouge de couleur. Cela s’explique très aisément. Plus l’atmosphère gazeuse qui les enveloppe était dense à l’origine plus elle s’est étendue loin du corps central. De même aussi, la poussière retenue ou expulsée par elles est plus abondante. Ainsi que nous l’avons vu, le bord du soleil a une lumière rougeâtre à cause des masses poussiéreuses qui sont dispersées dans son atmosphère. La cause en est dans l’absorption de la lumière bleue par cette poussière. Il se peut cependant encore qu’elle soit rendue incandescente par le rayonnement solaire ; mais, comme elle se trouve en dehors de la sphère du soleil, sa température sera inférieure à celle de la photosphère, et sa couleur, par conséquent, relativement rouge.

Plus une nébuleuse contiendra de poussières, plus la lumière de l’étoile centrale semblera rouge. Comme la quantité de poussière augmente en général avec l’étendue de la nébuleuse, l’étoile sera également d’autant plus rouge que les anneaux nébuleux s’étendront plus loin. Et plus cette étendue est grande, plus la durée de la rotation sera longue.

Ces étoiles que nous appelons rouges, donnent, à côté des raies spectrales claires de l’hydrogène, des spectres de bandes qui indiquent la présence de combinaisons chimiques. Ce fait était autrefois considéré comme une preuve que ces étoiles avaient une température moins élevée. Mais la même particularité s’observe dans les taches du soleil, quoique celles-ci, par suite de la place qu’elles occupent, aient une température plus élevée que celle de la photosphère environnante. La présence des bandes dans le spectre des étoiles est par contre sûrement l’indice d’une pression élevée. Les étoiles rouges sont évidemment entourées d’une atmosphère gazeuse très étendue, à l’intérieur de laquelle la pression est très forte, et où les atomes sont assez fortement comprimés, pour former des combinaisons chimiques.

Du reste, les spectres des étoiles rouges présentent des analogies frappantes avec ceux des taches solaires. La partie violette en est affaiblie par suite de la présence des masses poussiéreuses qui éteignent cette sorte de rayons. Par suite de l’importance des masses gazeuses que rencontre le rayon visuel, les lignes du spectre sont fortement élargies dans un cas comme dans l’autre. Elles sont aussi parfois accompagnées de raies brillantes.

Une autre catégorie d’étoiles qui présentent également des raies brillantes a été étudiée par Wolf et Rayet, et elles sont désignées par les noms de ces savants (voy. p. 168). Ces étoiles sont évidemment plus chaudes et plus fortement rayonnantes que les étoiles rouges. Ou bien encore, ne sont elles pas enveloppées par autant de masses poussiéreuses qui peuvent avoir été éloignées par la très forte pression de radiation. Elles appartiennent par suite à la classe des étoiles jaunes, et non aux rouges. Bien que tout semble indiquer que les corps centraux de ces étoiles sont au moins aussi chauds que les étoiles blanches, leur couleur s’abaisse néanmoins jusqu’au jaune, par suite de la poussière qui est répandue dans leur vaste atmosphère.

On explique de la même manière une particularité très singulière des étoiles doubles, qui a été observée à plusieurs reprises par le célèbre astrophysicien Huyghens. Il a reconnu que le plus souvent, à en juger par la violence des mouvements, le plus petit des deux astres est blanc, tandis que le plus gros aurait une lumière jaune. Cela provient évidemment de ce que le plus important des corps conjugués a attiré à lui la plus grosse proportion des gaz difficilement condensables, qui faisaient partie de l’atmosphère primitive. Cette atmosphère dense qui entoure l’étoile principale est, comme celle des étoiles du type Wolf-Rayet, mélangée de poussières, ce qui gêne la marche des rayons réfrangibles, mais permet aux moins réfrangibles, les rouges, de passer plus librement. Il s’ensuit que sa lumière semble jaune à nos yeux, tandis que celle moins affaiblie du compagnon brille dans sa blancheur originale.

Les périodes irrégulières des étoiles de la classe de Mira s’expliquent aisément par l’hypothèse très vraisemblable qu’elles sont enveloppées de très près par plusieurs anneaux de poussière, comme la planète Saturne. Les anneaux intérieurs, à rotation de peu de durée, ont sans doute pu, par le grand nombre de révolutions accomplies, égaliser la répartition de cette poussière, de manière qu’on n’y trouve plus de noyau perceptible, comme on en aperçoit dans les queues des comètes. Leur seul effet est donc de donner à l’étoile un ton rouge uniforme. Au contraire, dans les anneaux extérieurs, la répartition de la poussière reste inégale. Peut-être que l’un des anneaux, qui a le plus d’importance, influe sur la durée de la période principale. D’autres anneaux, moins importants, peuvent contribuer à déplacer quelque peu le maximum et le minimum ; la durée du temps qui s’écoule entre les deux se trouvera ainsi influencée. Pour quelques étoiles, ce déplacement de la période est si important qu’il n’a pas encore été possible de leur attribuer aucune période simple. Parmi celles-là, la plus connue est Bételgeuse, une brillante étoile rouge de la constellation d’Orion. Sa grandeur varie très irrégulièrement de 1 à 1,4.

Le plus grand nombre des étoiles variables appartiennent au type Mira Ceti. D’autres sont du type désigné par le nom de la Lyre, constellation où une étoile β en présente les particularités bien marquées. Pour plusieurs de celles-ci on a conclu de la variabilité de leurs spectres qu’elles doivent tourner autour d’un « compagnon » obscur, ou, pour parler plus exactement, qu’elles tournent avec celui-ci autour d’un centre de gravité commun. Mais de nombreuses irrégularités dans leurs périodes, et d’autres circonstances encore, indiquent que cette explication n’est pas suffisante. Il est clair que l’hypothèse de la circulation d’anneaux de poussière autour de ces étoiles, jointe à celle des centres de condensation, nous permet de nous faire une idée de la cause qui fait varier leur lumière. Elles appartiennent aux étoiles jaunes ou blanches, dans l’entourage desquelles la poussière joue un moins grand rôle que dans les étoiles du type Mira.

La période de leur variabilité est d’ailleurs bien plus courte ; elle n’est souvent que de quelques jours. La plus courte période
Fig. 59. Spectres comparés d’étoiles de la 2e, 3e et 4e catégorie ; photographie de l’observatoire de Yerkes
Fig. 59. — Spectres comparés d’étoiles de la 2e, 3e et 4e catégorie. Photographie de l’observatoire de Yerkes. Partie bleue du spectre.
Les longueurs d’ondes sont indiquées en millionièmes de millimètre.
AAAAAA. 280 du Cat. Schjellerup.AA280 du Cat. Schjellerup. 4e catégorie.
AAAABB. 280 du Cat. Schjellerup.AALe Soleil. 2e catégorie.
AAAACC. 280 du Cat. Schjellerup.AAμ des Gémeaux. 3e catégorie.
AAAADD. 280 du Cat. Schjellerup.AA74 du Cat. Schjellerup. 4e catégorie.
n’est que de 4 heures. Celle des étoiles du type Mira est au contraire de 65 jours au moins, et elle atteint jusqu’à 2 ans. Il se peut qu’il en existe à périodes plus longues encore ; elles n’ont pas été étudiées jusqu’à présent.

À côté des étoiles du type de la Lyre, il y a celles du type Algol dont on peut expliquer la variabilité par l’hypothèse qu’un autre corps lumineux ou obscur se trouve dans leur voisinage et nous enlève de loin en loin une partie de leur lumière. Dans ce cas, il n’est pour ainsi dire plus question de poussières. Les spectres de ces étoiles appartiennent à la première catégorie, c’est-à-dire des étoiles blanches, au moins celles qui ont été étudiées.

Il nous faut admettre pour toutes les étoiles variables que la ligne visuelle qui les relie à leur observateur passe par le plan écliptique de leurs anneaux de poussière, ou encore par celui de leurs compagnons. Si tel n’est pas le cas, elles devraient nous apparaître comme des nébuleuses à condensation centrale, ou encore, s’il s’agit d’étoiles du type Algol, comme les étoiles doubles dites « spectroscopiques » dont le mouvement de rotation est prouvé par le déplacement des raies du spectre.

L’évolution des étoiles à partir de l’état de nébuleuse est l’objet des études du célèbre directeur de l’observatoire de Lick (Californie), M. W. W. Campbell. Il décrit cette évolution dans les termes suivants.

« Il n’est pas difficile de citer toute une série d’étoiles bien connues, dont l’état actuel ne diffère guère de celui des nébuleuses. Leurs spectres contiennent les raies brillantes de l’hydrogène aussi bien que de l’hélium, γ d’Argus et ζ de la Poupe appartiennent à cette catégorie. Une autre étoile, qu’il faut également classer parmi elles (D. M + 30°,3639[6]), est entourée d’une atmosphère d’hydrogène dont le diamètre est d’environ 5 secondes d’arc. D’autres semblent un peu plus éloignées de l’état de nébuleuses, en ce qu’elles donnent pour l’hydrogène des raies claires aussi bien que des raies obscures. On les observe donc précisément au moment où elles semblent en voie du remplacement des raies claires par des raies obscures. γ de Cassiopée, Pleione et μ du Centaure en sont des exemples[7].

« Les étoiles à hélium sont apparentées de près aux précédentes. Elles ont les raies obscures de l’hydrogène, une vingtaine de raies de l’hélium, enfin quelques faibles raies de métaux. Les étoiles blanches d’Orion et des Pléiades sont typiques de cette catégorie.

« L’étude spectroscopique de ces étoiles a démontré la probabilité qu’elles se trouvent dans une période peu avancée de leur évolution. La photographie a révélé l’existence de masses nébuleuses dans le voisinage immédiat de ces étoiles à raies
Fig. 60. Spectres comparés d’étoiles de la 2e, 3e et 4e catégorie ; photographe de l’observatoire de Yerkes
Fig. 60. — Spectres comparés d’étoiles de la 2e, 3e et 4e catégorie. Photographie de l’observatoire de Yerkes. Partie verte et jaune du spectre.
Les longueurs d’ondes sont indiquées en millionièmes de millimètre.
AAAAAA. 280 du Cat. Schjellerup.AA280 du Cat. Schjellerup. 4e catégorie.
AAAABB. 280 du Cat. Schjellerup.AALe Soleil. 2e catégorie.
AAAACC. 280 du Cat. Schjellerup.AAμ des Gémeaux. 3e catégorie.
AAAADD. 280 du Cat. Schjellerup.AA74 du Cat. Schjellerup. 4e catégorie.
brillantes, et de celles à hélium. Cette découverte a confirmé leur jeunesse d’une façon éclatante. Peut-on, après avoir examiné la nébuleuse qui se détache du fond de la constellation d’Orion (fig. 51), ou encore les restes de matière nébuleuse qui enveloppent les étoiles des Pléiades (fig. 52), peut-on douter que ces groupes stellaires soient d’origine récente ?

« Dans le cours des temps, la chaleur stellaire rayonne vers l’espace, et elle est perdue pour l’étoile elle-même. D’autre part la contraction fait croître l’attraction de gravité à leur surface. Certaines raies de l’hydrogène, découvertes par Pickering, disparaissent, les raies ordinaires deviennent plus nettes, — toutes comme raies sombres. Celles appartenant à l’hélium deviennent indistinctes, tandis que d’autres raies, — obscures encore, — du calcium et du fer se montrent.

« Véga et Sirius sont des étoiles types de ce degré d’évolution. À mesure que les étoiles vieillissent, l’intensité des raies de l’hydrogène diminue, celles du calcium et des métaux deviennent plus nettes, la couleur blanc-bleuâtre passe au jaune, et, après que plusieurs états bien connus ont été parcourus, on arrive à l’état qui se manifeste sur notre soleil. Dans les spectres de ces étoiles, l’hydrogène n’est plus indiqué que par 4 ou 5 raies d’intensité modérée, les raies de l’hélium manquent, les raies du calcium sont très frappantes et on trouve jusqu’à 20 000 raies métalliques. Les étoiles du type solaire semblent se trouver bien près du maximum d’intensité de l’évolution stellaire. La température moyenne de ces étoiles doit aussi être bien près de son maximum, car leur faible densité indique un état gazéiforme de la matière qui les compose (comp. le chapitre VII).

« Avec le temps, la température s’abaisse. La couleur de l’étoile passe du jaune au rouge, par suite d’une absorption plus grande de la lumière par leur atmosphère. Les raies de l’hydrogène deviennent tout à fait indistinctes, les raies métalliques se précisent, et de larges bandes d’absorption se montrent. Dans une certaine catégorie (type III de Secchi) à laquelle appartient α d’Hercule, l’origine de ces bandes reste inexpliquée[8]. Dans une autre catégorie (type IV de Secchi) représentée par 19 des Poissons, on les a définitivement reconnues comme appartenant à des combinaisons de carbone.

« Il ne peut guère y avoir de doute que cette dernière sorte d’étoiles du type IV approche de la dernière phase de son évolution. La température de leurs parties périphériques est tombée assez bas pour que des combinaisons chimiques puissent s’y former, tout comme aux bords extérieurs de notre soleil.

« Le type III de Secchi comprend quelques centaines d’étoiles, du genre Mira Ceti, ayant des variations d’intensité de longue période. Quand ces étoiles brillent avec le plus d’intensité elles donnent diverses raies brillantes d’hydrogène ainsi que d’autres éléments chimiques[9]. Il est très remarquable que les étoiles rouge foncé sont toutes très faibles (type IV de Secchi). Aucune ne dépasse la grandeur 5,5. Leur pouvoir rayonnant est indubitablement très faible. »

La phase évolutionnaire qui suit celle correspondant au type IV de Secchi nous est connue par des exemples que nous avons sous les yeux. Ce sont ceux de la planète Jupiter, et de notre propre globe. Ces deux astres seraient invisibles s’ils ne brillaient pas d’un éclat emprunté.

Jupiter n’est pas aussi avancé dans son évolution que la terre. Sa densité est un peu plus faible que celle du soleil, 1,27 au lieu de 1,38. Il est probable qu’il est absolument gazeux, abstraction faite des nuages de son atmosphère. La terre, au contraire, dont la densité moyenne est de 5,52, a une croûte solide, qui enferme sa partie centrale incandescente. C’est cet état qui correspond à l’évolution finale du soleil.

Lorsqu’une rencontre s’est produite entre deux étoiles, les masses gazeuses expulsées se condensent en premier lieu en tant que gaz métalliques, par suite d’un refroidissement rapide. L’hélium et l’hydrogène seuls restent gazeux, en formant des masses nébuleuses autour du corps central. Ces masses nébuleuses nous montrent des raies lumineuses. Leur luminosité repose sur les particules chargées d’électricité négative qui leur sont envoyées par suite de la pression de radiation des étoiles voisines, mais plus particulièrement par le corps central lui-même. Dans les étoiles nouvelles observées jusqu’à ce jour, cette pression de radiation s’abaisse rapidement, et la lumière émanée de la nébuleuse disparaît très rapidement. Dans d’autres cas, au contraire, comme pour les étoiles à raies très brillantes d’hélium et d’hydrogène, la radiation du corps central ou de quelques étoiles voisines semble se conserver très longtemps.

Les agglomérations nébuliformes d’hélium et d’hydrogène se dissipent graduellement, et elles se condensent avec formation de combinaisons « explosives » dans des étoiles voisines. C’est l’hélium qui semble avoir le plus d’affinité pour la formation de combinaisons. Il disparaît le premier des atmosphères stellaires. Il semble, en effet, résulter des expériences de Ramsay, de Cooke et de Kohlschütter, qu’à des températures élevées, l’hélium peut entrer dans des combinaisons chimiques.

En second lieu, l’hydrogène est absorbé à son tour. La lumière du corps central manifeste alors la prépondérance des vapeurs du calcium et d’autres métaux dans son atmosphère. En même temps on constate l’existence de combinaisons chimiques, parmi lesquelles celles du carbone jouent un rôle capital. On les reconnaît, en effet, dans les parties extérieures des taches solaires, dans les étoiles du type IV, et enfin dans les enveloppes gazeuses des comètes[10].

La dernière phase est celle de la formation d’une croûte solide. L’étoile est éteinte.


  1. Comp. p. 72.
  2. Nous rappelons que les étoiles se classent par ordre de grandeurs suivant leur puissance lumineuse. Les plus brillantes ont les numéros de grandeur les plus faibles. Une étoile de première grandeur est 2,52 fois plus lumineuse pour nous qu’une étoile de deuxième grandeur : celle-ci est 2,52 fois plus lumineuse que la troisième grandeur et ainsi de suite.
  3. Nous entendons par une année-lumière le chemin que parcourt la lumière en l’espace d’un an. Il est de 9,5 billions de kilomètres.
  4. A. Ritter a calculé que lorsque deux soleils, de masse égale, se précipitent l’un vers l’autre, venant de distances infinies, l’énergie de la rencontre n’est pas plus grande qu’il ne faut pour porter leur volume à 4 fois celui qu’ils avaient primitivement. Il est par suite probable que la plus grande partie de la masse reste réunie autour d’un centre et que les masses gazeuses légères sont seules expulsées vers l’espace.
  5. Il s’agit ici de la condensation des gaz à la surface des corps qui se trouvent à l’état de poussière excessivement fine. Elle est particulièrement intense à des températures très basses. Dewar s’est servi de cette propriété pour obtenir un vide exceptionnellement parfait. Faisant mécaniquement le vide aussi complet que possible dans un tube, où il avait au préalable introduit du charbon de bois recalciné, il plongea ce tube dans l’air liquide. Le vide obtenu par l’adsorption de ce qui restait de gaz fut un des plus parfaits connus. Il pouvait le régler à volonté par le réchauffement graduel du tube.
  6. De la Bonner Durchmusterung.
  7. Pour les étoiles du type Wolf-Rayet, comp. p. 195.
  8. MM. Adams et Fowler ont récemment démontre qu’elles sont produites par un oxyde de titane.
  9. Cette circonstance est un indice que la couleur rouge de l’étoile n’est pas due, comme il est indiqué ci-dessus, à une température inférieure, mais bien plutôt à des poussières environnantes, La luminosité très exceptionnelle de certaines étoiles, comme Arcturus ou Bételgeuse, qui sont plus rouges que le soleil, et dont les spectres sont, d’après Hale, analogues à celui du soleil, suppose une très haute température. Les raies caractéristiques du spectre ont pour origine des vapeurs relativement peu chaudes qui existent dans leurs parties extérieures.
  10. La présence des bandes du carbone dans le spectre n’est pas nécessairement l’indice d’une température inférieure. Crew et Hale ont reconnu que l’intensité de ces bandes diminuait petit à petit dans le spectre d’un arc lumineux lorsqu’on augmentait sa température en augmentant l’intensité du courant.