Traduction par Théophile Seyrig.
Librairie polytechnique Ch. Béranger, éditeur (p. 203-225).

VII

NÉBULEUSES ET SOLEILS

Nous allons examiner maintenant de plus près quelles sont les conditions chimiques et physiques qui, selon les probabilités, caractérisent les nébuleuses, et qui les différencient des soleils. Ces conditions sont, sous bien des rapports, très différentes de celles que nous sommes habitués à reconnaître à la matière, relativement très condensée, que nous étudions sur la terre.

On s’aperçoit combien cette différence doit être grande en constatant que le principe de Clausius, qui représente la somme de nos connaissances sur la nature de la chaleur, ne doit pas pouvoir s’appliquer aux nébuleuses. Ce principe s’énonce comme suit :

« L’énergie de l’univers est constante. L’entropie de l’univers tend vers un maximum. »

Tout le monde sait sans doute aujourd’hui ce que l’on entend par énergie. Elle existe sous bien des formes. Les principales d’entre elles sont : l’énergie due à la position, — un corps pesant contient plus d’énergie quand il a été soulevé à une certaine hauteur du sol, que lorsqu’il repose sur celui-ci ; l’énergie due au mouvement, — un projectile possède une énergie qui est proportionnelle à sa masse et au carré de sa vitesse ; l’énergie calorifique, — on la considère comme l’énergie de mouvement des plus petites particules constitutives d’un corps ; l’énergie électrique, — elle peut être rassemblée dans une batterie d’accumulateurs et transformée, comme toutes les autres, en énergie calorifique. Enfin il y a l’énergie chimique : celle ci se manifeste, par exemple, lorsqu’on fait un mélange de 8 grammes d’oxygène et de 1 gramme d’hydrogène, qui se combineront avec une grande production de chaleur, en donnant de l’eau.

Quand nous disons que l’énergie d’un système, auquel il n’est fait aucun apport extérieur d’énergie nouvelle, reste constante, cela signifie seulement que les divers genres d’énergie qui se trouvent contenus dans les parties constituantes de ce système, peuvent se transformer en d’autres sortes d’énergie, mais que leur somme n’en reste pas moins invariable.

Clausius a étendu l’application de son principe à l’univers dans toute son infinité.

On entend par entropie la quantité de chaleur contenue dans un corps, divisée par son degré absolu de température. Si par conséquent une quantité donnée de chaleur, — Q calories, — passe d’un corps qui est à 100 degrés C et dont la température absolue est de 373 degrés, à un autre corps qui est à 0 degrés, — température absolue 273 degrés, — l’entropie des deux corps réunis diminue de et augmente en même temps de Cette dernière quantité étant la plus grande des deux, l’entropie se trouve avoir augmenté.

Or, nous savons que la chaleur a invariablement une tendance « par elle-même » de passer d’un corps plus chaud à un corps moins chaud, soit par conductibilité, soit par radiation. L’entropie augmente évidemment par ce transfert. C’est là une preuve de l’exactitude du principe de Clausius, que l’entropie a une tendance à augmenter[1].

Le cas le plus simple d’un équilibre de température se produira si nous plaçons dans un espace qui n’admet aucune accession de chaleur de l’extérieur, et d’où aucune chaleur ne peut non plus sortir, un certain nombre de corps d’inégale température. La chaleur y passera des corps plus chauds aux corps moins chauds par un moyen quelconque, par conductibilité ou par rayonnement, jusqu’à ce que tous arrivent à une même température. L’équilibre s’établira. C’est à un semblable équilibre que tend, selon Clausius, l’ensemble de l’univers. Si jamais il se produit, toutes les sources du mouvement seront taries. La vie cessera. C’est la « mort calorifique » (Wärmetod) qui régnera[2].

Mais si les vues de Clausius étaient exactes, cette mort calorifique devrait déjà s’être établie depuis les temps infinis que le monde existe, — ce qui n’est absolument pas le cas. Ou bien encore, pourra-t-on dire, l’existence du monde n’est pas infinie, mais il y a eu un commencement. Cela serait contraire à la première partie du principe de Clausius qui dit : l’énergie totale du monde est constante, — à moins toutefois que toute énergie existante ait eu une subite origine à l’instant même de la création. Cela nous est totalement incompréhensible, et nous sommes réduits à chercher s’il existe des conditions où le principe de Clausius sur l’entropie ne serait pas applicable.

Le célèbre physicien écossais Maxwell a imaginé un cas de ce genre, que voici. Supposons qu’un récipient donné soit rempli d’un gaz de température égale dans toutes ses parties. Il est séparé en deux espaces intérieurs par une cloison. Dans cette cloison, il a été pratiqué une série de très petites ouvertures telles qu’une seule molécule gazeuse puisse la traverser à la fois. Chaque ouverture est supposée soumise à la garde d’un petit être intelligent, qui a pour fonction de laisser passer dans un sens toutes les molécules animées d’une vitesse plus grande que la vitesse moyenne de la totalité. Par contre, toutes celles dont la vitesse est inférieure à cette moyenne, ne sont admises que dans l’autre sens. Une soupape empêche le passage de toutes celles qui ne répondent pas à ces conditions. Il arrivera donc que toutes les molécules animées d’une grande vitesse seront réunies dans l’un des compartiments, toutes celles à vitesse faible se trouveront dans l’autre. — En d’autres mots, il passe de la chaleur (car c’est en cela que consiste le mouvement des molécules) d’un des côtés, qui se refroidira constamment, à l’autre côté qui se réchauffera d’une façon continue. Il est évident que celui-ci sera plus chaud que le premier.

Dans ce cas, donc, il passerait de la chaleur d’un corps froid à un corps plus chaud : l’entropie diminue.

Or, il n’existe naturellement aucun être intelligent de cette sorte dans la nature. Un cas analogue ne s’en présente pas moins dans les corps célestes à forme gazeuse. Quand les molécules du gaz qui constitue l’atmosphère d’un corps céleste ont une vitesse suffisante, — cette vitesse est de 11 kilomètres par seconde pour notre globe, — et que, se trouvant dans les couches extérieures de ce gaz, elles se dirigent vers l’espace, elles échappent à sa sphère d’attraction, et elles continuent leur chemin vers l’espace infini. Telle une comète qui, arrivée au périhélie, conserve une vitesse suffisante pour s’échapper forcément du système solaire. C’est de cette façon que, selon l’opinion de Stoney, la lune a perdu son atmosphère primitive. Cette perte de gaz est, sans doute, insensible pour le soleil et pour des planètes ayant l’importance de notre terre. Elle pourrait jouer au contraire un rôle des plus importants dans l’économie des nébuleuses, où toute radiation venant des astres chauds est emmagasinée et où, en raison des énormes distances, la gravité est extrêmement faible. C’est ainsi que les nébuleuses perdent, par leurs parties périphériques, les molécules animées des plus grandes vitesses, ce qui en refroidit les couches les plus éloignées du centre.

Si, dans l’univers immense, il n’existait que des nébuleuses de cette sorte, les molécules détachées iraient en fin de compte s’échouer dans quelque autre nébuleuse ; il s’établirait un équilibre de température de l’une à l’autre et la « mort calorifique » deviendrait une réalité. Seulement, comme nous l’avons déjà fait observer, il existe, dans les nébuleuses, de nombreux corps immigrés, qui ont condensé les gaz autour d’eux et qui ont, par suite, atteint une température supérieure.

Des molécules errantes de gaz peuvent encore parvenir à l’atmosphère très étendue de ces étoiles à grande croissance, ce qui aura pour effet d’accélérer la condensation, accompagnée d’une constante diminution de l’entropie. C’est par de semblables réactions que le mécanisme de l’univers peut être maintenu en mouvement constant sans jamais s’arrêter.

C’est autour des corps immigrés dans les nébuleuses et autour des restes de l’étoile nouvelle qui se trouvent à son centre que les gaz se rassembleront, après avoir été primitivement disséminés dans les parties extérieures de la nébuleuse. Ces gaz ont leur origine dans les matières explosives qui se trouvaient à l’intérieur de l’étoile nouvelle. Les principaux d’entre eux sont, sans nul doute, l’hélium et l’hydrogène, car ce sont les moins facilement condensables. Ils peuvent aussi exister en quantité notable aux températures les plus basses, comme le sont celles des parties les plus éloignées de la nébuleuse. Les autres gaz doivent, au contraire, y avoir subi une condensation.

À supposer que la température absolue de la nébuleuse fût de 50 degrés (‒220° C), la vapeur du plus volatil d’entre les métaux, le mercure, serait, même à l’état saturé, si peu dense, qu’un seul gramme en occuperait un cube dont le côté correspondrait à environ 2 000 années-lumière. Cela représente 450 fois la distance de la terre à l’étoile fixe la plus proche. Pour le sodium, que nous considérons aussi comme un métal très volatil, et qui joue un rôle considérable dans la constitution des étoiles, le côté du cube contenant un gramme serait encore d’environ un milliard de fois plus grand.

Le fer et le magnésium que l’on trouve fréquemment aussi dans les étoiles fixes, et qui sont moins volatils que les deux précédents métaux, nous donneraient des chiffres encore beaucoup moins concevables.

Ce qui précède nous fait comprendre combien sont puissantes les basses températures pour faire le départ de tout ce qui n’est pas aussi réfractaire à la condensation que l’hélium et l’hydrogène. Mais nous savons encore qu’il existe dans les nébuleuses un autre élément, auquel on a donné le nom de nébulium, qui est caractérisé par deux raies spectrales très caractéristiques, inconnues pour tous les corps existant sur notre globe. Il faut en conclure que cet élément, complètement inconnu, doit être aussi peu susceptible de liquéfaction que l’hydrogène ou l’hélium. Son point d’ébullition, comme celui de ces deux gaz, est sans doute inférieur à 50 degrés de température absolue.

Si donc l’hydrogène, l’hélium et le nébulium nous semblent seuls présents dans les nébuleuses très étendues, cela ne provient sans doute uniquement que de leur très bas point d’ébullition. Une supposition, qui a été faite, que tous les corps se résolvent en hydrogène et en hélium, lorsqu’ils se trouvent dans un état de diffusion extrême (hypothèse de Lockyer) ne repose sur aucune preuve.

Les couches plus profondes des masses nébuleuses qui se rapprochent davantage de la forme d’un disque, recèlent probablement d’autres corps peu condensables. Tels sont l’azote, des hydrocarbures en combinaisons très simples, l’oxyde de carbone, etc. Plus près encore du centre, du sodium, du magnésium et même du fer, tous ces corps étant à l’état gazeux. Ces éléments constituants existent dans les couches extérieures, mais sous forme de poussières, ce qui empêche que leur spectre soit visible. Dans les nébuleuses en spirale très développées, les couches extérieures, qui cachent le corps central, sont sans doute extrêmement raréfiées, en sorte que la poussière qui y flotte ne parvient pas à cacher le spectre des gaz métalliques. Dans ce cas, le spectre de la nébuleuse ressemble à un spectre d’étoile, en ce que les couches profondes contiennent des nuages de poussières incandescentes dont la lumière est tamisée par les masses gazeuses environnantes.

On a fait cette remarque que les diverses raies du spectre des nébuleuses n’ont pas partout la même largeur dans toute l’étendue de la région occupée par l’astre. Ainsi Campbell, en examinant une petite nébuleuse planétaire qui se trouve dans le voisinage de la grande nébuleuse d’Orion, remarqua que le nébulium n’y avait pas la même extension que l’hydrogène. Ce nébulium, qui se trouvait concentré au centre de la nébuleuse, aurait donc un point d’ébullition plus élevé que l’hydrogène. Il se trouve, à cause de cela, en quantités notables dans les parties intérieures, chaudes, de la nébuleuse. D’autres investigations de cette sorte nous feront sans doute voir plus clair dans les conditions de température de ces remarquables objets de l’univers stellaire.

Ritter et Lane ont fait des calculs intéressants sur les conditions d’équilibre où peut se trouver un astre gazéiforme ayant une densité assez faible pour que les lois des gaz puissent y trouver leur application. Cela n’est admissible que pour des gaz ou pour des mélanges gazeux dont la densité ne dépasse pas 1/10e de celle de l’eau, ou 1/14e de la densité actuelle du soleil. Dans une semblable masse gazeuse, la pression des régions centrales sera naturellement plus forte que dans les régions périphériques, par la même raison qui fait que la densité de notre atmosphère diminue à mesure qu’on s’élève.

Or, supposons qu’une certaine masse d’air soit transportée, dans notre atmosphère, à 1 000 mètres de hauteur, son volume s’agrandira, et sa température s’abaissera de 9°,8. S’il se produisait dans les masses atmosphériques des mouvements d’une grande violence dans le sens vertical, ce qu’on appelle souvent de la convection, leur température varierait, suivant cette loi, avec la hauteur. Mais le rayonnement calorifique de la terre a pour effet d’équilibrer les variations de température qui se produiraient. Le calcul suivant, dû à Schuster, sur les conditions d’une masse gazeuse ayant la grandeur du soleil, est basé sur les recherches de Ritter.

Le calcul part de cette hypothèse, que les conditions calorifiques de la masse gazeuse ne dépendent que du mouvement des gaz et non du rayonnement. Il s’applique à un astre qui aurait une masse égale à celle de notre soleil (1,9×1033 grammes ou 324 000 fois celle de la terre) et un rayon égal à 10 fois celui du soleil (10 × 690 000 kilomètres). Sa densité moyenne serait donc 1 000 fois plus faible que celle du soleil (0,0014 fois la densité de l’eau à 4° C).

Les résultats de ce calcul sont résumés dans le tableau ci-dessous. La première colonne indique, de dixième en dixième du rayon, la distance au centre de la couche considérée. La densité de la couche, que donne la deuxième colonne, est évaluée par rapport à celle de l’eau = 1. La troisième colonne exprime la pression en milliers d’atmosphères. La température est indiquée (col. 4 et 5) en milliers de degrés centigrades. Elle varie proportionnellement au poids atomique du gaz dont l’astre est composé. Les chiffres de la quatrième colonne se rapportent à un gaz dont le poids moléculaire est l’unité : c’est celle de l’hydrogène dissocié en atomes, tel qu’il existe indubitablement dans le soleil et dans les étoiles. Si ensuite on suppose que l’astre ne comprend que du fer, les chiffres de la quatrième colonne doivent être multipliés par le poids atomique du fer, c’est-à-dire 56. On obtient ainsi les chiffres de la cinquième colonne.

DISTANCE
du centre
en fractions
du rayon.
POIDS

spécifique.
PRESSION
en milliers
d’atmosphères.
TEMPÉRATURES EN MILLIERS
DE DEGRÉS CENTIGRADES
Hydrogène. Fer.
0,0 0,00844 852 2 460 137 500
0,1 0,00817 807 2 406 134 600
0,2 0,00739 683 2 251 126 100
0,3 0,00623 513 2 007 112 400
0,4 0,00488 342 1 707 195 600
0,5 0,00354 200 1 377 177 100
0,6 0,00233 100 1 043 158 400
0,7 0,00136 140 2.728 148 800
0,8 0,00065 112 2.445 124 900
0,9 0,00020 85..1,7 2.202 111 300
1,0 0 85..0,0 246.0 13750.0

Le calcul de Schuster a en réalité été fait pour le soleil, c’est-à-dire pour un globe dont le diamètre est 10 fois plus petit, et dont la densité est par conséquent 1 000 fois plus grande que les chiffres donnés ci-dessus. D’après la loi de la gravitation et celles des gaz, la pression serait alors 10 000 fois plus grande et la température 10 fois plus élevée que ne l’indiquent les chiffres du tableau. Mais alors la densité des parties centrales devient beaucoup trop élevée pour que les lois qui régissent les gaz puissent encore trouver leur application. J’ai donc préféré modifier le calcul de telle manière que ses résultats s’appliquent à un corps dont le rayon est 10 fois celui du soleil, ou 1 080 fois celui de la terre. Il occuperait la 22e partie du rayon de l’orbite terrestre. Ce serait donc encore un astre dont l’étendue, comparée à celle des nébuleuses, serait relativement très petite.

Ce qui frappe, c’est la pression extraordinairement élevée qui se produira dans les parties intérieures du globe, ce qui tient à la masse considérable de l’ensemble et aux distances relativement réduites. Au centre de notre soleil, la pression serait d’environ 8 520 millions d’atmosphères, car elle varie en raison inverse de la quatrième puissance du diamètre. La pression effective au centre du soleil est en effet presque de cet ordre de grandeur. Si cet astre s’étendait de manière à former une nébuleuse planétaire ayant 1 000 fois ses dimensions linéaires actuelles, ce qui veut dire qu’il remplirait à peu près l’orbite de Jupiter, son poids spécifique au centre diminuerait au millionième de la valeur indiquée ci-dessus. Cela veut dire qu’au point de cette nébuleuse où la matière se trouverait à l’état de plus forte concentration, elle ne serait quand même pas plus dense que dans les tubes où nos instruments ont fait le vide avec le plus de soin, à la température ordinaire.

La pression serait également très diminuée. Elle ne serait plus que de 6 millimètres au centre de la masse gazeuse. Par contre, la température serait encore très élevée en ce même point, savoir : 24 600 degrés si la nébuleuse était formée d’hydrogène à l’état atomique, et 56 fois plus si elle était constituée par du fer à l’état de gaz. Une semblable nébuleuse ne retiendrait des gaz qu’avec une force égale à 1,6 fois celle de la terre. Des molécules gazeuses qui auraient un mouvement centrifuge d’environ 18 kilomètres de vitesse s’échapperaient pour toujours de son atmosphère.

Le calcul des températures dans des masses gazeuses de ce genre est quelque peu incertain. On suppose, en effet, que la radiation et la conductibilité à la chaleur ne produisent point d’effet particulièrement sensible. Cela est probablement vrai en ce qui concerne la conductibilité, mais la radiation n’est pas aussi négligeable. Il s’ensuivrait que les températures intérieures seraient plus faibles que ne l’indique le calcul. Il est toutefois très difficile d’apprécier l’importance de ce facteur.

Supposons que la masse du corps céleste considéré soit différente de celle qui a été prise pour base ci-dessus, et qu’elle soit, par exemple, le double. Il suffira de changer la pression et la densité dans la même proportion. La température ne changera pas. Nous avons donc ainsi la possibilité de nous faire une idée de l’état d’une nébuleuse, quelle que soit son étendue ou sa masse.

Lane a prouvé, et nous avons indiqué, à propos des calculs ci-dessus, que la température d’une nébuleuse, comme celle que nous avons considérée, augmente, si, par suite de perte de chaleur, elle se rétrécit et se condense. Lui parvient-il, au contraire, de la chaleur d’une source extérieure, elle se dilatera et sa température diminuera. Il est probable qu’un astre de cette sorte perd de la chaleur et augmente graduellement sa température jusqu’à ce qu’il se transforme en une étoile ayant tout d’abord une forte atmosphère d’hélium et d’hydrogène, comme dans les étoiles les plus jeunes, à lumière blanche. Petit à petit, à mesure de l’élévation de la température, les combinaisons chimiques d’une énergie extraordinaire, qui caractérisent l’intérieur du soleil, parviennent à se former. L’hélium et l’hydrogène, libérés lors de la formation de la nébuleuse et projetés dans l’espace, se diffuseront de nouveau dans l’intérieur de l’étoile, où ils seront fixés par la formation des dites combinaisons.

La puissante atmosphère d’hydrogène et d’hélium disparaît alors, — l’hélium en premier lieu —, l’étoile se contracte de plus en plus, la pression s’élève énormément, et les courants gazeux de convection s’accroissent de même. Il se fait dans l’atmosphère de l’étoile une grande production de nuages, et elle arrive enfin à présenter les caractéristiques de notre soleil.

Celui-ci se comporte tout autrement que les nébuleuses gazeuses auxquelles s’appliquent les calculs de Lane, de Ritter, et de Schuster. Quand, en effet, la contraction des gaz est parvenue à un certain degré, la pression s’élève dans la proportion de 1 à 16, tandis que le volume diminue dans celle de 8 à 1, si, pendant ce temps, la température ne change pas. Lorsque le gaz a atteint ce point, et qu’il continue à se comprimer, la température reste constamment en équilibre. La pression s’élève-t-elle encore, la température s’abaissera, afin que l’équilibre puisse continuer à subsister. D’après les recherches d’Amagat, cela se produit vers 17 degrés dans les gaz qui, à cette température, sont bien au dessus de leur point critique, tels que l’hydrogène et l’azote, et sous une pression de 300 et de 250 atmosphères. À une température double (307° C), il faut une pression sensiblement double, et ainsi de suite.

Nous pouvons maintenant appliquer à notre nébuleuse le calcul qui nous dira quand elle traversera ce moment critique, qui doit être suivi d’une chute de température. En partant des mêmes chiffres que ci-dessus, on trouvera que la moitié de la masse de la nébuleuse occupera une sphère dont le rayon sera les 0,53 de celui de la nébuleuse. Si la masse avait partout la même densité, cette moitié occuperait un volume sphérique ayant les 0,84 de ce rayon.

Quand la masse intérieure dépassera-t-elle cet état limite, la partie extérieure restant encore en deçà de lui ? Cela arrivera à peu près au moment où la nébuleuse passera en totalité par sa température maxima. Prenons les températures qui correspondent au fer réduit à l’état de gaz, car, à l’intérieur de la nébuleuse, le poids atomique moyen doit bien correspondre au moins à 56 qui est celui du fer. Nous trouverons qu’à la distance de 0,53 rayons (du centre) la pression doit être d’environ 177 000 atmosphères et la température de 71 millions de degrés, c’est-à-dire 245 000 fois plus grande que la température absolue (290°) de l’expérience d’Amagat. L’état en question ne serait donc atteint lorsque la pression serait 245 000 fois plus grande que 250 atmosphères, c’est-à-dire sous 61 millions d’atmosphères. Mais, comme elle n’est que de 177 000 atmosphères, la nébuleuse sera encore très éloignée de la phase où le refroidissement doit commencer.

On peut facilement se rendre compte par le calcul, que cela aura lieu quand la nébuleuse se sera contractée à un volume approximativement égal à trois fois celui de notre soleil. L’affirmation souvent produite que le soleil atteindra peut-être bien dans l’avenir une température beaucoup plus élevée n’est donc pas défendable. Il a depuis longtemps dépassé le moment où le point culminant de la variation de sa température a été atteint. Il est actuellement en voie de refroidissement. Les températures calculées par Schuster étant sans doute beaucoup trop élevées, le refroidissement doit même avoir commencé sensiblement plus tôt. Mais des étoiles comme Sirius, dont la densité n’est vraisemblablement pas plus grande que le centième de celle du soleil, sont sans doute encore dans la période de l’accroissement de leur température. L’état actuel de ces étoiles correspond à peu près à celui de la masse gazeuse qui nous a servi plus haut à éclairer la discussion.

Les nébuleuses planétaires sont encore infiniment plus volumineuses. Les dimensions colossales qu’elles ont parfois deviennent évidentes quand on considère que la principale d’entre elles, qui porte le no 5 dans le catalogue d’Herschel, et qui est située près de l’étoile B de la Grande Ourse, a un diamètre de 2,67 minutes d’arc. Si elle était aussi proche de nous que l’étoile fixe la plus rapprochée, ce diamètre serait trois fois celui de l’orbite de Neptune. Il est probablement encore une centaine de fois plus grand. Cela nous donne une idée de la raréfaction extrême d’une semblable formation. Là où la densité y est la plus grande, elle ne dépasse probablement pas la billionième partie de celle de l’air. Dans les régions périphériques de ces nébuleuses, la température doit être extrêmement basse, autrement elles ne sauraient rester agglomérées. C’est pourquoi l’hydrogène et l’hélium gazeux peuvent seuls y exister.

Nous pouvons néanmoins considérer la densité et la température de ces astres comme énormes en comparaison avec celles des gaz contenus dans les spirales des nébuleuses. Là, l’équilibre n’existe jamais, et ce n’est que par suite de l’extraordinaire petitesse des forces agissantes que dans ces agglomérations la forme peut être maintenue pendant longtemps, sans changement appréciable. C’est probablement dans ces régions que les masses de poussières cosmiques sont arrêtées dans leurs mouvements, et que par leur agglomération elles forment des météorites et des comètes. Celles-ci s’enfoncent ensuite dans les parties plus centrales de la nébuleuse, où elles pénètrent très profondément par suite de leur masse relativement grande, pour y constituer les noyaux pour la formation des planètes et des satellites. Elles acquièrent graduellement, par leurs rencontres avec les masses gazeuses, leur mouvement rotatoire autour de l’axe de rotation de la nébuleuse. Elles condensent en même temps à leur surface une partie de ces masses gazeuses, et acquièrent ainsi une température élevée, que la radiation leur fait perdre à son tour, assez vite.

Autant qu’on le sait aujourd’hui, les nébuleuses à spirale se caractérisent par un spectre continu. L’éclat des étoiles qu’elles contiennent dépasse complètement la faible lumière des masses nébuleuses. Il est hors de doute que ces étoiles, provenant de condensation, sont dans une phase très primitive de leur existence, et correspondent par conséquent aux étoiles blanches, comme la Nova Persei et comme l’étoile centrale dans la nébuleuse annulaire de la Lyre. On a cependant reconnu que le spectre de la nébuleuse d’Andromède a sensiblement la même étendue que celui des étoiles jaunes. Peut-être cela provient-il de ce que la lumière des étoiles que contient cette nébuleuse, qui se présente à nous de côté, est en partie éteinte par des poussières situées à sa périphérie, ainsi que ce fut le cas pour la Nova Persei, lors de sa période de luminosité variable.

Nos considérations nous conduisent donc à cette conclusion que les corps centraux des nébuleuses sont entourés d’une masse gazeuse énorme, qui est en général en rotation autour de son axe. En dehors d’elle les autres centres de condensation tournent également autour du corps central en entraînant avec eux les masses gazeuses qui s’y sont condensées. Le frottement de ces masses adventives et de la masse gazeuse primitive, qui circule dans le plan équatorial du corps central, a fait qu’elles se sont peu à peu approchées de ce plan, peu différent du plan de l’écliptique. Nous obtenons ainsi un véritable système planétaire, où les planètes sont entourées de masses gazeuses énormes, comme les étoiles des Pléiades (fig. 52).

Si maintenant, comme dans notre système solaire, les planètes ont, comparativement au corps central, une faible masse, elles vont se refroidir infiniment plus vite que lui. Leurs masses gazeuses se contracteront rapidement. Leur durée de rotation se raccourcira de même. Celle-ci était probablement, au début, peu différente de celle du corps central, tout au moins pour les planètes peu éloignées du centre. Par suite de la très grande étendue du corps central, les planètes qui errent autour de lui y produiront des effets de marées très considérables. Sa vitesse de rotation diminue, et la durée de la rotation des planètes tend à s’allonger. De là un défaut d’équilibre, mais qui disparaît, la planète étant en quelque sorte enlevée au soleil, comme G.-H. Darwin l’a si intelligemment fait voir à propos des relations de notre satellite à la terre.

Des conditions analogues se retrouvent dans l’entourage des planètes qui acquièrent, parmi même procédé, leurs satellites. C’est aussi cette même évolution qui explique la remarquable coïncidence que toutes les planètes se meuvent à peu près dans le même plan, que nous appelons l’écliptique, et que leurs orbites sont presque circulaires. Les planètes les plus éloignées font seules une exception, ayant été moins influencées par les marées ; tels sont Uranus et Neptune.

Pour expliquer ces phénomènes, divers savants et astronomes ont émis une hypothèse qui a été appelée du nom de ses principaux défenseurs, la théorie de Kant et de Laplace. Déjà Swedenborg (1734) avait donné quelques indications dans ce sens. Il admit que notre système était sorti du chaos, — chaos solare —, par la formation de tourbillons, qui, sous l’influence de forces intérieures, analogues à des forces magnétiques, auraient imprimé à l’ensemble un mouvement de rotation toujours croissant autour du soleil. Un anneau aurait fini par se détacher à l’équateur, et se serait brisé en masses distinctes, qui seraient devenues les planètes.

Buffon a introduit la gravitation dans ce système à titre de principe conservateur. Dans son travail plein de génie sur la Formation des planètes (1745), il suppose que celles-ci auraient leur origine dans un « courant de matière » qu’une comète adventive aurait balayée loin du soleil. Kant, à son tour, émettait l’hypothèse d’un chaos primitif, formé de poussière immobile, qui, sous l’influence de la gravitation, se groupait autour d’un corps central, tout en formant autour de lui des anneaux de poussières animées de rotation et qui, avec le temps, s’aggloméraient pour former des planètes.

Or, la mécanique nous enseigne que de semblables masses qui n’ont pas, dès le début, un mouvement rotatoire, ne peuvent pas l’acquérir sous l’influence d’une force centrale telle que la pesanteur. C’est pourquoi Laplace admit, comme l’avait fait Swedenborg, que la nébuleuse primitive, origine de notre système solaire, tournait dès le début autour d’un axe. D’après lui, la contraction de ce système aurait détaché des anneaux, à peu près semblables à ceux de Saturne, et ceux-ci, à leur tour, auraient formé des planètes, leurs satellites et aussi des anneaux. On admet aujourd’hui qu’il ne peut s’être formé de cette manière que des météores et des petites planètes circulant autour du soleil, mais non les grandes planètes. Nous voyons effectivement de semblables anneaux de poussières, tournant autour de Saturne, ceux voisins de la planète plus rapidement que ceux plus éloignés, absolument comme une accumulation de tout petits satellites.

Un grand nombre d’autres objections ont été faites à l’hypothèse de Laplace par Babinet et, plus particulièrement dans des temps plus récents, par Moulton et par Chamberlin. Elle ne semble, en effet, pas défendable dans sa forme primitive. Je lui ai, en conséquence, substitué l’hypothèse développée dans ce qui précède. Il est assez frappant que les satellites des planètes les plus éloignées, de Neptune et d’Uranus, ne se meuvent pas dans des plans voisins de l’écliptique. Ils ont même un mouvement « rétrograde », c’est-à-dire qu’ils se meuvent en sens inverse de la circulation que suppose l’hypothèse de Laplace. Cela semble également être le cas d’un satellite découvert en 1898 par Pickering, qui circule autour de Saturne, ainsi que du 8e satellite de Jupiter, récemment découvert, qui est le plus éloigné de la planète d’entre eux tous. Ces faits étaient ignorés par Laplace (1776) qui n’aurait sans doute pas formulé son hypothèse s’il les avait connus, tout au moins telle qu’il l’a énoncée.

Mais l’explication de ces faits ne présente aucune difficulté.

D’après Darwin et Pickering, la rotation directe des planètes s’expliquerait comme suit. Elles étaient, dans l’origine, d’énormes sphères gazeuses, sur lesquelles l’attraction du soleil s’exerçait en produisant de puissantes marées. Celles-ci l’emportèrent finalement sur la rotation individuelle de la masse planétaire, jusqu’à produire l’état qui subsiste encore pour la lune et pour Mercure, deux astres qui tournent sans cesse leur même face vers le corps central autour duquel ils circulent. À ce moment la durée de rotation était donc égale à la durée de leur révolution. Par la suite, le corps gazeux se contracta rapidement à cause du refroidissement. L’effet de marée diminua très rapidement, en sorte que l’influence du soleil ne suffisait plus. La durée de la rotation sur son axe diminua ainsi rapidement[3]. Mais la planète conservait naturellement toujours le sens de sa rotation, qui est le même pour toutes les planètes intra-saturniennes. Elle était donc désormais de même sens que celui de la révolution dans son orbite, c’est-à-dire directe.

On peut cependant admettre que la matière qui se trouvait aux limites extrêmes de la nébuleuse primitive était tellement diluée que la planète qui venait s’y plonger ne put atteindre un volume suffisant pour être entraînée par la marée gazeuse, si faible à cette énorme distance, dans la grande rotation d’ensemble dans le plan équatorial du soleil.

Aux confins extrêmes de notre système solaire, où circulent Neptune et Uranus, les planètes conservèrent une partie importante de leur impulsion primitive, reçue lorsqu’elles pénétrèrent dans le système, ou qui, peut-être, leur fut communiquée par quelque choc. Lorsque, plus tard, les satellites furent détachés par suite de la contraction de la masse gazeuse, ils conservèrent un sens de révolution identique à celui de la rotation primitive, qui, pour ces planètes extrêmes, ne concorde pas avec l’écliptique. Les satellites extérieurs de Jupiter et de Saturne sont venus de l’espace, sous forme de comètes, et furent retenus dans des endroits où l’enveloppe gazeuse de la planète était si légère qu’elle ne suffisait pas pour arrêter le sens du mouvement du nouvel arrivant. De là vient que les orbites de ces deux lunes sont très éloignées du plan équatorial de leur corps central. Elles sont même rétrogrades et, en outre, fortement excentriques, plus que celles d’autres satellites. Mais le lent mouvement de Neptune et d’Uranus autour du soleil en fut influencé, de manière qu’ils prirent la direction et la trajectoire circulaire commune. Il n’est pas impossible qu’il existe dans l’espace, plus loin encore que notre planète la plus éloignée, d’autres planètes appartenant à notre système, que nous ne connaissons pas, et dont le mouvement a lieu dans des orbites absolument irrégulières, comme celle des comètes. Ces dernières seront sans doute, ainsi que le suppose Laplace, entrées plus tardivement dans le système solaire, lorsque la condensation était déjà assez avancée, pour que la masse principale de la matière nébuleuse eût disparu des espaces interplanétaires.

Chamberlin et Moulton ont essayé de faire voir que l’on peut échapper aux difficultés inhérentes à l’hypothèse de Laplace, si l’on admet que le système solaire est sorti d’une nébuleuse en spirale, dans laquelle des corps étrangers ont fait irruption, condensant sur eux la matière nébuleuse environnante. Ne voit on pas souvent que la brume lumineuse, voisine des étoiles qui se trouvent entourées de nébuleuses, disparaît ? Ces étoiles correspondent sans doute à des planètes en voie d’évolution.

Pour terminer ces considérations, nous allons encore établir une comparaison entre les vues qui avaient cours il y a peu de temps, et celles qui s’ouvrent devant nous d’après les découvertes les plus récentes.

La gravitation newtonienne, qui, jusqu’au commencement du présent siècle, semblait dominer les mouvements et l’évolution du monde matériel, conduisait à considérer les corps célestes comme devant se grouper pour former des corps ayant des masses toujours croissantes. Dans le cours infini du temps, l’évolution conduirait à ce que d’immenses soleils seuls, lumineux ou éteints, puissent exister. Dans ces conditions, toute vie serait naturellement impossible.

Et pourtant, nous voyons à proximité même du soleil un nombre considérable d’astres obscurs, les planètes, et nous pouvons supposer à juste titre qu’il en existe aussi dans le voisinage d’autres étoiles. Nous ne pourrions, sans cela, nous expliquer d’aucune façon les singuliers mouvements d’allée et venue de ces étoiles. Nous observons de même qu’un nombre très considérable de petits corps célestes tombent sur notre globe, soit comme météorites, soit comme étoiles filantes. Ils viennent à nous des régions les plus éloignées des immensités de l’espace.

Deux circonstances expliquent ces écarts de ce que nous pourrions nous attendre à reconnaître comme conséquence de l’action exclusive de la pesanteur. C’est en premier lieu l’action de la force répulsive, et secondement le résultat de la rencontre de corps célestes entre eux. Le produit de ces rencontres est la formation de grands tourbillons gazeux autour de corps nébuliformes et gazeux. La force répulsive amène dans ces tourbillons gazeux de la poussière cosmique, peut-être déjà partiellement agglomérée en météores et en comètes. Elle y crée, concurremment avec les produits de la condensation des masses gazeuses environnantes, des planètes et les satellites de celles-ci.

L’effet d’expansion de la force répulsive des radiations équilibre donc la tendance de la gravitation qui est de centraliser toujours davantage la matière. Les tourbillons gazeux des enveloppes nébuleuses servent uniquement à retenir les poussières chassées au loin des soleils par la pression de radiation.

Dans les nébuleuses, les masses gazeuses sont les principaux endroits d’agglomération pour les poussières chassées par les soleils. Si le monde avait des limites, comme on le supposait jadis, c’est-à-dire si les étoiles étaient groupées en un seul grand amas, autour duquel il n’y aurait qu’une immensité vide, les masses poussiéreuses envoyées au loin par les soleils en vertu de la force répulsive seraient perdues dans cet infini, comme on le suppose en général pour l’énergie de radiation des mêmes corps.

L’évolution des mondes devrait en ce cas avoir trouvé sa fin depuis longtemps, par suite d’une sorte d’anéantissement de la matière et de l’énergie. L’inanité de ce point de vue a été expliquée entre autres par Herbert Spencer, lorsqu’il fit voir qu’un cycle devait exister dans l’évolution du monde. Cela est manifestement nécessaire, si un système quelconque doit indéfiniment avoir une existence. Nous trouvons dans les parties froides, gazeuses, diluées des nébuleuses, l’élément du mécanisme de l’univers, qui fait équilibre à la prodigalité des soleils dans leur dépense de matière et, plus encore, de force. Les poussières adventices absorbent la radiation solaire et abandonnent leur chaleur à ces molécules gazeuses isolées, contre lesquelles elles viennent se heurter. Cette absorption de chaleur fait dilater la masse gazeuse tout entière, et elle se refroidit. Les molécules les plus chargées d’énergie s’éloignent, et elles sont remplacées par d’autres provenant de l’intérieur, plus dense, de la nébuleuse. Elles se refroidissent à leur tour.

C’est ainsi que tout rayon calorifique venant d’un soleil est absorbé, et que l’énergie qu’il transporte est transmise par les éléments gazeux de la nébuleuse, aux soleils en formation, voisins ou compris dans la nébuleuse. Elle se condense sur les centres d’attraction déjà retenus par la nébuleuse, ou sur les restes des corps qui, par leur rencontre, ont causé la formation de celle-ci. Le froid intense qui règne dans ces régions permet à la matière de s’agglomérer de nouveau. Si, au contraire, la température s’élevait à 15° C, la force répulsive serait suffisante, d’après Poynting, pour tenir séparés des corps ayant 34 millimètres de diamètre, si leur densité est égale à celle de la terre, c’est-à-dire 5,5. Dans les régions où circule Neptune, où la température doit être voisine de 50 degrés absolus, c’est-à-dire à peu près celle des nébuleuses, cette dimension n’est plus que de 1 millimètre. Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, il est probable que, pour la première agglomération, les forces capillaires qui s’exerceront par suite de la présence des gaz condensés sur les grains de poussière joueront le plus grand rôle, et non la gravitation. — De même l’énergie peut s’y concentrer, contrairement à la loi de l’accroissement continu de l’entropie.

Ces effets conservateurs permettront aux couches gazeuses de se raréfier rapidement. Elles seront alors remplacées par de nouvelles masses de même matière venant de l’intérieur de la nébuleuse, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, et que cette forme de l’astre soit remplacée par un amas d’étoiles ou par un système planétaire qui circule autour d’un ou de plusieurs soleils.

Les rencontres de ceux-ci feront, à leur tour, naître de nouvelles nébuleuses.

Les matières explosives, dont nous avons plusieurs fois parlé, jouent un rôle capital dans l’évolution des nébuleuses vers l’état d’étoiles, et dans la formation des nébuleuses nouvelles après la rencontre de deux corps célestes, obscurs ou lumineux. Ces matières contiennent probablement de l’hydrogène et de l’hélium (peut-être aussi du nébulium), en combinaison avec du carbone et avec des métaux. Les principes de la thermodynamique conduisent à cette conclusion, que ces matières explosives se forment pendant l’évolution des soleils, et qu’elles sont détruites lors de leurs rencontres. L’énergie énorme qui se trouve accumulée dans ces corps les rend semblables à des volants gigantesques dans le mécanisme de l’univers ; ils règlent sa marche et ils sont cause que l’alternance régulière entre l’état de nébuleuse et celui de soleil a lieu suivant un rythme uniforme, pendant les espaces de temps incalculables, que nous devons considérer comme caractéristiques dans le développement des mondes.

Par cette action de compensation entre pesanteur et radiation, ainsi que par des échanges de température et de concentration de la chaleur, il devient possible à l’évolution du monde de parcourir un cycle perpétuel, où nous ne voyons ni commencement ni fin. Elle nous conduit également à penser que la vie aussi a des chances de se perpétuer indéfiniment et sans diminution.


  1. Une grande calorie est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 degré la température d’un kilogramme (ou d’un litre) d’eau. Un kilogramme de charbon pur, ou de très bonne houille, donne, par sa combustion, 8 000 de ces calories. Il suffit conséquemment pour élever 80 kilogrammes d’eau de 0° à 100° C. La puissance d’une machine à vapeur résulte de ce que, recevant de la chaudière, de la vapeur à — mettons — 150 degrés, elle y puise de la chaleur, et qu’elle restitue à la sortie du condenseur cette vapeur à 60 degrés environ. Une partie de la chaleur absorbée se trouve donc convertie en travail à l’aide de l’organisme mécanique. Cette portion est, au maximum, égale au quotient de la différence de température entre chaudière et condenseur, divisée par la température absolue de la vapeur au début. Dans notre exemple indiqué ci-dessus, la chute de température est de 90 degrés. La température absolue initiale est de 273° + 150° = 423 degrés. C’est donc les 90/423 ou environ 0,21 (21 p. 100) de la chaleur sortie de la chaudière qui devrait pouvoir être transformée en travail.

    Mais une partie notable de la chaleur de combustion s’échappe dans l’air avec les gaz produits dans le foyer. D’autre part la chaudière et la machine elles-mêmes en perdent une proportion notable par conductibilité et par rayonnement. Le rendement des machines n’arrive donc jamais au travail théoriquement déterminé en partant de la chaleur produite par la combustion. Elles n’en rendent qu’une fraction. Les meilleures d’entre elles n’ont guère qu’un rendement de 50 p. 100.

    La puissance d’une machine à vapeur dépend donc de la tendance que possède la chaleur à passer d’un milieu plus chaud à un milieu moins chaud. C’est ce qui revient au même que de dire que l’entropie a une tendance à grandir toujours.

  2. Ce mot de Wärmetod, difficilement traduisible, signifie, pour Clausius, la transformation définitive de toutes les formes d’énergie en chaleur, la diffusion uniforme de celle-ci, et par conséquent l’égalité générale de la température. C’est la disparition de tout mouvement, de toute vibration des masses, par conséquent, de toute électricité, de toute transmission d’énergie, de toute vie. Il n’y a plus de radiation thermique mais seulement un mouvement moléculaire et atomique. La matière est également répandue d’une façon uniforme. Il n’existe plus aucune différenciation locale ou quelconque. C’est donc, en un mot, la mort de l’univers par l’inertie absolue et générale.
  3. La force productrice des marées est directement proportionnelle au diamètre des planètes, et inversement proportionnelle au cube de la distance du corps central.