Texte établi par Alphonse Constantau bureau de la direction de La Vérité (p. 76-82).

XIV

L’Évangile et la Femme guide.


L’Évangile n’a pas commencé il y a dix-huit cents ans, car sa morale est éternelle.

Le Christ a résumé l’évangile de l’humanité et la morale universelle dans le dogme de l’unité divine et humaine.

Dans son discours sur la montagne il s’est appuyé sur les doctrines du passé et leur a seulement fait faire un pas.

L’Évangile, dans son acception la plus large, c’est la vérité universelle manifestée par la parole ou par le Verbe.

Au commencement était la parole, dit l’Évangéliste, et la parole était en Dieu.

Et Dieu même était une parole vivante.

Tout a été fait par elle, et rien de ce qui se fait ne se fait sans elle !

Elle est la vie, parce que la vie de l’intelligence, c’est la lumière.

Et cette lumière s’est rendue visible aux ténèbres qui l’ont repoussée. Mais elle n’en a pas moins brillé ; et ceux qui l’ont vue savent maintenant ce qu’il faut faire pour être les enfants de Dieu.

Car la parole est devenue palpable, le Verbe s’est fait chair et il a habité au milieu de nous.

Ainsi l’Évangile est l’idée de la perfection humaine manifestée par la parole et les exemples d’un type vivant, qui est Jésus.

Mais Jésus, l’homme symbolique, n’a accompli encore que la première phase de son existence : il a su d’abord se résigner et mourir ; il faut maintenant qu’il ressuscite et qu’il triomphe.

Après la résignation, la protestation. Après le martyre, le jugement des bourreaux. Après les angoisses de la mort, la plénitude de la vie.

Il faut maintenant que le Christ achève son ouvrage et qu’il remonte sur la montagne pour nous instruire ; mais cette montagne ne doit plus être le sanglant Calvaire ; nous l’attendons sur le glorieux Thabor, non plus veuf et isolé comme autrefois, mais appuyé sur la femme-guide !

Alors il prendra la parole pour proclamer de nouvelles béatitudes.

Heureux, dira-t-il, ceux qui sont riches d’intelligence et d’amour, car ils seront les princes du ciel et les rois de la terre !

Heureux ceux qui ont le courage de leurs convictions, car ils triompheront du monde !

Heureux ceux qui ont souffert et qui essuient leurs larmes en disant : Il est temps d’agir, parce qu’ils étaient des enfants et qu’ils sont devenus des hommes !

Heureux ceux qui ne songent qu’à délivrer l’humanité de ses maux et non à venger leurs propres injures, car tout leur sera pardonné.

Heureux ceux qui voient Dieu par leur intelligence et leur amour et qui n’ont pas besoin de la doctrine des hommes !

Heureux ceux qui protestent et qui combattent sans colère parce qu’ils sont forts comme Dieu même !

Heureux ceux qui pour avancer le règne de la justice commencent par faire justice, car ils possèdent ce qu’ils désirent.

Heureux ceux qu’on a persécutés et qui triomphent sans vengeance, car ils sont les enfants de Dieu et les imitateurs de son Christ.

Je vous dis en vérité, que si votre justice n’est pas plus abondante que celle des prêtres et des moines, vous ne pouvez pas être libres de leurs enseignements et de leurs pratiques étroites.

Je vous avais dit : Celui qui insultera son frère méritera un jugement ; et maintenant je vous dis : Celui qui ne s’inquiètera pas des nécessités de son frère méritera une condamnation.

Si donc, lorsque vous êtes à table avec votre famille, vous apprenez que votre frère n’a pas de quoi se nourrir avec sa femme et ses enfants,

Laissez là votre festin commencé, allez porter la moitié de votre pain à votre frère et vous pourrez ensuite vous réjouir avec votre famille, et je considérerai votre repas comme un sacrifice eucharistique.

Je vous ai dit qu’un mauvais regard sur la femme d’un autre était un adultère ; et maintenant je vous dis qu’un regard de jeune fille acheté à prix d’or est une prostitution ; et que celui qui marie une jeune fille contre son cœur en fait tout à la fois une prostituée et une adultère.

Car la femme prostitue son corps quand elle se livre à celui qu’elle n’aime pas, et, comme elle en désire un autre elle cache l’adultère dans son cœur !

Je vous ai dit qu’abandonner sa femme c’était la prostituer.

Et maintenant je vous dis que, si vous prostituez une femme vous outragez votre mère, et que, si vous insultez une femme, vous outragez la nature !

Je vous ai dit : Ne faites pas de serment, votre parole suffit ; et je vous dis : Ne vous contentez jamais de paroles quand vous pouvez agir.

Je vous ai dit de ne pas résister personnellement à ceux qui vous injurient et qui vous dépouillent ; vous l’avez fait et ils n’en ont pas été touchés.

Maintenant je vous dis : Ne vous défendez pas, mais défendez vos frères. Ne livrez pas vos femmes et vos filles à l’outrage des riches et vos enfants à l’exploitation des voleurs.

Ne vengez pas vos propres injures, sauvez la justice outragée.

Pardonner le mal qui est fait c’est bien, mais il vaut mieux empêcher le mal de se faire.

Je vous ai dit d’aimer vos ennemis et de prier pour eux, et maintenant je vous dis : Ce n’est pas méchants, il faut les délivrer d’eux-mêmes. Les méchants sont des malades que la fièvre rend furieux ; ne les abandonnez pas à eux-mêmes, ce serait une cruauté.

La prière doit toujours précéder l’action ; mais l’action doit suivre la prière.

Vous avez invoqué votre Père qui est au ciel, et votre Père vous a entendus : maintenant il faut agir, légalement et pacifiquement !

Je vous ai dit de chercher le royaume de Dieu et sa justice et que le reste vous serait donné par surcroît, et cependant vous avez faim, vous avez soif et vous n’êtes pas vêtus : le royaume de Dieu n’est donc pas encore trouvé.

Mais vous savez où il est et vous en connaissez la porte ; seulement, les riches avares et les maîtres sans foi vous empêchent d’entrer.

Serrez-vous les uns contre les autres et avancez ; opposez votre mouvement persévérant à leur inertie obstinée ; il faudra bien qu’ils reculent et qu’ils vous laissent passer.

À moins que, touchés de repentir, ils ne se tournent pour rentrer avec vous, et vous les recevrez avec une grande joie.

Car, direz-vous, nous avions perdu nos frères et nous les avons retrouvés ; ils étaient morts, et ils sont vivants !

C’est alors que la mère se réjouira de voir tous ses enfants réunis.

C’est alors que la douce figure de la femme-guide rayonnera, chaste et pure, dans sa tunique blanche, à la tête du progrès humanitaire.

Souriante et une branche de myrthe à la main elle conduira son troupeau fidèle vers les pâturages de Dieu.

La colombe symbolique l’ombragera de ses ailes, et tous les cœurs, réunis dans l’amour paisible de son harmonieuse beauté, se sentiront rajeunis et pleins de naïves espérances !

Car c’est la mère qui unit la famille si c’est le père qui la nourrit.

La femme est la reine de l’harmonie et c’est pourquoi elle doit être à la tête du mouvement régénérateur de l’avenir.

Car, pour que vous viviez en frères, il faut que la mère vous apprenne à vous entr’aimer !