Texte établi par Alphonse Constantau bureau de la direction de La Vérité (p. 66-71).

XII

La Religion.


La vraie religion c’est l’amour de Dieux[1] vivant dans l’humanité !

Arrière maintenant les langes du symbolisme, arrière les nuages de la fable et de la légende ! Affranchissez l’amour pour que l’amour vous rende libres ! Dieux est simple et unique en trois termes, comme l’humanité, son image.

Il y a en lui le principe générateur, le principe qui conçoit et enfante, et l’enfantement formulé qui est le monde.

Le principe générateur est intelligence et amour ; le principe qui conçoit est activité et force, et le résultat de son opération s’appelle les lois de la nature.

Dans l’humanité il y a le père, la mère et l’enfant.

Dieux est à la fois le père et la mère, et le monde qui s’agrandit et se perfectionne sans cesse dans le sein de Dieux est comme l’embryon merveilleux de cette génération éternelle.

Il se révèle à notre intelligence comme le soleil à nos yeux, et à notre cœur comme la chaleur à nos membres.

Mes frères les parias, croyez en Dieux, car, sans lui, l’appétit de la brute seul doit être la règle, et la force doit faire la loi.

Quoi ! vous dites que les hommes sont frères, et vous reniez le père commun des hommes !

Mais s’il n’y a ni Dieu ni révélation, comment saurez-vous le degré de fraternité qui peut exister entre des êtres si différents, entre le fort et le faible, entre l’homme rusé et le pauvre idiot ?

Est-ce que l’un ne semble pas fait pour commander à l’autre, et celui qui a besoin de tutelles ne semble-t-il pas né pour obéir ?

Qui fera la loi ? Qui réglera les droits de l’un et de l’autre ?

Les plus forts et les plus intelligents feront toujours la loi et la feront dans l’intérêt de leurs passions, puisque le matérialisme doit légitimer toujours les passions.

Ainsi, après avoir combattu comme des brigands pour voler les riches, vous serez riches à votre tour et vous prendez vos mesures pour qu’on ne vous fasse pas ce que vous aurez fait aux autres ; et vous serez des tyrans pires que les premiers, vous demanderez votre sécurité à la force brutale qui est la seule puissante matérielle, et vous empêcherez le peuple de s’instruire afin qu’il ignore ses droits.

Voilà où vous conduisent fatalement l’athéisme et le matérialisme que vous invoquez comme des moyens d’affranchissement.

Telles ne sont pas les convictions des disciples du Christ et des apôtres de la communauté chrétienne.

Certes, nous ne voulons pas commencer par nous excommunier du progrès religieux de l’intelligence pour revendiquer nos droits à la fraternité universelle.

Nous n’avons plus à craindre la fourberie des mauvais prêtres, nous ne croyons plus à une révélation aristocratique confiée par miracles à des privilégiés.

Nous ne cherchons pas Dieu hors de l’humanité ; il est en nous et nous sommes en lui ; il se révèle dans le développement des deux facultés de notre âme : l’intelligence et l’amour. Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu, a dit le Sauveur.

Conçu par l’intelligence, son culte intérieur est la philosophie ; rêvé par l’amour, il s’appelle religion.

Or, la religion est une et multiple comme la pensée humaine, étendue jusqu’à l’infini par les aspirations de l’amour. Elle a germé dans l’humanité comme un arbre superbe qui a eu son développement et ses phases ; les fables gracieuses de l’Hellénisme ont été les fleurs de cet arbre chéri des poëtes, et les dogmes chrétiens en ont été les fruits.

Orphée, Confucius, Socrate, Platon ont été, comme Moïse et Jérémie, les précurseurs de l’Homme-Parfait, du Verbe incarné, de l’Homme-Dieu.

Pourquoi l’idée d’un Homme-Dieu rebuterait-elle votre raison ? Ne sommes-nous pas tous participants de l’Être de Dieu ! et pourquoi alors le chef et le modèle de l’humanité ne s’appellerait-il pas l’Homme-Dieu par excellence ?

Malheur à qui ne voit dans le progrès de la raison humaine resplendir le soleil de la vérité éternelle ! malheur à qui peut croire que l’humanité s’est trompée et que Dieu l’a laissée pendant des siècles courbée sous le joug de l’erreur !

Ne souriez pas des antiques honneurs de Jupiter, vous qui vénérez le décalogue de Jéhova !

Ne blasphémez pas le nom d’Apollon, vous qui adorez le Christ, car sous deux noms différents c’est le Logos de Platon et le Verbe des chrétiens !

Honte à ces Vandales dont le marteau menace encore nos basiliques, et qui, pour nos bibliothèques, rallument les flambeaux d’Omar !

Honte et flétrissure éternelle à ces prétendus communistes qui veulent exproprier l’humanité de son progrès et de son Dieu !

Gloire aux douces et riantes divinités de l’Olympe résumées dans le Dieu unique de Socrate, et de Jésus !

Gloire à la Vierge du catholicisme, ce symbole si plein de grâce et d’amour de la femme régénérée ! Gloire aux saints de la légende, ces mystiques personnifications des vertus spiritualistes ! Gloire au nom d’Église catholique, ce nom plein d’avenir qui veut dire association universelle !

À nous maintenant l’héritage des siècles, à la science de lever le voile des mystères. C’est l’intelligence et l’amour qui désormais feront les prêtres comme ils ont fait de tous temps les voyants et les prophètes !

À nous de réaliser maintenant la communion universelle, la communion de tout à tous et de tout à chacun !

Au nom du Christ et de ses apôtres, au nom de Platon et de ses disciples, au nom de Thomas Morus le martyr, au nom de tous les grands hommes du christianisme, faites cesser l’individualisme qui vous sépare. Comprenez bien que le mot propriété est l’opposé du mot communion, et que si la communion est le résumé de l’idée religieuse parce qu’elle réunit les hommes, l’appropriation est le principe constitutif du mal parce qu’elle les divise et les force à combattre les uns contre les autres.

Le ciel est une communion éternelle, l’enfer une propriété disputée éternellement.


  1. En ajoutant un x au mot Dieu, Flora voulait exprimer la pluralité dans l’unité. C’est l’Eloïm des Hébreux.