L’Émigré/Lettre 174
LETTRE CLXXIV.
à la
Comtesse de Longueil.
L’état de la malade est à peu près le même, depuis votre départ ; mais les forces diminuent sensiblement. La fièvre a pris à sa malheureuse mère, le Commandeur est tourmenté d’un cruel accès de goutte, et garde son lit bien malgré lui. Je serais seule auprès de la Comtesse, si la petite Charlotte, guidée par son cœur, n’avait tant fait qu’elle a obtenu la permission de se rendre ici. Elle a passé la nuit dernière, toute entière auprès de notre
amie, sans dormir un instant, toujours
debout ou à genoux auprès de son lit,
lui serrant les mains, pleurant avec
elle ; le Marquis avait bien raison de
dire que ce serait un charmant sujet.
Je suis obligée de monter et de descendre
sans cesse, pour donner des
nouvelles à la mère, au Commandeur.
Le docteur est revenu ici, peu après
votre départ, et y passera deux jours.
Il nous a donné quelquefois un peu
d’espérance ; mais il évite depuis son
retour de répondre à nos questions.
Ah ! Madame, je vois bien en noir.