P. F. Fauche et compagnie (Tome IIIp. 232-234).


LETTRE CXIV.

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La Cesse de Loewenstein
à
Melle Émilie de Wergentheim.


Le Marquis refuse, ma chère Émilie ; lisez la lettre de mon oncle que je joins ici, et tâchez d’excuser auprès de vos amis, un refus qui ne doit avoir rien d’étonnant à leurs yeux. Je juge d’eux par mon oncle qui ne désapprouve pas le Marquis. Croyez-vous, mon Émilie, que l’attachement du Marquis à son nom soit son véritable motif ? je suis tentée de le désirer, pour n’avoir pas à me reprocher d’être le principe de son malheur, si la fortune continue à le maltraiter, mais il a tant de justesse dans l’esprit, il est tellement supérieur aux illusions de la vanité, qu’il est bien difficile de croire qu’il ait pu mettre dans la balance la fortune, et quelques syllabes ; au reste il a des espérances très-fondées d’un sort passable ; son père vit, ses biens ne sont pas confisqués, et il doit lui faire passer des fonds considérables ; s’il n’a pas la grande fortune qui lui était assurée sans la Révolution, il aura de quoi se soutenir honorablement, et avec son nom, de la valeur, une bonne conduite, il n’est rien à quoi il ne puisse prétendre dans un pays on dans un autre. Puisse-t-il être heureux autant qu’il le mérite, c’est le vœu que je forme du plus profond de mon cœur, et c’est celui de tous ceux qui le connaissent ; vous en conviendrez, ma chère Émilie, et l’offre que lui a faite le comte d’Ermenstein en est la preuve. Que n’ai-je une sœur, mes parens la lui offriraient, et nous jouirions tous avec une extrême satisfaction de sa société. Adieu, ma chère amie.

P. S. Je rouvre ma lettre pour vous dire que le Marquis est venu ici, il y a une heure, et qu’il n’a parlé de rien. Ma mère a dit quelque chose d’indirect sur la proposition qui lui a été faite. et il a trouvé le moyen d’éluder la réponse, en détournant la conversation ; il a porté sur moi un regard de sensibilité qui m’a touchée et embarrassée.

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